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Référence : 2008CCI282

Date : 20080513

Dossiers : 2004-4087(IT)G

2004-4092(IT)G

ENTRE :

SEAN WALSH et

BRETT WALSH,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Avocat des appelants : Me Alan J. Lenczner, c.r.

Avocats de l’intimée : Mes Elizabeth Chasson et Louis L’Heureux

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience,

le 23 avril 2008, à Toronto (Ontario).

 

Le juge Miller

 

[1]     Après avoir interjeté les présents appels pour le compte de ses clients, Sean et Brett Walsh, Me Lenczner a demandé que les appels soient accueillis et que la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») soit annulée pour le motif que les actes de procédure ne soulèvent pas la question dont l’intimée veut maintenant me saisir sans l’avoir énoncée plus tôt. À l’appui de cette demande, les appelants se fondent sur les remarques que la Cour d’appel fédérale a faites dans les arrêts Pedwell[1] et Loewen[2].

 

[2]     Après avoir délibéré sur la question, j’ai décidé de procéder à l’instruction sans me prononcer sur la demande de Me Lenczner, mais en reportant plutôt cette décision à plus tard pour pouvoir entendre toute la preuve au fond. J’ai clairement informé les avocats que j’examinerais la demande de Me Lenczner à la fin de l’instruction. J’ai maintenant entendu la preuve du seul témoin, M. Brett Walsh, l’un des appelants. L’intimée n’a pas cité de témoins. Je suis maintenant prêt à examiner la demande de Me Lenczner dans le contexte de la décision portant sur l’appel en général.

 

[3]     Il convient de faire l’historique de l’affaire. Les appelants ont produit leurs déclarations pour 1996 en y indiquant qu’ils avaient chacun consenti un don de bienfaisance consistant en plusieurs centaines de milliers d’actions de Bresea Resources Ltd., dont la juste valeur marchande s’élevait à plus de neuf millions de dollars dans chaque cas, soit un montant de plus de 18 millions de dollars en tout. Le ministre a établi de nouvelles cotisations au mois de janvier 1999 en se fondant sur l’hypothèse voulant que le transfert d’actions n’avait pas eu lieu en 1996. C’est ce qui ressort clairement d’une lettre que l’Agence du revenu du Canada a envoyée à M. Brett Walsh le 14 janvier 1999. Cette lettre est en partie rédigée en ces termes :

 

[traduction]

La déclaration de revenus des particuliers pour 1996 comporte un reçu pour un don de bienfaisance de la Fondation Walsh au montant de 9 100 000 $. Ce montant représente le don de 650 000 actions de Bresea Resources Ltd. au prix de 14 $ l’action en faveur de la Fondation en 1996.

 

Toutefois, la déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés T3010 que la Fondation Walsh a présentée pour l’exercice ayant pris fin le 31 mars 1997 indique des « sommes à recouvrer de fondateurs, d’administrateurs, de fiduciaires [...] » de 18 690 000 $, ce qui signifie que les actions de Bresea Resources n’avaient pas en fait été reçues au 31 mars 1997.

 

Par conséquent, nous refusons la déduction des dons de bienfaisance au montant de 9 100 000 $ pour l’année 1996.

 

[4]     Les appelants ont fait opposition en temps opportun, en soutenant qu’ils avaient bel et bien consenti un don de bienfaisance en 1996, au montant qui avait été déduit. Plus de cinq ans plus tard, au mois de juin 2004, le ministre a ratifié la cotisation pour le motif [traduction] qu’« il n’y a[vait] pas eu de transfert volontaire de biens ».

 

[5]     Dans sa réponse à l’avis d’appel de Sean Walsh, l’intimée a émis cinq hypothèses qu’il vaut la peine de reproduire :

 

          [traduction]

a)      Le 18 novembre 1996 ou vers cette date, l’appelant a levé une option d’achat d’actions de Bresea Resources Ltd. (« Bresea »), et a ainsi acquis 850 000 actions ordinaires de Bresea;

 

b)      Pendant la période pertinente, l’appelant n’a pas donné ni transféré d’actions de Bresea à la Fondation;

 

c)      Subsidiairement, si l’appelant a donné ou transféré des actions ordinaires de Bresea à la Fondation, ce transfert n’a eu lieu qu’après le 31 mars 1997;

 

d)      La déclaration T3010 que la Fondation a présentée à l’égard de son année d’imposition qui a pris fin le 31 mars 1997 indiquait un montant de 18 690 000 $ au titre d’une « somme à recouvrer de fondateurs, d’administrateurs, d’employés, de membres, etc. »;

 

e)      Cette somme à recouvrer de 18 690 000 $ était composée d’une somme de 9 590 000 $ à recouvrer de l’appelant à l’égard d’un prétendu don de 685 000 actions du capital‑actions de Bresea, et d’une somme de 9 100 000 $ à recouvrer de Brett Walsh à l’égard d’un prétendu don de 650 000 actions du capital‑actions de Bresea.

 

[6]     Au paragraphe 5 de ses réponses, l’intimée a admis que les appelants avaient déclaré un don de bienfaisance, mais elle a nié le reste des faits allégués au paragraphe 2 des avis d’appel des appelants.

 

[7]     Au paragraphe 2 de l’avis d’appel de l’appelant Sean Walsh, il est déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

La demande a été faite par Sean Walsh dans sa déclaration T1 pour 1996, Sean Walsh ayant volontairement transféré à la Fondation Walsh 685 000 actions ordinaires de Bresea Resources Ltd., dont la juste valeur marchande était de 9 590 000 $, avant la fin de l’année d’imposition 1996.

 

[8]     Puis, au mois de mars 2008, il y a trois semaines, l’intimée a écrit ce qui suit à l’avocat des appelants :

 

[traduction]

L’intimée ne conteste plus que les appelants ont chacun consenti un don des actions du capital‑actions de Bresea Resources en faveur de la Fondation Walsh et que le don a été effectué au mois de décembre 1996, ce qui est conforme à la déclaration d’initié déposée auprès de la CVMO et ce qui est compatible avec la lettre de Gaston English se rapportant au don des actions en faveur de la Fondation Walsh.

 

À notre avis, le seul fait qui n’est pas encore réglé se rapporte au moment où le don a été effectué en 1996 et, par conséquent, à la juste valeur marchande des actions à ce moment‑là. Étant donné que les actions de Bresea étaient cotées en bourse, la date du don déterminera probablement la valeur des actions. Comme vous le savez, les appelants ont chacun plaidé que la juste valeur marchande des actions de Bresea au moment où le don a été effectué en faveur de la Fondation Walsh était de 9 100 000 $ (dans l’appel de Brett Walsh) et de 9 590 000 $ (dans l’appel de Sean Walsh). L’intimée a plaidé ne pas avoir eu connaissance de cette assertion et, cela étant, la valeur est encore en litige.

 

[9]     L’intimée n’a présenté aucune requête en vue de faire modifier ses actes de procédure. La position des appelants est simple : les hypothèses sur lesquelles le gouvernement s’est fondé n’existent plus. Les actes de procédure ne contiennent désormais aucune question sur laquelle j’ai à me prononcer. Les appelants se fondent sur l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu dans l’affaire Loewen. La Cour d’appel fédérale a bel et bien fait certaines remarques au sujet des actes de procédure, mais il semble que la décision rendue à l’égard de la requête ait été davantage fondée sur l’application du paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, sur lequel je reviendrai bientôt.

 

[10]    La Cour d’appel fédérale a de fait indiqué que la base d’imposition utilisée pour établir une cotisation est un fait historique. Je suis d’accord. Il ne m’est pas difficile de conclure que la nouvelle cotisation en l’espèce était fondée sur le fait que les dons n’avaient pas été effectués en 1996. La cotisation n’avait rien à voir avec l’évaluation des actions. La cotisation au montant de plus de deux millions de dollars qui a été établie au titre de l’impôt était fondée sur le fait qu’en 1996, aucun don n’avait été consenti. Le ministre soutient qu’il a simplement renoncé à une question et qu’il reste la question de l’évaluation, et il fait valoir qu’il a expressément nié que la valeur des actions était de neuf millions de dollars dans la dénégation figurant au paragraphe 5 de ses réponses, que j’ai lu. Avec égards, il n’y a rien dans les actes de procédure qui m’amènerait à conclure que la valeur était à quelque moment que ce soit contestée.

 

[11]    De fait, sur les cinq hypothèses émises par la Couronne, la dernière semble reconnaître qu’il y avait une somme à recouvrer de 18 millions de dollars à l’égard d’un [traduction] « prétendu don ». De toute évidence, il s’agissait de savoir s’il y avait eu un don en 1996. La Couronne semble tenir la valeur comme établie. Je ne suis pas convaincu que la dénégation générale figurant au paragraphe 5 des réponses l’emporte sur les hypothèses de la Couronne et fait en sorte que la valeur est encore en litige.

 

[12]    Toutefois, je suis convaincu que la question de la valeur ne constituait pas un fondement de la cotisation. Elle est devenue un point litigieux il y a trois semaines seulement. Auparavant, la valeur n’était tout simplement pas mise en question.

 

[13]    Où cela mène‑t‑il la Couronne? La Couronne soutient que les appelants doivent encore établir un droit au crédit d’impôt pour dons de bienfaisance en prouvant la valeur des dons, même si toutes les hypothèses qu’elle a émises s’avèrent inexactes. Comme l’avocat de la Couronne l’a signalé, que serait‑il arrivé si ce n’était qu’à l’instruction qu’il était devenu clair que la preuve montrait que les dons avaient été faits en 1996, mais à un moment où les actions cotées en bourse valaient moins de 18 millions de dollars? N’aurais‑je pas la latitude, en ma qualité de juge du procès, d’accueillir les appels, mais en rajustant la valeur à la baisse? Cela pourrait sembler équitable, mais je ne suis pas convaincu qu’il convienne de le faire. Est‑ce vraiment la façon dont les règles du jeu doivent être invoquées? Je n’en suis pas certain. Toutefois, je crois que c’est ici qu’il faut tenir compte du paragraphe 152(9). Comme on le sait, le paragraphe 152(9) a été édicté par suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Continental Bank[3]. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

152(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[14]    La Cour d’appel fédérale a traité de cette disposition dans l’arrêt connexe intitulé Walsh[4], où la Couronne cherchait à justifier au moyen d’un argument supplémentaire un montant qui correspondait exactement à la dette fiscale établie initialement.

 

[15]    Ce n’est pas ce qui s’est passé en l’espèce. La Couronne ne tente pas d’augmenter le montant de la cotisation en soulevant la question de la valeur, mais il ne s’agit certes pas de la même cotisation. Le montant de la cotisation en cause s’élève à plus de deux millions de dollars. Selon le nouveau fondement, la cotisation ne se serait élevée qu’à 135 000 $ dans le cas de M. Brett Walsh. Il ne s’agit tout simplement pas de la même cotisation.

 

[16]    Dans l’arrêt Walsh, la Cour d’appel fédérale a identifié trois conditions à remplir pour que le paragraphe 152(9) s’applique :

 

1)         Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

 

2)         Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

 

3)         Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

 

[17]    En ce qui concerne la première condition, le ministre essaie‑t‑il maintenant de tenir compte d’une transaction qui ne faisait pas partie de la base d’imposition utilisée pour établir la nouvelle cotisation? Le ministre peut être persuadé que le prétendu don se rapporte à la même transaction, et c’est ce qu’il dit. Pourtant, selon lui, la transaction n’a pas eu lieu du tout, c’est‑à‑dire qu’il n’y a pas eu de transaction, ou que la transaction a eu lieu en 1997. Ses actes de procédure n’étaient pas axés sur la transaction du mois de novembre ou du mois de décembre 1996. Je ne suis pas convaincu que la première condition soit remplie.

 

[18]    Selon moi, la deuxième condition est certainement remplie.

 

[19]    Mais qu’en est‑il de la troisième condition? Le ministre utilise‑t‑il le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation après l’expiration du délai imparti? Je crois que c’est exactement ce qu’il fait. Le ministre est tout simplement en retard. Il a disposé d’un délai de neuf ans pour corriger la situation et il ne l’a pas fait.

 

[20]    J’ajouterais au raisonnement que j’adopte au sujet du paragraphe 152(9) que, malgré la remarque que le juge Rothstein a faite dans l’arrêt Anchor Pointe[5], lorsqu’il a dit que le fait d’établir une distinction entre un nouveau fondement à l’appui d’une cotisation et un nouvel argument constitue un argument sémantique inutile, je crois que lorsque, comme en l’espèce, le nouveau fondement se rapporte à une cotisation qui est si fondamentalement différente de la nouvelle cotisation ici en cause, de la ratification et des actes de procédure, et qu’il entraîne une dette fiscale si différente, quoique moins élevée, l’application du paragraphe 152(9) ne peut pas et ne doit pas être déclenchée. J’ajouterais à ces circonstances le fait que, dans l’une de ses propres hypothèses, la Couronne a reconnu que la somme que la Fondation devait recouvrer était composée d’une somme de 9 590 000 $ à recouvrer de Sean Walsh et d’une somme de 9 100 000 $ à recouvrer de Brett Walsh, ce qui renforce mon opinion, à savoir qu’il ne s’agit pas ici d’un cas permettant à la Couronne d’invoquer le paragraphe 152(9). Le nouvel argument n’étaye pas la nouvelle cotisation en litige; or, cela constitue une exigence fondamentale pour que le paragraphe 152(9) entre en jeu.

 

[21]    L’affaire a maintenant fait l’objet d’une instruction. Cela importe‑t‑il? Je ne le crois pas. Une fois que l’appelant a réussi à me convaincre que le don a été consenti en 1996, cela devrait mettre fin à la poursuite judiciaire, et cela y met fin.

 

[22]    Je ne doute aucunement qu’il serait possible de rédiger un long traité au sujet des subtilités auxquelles donnent lieu les actes de procédure et de l’effet réciproque existant entre ceux‑ci et le paragraphe 152(9). Je laisserai à d’autres le soin de le faire. Si je prends du recul et si je considère la poursuite judiciaire d’une façon générale, je conclus simplement qu’elle ne portait pas sur la valeur des actions au mois de novembre ou de décembre 1996. Dans un système contradictoire, la Loi et les Règles garantissent une lutte équitable, une lutte dans laquelle aucune des deux parties n’est prise au piège ou par surprise, mais où les deux parties connaissent la preuve à réfuter, sont au courant de ce à quoi il faut s’attendre, et peuvent faire progresser l’affaire d’une façon efficace et rapide jusqu’à ce que la cour entende la question à laquelle elles font face. Ni la Loi ni les Règles ne visent à permettre à une partie de rompre les règles du jeu, et encore moins de les modifier, douze ans après la conclusion des transactions ayant donné lieu à la poursuite et neuf ans après que le fondement de la cotisation a été établi.

 

[23]    Je suis d’accord avec Me Lenczner lorsqu’il dit qu’il faut donc annuler la cotisation.

 

[24]    J’aimerais faire certaines remarques supplémentaires. Si j’avais eu à décider si le don a eu lieu le 4 décembre 1996, comme la Couronne l’allègue, lorsque les actions valaient moins de 14 $ chacune, j’aurais fait les remarques suivantes.

 

[25]    Premièrement, je ne suis pas d’accord avec l’intimée lorsqu’elle affirme qu’il incombe aux appelants de prouver la valeur du don. Comme il en a été fait mention, il s’agit d’un fondement tout à fait nouveau à l’égard de la cotisation, au point qu’à mon avis, il s’agit d’une nouvelle cotisation, d’une cotisation qui n’a pas été invoquée dans les actes de procédure. Cela étant, je crois qu’il incombe à l’intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que lorsque le don a été fait, les actions valaient moins de 14 $, soit le montant allégué par les appelants. Il est clair que la valeur, au moment où le don a été consenti, est facile à déterminer puisque ces actions étaient cotées en bourse. L’intimée doit prouver la date à laquelle le don a été consenti. L’intimée affirme que c’était le 4 décembre 1996. Cependant, elle n’a pas cité de témoins, que ce soit le courtier qui s’était occupé de la transaction ou le fiduciaire de la Fondation; elle n’a cité personne, mais elle se fonde entièrement sur les documents qui ont été produits en preuve par l’entremise de l’un des appelants. Selon la preuve qu’il a présentée, cet appelant a donné les actions de Bresea à l’organisme de bienfaisance le 21 novembre 1996, lorsqu’il a appelé son courtier pour demander à celui‑ci qu’il transfère à la Fondation les actions de Bresea que son frère et lui‑même détenaient respectivement. Lors de la même conversation, il a dit à M. English de vendre le reste de leurs actions pour financer les coûts de la transaction. Les bordereaux de courtage soumis en preuve indiquaient que ces ventes avaient commencé le 21 novembre 1996. Ces faits ne sont pas contestés.

 

[26]    Sur quoi l’intimée s’est‑elle fondée pour prouver que le don avait eu lieu le 4 décembre? L’intimée s’est principalement fondée sur les documents qui se trouvaient dans le registre des procès‑verbaux de la Fondation et plus précisément : premièrement, sur les résolutions d’avocats d’une fiducie en veilleuse datées du 4 décembre, désignant les frères Walsh à titre d’administrateurs; deuxièmement, sur une résolution non datée par laquelle les frères Walsh se déclaraient membres de la Fondation, résolution sur laquelle était mentionné le mois de décembre; troisièmement, sur des consentements, encore une fois non datés, par lesquels les frères Walsh acceptaient d’agir comme administrateurs, et sur lesquels était mentionné le mois de décembre 1996.

 

[27]    Ces documents constituent l’aboutissement du processus que les frères Walsh avaient entamé au mois d’octobre. M. Brett Walsh a clairement dit que, malgré les résolutions, il croyait que la fiducie en veilleuse acquise du cabinet d’avocats d’Ottawa était effectivement assujettie au contrôle de la famille Walsh au mois de novembre.

 

[28]    Quatrièmement, l’intimée s’est fondée sur une résolution de la Fondation datée du 4 décembre, autorisant le cabinet de M. English, Montreal Bonds, à ouvrir un compte au nom de la Fondation. Encore une fois, je suis convaincu que M. Walsh donnait à M. English des instructions verbales, bien avant que cette résolution d’ordre administratif soit adoptée. Quoi qu’il en soit, en quoi les documents établis aux fins du transfert de la Fondation en veilleuse à la famille Walsh ont‑ils de l’importance? La Fondation existait sans aucun doute bien avant le mois de décembre 1996, et les Walsh la considéraient comme leur appartenant dès le mois d’octobre ou dès le mois de novembre. Les dates indiquées dans ces résolutions ne me font pas changer d’idée. Il s’agit de savoir à quel moment le don a été consenti à la Fondation, et non à quel moment les administrateurs ou les membres ont assumé leur rôle au sein de la Fondation.

 

[29]    L’intimée se fonde également sur une déclaration d’initié signée par le père des appelants, feu David Walsh, laquelle indique que la Fondation a acquis les actions de Bresea au mois de décembre 1996, le jour étant encore une fois laissé en blanc. M. Brett Walsh a témoigné qu’il s’agissait simplement d’une erreur. Le fait qu’aucun jour n’a été inscrit dans ce document laisse planer un doute au sujet de sa véracité générale. Il n’a pas beaucoup de force probante.

 

[30]    Enfin, l’intimée fait valoir que les avis d’appel des appelants ainsi que les réponses que M. Brett Walsh a données par écrit lors de l’interrogatoire confirment que le don avait été effectué au mois de décembre 1996. Je n’accorde aucun poids à ces déclarations étant donné qu’elles ont été faites dans le contexte d’une poursuite judiciaire dans laquelle il s’agissait uniquement de savoir si le don avait eu lieu en 1996, et non de savoir à quel moment le don avait été consenti en 1996. Il n’est pas acceptable pour l’intimée de signaler maintenant quelque chose aux appelants – et je ne veux pas me montrer injuste – en disant : « Ah! ah! vous avez vous‑mêmes dit dans vos réponses que c’était en décembre 1996. » Cela montre à mes yeux pourquoi on ne saurait permettre à l’intimée de changer d’idée et de tenter de présenter une nouvelle cotisation à l’instruction, ce qui ne ferait que déformer les procédures antérieures. En somme, je n’accorde aucune importance aux avis d’appel ni aux réponses des appelants lorsqu’il s’agit de décider si le don a eu lieu au mois de décembre.

 

[31]    Je conclus que l’intimée n’a pas satisfait à l’obligation qui lui incombait de prouver que le don avait eu lieu le 4 décembre 1996. La conjecture que l’intimée a faite, en se fondant sur ces documents, n’est corroborée par aucun témoignage – aucun témoin n’a été cité sur ce point – et elle va à l’encontre de la déposition de la seule personne qui a témoigné et qui a fourni une preuve non contredite au sujet du moment où les événements s’étaient produits.

 

[32]    Je suis convaincu que les frères Walsh voulaient acquérir les actions de Bresea en levant leurs options, en vendant suffisamment d’actions pour couvrir les coûts et la dette fiscale résultant de l’opération et en donnant le reste à une fondation, le tout dans le cadre d’une seule transaction. Ils avaient l’intention de le faire dès le mois d’octobre et ils ont pris des mesures suffisantes pour faire en sorte que cela se produise au mois de novembre 1996, d’une manière qui constituait un don à ce moment‑là.

 

[33]    Pour qu’il y ait un don entre vifs, il doit exister une intention de donner, une acceptation et une livraison suffisante. Selon la position prise par l’intimée, il n’y aurait pas pu y avoir acceptation ou livraison au mois de novembre puisque les résolutions de la Fondation autorisant le mandataire à agir n’étaient datées que du mois de décembre. Je soupèse cet argument par rapport au témoignage de M. Walsh, qui a déclaré avoir donné des instructions au mandataire le 21 novembre, et je conclus que la position de l’intimée n’est pas convaincante.

 

[34]    Je soupçonne que si les parties avaient su au cours des neuf dernières années que l’affaire porterait sur la question de savoir si le don avait eu lieu le 21 novembre ou le 6 décembre, où à un moment donné entre ces deux dates, l’affaire serait depuis longtemps réglée. Je soupçonne également qui si tel avait été le point litigieux, et si l’affaire avait fait l’objet d’une instruction, on aurait veillé avec beaucoup plus de soin – et je dis cela sans vouloir manquer de respect – à produire une preuve corroborante. Étant donné la façon dont les événements se sont déroulés, cela n’est tout simplement pas arrivé. Cela renforce encore une fois mon point de vue, à savoir que l’intimée ne doit pas être autorisée à invoquer le paragraphe 152(9) pour établir ce qui serait dans les faits une nouvelle cotisation.

 

[35]    Pour ces motifs, les appels sont accueillis et les cotisations sont annulées, les dépens étant adjugés aux appelants.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 2008.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge J. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI282

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-4087(IT)G et 2004-4092(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Sean Walsh et Brett Walsh

                                                          et

                                                          La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 30 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Alan J. Lenczner, c.r.

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Louis L’Heureux

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                             Nom :                    Alan J. Lenczner, c.r.

 

                            Cabinet :                Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Pedwell c. Canada, [2000] 4 C.F. 616 (C.A.).

 

[2]           Loewen v. R., [2004] 3 C.T.C. 6 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée, 2004 CarswellNat 5843 (C.S.C.).

[3]            Continental Bank of Canada c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 358.

 

[4]           Walsh c. R., 2007 CAF 222, [2007] 4 C.T.C. 73.

[5]               Sa Majesté la Reine c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294.

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