Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2007-3413(IT)I

ENTRE :

THÉRÈSE POTVIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 28 février 2008, à Québec (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jérôme Théberge

 

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

 

          L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999 et 2000 est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2008CCI319

Date : 20080617

Dossier: 2007-3413(IT)I

 

ENTRE :

THÉRÈSE POTVIN,

appelante,

Et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

[1]     Il s’agit de l’appel de cotisations ratifiées le 24 avril 2007. En vertu des nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté au revenu de l’appelante pour chacune des années d’imposition 1999 et 2000 la somme de 10 839 $ à titre d’avantage imposable que lui a accordée la société « Les Excavations T. Potvin inc. », dont elle était actionnaire.

 

[2]     Pour établir et ratifier les nouvelles cotisations datées du 3 septembre 2002 pour les années d’imposition 1999 et 2000, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants :

 

a)      suite à la réception de documents du ministère du Revenu du Québec, à l’égard des années d’imposition 1999 et 2000 et à l’encontre de l’appelante, le ministre procéda, à son tour, à une vérification restreinte pour les dites années d’imposition;

 

b)      Le 18 juillet 2002, le ministre envoya par écrit à l’appelante un projet de redressements, à l’égard des années d’imposition 1999 et 2000 :

 

                                               1999               2000

 

i)      Avantages imposables reçus à titre

d’actionnaire de la société

« Les Excavations T. Potvin inc. »                     10 839 $      10 839 $

 

c)      à l’étape des oppositions, les faits suivants furent confirmés :

 

i)                    l’appelante est l’unique actionnaire de la société « Les Excavations T. Potvin inc. » pendant la période en litige,

 

ii)                   le 27 novembre 1996, la société « Les Excavations T. Potvin inc. » a procédé à l’achat d’un véhicule de type « Pick Up »,

 

iii)                 la société « Les Excavations T. Potvin inc. » a mis à la disposition de monsieur Fernand Potvin, conjoint de l’appelante, ledit véhicule à des fins personnelles au cours de la période en litige;

 

d)      à l’étape des oppositions, le ministre a jugé bon d’attendre la décision des oppositions du Québec ainsi que l’expiration des délais de recours ultérieurs;

 

e)      suite à la réception du mémoire des oppositions de Revenu Québec, du jugement de la Cour du Québec, division des petites créances, et du jugement de la Cour supérieure du Québec, le ministre maintenait les avantages imposables déjà établis.

 

 

[3]     La question en litige est de savoir si la somme de 10 839 $ fut correctement ajoutée au revenu de l’appelante à l’égard de chacune des années d’imposition 1999 et 2000 à titre d’avantage qui lui a été accordé en tant qu’actionnaire de la société « Les Excavations T. Potvin inc. ».

 

[4]     Seul monsieur Fernand Potvin, conjoint de l’appelante, a témoigné. Il a expliqué être marié à l’appelante depuis plusieurs années.

 

[5]     Après avoir détenu 5 % du capital-actions de la société « Les Excavations T. Potvin inc. », il a vendu ses actions en 1998 pour des raisons qu’il a décrites comme étant personnelles.

 

[6]     Tant avant qu’après la vente de ses actions, Fernand Potvin a toujours agi comme responsable des activités de la société; il s’est d’ailleurs décrit comme étant secrétaire, administrateur et gérant.

 

[7]     Il a expliqué que même si l’appelante était l’unique actionnaire de la société, elle ne faisait que répondre au téléphone et lui transmettre le contenu des appels lorsque cela était nécessaire. En d’autres termes, il a expliqué avoir toujours été l’âme dirigeante de la société.

 

[8]     Il a expliqué que la société, pendant les années d’imposition en litige, avait cessé ses activités courantes et qu’à compter de 1999, il avait travaillé essentiellement à fermer les dossiers en suspens tout en gardant alors sa qualité d’employé à titre de secrétaire et de gérant.

 

[9]     Auparavant, il était responsable de l’ensemble des activités de l’entreprise; il exécutait toutes les tâches requises pour l’exploitation, dont celles d’opérateur des divers appareils. En 1999, il a reçu un salaire de 2 400 $ pour son travail, qui consistait à faire le nécessaire pour fermer tous les dossiers.

 

[10]    L’entreprise était propriétaire d’un camion que le conjoint de l’appelante utilisait pour son travail.

 

[11]    Il a expliqué avoir utilisé le camion en question pour les activités de la société. Il l’utilisait pour son travail comme secrétaire et gérant. Il n’avait pas à demander de permission ni d’autorisation pour utiliser le véhicule, puisqu’il était totalement autonome quant à l’utilisation dudit véhicule.

 

[12]    Il a également expliqué qu’il était le seul à utiliser le véhicule à l’origine de la cotisation. Sa conjointe avait une autre auto à sa disposition pendant la période en cause validant ainsi qu’il était le seul utilisateur du camion.

 

[13]    Les faits ne sont en aucune façon contestés. Le litige consiste essentiellement à déterminer si l’avantage aurait dû être imputé à monsieur Potvin plutôt qu’à l’appelante, notamment parce qu’il était l’employé de la société.

 

[14]    Puisque monsieur Potvin n’est pas partie à la présente cause, je dois déterminer si l’appelante devrait faire l’objet d’une cotisation en vertu du paragraphe 15(1) ou, comme elle le soutient, en vertu de l’alinéa 6(1)e).

 

[15]    L’appelante reconnaît qu’il aurait pu en être tout autrement si son époux n’avait pas travaillé pour la société. L’appelante a aussi soutenu que les dispositions qui constituent les fondements de la cotisation permettraient la double imposition si les prétentions du ministre étaient retenues.

 

[16]    En effet, selon l’appelante, le ministre pourrait tantôt imputer le revenu à l’actionnaire comme en l’espèce, tantôt au salarié, et tantôt aux deux.  Elle soutient qu’il y a là quelque chose d’inacceptable et de déraisonnable au point que la cotisation doit être annulée.

 

[17]    De son côté, l’intimée a essentiellement soutenu que les cotisations avaient été établies conformément aux dispositions de la Loi et qu’elles étaient bien fondées en fait et en droit.

 

[18]    Le bien-fondé de la cotisation établie par Revenu Québec a été confirmé dans l’affaire Potvin c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006 QCCQ 1588, au par. 7, (il est à noter que cette décision a été confirmée par la Cour supérieure du Québec : 2007 QCCS 1178); en effet, le juge Bécu de la Cour du Québec, saisi du dossier en appel, a mentionné dans sa décision liée à l’affaire que :

 

Monsieur Potvin n’a pas ajouté la valeur de ces avantages à ses revenus de 1999 et 2000, ouvrant la porte à l’intimé de les ajouter aux revenus de l’appelante, une actionnaire d’Excavations, et avec qui monsieur Potvin est une personne liée.

 

[19]    Je ne suis évidemment pas lié par les décisions de la Cour du Québec, d’autant plus que la Loi en question n’est pas la même, et cela, bien que de nombreuses dispositions soient semblables.

 

[20]    Pour ajouter au revenu d’un actionnaire un avantage conféré à une personne qui lui est liée, il est impératif de tenir compte des conditions prévues dans la Loi.

 

[21]    Le paragraphe 15(1) et l’article 6 de la Loi sont les dispositions prévues par le législateur en la présente matière.

 

[22]    En théorie, il peut y avoir triple imposition puisqu’une imposition sous le paragraphe 15(1) engendre habituellement une double imposition à elle seule en imposant un montant qui ne peut normalement pas être déduit par la société en raison du fait que la société n’a pas fait la dépense en vue de tirer un revenu, comme l’exige l’alinéa 18(1)a). D’autre part, il pourrait aussi être loisible au ministre d’imposer simultanément un avantage en vertu de l’article 6, ce qui donnerait lieu à une triple imposition.

 

[23]    En spéculant, la situation pourrait, encore là, devenir assez loufoque; imaginons l’exemple où deux époux seraient à la fois actionnaires et employés d’une société.  L’avantage de chacun pourrait ainsi être imposé en vertu de la Loi quand, en fait, un seul avantage aurait été conféré.  Ceci résulterait du fait que l’on pourrait établir de l’impôt à l’égard de chaque époux en vertu du paragraphe 15(1) et en vertu de l’article 6. 

 

[24]    L’intimée réfère à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Massicotte c. R., 2008 CAF 60, 2008 CarswellNat 334, pour justifier sa cotisation; selon l’interprétation du ministre, il lui est loisible d’ajouter le montant soit au revenu de l’appelante en vertu du paragraphe 15(1), soit à celui de son mari en vertu de l’article 6.

 

[25]    Les conditions d’application de l’article 15 et de l’article 6 ne sont pas identiques.

 

[26]    Les dispositions pertinentes de la Loi quant aux avantages accordés à un actionnaire et ceux accordés à un employé pour l’usage d’une automobile sont les suivantes :

 

6.(1) Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi

 

Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

e) Frais pour droit d'usage d'une automobile lorsque son employeur ou une personne liée à son employeur a mis au cours de l'année une automobile à sa disposition (ou à la disposition d'une personne qui lui est liée), l'excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

 

(i) la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage de l'automobile pendant le nombre de jours de l'année où elle était ainsi à sa disposition,

 

(ii) le total des sommes dont chacune représente une somme (autre qu'une dépense liée au fonctionnement de l'automobile) payée au cours de l'année à l'employeur ou à la personne liée à l'employeur par le contribuable ou par la personne qui lui est liée pour l'usage de l'automobile;

[…]

 

k) Avantage relatif au fonctionnement d'une automobile lorsqu'une somme est déterminée en application du sous-alinéa e)(i) relativement à une automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, qu'un montant au titre du fonctionnement de l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) pour la ou les périodes de l'année au cours desquelles l'automobile a été mise à sa disposition ou à la disposition d'une personne qui lui est liée est payé ou payable par l'employeur du contribuable ou par une personne liée à cet employeur (l'employeur et cette personne étant appelés « payeur » au présent alinéa) et que le total des montants ainsi payés ou payables n'est pas versé au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée, le montant lié au fonctionnement de l'automobile, qui correspond au résultat du calcul suivant :

A - B

où :

            A représente :

                  (i) dans le cas où l'automobile sert principalement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable au cours de la ou des périodes en question et où le contribuable avise son employeur, par écrit, avant la fin de l'année de son intention de se prévaloir du présent sous-alinéa, la moitié de la somme déterminée en application du sous-alinéa e)(i) relativement à l'automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année,

 

(ii) dans les autres cas, le produit de la multiplication du montant prescrit pour l'année par le nombre total de kilomètres parcourus par l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) au cours de la ou des périodes en question;

           

B le total des montants relatifs au fonctionnement de l'automobile au cours         de l'année versés au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée;

 

[…]

 

            (2) Frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile Pour l'application de l'alinéa (1)e), la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile pendant le nombre total de jours d'une année d'imposition durant lesquels l'employeur d'un contribuable ou une personne liée à l'employeur a mis l'automobile à la disposition du contribuable ou d'une personne qui lui est liée est réputée égale au montant calculé selon la formule suivante :

           

A/B × [2 % × (C × D) + 2/3 × (E - F)]

           

où :

           

A représente le moins élevé des éléments suivants :

 

a)   le nombre de kilomètres parcourus par l'automobile, autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable, pendant le nombre de jours ci-dessus;

 

b)   le montant représenté par l’élément B;

 

toutefois, le nombre visé à l’alinéa a) est réputé au montant représenté par l’élément B, sauf si l’employeur ou la personne liée à celui-ci exige du contribuable qu’il utilise l’automobile dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi et si la totalité, ou presque, de la distance parcourue par l’automobile pendant le nombre de jours ci-dessus est parcourue dans l’accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi;

           

B   le produit de 1 000 par le quotient de la division, par 30, du nombre de jours ci-dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

 

C    le coût de l'automobile pour l'employeur ou pour la personne qui lui est liée si l'un ou l'autre est propriétaire de l'automobile à un moment de l'année;

 

D    le quotient de la division, par 30, du nombre de jours où l'employeur ou la personne qui lui est liée est propriétaire de l'automobile, compris dans le nombre total de jours ci-dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

 

E    le total des montants qu'il est raisonnable de considérer comme payables à un bailleur par l'employeur ou par la personne qui lui est liée, pour la location de l'automobile, pendant le nombre de jours où l'automobile est louée à l'employeur ou à la personne qui lui est liée, compris dans le nombre total de jours ci-dessus;

 

F    la partie du total représenté par l'élément E qu'il est raisonnable de considérer comme payable au bailleur au titre de tout ou partie du coût, pour celui-ci, de l'assurance :

 

       a) contre la perte de l'automobile ou les dommages à celle-ci;

      

b) pour la responsabilité qui peut découler de son utilisation ou de son fonctionnement.

      

15.(1) Avantages aux actionnaires La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l'article 84 constituer un dividende si cet avantage est conféré autrement que :

 

a) par la réduction du capital versé, le rachat, l'annulation ou l'acquisition, par la société, d'actions de son capital-actions ou à l'occasion de la liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise, ou par une opération à laquelle l'article 88 s'applique;

      

b)   par le paiement d'un dividende ou d'un dividende en actions;

      

c) par l'octroi à tous les propriétaires d'actions ordinaires du capital‑actions de la société à ce moment d'un droit, relatif à chaque action ordinaire et identique à chacun des autres droits conférés à ce moment relativement à chacune des autres semblables actions, d'acquérir d'autres actions du capital-actions de la société; pour l'application du présent alinéa :

 

(i) les actions ordinaires d'une catégorie donnée du capital-actions d'une société sont réputées être identiques aux actions ordinaires d'une autre catégorie du capital-actions de la société dans le cas où, à la fois :

 

(A) les droits de vote rattachés à la catégorie donnée d'actions diffèrent de ceux rattachés à l'autre catégorie d'actions,

 

(B) les modalités des catégories d'actions ne présentent pas d'autres différences qui pourraient donner lieu à un important écart entre la juste valeur marchande d'une action de la catégorie donnée et la juste valeur marchande d'une action de l'autre catégorie,

 

(ii) des droits ne sont pas considérés comme identiques si leur coût d'acquisition diffère;

 

d) par une opération visée à l'alinéa 84(1)c.1), c.2) ou c.3).

 

[…]

            (5) Avantage relatif à l'utilisation d'une automobile Pour l'application du paragraphe (1), la valeur de l'avantage à inclure dans le calcul du revenu    d'un actionnaire pour une année d'imposition, à l'égard d'une automobile mise à sa disposition, ou à celle d'une personne qui lui est liée, par une société est, sauf si un montant est déterminé en application du sous‑alinéa 6(1)e)(i) à l'égard de l'automobile dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année, calculée à supposer que les paragraphes 6(1), (1.1), (2) et (7) s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, et comme si la mention, à ces paragraphes, de « l'employeur » ou de « son employeur », selon le cas, valait mention de « la société ».

 

 

[27]    La question de savoir si le véhicule à l’origine de la cotisation était une « automobile » n’a pas fait l’objet de débat; en conséquence, je tiens ce fait pour acquis.

 

[28]    De plus, l’avantage a été conféré au conjoint de l’appelante, monsieur Potvin, et la valeur de cet avantage n’a pas fait l’objet de contestation.

 

[29]    Il ne semble pas y avoir de jurisprudence en droit fiscal fédéral spécifiquement sur les critères à utiliser dans une situation comme celle en l’espèce, c’est-à-dire lorsque la personne liée à l’actionnaire est aussi un employé de la société.

 

[30]    Néanmoins, je crois que la jurisprudence relative aux actionnaires qui sont aussi des employés d’une société peut nous éclairer sur la question de la personne qui devrait payer de l’impôt dans une situation comme cela en l’espèce.

 

[31]    La juge Lamarre a expliqué les principes sous-tendant le paragraphe 15(1) dans l’affaire Bird c. La Reine, 2005 CCI 744, 2005 CarswellNat 6805, 2005 D.T.C. 1812, [2006] 1 C.T.C. 2241. :

 

37        Dans l'arrêt Youngman, précité, le juge d'appel Pratte a résumé les principes régissant l'application du paragraphe 15(1), comme suit (à la page 6325 des DTC) :

 

Il est maintenant bien établi que l'alinéa 15(1)c) ne s'applique que lorsqu'un actionnaire a reçu, à titre d'actionnaire, un avantage d'une société. [...] Un actionnaire ne reçoit aucun avantage aux termes de l'alinéa 15(1)c) si, dans les mêmes circonstances, il aurait reçu le même avantage d'une société dont il n'est pas actionnaire.

 

[…]

 

42.       […] Il est évident que, si l'appelant n'avait pas été actionnaire de la société, de tels frais n'auraient pas été remboursés. De plus, même si l'appelant était un employé de Renova, comme la Cour d'appel fédérale a dit dans l'arrêt Servais, précité, la même analyse s'applique à un employé qui, en tant qu'employé, reçoit un avantage personnel de son employeur. S'il n'était pas assujetti à de l'impôt en vertu de l'article 15, il le serait en vertu de l'article 6 de la Loi.

[Je souligne.]

 

[32]    Dans l’affaire Kowalchuk c. La Reine, 2005 CCI 757, [2005] G.S.T.C. 185, 2006 G.T.C. 53, 2005 D.T.C. 1754, [2006] 1 C.T.C. 2278, la juge Campbell a, pour sa part, bien identifié la question qu’il faut se poser lorsque l’actionnaire est aussi un employé :

 

            22 […] Il s'agit de savoir si ce dernier reçoit les avantages à titre d'actionnaire ou comme employé. Les deux types d'avantages sont imposables, soit comme avantages indirects en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit comme avantages aux actionnaires aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi. La caractérisation des avantages aura une incidence sur leur déductibilité par la société, parce que les avantages indirects seront généralement déductibles, tandis que les avantages aux actionnaires ne le seront pas.

 

[33]    Le passage suivant de l’affaire Strachan c. Canada, [2000] A.C.I. no 408, [2000] 3 C.T.C. 2863, 7 B.L.R. (3d) 59, est aussi pertinent :

         

29     Dans l'affaire C. A. Crosbie Estate v. M.N.R., [1966] C.T.C. 648 (C. de l'É.), le tribunal avait à déterminer si un avantage devait être considéré comme faisant partie de la succession d'un contribuable décédé aux fins de l'impôt sur les biens transmis par décès. Peu avant le décès du contribuable en question, une société qu'il contrôlait avait accordé des options d'achat d'actions à deux employés, dont l'un lui était uni par les liens du sang, en remerciement des services qu'ils avaient rendus et qu'ils rendraient à la société. Le président Jackett a mentionné un aspect de l'affaire sur lequel il convenait de se pencher plus particulièrement, soit la question de savoir si l'avantage avait été conféré au bénéficiaire en sa qualité d'employé de la société ou parce qu'il était uni au contribuable décédé par les liens du sang. À son avis, le fait que l'employé était incidemment lié au défunt ne justifiait pas à lui seul que les dispositions de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès en vigueur à l'époque s'appliquent aux paiements effectués par une société à un employé pour services rendus, à condition que la relation employeur-employé entre la société contrôlée et le particulier uni à la personne décédée par les liens du sang ne serve pas de prétexte pour faire à ce particulier un don correspondant à la totalité ou à une partie de l'avantage en question (affaire Crosbie Estate précitée, pp. 656-657).

 

[Je souligne]

 

[34]    Ainsi, je crois par analogie qu’une personne liée à un actionnaire n’a pas nécessairement à payer de l’impôt pour un avantage qui lui est conféré.  Selon moi, la question revient donc en l’espèce à décider si, selon la preuve qui a été présentée, l’avantage a été conféré au mari de l’appelante en raison de la qualité d’actionnaire de cette dernière ou en raison de l’emploi de son mari.

 

[35]    Pour ce qui est du fardeau de la preuve, je tiens à renvoyer au passage suivant de la cause Kowalchuk, précitée :

 

24    Il incombe aux appelants de surmonter et d'éliminer les hypothèses du ministre selon lesquelles M. Kowalchuk a reçu les avantages à titre d'actionnaire et non comme employé. […]

 

[36]    Par analogie encore, je crois qu’il appartenait à l’appelante de démontrer que son mari a reçu l’avantage en tant qu’employé de la société « Les Excavations T. Potvin inc. » et non en raison du fait qu’il est son conjoint.

 

[37]    À cet égard, la preuve n’est pas déterminante; évidemment, le conjoint de l’appelante a soutenu que l’avantage découlait exclusivement du fait qu’il était un employé et non du fait qu’il était le conjoint de l’actionnaire unique, son épouse.

 

[38]    La possibilité qu’une situation comme celle en l’espèce puisse mener à une double imposition ne m’apparaît pas en soi un motif d’annulation de la cotisation.

 

[39]    Certes, le ministre a un certain pouvoir discrétionnaire qu’il doit utiliser avec parcimonie et d’une façon judicieuse. Dans l’hypothèse d’une application abusive ou déraisonnable, l’annulation de la cotisation pourrait peut‑être s’avérer un redressement approprié.

 

[40]    En l’espèce, les faits sont tels que l’appelante a elle-même été à l’origine de la cotisation qu’elle conteste. En effet, tout contribuable a le droit d’organiser ses affaires de manière à réduire le plus possible son fardeau ou sa charge fiscal. Il s’agit là d’une pratique légitime, reconnue et admise.

 

[41]    Or, l’appelante pouvait et devait, selon ses propres arguments, faire un choix quant au traitement fiscal devant être attribué à l’avantage lié à l’automobile. Elle n’a pas fait ce choix, et l’usage de l’automobile n’a fait l’objet d’aucune imposition; le ministre a donc fait le choix à sa place.

 

[42]    Après coup, elle conteste vigoureusement le choix retenu par le ministre. L’argument voulant que la personne qui doit payer l’impôt soit l’utilisateur, particulièrement lorsqu’il est un employé, a une certaine pertinence.

 

[43]    Toutefois, il a été établi que l’entreprise avait cessé ses activités et ne demeurait active que pour la fermeture de certains dossiers; aux dires du conjoint de l’appelante et à la lumière du revenu qu’il a touché, il y a lieu de croire que le travail était tout à fait négligeable. D’ailleurs, le montant attribué à l’avantage est considérablement plus élevé que le salaire reçu.

 

[44]    Je comprends que les chiffres n’ont rien à voir avec le droit applicable. Par contre, il y a obligation de procéder à une analyse lorsqu’un contribuable a délibérément choisi de tenter de profiter d’une situation où deux scénarios sont possibles en n’en choisissant aucun.

 

[45]    Il est alors nécessaire de tenir compte de tous les faits permettant de mieux comprendre la situation.

 

[46]    En l’espèce, il semble que l’appelante ait choisi de jouer la carte mystère en espérant que le scénario idéal, soit un avantage tout simplement non imposé. Une cotisation a été établie des suites d’une vérification laquelle a été établie selon les faits au dossier.

 

[47]    Après coup, l’appelante a réagi et a condamné la façon de faire. Il s’agit là d’une situation qui mine quelque peu la théorie voulant que le ministre ait fait un mauvais choix. Le choix retenu par le ministre est prévu par la Loi, ce qui en soi est suffisant voire déterminant pour justifier le bien‑fondé de la cotisation.

 

[45]    Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté sans frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2008CCI319

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2007-3413(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Thérèse Potvin c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 28 février 2008

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :

le 17 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jérôme Théberge

 

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

          Nom de l'avocat :            Me Jérôme Théberge

          Firme :                            Lemieux Parent Théberge

          Ville :                    Montmagny (Québec)

 

Pour l'appelante :

 

 

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.