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Référence : 2008CCI418

Date : 20080722

Dossier : 2007-3396(IT)I

 

ENTRE :

 

EYVONE WILLIAMS,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience,

le 18 juin 2008, à Toronto (Ontario))

 

Le juge Campbell

 

 

[1]      Le présent appel concerne l’année d’imposition 2004 de l’appelante.

 

[2]     Mme Williams est une infirmière autorisée qui a travaillé auprès de la Ville de Toronto de 1989 jusqu’au 10 août 2001, moment où elle a été victime d’un accident. Elle a été incapable de travailler pendant plus de deux ans.

 

[3]     Un des avantages dont elle bénéficiait dans le cadre de son travail auprès de la Ville de Toronto était la participation à un régime d’assurance invalidité de longue durée. Ce régime était financé par des primes payées par l’employeur et par l’employée. Jusqu’en août 2002, soit environ un an après l’accident, la Ville de Toronto payait toutes les primes. Après août 2002, c’est l’appelante qui payait les primes du régime d’assurance.

 

[4]     La Ville de Toronto a payé les primes pendant la première année suivant l’accident, mais comme l’appelante n’était toujours pas en mesure de retourner au travail, elle a dû commencer à payer elle‑même les primes afin de conserver son adhésion au régime.

 

[5]     Mme Williams a continué de payer ces primes après août 2002 parce que ses réclamations auprès de La Compagnie d’Assurance‑Vie Manufacturers (« Manuvie ») n’avaient pas été réglées.

 

[6]     Elle a retenu les services d’un avocat et intenté une action contre Manuvie à la fin de 2001. Les parties en sont arrivées à un règlement en fonction duquel Manuvie a payé 57 500 $ à l’avocat de Mme Williams, en fiducie. De ce montant, 7 500 $ ont été désignés comme frais juridiques. Du montant total, l’avocat a en fait retenu 21 173,58 $ pour frais juridiques et débours.

 

[7]     Manuvie a produit un feuillet T4A à Mme Williams. À la case 28 de ce feuillet, sous la rubrique « autres revenus », le montant de 50 000 $ était inscrit. Manuvie a indiqué que ce montant représentait l’[traduction] « assurance‑salaire ».

 

[8]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante afin d’inclure dans le calcul des revenus de cette dernière le montant de 50 000 $ (soit le règlement total de 57 500 $ moins les 7 500 $ désignés comme frais juridiques dans le document de règlement) en fonction du feuillet T4A produit par Manuvie concernant les prestations d’assurance‑salaire. 

 

[9]     Mme Williams a aussi eu le droit de déduire les frais juridiques de 21 173 $ qu’elle a dû payer afin d’obtenir les prestations.

 

[10]    Lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation, le ministre a aussi refait le calcul du paiement forfaitaire rétroactif admissible concernant les prestations d’assurance‑salaire en fonction des renseignements fournis par l’appelante dans le formulaire T1198E. Le montant de 50 000 $ a donc été inclus dans les revenus de l’appelante pour les années d’imposition 2002 et 2003 à raison de 25 000 $ pour chacune des années.

 

[11]    Le ministre a également accordé à l’appelante la déduction de 1 492 $ en ce qui a trait aux contributions qu’elle a faites au régime en 2002 et en 2003 lorsque son employeur a cessé de contribuer.

 

[12]    Cette façon particulière de recalculer l’impôt a été utilisée à la demande de l’appelante. L’appelante tirait plus avantage du calcul de l’impôt fédéral fait en fonction du formulaire T1198E que du calcul fait à partir de la totalité du montant pour l’année d’imposition 2004.

 

[13]    Selon le témoignage de Randal King, conseiller principal en réclamations auprès de Manuvie, le régime auquel adhérait la Ville de Toronto en était un qui couvrait les [traduction] « services de gestion seulement ». Il a expliqué que l’employeur s’occupait de tout le financement et que Manuvie s’occupait de la gestion du régime. Il a affirmé qu’en juin 2005, l’appelante avait demandé à Manuvie de qualifier le montant de prestation d’assurance plutôt que de revenu imposable, comme il était indiqué sur le feuillet T4A qui avait été produit.

 

[14]    M. King a vérifié auprès de la section fiscale de Manuvie, qui a confirmé que le montant représenterait bel et bien une prestation d’assurance‑salaire. La demande de l’appelante visant à faire changer ceci a été refusée.

 

[15]    Dans son témoignage, M. King a affirmé qu’une prestation d’assurance‑invalidité ne constitue pas un avantage imposable s’il est précisé dans la police d’assurance qu’elle n’est pas imposable et si l’employé a payé la totalité des primes.  

 

[16]    En l’espèce, l’appelante n’a pas payé toutes les primes. Elle ne les a payées que pendant une courte période après 2002, et selon le témoignage de M. King, sa police précisait que les prestations constituaient un avantage imposable.

 

[17]    Les questions à trancher sont les suivantes. Le montant de 50 000 $ payé à l’appelante constitue‑t‑il un avantage imposable? Si je conclus qu’il ne s’agit pas d’un avantage imposable, l’appelante peut‑elle déduire les frais juridiques de 21 173 $ ainsi que sa contribution de 1 492 $ au régime, deux montants dont la déduction a déjà été admise par le passé.

 

[18]    Il aurait été utile de me fournir une copie de la police ou du régime qui régissait le droit de l’appelante aux prestations en cause. De plus, on ne m’a fourni que la première page du document de cessation de services que l’appelante a produit (pièce A‑2) lorsque son action judiciaire a été réglée. À la première page du document de cessation de services était jointe une feuille représentant le compte de frais et de débours de l’avocat ainsi que le montant final payé à l’appelante.

 

[19]    Le premier paragraphe de cette unique page du document de cessation de services indique que la réclamation ne concerne que le versement de prestations en vertu de la police.  

 

[20]    Le litige repose sur la question de savoir si le montant désigné comme le paiement de prestations dans le document de cessation de services était payable périodiquement en vertu d’un régime d’assurance invalidité, conformément à l’alinéa 6(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[21]    L’alinéa 6(1)f) est rédigé en ces termes :

 

            Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

[…]

 

f)            le total des sommes qu’il a reçues au cours de l’année, à titre d’indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l’un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

 

              […]

 

              (ii) un régime d’assurance invalidité;

 

              […]

 

[22]    Dans l’arrêt Tsiaprailis c. Canada, [2005] A.C.S. n° 9, au paragraphe 7, la Cour suprême du Canada a précisé que le traitement fiscal d’une transaction dépend de ce que le montant ou le paiement vise à remplacer. Je dois donc examiner la nature et l’objet du montant versé à l’appelante à la suite du règlement afin d’établir s’il tombe sous le coup de l’alinéa 6(1)f) et, par conséquent, s’il est imposable. Essentiellement, je dois tirer une conclusion de fait.

 

[23]    Au paragraphe 15 de l’arrêt en question, la Cour suprême du Canada a énoncé les deux questions suivantes, qui sont des facteurs déterminants :

 

(1) que visait à remplacer le paiement et, si la réponse est suffisamment claire, (2) l’élément remplacé aurait‑il été imposable pour la personne qui en a bénéficié?

 

[24]    Étant donné  que je n’ai pas le document complet de la police ni de la cessation de services entre les mains, je dois fonder ma décision uniquement sur les témoignages de l’appelante et de M. King, de Manuvie, ainsi que sur les quelques documents approximatifs qu’on m’a présentés.  

 

[25]    Dans son témoignage, l’appelante a affirmé qu’elle pensait qu’elle recevrait des paiements périodiques une fois qu’elle aurait intenté une action en justice. Elle pensait que selon son régime d’assurance, elle aurait droit à environ 75 % de son salaire et que c’est ce qu’elle recevrait. Mais dans le règlement, elle a convenu d’un montant moins élevé parce qu’elle avait besoin de revenu immédiatement pour payer ses factures.

 

[26]    M. King a confirmé que Manuvie avait produit un feuillet T4A et l’avait envoyé à l’appelante lorsqu’elle a réglé sa réclamation, avait signé le document de cessation de services et attribué le montant à titre d’assurance‑salaire parce que l’employeur, soit la Ville de Toronto, a payé les primes pendant la première année suivant l’accident, et que selon la preuve dont j’ai été saisie, les montants étaient qualifiés dans la police comme des avantages imposables. Cependant, je le répète, comme je n’ai pas la police entre les mains, je ne peux me fonder que sur les témoignages de l’appelante et de M. King. Mais je n’ai aucune raison de croire que ces témoignages ne représentent pas ce qui est contenu dans ces documents.

 

[27]    La preuve dont j’ai été saisie permet d’établir que le montant forfaitaire de 50 000 $ constitue un revenu imposable reçu par l’appelante en remplacement de paiements périodiques. Ceci abonde dans le sens des témoignages de l’appelante et de M. King et correspond à ce qui est prévu à l’alinéa 6(1)f) de la Loi.

 

[28]    Le fait que le montant est inférieur à ce à quoi l’appelante croyait avoir droit ne change en rien la nature et l’objet du montant qu’elle a convenu de recevoir.   

 

[29]    De plus, je ne crois pas que la nature de la police a changé lorsque l’appelante a commencé à assumer elle‑même les primes en 2002 afin de conserver son adhésion au régime. Le régime qui était en vigueur au moment de l’accident était celui pour lequel la Ville de Toronto payait toutes les primes. La police reste donc dans les limites de ce que M. King a affirmé dans son témoignage, et le montant payé à l’appelante a donc été payé en application des dispositions de cette police.

 

[30]    De toute évidence, le montant remplacé aurait été imposable une fois entre les mains du bénéficiaire.

 

[31]    Subsidiairement, l’intimée soutient que si j’en venais à conclure que le montant de 50 000 $ n’est pas imposable, aucun frais judiciaire ne peut être déduit en application de l’alinéa 8(1)b) et du paragraphe 8(2), ni aucune des primes que l’appelante a payées après 2002.

 

[32]    Je conviens qu’il en serait bel et bien ainsi. Cependant, même si je n’ai pas fait les calculs, je suis d’avis que l’appelante s’en serait tiré un peu mieux financièrement si j’avais accueilli l’appel et conclu que le montant de 50 000 $ constituait un avantage non‑imposable et refusé la déduction des frais judiciaires et des primes qu’elle a payées.

 

[33]    L’appelante ne s’est tout simplement pas acquittée du fardeau de la preuve, comme aucun fait n’a été présenté pour réfuter les hypothèses formulées par le ministre.

 

[34]    Par conséquent, conformément aux présents motifs, je dois rejeter l’appel.

 

[35]    Je tiens à ce que ceci soit inscrit au dossier, comme vous êtes présente, Me Aird. Je comprends que même si je rejette l’appel, ceci n’aura aucun effet sur la demande que l’appelante avait initialement formulée visant à ce que le montant de 50 000 $ soit divisé et inclus dans les années 2002 et 2003, respectivement, plutôt qu’inclus dans l’année 2004.

 

 


Signé à Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard), ce 22e jour de juillet 2008.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’octobre 2008.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2008CCI418

 

N° DE DOSSIER :

2007-3396(IT)I

 

INTITULÉ :

Eyvone Williams et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’Honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT RENDU ORALEMENT :

Le 18 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Anderson T. Walcott

 

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Kandia Aird

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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