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Dossier: 2007-3191(IT)I

ENTRE :

CÉLINE ST-ANDRÉ,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Symon Migneault, (2007-3197(IT)I), le 28 avril 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Chantal Roberge

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 2001, 2002 et 2003 est accueilli en partie et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Edmundston, (Nouveau-Brunswick), ce 14e jour de juillet 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2007-3197(IT)I

ENTRE :

SYMON MIGNEAULT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Céline St‑André, (2007-3191(IT)I), le 28 avril 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Chantal Roberge

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 2001, 2002 et 2003 est accueilli en partie et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 14e jour de juillet 2008.

 

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2008CCI391

Date : 20080714

Dossiers : 2007-3191(IT)I

2007-3197(IT)I

 

ENTRE :

 

CÉLINE ST-ANDRÉ,

SYMON MIGNEAULT,

appelants,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              En produisant leurs déclarations de revenus pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003, les appelants ont respectivement déclaré une perte locative de 3 435,39 $ pour l’année d’imposition 2001, de 21 551,80 $ pour l’année d’imposition 2002 et de 2 642 $ pour l’année d’imposition 2003. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a annulé leurs pertes locatives pour les années d’imposition 2001 et 2002 et a ajouté un revenu de location net de 2 642 $ pour leur année d’imposition 2003. En réponse à l’opposition des appelants, le ministre a annulé le revenu net de 2 642 $, de sorte que la cotisation de 2003 est maintenant nulle et n’est plus contestée. Quand à l’année d’imposition 2001, le ministre a signifié à l’audience son consentement à jugement de sorte que seule l’année d’imposition 2002 est en cause dans ce présent appel. Il est bon de noter que la cotisation pour l’année 2001 avait été établie après la période normale de cotisation.

 

[2]              Les appelants sont conjoints et parents de cinq enfants. À la fin de l’été 2001, ils se sont portés acquéreurs à parts égales d’un terrain sur lequel était situé deux chalets dont l’adresse civique est le 451 et le 453 des Geais Bleus, dans la municipalité de Nomininque, Québec. L’appelante connaissait cette région puisqu’elle y est demeurée au cours de son enfance. Au début, ils étaient à la recherche d’un seul chalet. Lorsque cette occasion s’est présentée à eux, les deux chalets ne pouvaient être vendus séparément. Ils ont donc fait cette acquisition avec l’intention d’en tirer des revenus de location mais sans avoir préparé un plan d’affaires.

 

[3]              Le chalet du 451 de Geais Bleus est situé tout près du Lac Lesage. Il s’agit d’un chalet avec plusieurs chambres à coucher qui peut loger jusqu'à 16 personnes. Le 453 des Geais Bleus est situé derrière le 451 et jusqu’à huit personnes peuvent y loger.

 

[4]              En 2001, l’année de l’acquisition, le 451 n’a pas été loué. Quant au 453, il a été loué au frère de l’appelante pour deux ou trois semaines et a rapporté 600 $ en revenus de location.

 

[5]              En 2002, l’appelant a préparé un plan d’affaires. Le plan visait principalement la location du 451 des Geais Bleus dans le but d’en faire un camp d’été pour la plongée, le taekwondo et le karaté. Il était aussi question de louer le ponton et autres accessoires tels que pédalo, canot, planche à voile et autres. Il y a, cependant, eu très peu de locations en 2002 et le projet de camp d’été n’a jamais vu le jour. L’appelant a reconnu ne pas avoir fait de recherche ni d’étude approfondies du marché et admet s’être fié sur ce que les gens disaient, à savoir que les chalets se louaient bien dans la région.

 

[6]              Les appelants ont affiché quelques annonces dans les dépanneurs locaux sur lesquelles était indiqué leur numéro de téléphone et se sont fié sur le bouche à oreille. La publicité misait sur la location du 453 des Geais Bleus et les appelants ont réussi à le louer et à tirer un revenu de location de 900 $ en 2002. Plusieurs réservations ont été faites mais elles ont souvent été suivies d’annulations de dernière minute et, comme les appelants n’exigeaient pas de dépôt, ils n’ont rien obtenu dans ces cas-là. Le 453 des Geais Bleus a été loué pendant quatre semaines et deux fins de semaines en 2002. Les appelants ont chacun déduit la moitié des dépenses totalisant 12 783,88 $ qui sont ventilées comme suit :

 

 

 

 

Intérêts sur hypothèques

Taxes municipales

Taxes scolaires

Électricité

Téléphone

Câblodistributeur

Améliorations

Meubles et accessoires

Loisirs et équipements

Assurances

Total

1 624,65 $

357,81 $

117,60 $

330,00 $

410,49 $

341,82 $

4 386,78 $

568,41 $

4 118,32 $

     528,00 $

12 783,88 $

 

Les appelants n’ont jamais occupé le 453 des Geais Bleus en 2002.

 

[7]              Le 451 a été plus difficile à louer. Les appelants ont fait face à plusieurs problèmes en 2002 concernant le 451. Il faut d’abord souligner que seulement le sous‑sol du chalet servait à la location et qu’il ne fut loué que pour quatre nuits, rapportant ainsi un revenu de location de 300 $ pour l’année 2002. Les appelants ont fait usage personnel du 451 des Geais Bleus durant l’été 2002.

 

[8]              Le 451 des Geais Bleus présentait un problème d’érosion sérieux rendant sa fondation instable. Les appelants ont été obligés d’effectuer plusieurs travaux majeurs en 2002 pour lesquels ils ont déduit les dépenses y afférentes. Les dépenses se répartissent comme suit :

 

Intérêts sur hypothèques

1 115,74 $

Fondation

9 185,45 $

Électricien

3 680,80 $

Plomberie

1 643,60 $

Isolation

2 726,09 $

Matériaux

5 046,23 $

Fosse septique

1 414,81 $

Main d'œuvre

5 193,38 $

Notaire

750,00 $

Évaluateur

575,13 $

Assurance

     188,50 $

Total

31 519,73 $

 

[9]              La dépense visant la fondation représente 35 % du montant actuellement payé sous cette rubrique, soit 26 244,00 $. Chacun des appelants en a déduit la moitié, tout comme pour les dépenses afférentes au 453 des Geais Bleus. Les travaux en question visaient la construction d’une nouvelle fondation, ce qui comprenait le soulèvement du chalet. Ils ont également aménagé le sous‑sol et les deux salles de bain, construit un escalier, remplacé le réseau électrique, la plomberie, l’isolation et le patio en bois traité de même que la galerie. Ils ont fait du terrassement et réparé la fosse septique.

 

[10]         Le 451 des Geais Bleus n’a pas connu plus de succès en 2003. En fait, sauf pour le revenu de 300 $ récolté en 2002, aucun revenu de location n’a été obtenu du 451 en 2001, en 2003 et en 2004 et il n’est effectivement plus à louer puisqu’on projette d’y aménager autre chose. Quant au 453 des Geais Bleus, il a produit des revenus locatifs de 600 $ en 2001 et, de 500 $ en 2003. Il n’a pas été loué en 2004.

 

[11]         L’intimé a justifié le refus des pertes locatives déclarées pour les deux chalets en faisait valoir qu’il s’agit de dépenses personnelles et qu’il n’a jamais été question pour les appelants d’exercer leur activité en vue de réaliser un profit et de faire en sorte que cette activité puisse constituer une source de revenu au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[12]         Selon la preuve, il ne fait aucun doute que les appelants étaient à la recherche d’un chalet à des fins personnelles. L’endroit recherché représentait quelque chose de significatif pour l’appelante en raison du fait qu’elle connaissait la région depuis son enfance. Lorsque l’occasion s’est présentée d’acheter deux chalets sur le même terrain, l’idée d’en faire la location s’est imposée étant donné que cet achat excédait les limites du budget prévu. Ce n’est finalement qu’en 2002 qu’un plan d’affaires comprenant la location du 451 des Geais Bleus a été élaboré par l’appelant. Ce dernier a reconnu ne pas avoir de formation dans le domaine, ne pas avoir fait d’étude du marché, et s’être fié à ce que les gens disaient, à savoir que les chalets se louaient assez bien. Le plan d’affaires ne visait pas la mise en location du 451 des Geais Bleus pour l’année 2002 mais plutôt des projets d’avenir. Le 451 des Geais Bleus a été occupé en partie par les appelants et leurs enfants et a fait l’objet de travaux importants dès août 2002 et pour le reste de l’année.

 

[13]         Il est aussi évident que les taux de location n’ont pas été établis en fonction de la rentabilité du projet mais plutôt en fonction des prix moyens de location des chalets dans cette région.

 

[14]         Cela était dit, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Stewart c. R., [2002] 2 R.C.S. 645, a reformulé la façon d’analyser l’espoir raisonnable de profit et a d’ailleurs décidé que ce critère n’est applicable que dans certaines circonstances. Je reproduis ci‑après le paragraphe 60 de ce jugement :

 

En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l’activité en cause.  Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.  Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. [...]

 

[15]         Au paragraphe 54, la Cour suprême du Canada a, par ailleurs, précisé dans les termes suivants l’analyse qui doit être faite :

 

Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif.  Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs.  Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[Je souligne.]

 

[16]         J’en arrive donc à la conclusion, et ce, pour les raisons indiquées aux paragraphes précédents que le 451 des Geais Bleus a d’abord et avant tout été acheté à des fins personnelle et utilisé principalement en 2002 à ces fins. Il est également évident, en raison de l’état du chalet en question, que des réparations majeures s’avéraient nécessaires. Ces travaux ont commencé en août 2002 et ils visaient la structure du chalet. Le plan d’affaires élaboré par l’appelant Symon Migneault prévoyait des activités au cours des années suivantes, activités qui n’ont jamais vu le jour. À mon avis, en 2002, le 451 des Geais Bleus n’avait rien de commercial. Sa location pour quatre nuits est nettement insuffisante pour m’amener à conclure que cette activité a été exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Je dois d’ailleurs ajouter que les dépenses déduites par les appelants pour le 451 des Geais Bleus se rapportent principalement à des travaux qui n’ont rien à voir avec des dépenses d’entretien et de réparation normales. Il s’agit plutôt de travaux importants et nécessaires de nature capitale.

 

[17]         J’arrive cependant à une conclusion différente en ce qui concerne le 453 des Geais Bleus. Même si, à l’achat de ce chalet, il a été question de le vendre éventuellement au frère de l’appelante, cela n’empêche pas le fait que sa vocation, du moins en 2002, était la location et que cette location a été exercée d’une façon suffisamment commerciale. L’inexpérience des appelants leur a certes fait perdre des locations, donc des revenus, mais l’activité était purement commerciale. Les appelants ont donc droit de déduire leur part respective des dépenses locatives du 453 des Geais Bleus pour l’année 2002.

 

[18]         Les appels sont accueillis en partie et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

 

 

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick) ce 14e jour de juillet 2008.

 

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                            2008 CCI 391

 

s DES DOSSIERS DE LA COUR :          2007-3191(IT)I, 2007-3197(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        Céline St-André et Symon Migneault

                                                                   et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 28 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                             le 14 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Chantal Roberge

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants:

 

                     Nom :                                    

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                                     John H. Sims, c.r.

                                                                   Sous-procureur général du Canada

                                                                   Ottawa, Canada

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