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Référence : 2008CCI340

Date : 20080623

Dossier : 2007-1493(IT)I

ENTRE :

JOHN JAMES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience à Calgary (Alberta), le 15 février 2008.)

 

Le juge Paris

 

[1]              Le présent appel porte sur la déductibilité des paiements de pension alimentaire pour enfants que l’appelant a versés durant ses années d’imposition 2000, 2001 et 2004 à son ancienne épouse, et sur la déductibilité de ce que j’appellerai un « paiement de compensation fiscale » que l’appelant a versé durant son année d’imposition 2004 à son ancienne épouse.

 

[2]              L’appelant conteste aussi les pénalités pour production tardive, la pénalité pour récidive et les intérêts qui lui ont été imposés relativement aux années en cause. Au début de l’audience, j’ai expliqué à l’appelant que la Cour n’a pas compétence pour annuler les intérêts imposés dans les nouvelles cotisations.

 

[3]              Comme c’est malheureusement trop souvent le cas des contribuables qui versent ou qui reçoivent des pensions alimentaires pour enfants, l’appelant et son ancienne épouse ont vécu beaucoup d’incertitude et de stress en raison du traitement fiscal applicable aux paiements de pension alimentaire pour enfants. En l’espèce, une grande part de cette incertitude est attribuable aux termes utilisés dans l’ordonnance qui avait initialement établi la pension alimentaire pour enfants en mars 1997. L’ambiguïté de ces termes avait d’abord amené le ministre du Revenu national (le « ministre ») à refuser à l’appelant la déduction qu’il a demandée à l’égard des paiements de pension alimentaire pour enfants faits en application de l’ordonnance. Plus tard, l’appelant a réussi à convaincre le ministre de lui permettre de déduire les paiements de pension alimentaire faits pour 1997, 1998 et 1999.

 

[4]              Cette deuxième décision du ministre l’a amené à établir de nouvelles cotisations à l’endroit de l’ancienne épouse de l’appelant; elle n’avait pas inclus les paiements qu’elle avait reçus de l’appelant dans ses revenus. La Cour a ensuite accueilli l’appel interjeté par l’ancienne épouse à l’égard de ces nouvelles cotisations. Cependant, pour des raisons inconnues, l’appelant n’a jamais été partie à ce litige, et il n’a même pas été appelé à y témoigner. Cela est d’autant plus surprenant que l’appelant était alors en pourparlers avec l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») relativement à la déductibilité des paiements de pension alimentaire pour enfants de son propre revenu.

 

[5]              C’est l’omission de l’intimée de demander que l’appelant soit groupé dans l’appel de son ancienne épouse, ou de le citer comme témoin dans l’appel en question, qui est la cause principale du présent litige. Le présent appel aurait vraisemblablement pu être évité si l’appelant et son ancienne épouse avaient tous deux pu présenter une preuve exhaustive à l’audience de 2005. Rien ne permet de croire que cela était impossible.

 

[6]              Je ne peux rien faire pour corriger la situation, mais, à l’avenir, je recommande vivement à l’intimée d’avoir recours à l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour grouper dans un même appel les appelants et leurs anciens conjoints. En l’espèce, l’appelant a inutilement vécu une longue période de stress, et l’incapacité de l’appelant et de son ancienne épouse de résoudre la question du traitement fiscal des paiements de pension alimentaire a eu un effet néfaste sur leurs vies, et a exacerbé la tension causée par un divorce acrimonieux. Cela est très regrettable.

 

[7]              Je traiterai maintenant des questions précises soulevées dans le présent appel. L’appelant affirme qu’en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi, il peut déduire des paiements faits à son ancienne épouse, soit 14 400 $ pour 2000 et 2001, et 41 105 $ pour 2004. Il soutient avoir fait ces paiements en application d’une ordonnance rendue le 4 mars 1997 par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta.

 

[8]              L’intimée soutient qu’en mai 1999 ou en décembre 2000, l’appelant et son ancienne épouse ont modifié l’ordonnance de 1997 au moyen d’un accord écrit, ce qui a fait en sorte que l’une ou l’autre de ces dates est devenue une date d’exécution au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi, et que l’appelant ne peut pas déduire les paiements de pension alimentaire faits après la date en question.

 

[9]              De façon subsidiaire, l’intimée a affirmé que même si aucun accord de modification du montant de la pension alimentaire pour enfants n’a été conclu après avril 1997, 27 105 $ des paiements faits en 2004 n’ont pas été versés en application de l’ordonnance de 1997, et que cette somme n’est donc pas déductible de toute manière. Dans les présents motifs, c’est cette partie des paiements faits en 2004 que j’ai désignée comme « paiement de compensation fiscale ».

 

[10]         Pour résoudre la question de la déductibilité des paiements de pension alimentaire pour chacune des années en cause, il faut répondre aux questions suivantes :

 

1)                 L’ordonnance de 1997 a‑t‑elle fait l’objet d’un accord modifiant le montant de la pension alimentaire pour enfants que l’appelant devait verser à son ancienne épouse?

2)                 Dans l’affirmative, à quelle date le montant modifié devait‑il être versé pour la première fois?

3)                 Si l’ordonnance de 1997 n’a pas été modifiée après avril 1997, quel était le montant de la pension alimentaire pour enfants que l’appelant devait payer en application de cette ordonnance?

 

[11]         Pour ce qui est de la première question, la preuve montre que l’ordonnance de 1997 obligeait l’appelant à verser 1 200 $ [TRADUCTION] « net d’impôt » en tant que pension alimentaire pour les deux enfants issus du mariage.

 

[12]         L’ancienne épouse de l’appelant a dit qu’en 1999, elle avait demandé à l’appelant d’augmenter le montant de la pension alimentaire pour enfants qu’il lui versait. L’ancienne épouse a dit que pour éviter de payer les frais qu’il aurait fallu engager pour retourner devant le tribunal, elle et l’appelant s’étaient entendus pour augmenter le montant de la pension alimentaire qu’il lui versait, et ce, à compter de mai 1999. L’ancienne épouse ne se souvenait pas de l’importance de cette augmentation. Elle a aussi dit que l’appelant avait refusé de signer quoi que ce soit quant à cette augmentation, mais que, à partir de ce moment, il versait la somme additionnelle par chèque chaque mois. L’ancienne épouse a aussi dit qu’aux alentours de 2001, elle avait encore une fois demandé à l’appelant d’augmenter le montant de la pension alimentaire pour enfants, et que ce dernier avait accepté de faire passer à 227 $ par mois la somme qu’il payait au-delà des 1 200 $ qu’il devait déjà verser en application de l’ordonnance de 1997.

 

[13]         L’appelant a dit que ce n’est qu’en janvier 2001 qu’il avait commencé à payer une somme additionnelle en plus de la pension alimentaire qu’il était déjà tenu de verser en application de l’ordonnance de 1997. Il a dit qu’il avait alors accepté de verser à son épouse une somme additionnelle de 140 $ par mois, mais seulement lorsque ses revenus le lui permettaient. L’appelant a présenté des relevés bancaires de 2001 qui montrent que des chèques de 140 $ avaient été tirés sur son compte; il a expliqué que ces chèques avaient servi à payer la somme additionnelle de pension alimentaire pour enfants.

 

[14]         L’appelant a affirmé que son ancienne épouse et lui n’avaient pas signé d’accord relativement à la pension additionnelle, mais il a présenté une copie d’un courriel qui semble avoir été envoyé par son ancienne épouse le 15 décembre 2000. Dans ce courriel, l’ancienne épouse a tracé les grandes lignes d’un accord selon lequel l’appelant aurait accepté d’ajouter 140 $ par mois à la pension alimentaire pour enfants qu’il versait déjà, et de payer une somme supplémentaire de 5 000 $, en versements mensuels de 250 $, et ce, pour lui rembourser les frais de garde d’enfants qu’elle avait payés depuis 1996. L’ancienne épouse de l’appelant a témoigné qu’elle ne se souvenait pas d’avoir rédigé ou envoyé ce courriel. Ce prétendu accord n’a pas été signé par l’appelant ou son ancienne épouse.

 

[15]         L’ancienne épouse de l’appelant a identifié certains chèques payés datant de 2003 et de 2004 dont l’appelant s’était servi pour lui faire des paiements mensuels de 227 $; l’ancienne épouse a expliqué qu’il s’agissait là de chèques que l’appelant lui avait remis pour payer la pension alimentaire pour enfants additionnelle. Il est aussi fait référence à la pension alimentaire pour enfants additionnelle dans une note que le comptable de l’appelant, M. Forbes, a rédigée en février 2004. Dans cette note, M. Forbes explique à l’appelant la proposition concernant le versement des paiements de compensation fiscale; j’approfondirai cette question plus loin dans mes motifs. Dans sa note, M. Forbes s’est exprimé de la sorte :

 

[TRADUCTION]

 

Selon l’accord conclu avant mai 1997 et qui est actuellement en vigueur, Elisa a droit à 600 $ par mois pour chaque enfant, net d’impôt. À cause de la date de conclusion de l’accord, les paiements de pension alimentaire peuvent être déduits par John aux fins de l’impôt sur le revenu, et ils constituent un revenu imposable pour Elisa. Jusqu’à maintenant, John versait 1 200 $ par mois à Elisa. Nous croyons comprendre que depuis 1999, John verse des paiements d’appoint de façon volontaire conformément à l’accord oral qu’il a conclu avec Elisa; à l’heure actuelle, cette somme s’élèverait à 227 $ par mois.

 

[16]         La note a été remise à l’appelant et à son ancienne épouse pour qu’ils l’étudient. Dans un courriel que l’ancienne épouse a envoyé à l’appelant le 23 février 2004, elle exprimait un certain nombre d’inquiétudes relativement à la proposition de M. Forbes. Elle y a écrit entre autres : [TRADUCTION] « En 1999, tu as accepté de me verser des paiements d’appoint de 227 $ à titre de pension alimentaire pour enfants, de manière à ce que cette dernière suive l’augmentation de tes revenus. Je dois payer de l’impôt sur cette somme additionnelle. »

 

[17]         Dans des notes inscrites sur une copie de ce courriel, l’appelant a écrit : [TRADUCTION] « Les paiements d’appoint devaient refléter l’augmentation de mes revenus en 1999. Auparavant, ils étaient moins importants. Ils s’élèvent maintenant à 227 $ par mois. Pourquoi est‑ce imposable? »

 

[18]         L’appelant a expliqué qu’il avait inscrit ces notes à la hâte et qu’il n’avait pas porté attention à la date où il avait commencé à verser les paiements d’appoint.

 

[19]         Dans la correspondance électronique qui a suivi, l’appelant et son ancienne épouse ont évoqué assez vaguement les paiements mensuels de 227 $. Toutefois, à mon avis, ces courriels ultérieurs ne contiennent aucun élément qui permet de savoir avec certitude à quel moment ces paiements ont débuté.

 

[20]         Le comptable, M. Forbes, a dit se souvenir que l’ancienne épouse de l’appelant lui avait dit que les paiements d’appoint avaient commencé à être versés en 1999. L’ancienne épouse a nié cette affirmation de M. Forbes, et elle a affirmé n’avoir eu aucun contact avec lui avant la réception de la note qu’il avait rédigée.

 

[21]         À la lumière de toutes ces preuves, l’intimée a d’abord soutenu que l’ordonnance de 1997 avait été modifiée en mai 1999. Elle n’a pas affirmé que la modification orale d’une ordonnance rendue avant mai 1997 a entraîné la création d’une date d’exécution pour cette ordonnance. L’intimée a plutôt soutenu que l’accord de modification de l’ordonnance avait été consigné par écrit, et ce, au moyen de références à l’accord conclu en 1999 que l’on retrouve dans la note rédigée par M. Forbes en 2004, dans la correspondance électronique subséquente entre l’appelant et son ancienne épouse et dans les notes inscrites par l’appelant sur la copie du courriel envoyé le 23 février 2004.

 

[22]         L’avocat de l’intimée a affirmé que les décisions Thomson c. La Reine, 2004 CCI 772, Alm v. The Queen, [2001] 1 CTC 2721, Grant v. The Queen, 2001, 2 CTC 2474, et Biggs c. La Reine, 2001 A.C.I. no 768 viennent appuyer la position voulant que des documents écrits créés après la conclusion d’un accord oral puissent constituer un accord écrit pour l’application du sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution » se trouvant au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

[23]         Je ne suis pas d’avis que les décisions invoquées par l’avocat de l’intimée soutiennent sa position. Dans Alm, Thomson et Grant, les documents écrits sur lesquels la Cour s’était fondée avaient été rédigés avant les paiements que le contribuable voulait déduire. En l’espèce, les documents écrits invoqués par l’intimée ont été rédigés presque cinq ans après la conclusion du prétendu accord.

 

[24]         Dans Biggs, l’observation voulant qu’un accord écrit rétroactif puisse constituer un accord écrit pour l’application de la définition de « date d’exécution » a été faite de façon incidente, et, à mon avis, cette observation est contestable. Le motif déterminant de cette décision était que l’ordonnance alimentaire initiale que l’accord rétroactif était censé modifier n’était plus en vigueur lorsque cet accord avait été conclu.

 

[25]         Cependant, ce qui est plus important, c’est que je conclus que les documents écrits sur lesquels l’intimée s’est fondée ne peuvent aucunement être interprétés comme créant une obligation contraignante. Je crois que la preuve permet de conclure que l’appelant n’a jamais accepté de s’engager à payer des sommes additionnelles de pension alimentaire pour enfants à son ancienne épouse, et qu’il se contentait de faire les paiements volontairement, seulement lorsque ses revenus le lui permettaient. Le témoignage de l’ancienne épouse de l’appelant selon lequel ce dernier avait refusé de signer quoi que ce soit quant aux sommes additionnelles de pension alimentaire est très révélateur. Je suis d’accord avec la conclusion du juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) dans Foley c. La Reine, 2000 A.C.I. no 485, selon laquelle le mot « accord » utilisé dans la loi indique à tout le moins une obligation contraignante.

 

[26]         Pour ces motifs, je conclus qu’aucun accord écrit n’est venu modifier l’ordonnance de 1997 en mai 1999.

 

[27]         Le deuxième argument invoqué par l’intimée est que le courriel envoyé le 15 décembre 2000 par l’ancienne épouse de l’appelant (pièce A‑7) constituait un accord écrit venant modifier l’ordonnance de 1997.

 

[28]         L’appelant a reconnu avoir payé volontairement des sommes additionnelles de pension alimentaire pour enfants à son ancienne épouse à partir de janvier 2001, mais il a dit que ces paiements n’avaient pas été faits en application d’un accord écrit, qu’ils n’étaient pas périodiques et que leur montant n’avait pas été arrêté. L’appelant a dit que le courriel de son ancienne épouse n’était qu’une proposition et qu’il ne l’engageait à rien.

 

[29]         Compte tenu de la preuve, je ne peux pas conclure que le courriel envoyé à l’appelant par son ancienne épouse le 15 décembre 2000 créait une obligation contraignante qui constituerait un accord écrit pour l’application de la définition de « date d’exécution » énoncée dans la Loi. Une fois de plus, je conclus que le refus de l’appelant de signer un quelconque accord relativement à la pension alimentaire démontre qu’il n’avait pas l’intention de s’engager à effectuer les paiements. Le seul fait que l’appelant payait des sommes additionnelles ne suffisait pas pour l’obliger à continuer de le faire.

 

[30]         Il semble aussi que l’ancienne épouse de l’appelant n’ait pas accordé une grande importance au courriel du 15 décembre 2000; elle a même déjà nié l’avoir écrit. De plus, lorsque l’appelant et son ancienne épouse sont retournés devant le tribunal en 2005 pour régler la question de la pension alimentaire pour enfants, les changements apportés aux obligations alimentaires de l’appelant visaient l’ordonnance de 1997, et non pas un quelconque accord écrit que l’appelant et son ancienne épouse auraient conclu entre temps. Il semble donc que ni l’appelant ni son ancienne épouse ne considéraient que le courriel du 15 décembre 2000 était contraignant.

 

[31]         Je note incidemment qu’aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que l’autre obligation que le courriel du 15 décembre 2000 aurait imposée à l’appelant – soit de verser 5 000 $ à son ancienne épouse en versements mensuels de 250 $ – avait été exécutée.

 

[32]         Comme je l’ai déjà expliqué, l’accord mentionné au sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution » se trouvant au paragraphe 56.1(4) de la Loi doit créer une obligation contraignante pour ce qui est du paiement de la pension alimentaire additionnelle. Comme tel n’est pas le cas en l’espèce, je conclus qu’aucun accord ayant créé une date d’exécution n’a été conclu le 15 décembre 2000. Donc, en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi, l’appelant peut déduire de son revenu la pension alimentaire de 14 400 $ qu’il a payée en 2000, en 2001 et en 2004 conformément à l’ordonnance de 1997.

 

[33]         Pour 2004, l’appelant a aussi demandé la déduction d’une somme supplémentaire de 27 105 $ en tant que pension alimentaire pour enfants. Cette somme représente le « paiement de compensation fiscale » qu’il a versé à son ancienne épouse. L’appelant croyait que l’ordonnance de 1997 l’obligeait à faire ce paiement parce qu’elle prévoyait que le paiement de la pension alimentaire pour enfants que recevait son ancienne épouse devait être [TRADUCTION] « net d’impôt ».

 

[34]         L’élément déclencheur du paiement de compensation fiscale était le fait que l’ARC avait fait droit à la demande de déduction de l’appelant à l’égard des paiements de pension alimentaire pour enfants qu’il avait faits durant les années d’imposition 1997, 1998 et 1999. Cette demande avait finalement été acceptée en 2003, ce qui a entraîné l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard de l’ancienne épouse de l’appelant, parce qu’elle n’avait pas inclus la pension alimentaire dans ses revenus. Afin d’éviter que son ancienne épouse interjette appel de ces nouvelles cotisations, ce qui aurait évidemment eu des incidences fiscales négatives sur l’appelant, celui‑ci a proposé à son ancienne épouse de lui verser une somme équivalente à l’impôt qu’elle devait payer par suite de l’inclusion des paiements de pension alimentaire pour enfants dans ses revenus pour les années antérieures. L’ancienne épouse s’est dit prête à accepter la proposition de l’appelant, et le comptable de ce dernier et un comptable engagé par l’ancienne épouse ont déterminé le montant du paiement de compensation fiscale. En 2004, ce paiement s’élevait à 27 105 $. (Bien que l’ancienne épouse ait accepté le paiement de compensation fiscale, elle a quand même contesté l’inclusion des paiements de pension alimentaire dans ses revenus, et son appel a été accueilli.)

 

[35]         Pour appuyer sa demande de déduction du paiement de compensation fiscale, l’appelant a invoqué deux décisions, Guerin v. The Queen, 94 DTC 1356, et Monette v. The Queen, 92 DTC 1622, où la Cour avait conclu que des paiements semblables constituaient une pension alimentaire pour enfants au sens de la Loi.

 

[36]         Je suis toutefois d’avis que dans ces affaires, il existait une obligation explicite qui forçait le contribuable à payer l’impôt sur la pension alimentaire qu’il versait à son ancien conjoint. C’est seulement dans ces cas‑là que l’impôt payé peut être déduit à titre de pension alimentaire. L’ordonnance de 1997 ne crée pas d’obligation explicite forçant l’appelant à payer l’impôt de son ancienne épouse sur la pension alimentaire pour enfants qu’il lui verse. Il se peut qu’en employant l’expression [TRADUCTION] « net d’impôt », le juge qui a rendu l’ordonnance a cru exempter l’ancienne épouse de l’appelant de l’impôt qu’elle devait payer sur la pension alimentaire que l’appelant lui versait. Autrement dit, ce juge croyait peut‑être, à tort, que l’expression [TRADUCTION] « net d’impôt » lierait le ministre et que la pension alimentaire serait ainsi exonérée d’impôt pour l’ancienne épouse de l’appelant.

 

[37]         Malheureusement, la transcription des motifs de la décision rendue par le juge qui a présidé la procédure de divorce ne jette pas de lumière sur les raisons pour lesquelles il a utilisé l’expression [TRADUCTION] « net d’impôt » en parlant du montant de pension alimentaire pour enfants qui devait être payé.

 

[38]         Je tiens aussi à souligner que ni l’appelant, ni son ancienne épouse ne savaient vraiment ce que le juge voulait dire en utilisant l’expression [TRADUCTION] « net d’impôt ». L’ancienne épouse a soutenu que cette expression signifiait qu’elle n’était pas tenue d’inclure la pension alimentaire dans le calcul de ses revenus aux fins de l’impôt. L’appelant n’était pas sûr de ce que l’expression voulait dire. Ce n’est que vers la fin de 2003 que l’appelant, avec l’aide de son comptable, a conclu que l’expression signifiait qu’il devait rembourser à son ancienne épouse l’impôt qu’elle était tenue de payer sur la pension alimentaire.

 

[39]         Cependant, l’ancienne épouse de l’appelant n’a en fin de compte pas payé d’impôt sur la pension alimentaire qu’elle a reçue, et elle a remboursé le paiement de compensation fiscale à l’appelant. On pourrait soutenir qu’il s’agit là d’une preuve supplémentaire du fait que l’ordonnance de 1997 ne forçait pas l’appelant à verser le paiement de compensation fiscale. Tout compte fait, je conclus que l’appelant n’a pas démontré que l’alinéa 60b) de la Loi lui permet de déduire les 27 105 $ qu’il a versés à son ancienne épouse en 2004.

 

[40]         La dernière question en litige portait sur les pénalités pour production tardive imposées pour 2000 et 2004 et sur la pénalité pour récidive imposée pour 2001.

 

[41]         À l’audience, l’avocat de l’intimée a reconnu que la preuve ne justifiait pas l’imposition de la pénalité pour récidive et que, par conséquent, cette pénalité devrait être annulée. Cependant, l’intimée a affirmé que les pénalités pour production tardive imposées pour 2000 et 2004 devaient être confirmées. L’appelant a reconnu avoir produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000 le 14 novembre 2003, et celle pour l’année d’imposition 2004 le 26 septembre 2005; il n’avait donc pas respecté les délais prescrits par l’alinéa 150(1)d) de la Loi. Par conséquent, à moins que l’appelant ne démontre qu’il avait agi avec diligence pour tenter de produire les déclarations en cause dans les délais prescrits, il devra payer les pénalités pour production tardive.

 

[42]         L’appelant n’a pas réussi à démontrer le bien-fondé de cette défense pour ces deux années. Il a expliqué ne pas avoir produit ses déclarations de revenus dans les délais prescrits parce qu’il croyait ne pas devoir payer d’impôt pour ces années‑là. L’appelant a dit avoir demandé à son comptable de calculer l’impôt qu’il devait payer pour chaque année, et, lorsque nécessaire, avoir versé à l’ARC une somme qui lui semblait suffisante pour acquitter ses obligations fiscales, mais il n’a pas produit ses déclarations de revenus dans les délais prescrits, se contentant de le faire aux dates indiquées précédemment.

 

[43]         Cela m’amène à conclure qu’aucune circonstance échappant au contrôle de l’appelant n’est venue l’empêcher de produire ses déclarations de revenus dans les délais prescrits. Je conclus aussi que l’appelant n’a pris aucun moyen raisonnable pour produire ses déclarations dans les délais. Il a simplement choisi de ne pas le faire parce qu’il croyait, à tort, ne pas devoir produire de déclaration de revenus s’il n’avait pas d’impôt à payer. L’appelant n’a donc pas fait preuve de diligence raisonnable, et les pénalités pour production tardive sont confirmées. Évidemment, ces pénalités seront ajustées pour tenir compte de toute diminution que la présente décision apportera à l’impôt que l’appelant doit payer.

 

[44]         En conclusion, l’appel est accueilli en partie pour le motif que l’appelant a le droit de déduire 14 400 $ à titre de pension alimentaire payée en 2000, en 2001 et en 2004, et que la pénalité pour récidive imposée pour 2001 doit être annulée.

 

[45]         Comme l’appelant a eu gain de cause à l’égard de plus de la moitié de la somme en litige, je lui adjuge 300 $ à titre de dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2008.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d’octobre 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008CCI340

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2007-1493(IT)I

 

INTITULÉ :

John James et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Gregory Perlinski

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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