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Dossier : 2007-4483(IT)I

ENTRE :

FRANÇOIS D. MÉNARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 2 juin 2008, à Shawinigan (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Anne Poirier

 

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JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2001 est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 

 


 

 

 

Référence : 2008 CCI 376

Date : 20080704

Dossier : 2007-4483(IT)I

ENTRE :

 

FRANÇOIS D. MÉNARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit d’un appel d’une cotisation relative à l’année d’imposition 2001. La question en litige est de déterminer si les dépenses totalisant 7 794 $, engagées à l’égard de la résidence sise rue Servant à Laval et déduites dans l’année d’imposition 2001, avaient été engagées par l’appelant dans le dessein de tirer des revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise ou de biens.

 

[2]              Les faits sont simples. D’autre part, ils ne font pas l’objet d’une contestation. L’appelant habitait un logement à titre de locataire au moment où il a décidé de faire l’acquisition d’un immeuble devant éventuellement devenir sa résidence.

 

[3]              Au moment de la signature de la promesse d’achat à l’automne 2000, le vendeur avait assujetti la vente de l’immeuble à la condition qu’il puisse y demeurer une période de plus ou moins une année, c’est-à-dire jusqu’au 5 mai 2001, ce à quoi l’appelant avait souscrit étant donné qu’il était lui‑même lié par un bail.

 

[4]              Dans les mois suivants, une occasion d’emploi à Trois-Rivières s’était présentée, et l’appelant avait décidé de la saisir. Le 25 janvier 2001, il avait alors signé de façon anticipée l’acte notarié pour valider le transfert de l’immeuble et le mettre sur le marché étant donné sa décision de poursuivre sa carrière à Trois‑Rivières.

 

[5]              En raison de son déménagement de la région de Montréal à celle de Trois‑Rivières en 2001, l’appelant a demandé au titre de frais de déménagement, la déduction de la somme de 13 117 $. Pour sa part, le ministre a accepté à ce titre 5 323 $ et lui a refusé la déduction de la somme de 7 794 $, ce pourquoi le contribuable a interjeté l’appel.

 

[6]              Le contribuable a également entamé un recours contre le Ministère du Revenu du Québec. Ce litige s’est terminé par un jugement de la Cour du Québec (division des petites créances), dossier 400‑32 008087‑053, rendu par l’honorable Nicole Mallette.

 

[7]              Devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant a semblé affirmer dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un bon jugement. Par la suite, il a semblé prétendre le contraire. Les arguments de l’appelant sont de deux ordres différents.

 

[8]              Dans un premier temps, il a soutenu que, puisque sa réinstallation a été jugée admissible, il devrait ainsi avoir droit à la déduction de toutes les dépenses qu’il a déclarées.

 

[9]              Pour distinguer son dossier de celui qui a été présenté devant la Cour du Québec, il a indiqué que la législation provinciale est différente de celle qui régit le présent dossier étant donné que le texte de l’article 348 (Loi sur les impôts du Québec) prévoit spécifiquement qu’il doit s’agir de la résidence habitée ordinairement.

ARTICLE 348

 

Déduction des frais de déménagement 348. Un particulier peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les montants qu'il a payés à titre de frais de déménagement engagés à l'égard d'une réinstallation admissible dans la mesure où, à la fois:

a) ils n'ont pas été payés pour son compte en raison ou à l'occasion de sa charge ou de son emploi;

b) ils n'étaient pas déductibles en raison du présent chapitre dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition précédente;

c) l'ensemble de ces montants ne dépasse pas:

i)  lorsque la réinstallation admissible survient afin de lui permettre d'exploiter une entreprise ou d'occuper un emploi à son nouveau lieu de travail, le revenu du particulier pour l'année provenant de son emploi ou de son entreprise à ce nouveau lieu de travail;

ii) lorsque la réinstallation admissible survient afin de lui permettre de fréquenter, à titre d'élève inscrit à plein temps, un établissement d'une université, d'un collège ou d'une autre institution dispensant des cours au niveau postsecondaire, l'ensemble des montants qui sont inclus dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu du paragraphe h de l'article 312;

 

d) un remboursement ou une allocation qu'il a reçu à l'égard de ces frais est inclus dans le calcul de son revenu.

 

 

[10]         L’alinéa 62(3)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), à la rubrique Frais de déménagement, prévoit ce qui suit :

 

Frais de déménagement

 

Pour l’application du paragraphe (1) sont comprises dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre :

 

  a)       des frais de déplacements (y compris les dépenses raisonnables pour repas et logement engagés pour le déménagement au contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transporte de l’ancienne résidence à la nouvelle résidence;

 

 

[11]         L’appelant a isolé du texte la mention « ancienne résidence » et a plaidé qu’il n’y avait aucune exigence dans cette disposition que la résidence devait être habitée par le propriétaire qui demande une déduction, alors que la Loi provinciale en vigueur à l’époque précisait que le particulier devait « habiter ordinairement » la résidence en question; selon l’appelant, la disposition provinciale est plus précise; à défaut d’une telle précision dans le texte, l’appelant soutient qu’il doit avoir gain de cause du fait qu’il répond aux exigences de la loi fédérale. La recevabilité de la demande de l’appelant est liée à son interprétation de l’alinéa 62(3)a).

 

[12]         Or, la disposition en question doit se lire et s’interpréter dans son ensemble compte tenu notamment de la partie qui se lit comme suit :

 

[…] pour le déménagement au contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transporte de l’ancienne résidence à la nouvelle résidence;

 

 

[13]         L’interprétation de l’appelant est quelque peu farfelue. En effet, comment prétendre que l’immeuble à l’origine du litige était son ancienne résidence puisqu’il a lui‑même admis que lui et sa famille n’y avait jamais résidé; d’ailleurs, il n’a jamais même eu ce droit d’habitation puisque, dès le départ, il a consenti ce droit au promettant‑vendeur jusqu’au 5 mai 2001. Il a d’ailleurs validé ce droit stipulé à l’automne 2000 lors de la signature du contrat notarié le 25 janvier 2001. Ce constat découle de l’admission du paragraphe 8b) de la réponse à l’avis d’appel qui se lit comme suit :

 

b)      Le 25 janvier 2001, le contrat d’achat de la maison est signé avec une clause permettant aux vendeurs de demeurer sur place jusqu’au 5 mai 2001 moyennant une contrepartie de 1 845 $, plus les coûts du chauffage et de l’électricité;

 

 

[14]         Pour souscrire à l’interprétation de l’appelant, il faudrait une imagination très fertile où les attentes sont plus importantes que la réalité du texte qui les suscite.

 

[15]         Rien dans la preuve n’étaye l’interprétation de l’appelant si ce n’est qu’à un certain moment il a de toute évidence voulu que l’immeuble en question devienne à un moment [d’ailleurs arrêté dans le temps, soit le 5 mai 2001] le lieu de sa résidence.

 

[16]         Si son déménagement à Trois-Rivières avait eu lieu en 2003 et qu’il avait habité l’immeuble de Laval à partir du 5 mai 2001, le litige n’aurait sans doute jamais eu lieu.

 

[17]         Au moment pertinent, l’appelant n’habitait pas l’immeuble de Laval. Un titre de propriété ou un droit devant conduire à l’obtention d’un titre de propriété ne constitue pas une preuve, de l’utilisation du bien au moment de l’acquisition du droit en question. Souscrire à une telle interprétation aurait pour effet de créer des aberrations.

 

[18]         L’absence de la mention « habiter ordinairement » à l’alinéa 62(3)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu a amené l’appelant à croire qu’il pourrait invoquer cette omission à son avantage. Par contre, il a sans doute compris que son interprétation serait écartée étant donné qu’elle ne repose sur strictement rien de sérieux, même en isolant de son contexte, comme il le fait, les mots « ancienne résidence ».

 

[19]          En effet, dans le langage courant, le terme résidence ne suggère rien en ce qui concerne le droit ou le titre de propriété. Résidence signifie un lieu que l’on habite. La résidence peut être temporaire, saisonnière, permanente, ponctuelle, et ainsi de suite, mais elle exclut l’immeuble qu’un particulier, dans ce cas‑ci son propriétaire, n’a jamais habité.

 

[20]         Bien que les décisions soumises aient trait à des situations bien différentes, certains extraits sont fort pertinents.

 

[21]         Dans l’arrêt Séguin c. Canada, A‑52-97, 1998 2 C.T.C. 13, 97 D.T.C. 5457, voici ce que la Cour d’appel fédérale déclarait :

 

6     Bien que l'objet de la disposition soit sans doute d'encourager la mobilité d'emploi et que l'énumération contenue au paragraphe 62(3) de la Loi n'est pas exhaustive, comme l'indique l'utilisation du verbe « comprend » (« includes ») à cet article, puisque son but n'est pas de couvrir tous les frais de déménagement possibles, nous ne croyons pas que l'article 62 dans son ensemble puisse se lire tel que l'a fait le premier juge.

7     Ce que permet l'article 62, dans le cadre de son premier paragraphe, est la déduction par le contribuable des sommes

·         62(1) ... payées à titre ou au titre des frais de déménagement engagés pour déménager de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence ...

·         62(1) ... paid by him as or on account of moving expenses incurred in the course of moving from his old residence to his new residence

8     Selon le sens ordinaire des mots employés, sont inclus dans la disposition les frais engagés pour déménager physiquement, pour changer de résidence, de même que certains autres frais qui se rapportent directement au déménagement et à la réinstallation proprement dits et non un montant destiné à compenser pour des dommages accessoires qui sont sans rapport avec le déménagement et la réinstallation proprement dits dans la nouvelle résidence. Ainsi sont exclus les frais d'intérêts de l'ancienne résidence qui ne se rattachent pas directement au déménagement physique du contribuable et de sa famille mais plutôt à l'emprunt bancaire qu'il a contracté sur son ancienne résidence.

 

 

[22]         Dans la décision L’abbé c. Canada, 2000 2 C.T.C. 2132, no du greffe 98‑3468(IT), l’honorable MacLatchy affirmait :

 

5    Il ressort de toutes ces affaires que les sommes à faire entrer dans le calcul des frais de déménagement doivent, relativement aux circonstances, être sensées et raisonnables. La Cour est d'avis que la déduction demandée par l'appelant ne constitue pas, compte tenu des circonstances, une dépense qui peut être assimilée aux frais de déménagement. Il s'agit certes d'un préjudice financier occasionné par le déménagement, l'un des risques potentiels à assumer lorsqu'un déménagement est envisagé. Ce préjudice financier ne sera pas compris dans les frais de déménagement, mais est-il si important qu'il remet le déménagement en question ?

 

[23]         En préparant son dossier, l’appelant s’est sans doute rendu compte de la faiblesse de son raisonnement reposant sur une interprétation erronée et inappropriée, ce qui l’a amené à se replier derrière un second argument dont le fondement est une toute autre question, à savoir une perte finale.

 

[24]         Sur ce volet, l’appelant a tenté d’expliquer que son projet s’était transformé en cours d’exécution.  Pour expliquer le fait que le vendeur demeurait dans l’immeuble en question, il a affirmé qu’il s’agissait là d’une condition à laquelle était assujettie la vente. De son côté, cette condition lui convenait étant donné qu’il était lui-même lié par un bail.

 

[25]         Il visait à faire ses frais pour une courte période, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit en mesure d’habiter l’immeuble à l’expiration de son bail. L’acceptation d’offre de l’emploi à Trois‑Rivières a mis définitivement fin au projet devant faire de l’immeuble acquis sa nouvelle résidence. Il a alors cru qu’il pourrait réaliser un profit fort intéressant ce qui ne fut pas le cas.

 

[26]         Ainsi, l’appelant a affirmé qu’il s’agissait là d’une activité commerciale.

 

[27]         Finalement, l’appelant a affirmé que, si ses prétentions n’étaient pas retenues en ce qui concerne la déduction de ses frais de déménagement, elles devraient l’être en ce qui concerne ses frais d’exploitation, sinon cela aurait pour effet de nier totalement l’existence même des frais liés à l’achat de l’immeuble.

 

[28]         Le traitement fiscal des contribuables se fonde sur des faits véritables et non sur des hypothèses formulées par des contribuables intéressés.

 

[29]         En l’espèce, l’appelant n’a jamais vraiment voulu faire de son aventure une affaire commerciale. Il a essentiellement voulu sauver sa mise des suites d’une décision relative à son avenir professionnel. Pour minimiser ses pertes, il tente de déformer les faits ou les interprète de manière à obtenir certains avantages fiscaux. Malheureusement, le fardeau fiscal s’évalue ou s’apprécie à partir des faits réels.

 

[30]         L’appelant n’ayant pas réussi a démontré le bien‑fondé de ses prétentions, son appel doit être rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2008.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 376

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4483(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              FRANÇOIS D. MÉNARD ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Shawinigan (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 2 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 4 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Anne Poirier

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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