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Dossier : 2007-2817(EI)

ENTRE :

CRITICAL CONTROL SANITATION INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Critical Control Sanitation Inc. (2007-2816(CPP))

le 25 juin 2008, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelante :

Me Irving Solnik

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de juillet 2008.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’août 2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

Dossier : 2007-2816(CPP)

ENTRE :

CRITICAL CONTROL SANITATION INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Critical Control Sanitation Inc. (2007-2817(EI))

le 25 juin 2008, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelante :

Me Irving Solnik

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de juillet 2008.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’août 2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 412

Date : 20080729

Dossiers : 2007-2817(EI)

2007-2816(CPP)

ENTRE :

CRITICAL CONTROL SANITATION INC.,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Weisman

 

 

[1]     Ces deux appels découlent de décisions que l’intimé a rendues, à savoir que deux travailleurs, Alfredo Baladan (« M. Baladan ») et Filipe Formoso (« M. Formoso »), exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l’assurance-emploi[1] (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada[2] (le « Régime ») pendant qu’ils étaient au service de l’appelante. La période en cause, dans le cas de M. Baladan, s’étend du 1er janvier 2004 au 27 février 2007 et, dans le cas de M. Formoso, du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005. Sur consentement, les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune.

 

[2]     L’appelante, Critical Control Sanitation Inc. (« CCSI »), exploite une entreprise de nettoyage d’installations de transformation d’aliments, sous l’œil attentif – et conformément aux prescriptions – de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« Agence »). Les deux travailleurs occupaient des postes de cadre auprès de l’appelante : M. Baladan en était le directeur général, et M. Formoso l’un de ses superviseurs. M. Formoso relevait de M. Baladan qui, lui-même, relevait du président de l’appelante, Raymond Junghans (« M. Junghans »).

 

[3]     Bien que ce qui précède soit clair au vu des éléments de preuve présentés, une grande part de la relation entre les parties est loin de l’être. L’avocat de l’appelante a été invité à structurer sa preuve de manière à pouvoir satisfaire à chacun des quatre critères établis dans l’arrêt Wiebe Door Services c. M.R.N.[3] (« Wiebe Door »), soit : le contrôle, la propriété des outils, les chances de profit et le risque de perte, afin de s’acquitter du fardeau de prouver que les décisions du ministre étaient objectivement déraisonnables. Il n’y est pas parvenu. Heureusement, en contre-interrogatoire, l’avocat du ministre a soumis le témoin de l’appelante, M. Junghans, à toutes les hypothèses formulées dans la réponse modifiée du ministre à l’avis d’appel modifié de l’appelante, ce qui a aidé à jeter un peu de lumière sur la relation de travail entre les parties, de façon à ce que l’on puisse trancher l’affaire sur le fond.

 

[4]     M. Formoso supervisait les nettoyeurs d’un certain nombre d’installations de transformation d’aliments. Ce travail consistait à se rendre à divers endroits tard le soir, après la fermeture des installations, pour vérifier si les travailleurs qui étaient censés les nettoyer se présentaient bel et bien pour le faire. Une seconde visite [traduction] « préopérationnelle » était nécessaire tôt le matin, avant que les installations ouvrent pour la journée, en vue d’inspecter le travail fait durant la nuit par les nettoyeurs, en tant que moyen de contrôler la qualité. M. Formosa était par ailleurs libre durant la journée de faire comme bon lui semblait, et M. Junghans a dit croire qu’il exploitait un taxi, mais il n’avait aucune preuve à l’appui de ce soupçon.

 

[5]     M. Formoso était rémunéré en fonction du nombre d’installations qu’il supervisait. Il a accepté de faire de la publicité pour l’appelante, et obtenait une incitation financière pour le faire. Sa rémunération hebdomadaire de base de 850 $ augmentait de 50 $ à 150 $ par semaine pour chaque nouvelle installation qu’il présentait à l’appelante, suivant sa taille. C’était M. Junghans qui se rendait aux nouvelles installations pour négocier les modalités nécessaires. Rien ne prouve que M. Formoso a engagé des dépenses en rapport avec ses fonctions pas plus que ces dernières l’obligeaient à utiliser des outils quelconques.

 

[6]     M. Baladan, en tant que directeur général, a embauché et supervisé M. Formoso ainsi que les autres superviseurs et chefs d’équipe. Lui aussi était soumis à un système incitatif. C’est lui qui s’occupait d’embaucher et de congédier les travailleurs pour l’entreprise, et il trouvait des remplaçants pour les employés qui, pour une raison quelconque, ne se présentaient pas à leur quart de travail. Pour ce service, il touchait une prime de 1 $ pour chaque heure de travail accomplie par les travailleurs de remplacement. La rémunération horaire normale des nettoyeurs était de 8 $. M. Baladan payait les travailleurs et facturait à l’appelante un tarif de 9 $ l’heure plus la TPS sur sa rémunération de base et la rémunération des remplaçants, y compris sa majoration. On a également pensé, mais non établi, que, lorsqu’il conduisait des nettoyeurs à leur lieu de travail, il leur facturait ce service. Malheureusement, aucune preuve n’a été produite quant au montant de ces revenus ou à leur importance par rapport à la rémunération de base des deux travailleurs. De plus, les travailleurs en question, qui connaîtraient les réponses à ces questions pertinentes, n’ont pas été appelés à témoigner pour le compte de l’appelante, sans explication. Je tire l’inférence que leur témoignage n’aurait pas été utile à l’appelante[4].

 

[7]     Dans les rapports qu’il entretenait avec l’appelante, M. Baladan n’avait aucun risque de perte. Les frais de location de son automobile étaient supportés en partie par CCSI, mais il payait ses propres dépenses d’essence et d’assurance. Le coût de son bureau lui était remboursé, tout comme celui des voyages d’affaires qu’il faisait pour le compte de l’appelante. Il n’avait pas besoin d’autres outils dans le cadre de son travail. On ignore si CCSI supportait en partie le coût des téléphones cellulaires des deux travailleurs. Quand on a demandé à M. Junghans si M. Baladan payait pour annoncer des postes de nettoyeurs, il a laissé entendre qu’il le faisait peut-être dans les journaux en langue étrangère, mais, principalement, c’était par le bouche-à-oreille qu’il trouvait ses nettoyeurs. S’il était obligé de payer à un nettoyeur plus que le tarif habituel de 8 $ l’heure, l’appelante lui remboursait l’excédent intégralement.

 

[8]     Tant M. Formoso que M. Baladan étaient tenus par l’Agence d’avoir des noms d’entreprises enregistrées, et ils l’ont fait. Tant M. Baladan que M. Formoso ont signé avec l’appelante des ententes dans lesquelles ils ont convenu qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants, mais il est bien établi en droit que les ententes de cette nature ne sont pas déterminantes pour ce qui est de la question en litige.

 

[9]     Des éléments de preuve ont été présentés avec persistance quant aux conditions de travail des nettoyeurs eux-mêmes, mais ces conditions n’avaient aucune pertinence avec celles de MM. Baladan et Formoso, les deux travailleurs dont le cas était soumis à la Cour. Il est clair, cependant, que l’appelante exerçait un contrôle de droit sur les deux. Selon M. Junghans, les deux relevaient de lui et, dans le cas de M. Baladan, c’était [traduction] « assez souvent ». M. Formoso relevait lui aussi de M. Baladan, comme il a été mentionné plus tôt. Par ailleurs, les contrats d’entrepreneur indépendant que les deux travailleurs avaient signés contenaient plusieurs clauses qui, à mon avis, constituent des indices de direction et de contrôle. Il incombe aux travailleurs : [traduction] « […] d’apprendre, de comprendre et de suivre ces politiques, règles et lignes directrices »; de [traduction] « remplir tous les documents nécessaires pour CCSI »; de [traduction] « rester en communication avec l’usine, ou les lieux de travail pour le compte de CCSI, et [de] promouvoir les services de CCSI lors de ces communications »; de [traduction] « fournir à CCSI toute autre assistance dont celle-ci peut avoir raisonnablement besoin ». Ces responsabilités établissent non seulement l’existence d’un contrôle de droit, mais aussi d’une relation de subordination.

 

[10]    Il a été prouvé que les deux travailleurs pouvaient se faire remplacer aux frais de CCSI, s’ils étaient malades ou par ailleurs indisponibles. En fait, M. Formoso l’a fait à une occasion. Quant à la pertinence des services personnels, le juge McKenna, dans la décision Ready Mixed Concrete (South East) Ltd. v. Minister of Pensions and National Insurance[5], déclare ceci : [traduction] « La liberté de faire un travail, de ses propres mains ou par l’entremise d’une autre personne, est incompatible avec un contrat de louage de services, mais un pouvoir de délégation limité ou occasionnel peut ne pas l’être. » Selon moi, MM. Baladan et Formoso avaient bel et bien un pouvoir de délégation limité ou occasionnel de ce genre, ce qui était compatible avec un contrat de louage de services.

 

[11]    Pour ce qui est des deux travailleurs dont le cas a été soumis à la Cour, les faits qui précèdent établissent les éléments requis de contrôle, de subordination, d’absence de risque de perte et de fourniture, par CCSI, des outils dont M. Baladan avait besoin.

 

[12]    Le seul autre point en litige qui subsiste en l’espèce consiste à savoir si MM. Baladan et Formoso avaient une chance de réaliser un profit dans la relation de travail qu’ils entretenaient avec CCSI. Cela oblige à déterminer si les divers revenus qu’ils touchaient en plus de leur rémunération hebdomadaire de base étaient des profits découlant d’une saine gestion, ou d’incitations à la vente. Durant tout son témoignage, M. Junghans a fait mention à maintes reprises de leurs [traduction] « incitations » et de leurs [traduction] « primes ». À mon avis, c’est exactement de cela qu'il s’agit : des incitations à la vente et des primes de vente, deux éléments qui ne sont pas compatibles avec le fait que les deux travailleurs soient des entrepreneurs indépendants.

 

[13]    Étant donné que les critères pertinents de l’arrêt Wiebe Door indiquent tous que MM. Baladan et Formoso ont travaillé dans le cadre de contrats de louage de services auprès de CCSI durant les périodes en cause, il est inutile d’accorder beaucoup d’importance à l’intention déclarée des parties[6].

 

[14]    L’appelante a le fardeau de démolir les hypothèses avancées dans la réponse modifiée du ministre à son avis d’appel modifié. Il convient de présumer que ces allégations sont véridiques tant que l’appelante n’a pas prouvé leur fausseté[7]. L’hypothèse 8 g)(iii) est inexacte. C’est M. Junghans qui fournit les estimations et qui négocie les contrats avec les installations de transformation d’aliments. L’hypothèse 8 j) est erronée, elle aussi. Ce ne sont pas MM. Baladan et Formoso qui devaient subir une inspection de propreté, mais les installations que leurs travailleurs nettoyaient. L’hypothèse 8 o) a été réfutée par la preuve selon laquelle les deux travailleurs pouvaient parfois embaucher des personnes pour les remplacer. L’hypothèse 8 r) n’a pas été corroborée par la preuve. CCSI supportait simplement en partie les frais de location, et elle n’a pas fourni à M. Baladan un véhicule d’entreprise, comme il a été allégué. Les faits restants qui ont été prouvés au procès étaient suffisants en droit pour étayer les décisions du ministre[8].

 

[15]    J’ai examiné tous les faits avec les parties et le témoin appelé pour le compte de l’appelante à témoigner sous serment pour la première fois, et je n’ai relevé aucun fait nouveau, ni rien qui indique que les faits que le ministre avait inférés ou sur lesquels il s’était fondé étaient irréels, ou avaient été appréciés de manière inexacte ou mal compris. Je ne puis trouver aucune entreprise dans laquelle M. Baladan ou M. Formoso était à son propre compte. Les conclusions du ministre sont objectivement raisonnables[9].

 

[16]    En définitive, les décisions du ministre sont confirmées, et les deux appels sont rejetés.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de juillet 2008.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’août 2011.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2008 CCI 412

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2007-2817(EI) et

2007-2816(CPP)

 

INTITULÉ :

Critical Control Sanitation Inc. c.

Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat pour l’appelante :

Me Irving Solnik

 

Avocat de l’intimé :

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Irving Solnik Professional Corporation

 

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L.C. 1966, ch. 23

[2] L.R.C. 1985, ch. C-8, dans sa forme modifiée.

[3] 87 D.T.C. 5025 (C.A.F.).

[4] Levesque c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010.

[5] [1968] 1 All E.R. 433, à la page 440 (D.B.R.).

[6] Le Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87 (C.A.F.).

[7] Elia c. M.R.N., [1998] A.C.F. no 316 (C.A.F.).

[8] Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd.(C.A.), [1998] 1 C.F. 187 (C.A.F.).

[9] Légaré c. M.R.N., [1999] A.C.F. no 878 (C.A.F.); Pérusse c. M.R.N., [2000] A.C.F. no 310.

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