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Dossier : 2008-51(IT)I

ENTRE :

JULES LÉONARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 12 mai 2008, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

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JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2006 est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2008CCI321

Date : 20080617

Dossier : 2008-51(IT)I

ENTRE :

JULES LÉONARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit d’un appel d’une nouvelle cotisation datée du 9 octobre 2007 relative à l’année d’imposition 2006. Après l’opposition de l’appelant, la valeur de l’avantage qui lui a été attribuée a été réduite de 7 940 $ à 6 163 $, comme l’indique la nouvelle cotisation.

 

[2]              La question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a correctement ajouté le montant de 6 163 $ au revenu d’emploi de l’appelant pour l’année d’imposition 2006.

 

[3]              Pour établir la nouvelle cotisation à l’égard de ladite année d’imposition 2006, le ministre a tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

 

a)      L’appelant est pilote d’hélicoptère;

 

b)      Au cours de l’année d’imposition en litige, l’appelant était au service de la société Airborne Energy Solutions Ltd;

 

c)      L’appelant était lié à Airborne Energy Solutions Ltd. par un contrat de travail permanent;

 

d)      L’appelant travaillait en Alberta selon un horaire de travail de 28 jours de travail suivi de 14 jours de congé;

 

e)      L’appelant a conservé sa résidence dans la municipalité de Lévis au Québec;

 

f)        Lors de ses périodes de congé, l’appelant revenait au Québec;

 

g)      Les frais de voyagement aérien étaient payés par l’employeur de l’appelant conformément au contrat d’emploi de celui-ci;

 

h)      Suite à l’opposition de l’appelant, le Ministre a émis une nouvelle cotisation afin de réduire l’avantage de 1 777 $ pour tenir compte de l’aller vers l’Alberta lors de l’engagement de l’appelant et de son retour au Québec à la fin de son contrat d’emploi;

 

i)        Les frais de voyagement aérien relatifs aux congés de l’appelant en cours d’emploi s’élevaient à 6 163 $ pour l’année d’imposition en litige.

 

[4]              Après avoir prêté serment, l’appelant a admis les alinéas 5 a) à g) inclusivement. Le litige porte sur l’interprétation de certains faits.

 

[5]              L’appelant a affirmé qu’il n’avait jamais reçu le montant de 6 163 $, soit en argent, soit par chèques.

 

[6]              Il a également affirmé qu’il exécutait son travail à un « chantier particulier » au sens de la loi et à différentes endroits.

 

[7]              Finalement, l’appelant a soutenu avoir fait l’objet d’une absence totale de collaboration de son employeur; ce dernier aurait fait de fausses affirmations quant à la nature et aux modalités de son travail dans le formulaire TD-4, « Déclaration d’exemption-emploi sur un chantier particulier ».

 

[8]              L’appelant a expliqué qu’il pilotait un hélicoptère à des endroits touchés par des incendies de forêt, généralement pour des périodes ininterrompues de 28 jours consécutifs, après quoi il avait 14 jours de congé.

 

[9]              Lors des congés, il quittait l’Alberta pour revenir chez lui, à sa résidence à Lévis, au Québec.

 

[10]         À la fin de son congé de 14 jours, il retournait en Alberta pour travailler de nouveau 28 jours consécutifs. Il travaillait à différents endroits pendant différentes périodes, selon les instructions de son employeur.

 

[11]         Le travail et les conditions de son exécution étaient prévus d’une manière très détaillée dans un contrat entrant en vigueur le 21 mars 2006, pour une période indéterminée, et qui a été produit sous la cote I‑1.

 

[12]         Dans son avis d’appel en date du 2 janvier 2008, l’appelant a très longuement (5 pages) décrit les raisons de sa contestation. Tout comme son témoignage, l’avis d’appel de l’appelant fait référence aux mêmes articles, bulletins d’interprétation et formulaires que ceux qui furent utilisés par le ministre pour expliquer la cotisation dont il fait appel, tel qu’il appert dans l’avis d’appel très détaillé.

 

[13]         L’appelant conteste la nouvelle cotisation en occultant complètement de son analyse la réalité que sa résidence était bel et bien située à Lévis, au Québec.

 

[14]         D’ailleurs, son avis d’appel traite spécifiquement de cette question sous le titre, « Lieu principal de résidence », dont le contenu est tout à fait exact.

 

[15]         L’appelant ne conteste aucunement le contenu de son contrat de travail, lequel est d’ailleurs tout aussi détaillé quant aux éléments qui doivent être pris en considération pour l’évaluation du bien‑fondé de la cotisation dont il est fait appel.

 

[16]         L’appelant aurait voulu que l’employeur complète le formulaire TD‑4 non pas en fonction du contrat, comme l’employeur devait de le faire, mais en fonction de sa compréhension et son interprétation non conformes au contrat de travail.

 

[17]         Or, selon l’appelant, le fait qu’il devait se déplacer d’un site à un autre faisait en sorte qu’il s’agissait d’un emploi exercé à un endroit temporaire sur un chantier particulier.

 

[18]         En d’autres termes, l’appelant voudrait avoir les mêmes droits qu’un travailleur spécialisé qui se déplace souvent de sa résidence, ce qui, en fait, lui a été accordé d’une manière non équivoque.

 

[19]         Ce qui lui a été refusé est essentiellement l’avantage découlant des déplacements de sa résidence principale à Lévis à une autre province où il recevait des directives de se rendre à différents endroits de manière temporaire pour aider à combattre des incendies de forêt.

 

[20]         Dans son raisonnement, l’appelant refuse manifestement de tenir compte du fait que les déplacements entre sa résidence et la province où il recevait ses directives constituaient une dépense personnelle et que le remboursement de ces frais par son employeur constituait un avantage imposable.

 

[21]         Au moment où l’appelant s’est vu offrir un travail par la société Airborne Energy Solutions Ltd., il avait l’option de demeurer au Québec et de faire la navette entre le Québec et l’Alberta ou de résider en Alberta, peu importe l’endroit, durant la période pendant laquelle il ne travaillait pas, c’est-à-dire pendant les 14 jours de congé. S’il avait fait le deuxième choix, l’appelant n’aurait fait l’objet d’aucune cotisation et ses déplacements de sa résidence albertaine aux différents chantiers auraient été payés par l’employeur sans que cela ne soit un avantage.

 

[22]         Il a cependant écarté ce choix et a choisi de retourner à sa résidence au Québec pendant les congés de 14 jours. Or, les coûts liés aux déplacements entre l’Alberta et le Québec sont incontestablement des dépenses de nature personnelle.

 

[23]         Le fait que l’appelant n’ait jamais reçu de chèque, d’argent ou de remboursement n’a strictement rien à voir avec le bien‑fondé de l’avantage. En l’espèce, il semble que le billet d’avion était réservé et payé directement par son employeur, ce qui en soi n’est pas suffisant pour conclure que le montant payé par l’employeur n’est pas imposable.

 

[24]         L’appelant s’en est pris à la mention « Worksite was NOT temporary, this was employees place of work » (pièce I-2); selon l’appelant, il s’agissait là d’une mention mensongère et tout à fait non conforme à la réalité, ce qui l’amène à conclure que son employeur avait manifestement agi de mauvaise foi.

 

[25]         Or, la mention en question est tout à fait conforme au contenu de son contrat de travail, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, l’appelant admettant d’ailleurs la conformité du contrat avec l’entente.

 

[26]         À titre d’exemple additionnel, je pense à une personne dont la résidence serait à Lévis et qui obtiendrait un travail régulier auprès d’une entreprise ontarienne qui exécute du travail aux quatre coins de la province de l’Ontario.

 

[27]         Si l’employeur ontarien décide de payer le coût de transport de notre bonhomme de l’Ontario à Lévis, au Québec, toutes les fins de semaine, il s’agit là d’un avantage imposable et ce, même si la personne ne débourse rien, l’employeur payant le train, l’autobus, l’avion ou la voiture de location.

 

 

[28]         En l’espèce, l’appelant a choisi de garder sa résidence principale à Lévis, au Québec, et d’y revenir tous les 28 jours. Il s’agit là d’un choix personnel dont la légitimité n’est pas en cause. Par contre, ce choix mène à des conséquences qu’il doit accepter. S’il avait choisi de louer un appartement à un endroit quelconque en Alberta, son employeur aurait dû assumer les frais de déplacement liés au changement de chantier sans que cela constitue un avantage, puisqu’il se serait alors agi d’une dépense effectuée pour le travail. Par contre, les déplacements entre l’Alberta et le Québec étaient de nature essentiellement personnelle. D’ailleurs le litige ne porte aucunement sur les dépenses relatives aux déplacements d’un incendie à un autre; ce sont-là des dépenses qui ne sont pas de nature personnelle.

 

[29]         Les frais de déplacement des pilotes d’avion de ligne, les motels, les taxis et les repas font partie des dépenses assumées par l’employeur, mais les dépenses liées aux déplacements des pilotes pour se rendre à l’aéroport de leur résidence principale sont des dépenses personnelles. Si l’employeur les assume, il s’agit là d’un avantage imposable au même titre que l’automobile fournie à un employé.

 

[30]         Pour toutes ces raisons, il appert de la preuve que la nouvelle cotisation était manifestement justifiée, et l’appel doit être rejeté.

 

[31]         Après l’opposition à la nouvelle cotisation, l’intimée a réduit l’avantage imposable du montant équivalent à un aller-retour, ce qui constitue un déboursé normal, approprié et légitime lorsqu’une personne quitte une province ou une région pour travailler ailleurs en raison d’un contrat de travail.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2008.

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI321

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-51(IT) I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JULES LÉONARD ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 12 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 17 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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