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Dossier : 2007-3856(GST)I

ENTRE :

FIDUCIE CHRY-CA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 3 avril 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Rémi Tremblay

 

Avocate de l’intimée :

Me Brigitte Landry

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel des deux cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise datées du 14 juillet 2006 concernant la période se terminant le 31 décembre 2005 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Montréal (Québec), ce 18e jour de juillet 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


 

 

 

Référence : 2008 CCI 423

Date : 20080718

Dossier : 2007-3856(GST)I

ENTRE :

FIDUCIE CHRY-CA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre de deux avis de cotisation datés du 14 juillet 2006 et portant les numéros de référence 14454 5837 RT0001 000002 et 14454 5837 RT0001 000003, tous deux pour la période se terminant le 31 décembre 2005, en vertu desquels le ministre du revenu du Québec agissant en sa qualité de mandataire du ministre du Revenu national (ci-après le « ministre ») a refusé les deux demandes de remboursement de taxe sur les produits et services (ci-après la « TPS ») pour immeubles d’habitation locatifs neufs situés au 1638 à 1642, rue Charles à Saint-Hubert et au 1502 à 1508, rue Saint-Paul à Lemoyne.

 

[2]              La question en litige est de savoir si la première utilisation des immeubles a servi de lieu de résidence à des particuliers qui ont chacun occupé l’immeuble de façon continue, en vertu d’un ou de plusieurs baux pendant une période d’au moins une année tout au long de laquelle l’immeuble leur a servi de lieu de résidence habituelle.

 

[3]              Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour refuser le remboursement sont décrits comme suit au paragraphe 15 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

a)     les faits admis ci-dessus;

b)    l’appelante était, pendant la période visée, un inscrit aux fins de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985) c. E-15 (ci-après « LTA »);

c)     le 5 octobre 2005, l’appelante a déposé auprès du Ministre [sic] une demande de remboursement de TPS pour un immeuble d’habitation locatif neuf relativement au triplex portant les adresses 1638 à 1642 rue Charles à Saint-Hubert;

d)    le 21 décembre 2005, l’appelante a déposé auprès du Ministre [sic] une demande de remboursement de TPS pour un immeuble d’habitation locatif neuf relativement au quadruplex portant les adresses 1502 à 1508 rue Saint-Paul à Lemoyne;

e)     l’appelante est le constructeur du triplex et du quadruplex décrits aux paragraphes c) et d) ci-dessus;

f)      l’appelante a loué tous les appartements du triplex et du quadruplex décrits aux paragraphes c) et d) ci-dessus à la société Service LTS inc. [sic];

g)     le bail des appartements 1638 à 1642 rue Charles à Saint-Hubert a une durée de 7 mois et demi débutant le 15 novembre 2005 et se terminant le 30 juin 2006;

h)     le bail des appartements 1502 à 1508 rue Saint-Paul à Lemoyne a une durée de 15 mois débutant le 1er avril 2005 et se terminant le 30 juin 2006;

i)       la société Service LTS inc. [sic] a fourni à sont tour, par bail, les appartements 1638 à 1642 rue Charles à Saint-Hubert et 1502 à 1508 rue Saint-Paul à Lemoyne à des particuliers pour la durée des travaux de restauration et de construction après les sinistres de leur résidence habituelle;

j)       ces baux sont de durée variable selon la durée des travaux de restauration ou de construction calculée en termes de jours de location, pouvant varier de 30 jours, 45 jours, 60 jours ou autre;

k)     puisque ces appartements ne sont pas les résidences habituelles des particuliers pour une période d’au moins un an, les critères établis dans la définition d’habitation admissible ne sont pas rencontrés.

 

[4]              Monsieur Rémi Tremblay a témoigné et il a précisé que (i) l’appelante était une fiducie familiale qu’il a créée pour le bénéfice de ses deux filles; (ii) l’appelante avait acheté les deux terrains nécessaires à la construction des deux immeubles; (iii) l’appelante avait fait construire les deux immeubles par Tremtar, une société dont il était le seul propriétaire; et que (iv) Service LTS Inc. était une société qui lui appartenait (75 %) ainsi qu’à sa conjointe (25 %). Monsieur Tremblay a également expliqué que le bail entre l’appelante et Service LTS Inc. portait sur des appartements vides et que Service LTS Inc. les meublait pour qu’ils puissent être loués aux sinistrés entièrement meublés et équipés. Les baux de Service LTS Inc. étaient conclus avec les sinistrés et non avec les assureurs mais le coût du loyer était défrayé par les assureurs.

 

[5]              Les baux décrits aux paragraphes 3 g) et 3 h) ci-dessus ont été produits (pièces I-2 et I-3) de même que les ententes de location conclues entre Service LTS Inc. et les sinistrés relativement aux immeubles concernés (pièce I-4 en liasse). Le passage suivant de ces ententes de location est très révélateur :

 

Le Locataire retient les services de Service LTS Inc. (le Locateur) à titre de fournisseur d’un logis temporaire pour la durée des travaux de restauration et de construction après sinistre effectués à son domicile et s’engage à payer le Loyer stipulé aux présentes.

 

[6]              D’anciens locataires ont également témoigné pour relater les circonstances dans lesquelles ils ont occupé un appartement loué auprès de Service LTS Inc.

 

Analyse

 

[7]              L’appelante prétend que les immeubles à l’égard desquels elle a présenté des demandes de remboursement de taxes pour bâtiments neufs à location résidentielle ont servi, à titre de première utilisation au cours de l’année 2005, à des fins de location résidentielle à long terme et non à court terme ou provisoire et ce, même si les baux des sinistrés ont une durée variant de un à douze mois.

 

[8]              L’appelante prétend que la notion « d’habitation admissible », telle que définie à l’article 256.2 de la LTA, n’exige pas que l’habitation soit habitée par un seul particulier tout au long de l’année pour que l’habitation soit qualifiée à titre d’habitation admissible. Selon elle, plusieurs particuliers peuvent habiter, un après l’autre, une habitation de l’immeuble à titre résidentiel dans l’année de sorte que l’immeuble puisse quand même se qualifier à titre d’habitation admissible.

 

[9]              La définition « d’habitation admissible » se retrouve au paragraphe 256.2(1) de la LTA qui se lit comme suit :

 

256.2 Définitions − (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« habitation admissible ». − «habitation admissible » S’agissant de l’habitation admissible d’une personne à un moment donné :

 

a) l’habitation dont la personne est propriétaire, copropriétaire, locataire ou sous-locataire au moment donné ou immédiatement avant ce moment ou dont elle a la possession, au moment donné ou immédiatement avant ce moment, en tant qu’acheteur dans le cadre d’un contrat de vente, ou l’habitation qui est située dans un immeuble d’habitation dont elle est locataire ou sous-locataire au moment donné ou immédiatement avant ce moment, dans le cas où, à la fois :

 

(i) au moment donné, l’habitation est une résidence autonome,

 

(ii) la personne détient l’habitation :

 

(A) soit en vue d’en effectuer des fournitures exonérées incluses aux articles 5.1, 6, 6.1 ou 7 de la partie I de l’annexe V,

 

(B) soit à titre de lieu de résidence habituelle pour elle-même, si l’immeuble dans lequel l’habitation est située comprend une ou plusieurs autres habitations qui seraient des habitations admissibles de la personne compte non tenu de la présente division,

 

(iii) la première utilisation de l’habitation est ou sera, ou la personne peut raisonnablement s’attendre au moment donné à ce que cette première utilisation soit, selon le cas :

 

(A) de servir de lieu de résidence habituelle à la personne ou à l’un de ses proches, ou à un bailleur de l’immeuble ou à l’un de ses proches, pendant une période d’au moins un an, ou pendant une période plus courte au terme de laquelle l’habitation sera utilisée tel qu’il est prévu à la division (B),

 

(B) de servir de lieu de résidence à des particuliers qui peuvent chacun occuper l’habitation de façon continue, en vertu d’un ou de plusieurs baux, pendant une période d’au moins un an tout au long de laquelle l’habitation leur sert de lieu de résidence habituelle, ou pendant une période plus courte se terminant au moment où l’habitation, selon le cas :

 

(I) est vendue à un acquéreur qui l’acquiert pour qu’elle lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à l’un de ses proches,

 

(II) sert de lieu de résidence habituelle à la personne ou à l’un de ses proches, ou à un bailleur de l’immeuble ou à l’un de ses proches,

 

(iv) sauf en cas d’application de la subdivision (iii)(B)(II), si, au moment donné, l’intention de la personne à l’égard de l’habitation, après qu’elle a été utilisée tel qu’il est prévu au sous-alinéa (iii), est de l’occuper pour son propre usage ou de la fournir par bail pour qu’elle soit utilisée à titre résidentiel ou d’hébergement par un particulier qui est l’un de ses proches, de ses actionnaires, de ses associés ou de ses membres ou avec lequel elle a un lien de dépendance, la personne peut raisonnablement s’attendre à ce que l’habitation soit son lieu de résidence habituelle ou celui de ce particulier;

 

b) l’habitation de la personne, visée par règlement.

 

[10]         La définition d’habitation admissible réfère à l’habitation admissible d’une personne. La personne dont il est ici question est la personne qui a présenté les demandes de remboursement de taxes, soit l’appelante en tant que constructeur d’immeubles et d’habitations à logements multiples. L’appelante a été assujettie au paiement des taxes en vertu des dispositions relatives au régime d’autocotisation et les taxes sont devenues payables dès que la première habitation de chaque immeuble a été louée. Dans le cas présent, la totalité des habitations de chaque immeuble a été louée à Service LTS Inc.

 

[11]         Suite à la signature des baux avec l’appelante, Service LTS Inc. a pris possession des habitations et les a meublées de façon à pouvoir les louer toutes équipées à des sinistrés. La première utilisation des habitations n’est donc pas de servir de résidence à des particuliers qui peuvent chacun occuper l’habitation de façon continue, en vertu d’un ou plusieurs baux, pendant une période d’au moins un an tout au long de laquelle l’habitation leur sert de lieu de résidence habituelle, tel que requis par le sous-alinéa 256.2(1)a)(iii) de la LTA.

 

[12]         De plus, les faits mis en preuve ne permettent pas de croire que la première utilisation des habitations concernées était de servir de résidence habituelle à Service LTS Inc., un proche avec lequel l’appelante avait un lien de dépendance.

 

[13]         Même si l’argumentation ci-dessus est suffisante en soi pour rejeter l’appel, je vais tout de même considérer l’argument de l’appelante qui ne considère pas Service LTS Inc. comme le premier utilisateur des habitations. Pour réussir, il faudrait que l’appelante démontre que les habitations de chaque immeuble locatif ont servi en presque totalité (c.-à-d. 90 % et plus) de lieu de résidence habituelle de particuliers qui occupaient chaque habitation de façon continue, en vertu d’un ou plusieurs baux, pendant une période d’un an.

 

[14]         Autrement dit, pour que l’appelante ait droit au remboursement de taxes à l’égard de ses immeubles d’habitation à logements multiples, il faudrait qu’elle démontre que tous les locataires qui ont occupé chaque habitation de façon continue, en vertu d’un ou de plusieurs baux, pendant la première année d’utilisation tout au long de laquelle l’habitation a servi à chaque locataire de lieu de résidence habituelle.

 

[15]         L’appelante n’a évidemment pas été en mesure de faire cette démonstration à l’égard des sept habitations et des témoins de l’intimée ont, au contraire, affirmé que les habitations qu’ils ont occupées n’étaient pas leur lieu de résidence habituelle et qu’ils n’ont jamais eu l’intention d’en faire leur lieu de résidence habituelle.

 

[16]         La majorité des habitations des immeubles ont servi, à leur première utilisation, aux sinistrés qui les ont habitées temporairement pendant une période variant de un à six mois, en attendant que leur résidence habituelle soit rétablie dans leur état normal. Cela est conforme à l’objet même des ententes de location conclues par Service LTS Inc.

 

[17]         L’expression « résidence habituelle » n’est pas définie dans la LTA. L’énoncé de politique p–228 émis le 30 mars 1999 indique la position de l’Agence des douanes et du revenu (ci-après l’« Agence ») à cet égard. Selon cet énoncé, la question de savoir si une habitation est une « résidence habituelle » est une question de fait qui doit être déterminée cas par cas (para. 2, page 1). Selon ce même énoncé de politique, les critères indicatifs d’une résidence habituelle sont :

 

-         l’adresse postale;

-         l’impôt sur le revenu (par ex. formulaires ou déclarations);

-         le droit de vote;

-         les taxes municipales ou scolaires;

-         la liste des inscriptions téléphoniques.

 

[18]         Le texte de l’article 256.2 de la LTA ne permet pas à un particulier de posséder plus d’une résidence habituelle. Si le particulier possède plus d’une résidence, il faut alors déterminer laquelle est la résidence la plus importante du particulier à partir des éléments factuels. Les éléments pris en compte par l’Agence dans la détermination de la résidence habituelle, tels qu’élaborés dans l’énoncé de politique ci-dessus mentionné, me semblent être raisonnables quoique non exhaustifs. D’autres indices peuvent être invoqués comme la mise en vente ou l’annulation du bail de la résidence habituelle actuelle, les changements d’adresse, les arrangements pour le déménagement et l’intention du particulier de retourner ou non dans sa résidence habituelle actuelle.

 

[19]         La preuve de l’appelante ne m’a pas convaincu que chaque habitation des deux immeubles concernés a été occupée de façon continue pendant la première année d’utilisation par des locataires pour qui l’habitation était leur lieu de résidence habituelle.

 

[20]         En conséquence, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Montréal (Québec), ce 18e jour de juillet 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 423

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3856(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Fiducie Chry-Ca c. Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 3 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 18 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Rémi Tremblay

 

Avocate de l’intimée :

Me Brigitte Landry

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

         Pour l’intimée :                                         John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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