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Référence : 2008CCI222

Date : 20080808

Dossier : 2007-1559(IT)I

ENTRE :

GINA CONSTANTIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l'audience le 26 février 2008,

à Montréal (Québec), et modifiés pour plus de clarté et de précision.)

 

Le juge Archambault

 

[1]     Il s'agit d'un appel de madame Gina Constantin contestant la détermination du ministre du Revenu national (ministre) selon laquelle elle n'était pas le « particulier admissible »[1] aux fins de la prestation fiscale canadienne pour enfants relativement aux années de base 2003 et 2004. J'ai rendu ma décision séance tenante parce qu'il y avait au moins une des conditions qui, malheureusement pour madame Constantin, n'avait pas été remplie ici, soit celle selon laquelle elle devait être la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants. Je crois que, comme le disait la juge Lamarre Proulx dans Roy c. R., 2004 CarswellNat 4908, 2005 CCI 27, [2005] 5 C.T.C. 2194, au paragraphe 15, « le fait qu’un enfant habite chez un de ses parents cinq jours sur sept est normalement un indicateur qu’en ce qui concerne les activités quotidiennes c’est ce parent qui s’en occupe le plus. » Bien évidemment, cela est encore plus vrai quand l'enfant passe 12 jours sur 14 chez ce parent, comme c’est le cas ici. La preuve a amplement révélé que le père (monsieur Beauvais) et la mère s’occupaient tous deux de leurs enfants durant la période pertinente. Le débat porte plutôt sur la question de savoir si madame Constantin assumait « principalement » cette charge.

 

[2]     Je n’ai aucun doute à que madame Constantin s'est occupée de ses enfants et ce, selon toute vraisemblance, bien plus que la moyenne des parents qui ne vivent pas de façon continue avec leurs enfants. En effet, elle était en communication avec eux quotidiennement et cela a été reconnu par le père. Il a confirmé qu'elle appelait au moins une fois par jour, sinon deux. Par contre, la Cour ne peut pas conclure que le père et la mère, qui ne vivaient pas ensemble, assumaient tous les deux principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation des enfants. Il faut donc, déterminer lequel des deux satisfaisait à cette condition. Compte tenu du fait que les enfants, durant la période pertinente, passaient beaucoup plus de temps avec leur père, il est inévitablement plus facile à la Cour de conclure que c’est le père qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation des enfants, selon les critères énoncés à l'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu (Règlement)[2]. N’étant pas présente, madame Constantin ne pouvait pas surveiller autant que monsieur Beauvais les activités quotidiennes des enfants et voir à leurs besoins quotidiens.

 

[3]     Madame Constantin a concédé que le critère énoncé à l'alinéa b) ne pouvait pas s’appliquer à elle et qu’il favorisait monsieur Beauvais. En effet, c’est lui qui maintenait un milieu sécuritaire là où les enfants résidaient. La preuve révèle que madame Constantin s'est occupée de l’obtention de soins médicaux, notamment lorsqu'elle est allée chez le médecin pour un cas de bronchite. Il n’y a pas de doute qu'elle a joué un rôle important par rapport à ce critère, mais monsieur Beauvais l’a fait également. Ce dernier a indiqué qu’il était là pour subvenir aux besoins des enfants lorsqu'ils étaient malades. L’organisation des activités éducatives se faisait beaucoup à l’école et, comme madame Constantin l'a reconnu, la preuve a révélé que c’est le père qui inscrivait les enfants à ces activités, qui allait aux réunions des parents et qui pouvait répondre aux besoins quotidiens des enfants.

 

[4]     Quant au critère énoncé à l'alinéa 6302f), à savoir celui de veiller à l’hygiène corporelle des enfants de façon régulière, même si madame Constantin s'en est occupée, les enfants étaient plus souvent chez le père que chez la mère et on peut penser que cette activité s'est pratiquée le plus souvent chez le père plutôt que chez la mère.

 

[5]     Le dernier critère énoncé à l’article 6302, soit celui d’être présent de façon générale auprès des enfants et de les guider, favorise également monsieur Beauvais. Comme il l’a dit, quand les enfants avaient de la peine, des chicanes entre eux, ou des problèmes avec les petits amis, inévitablement c’est lui qui pouvait être présent et les guider. Compte tenu du devoir qu’a la Cour de trancher, je conclus que l’ensemble de la preuve favorise davantage monsieur Beauvais que madame Constantin.

 

[6]     Quant à l'autre condition, à savoir celle selon laquelle le « particulier admissible » devait résider avec la personne à charge[3], je ne suis pas en mesure de déterminer si les enfants résidaient avec madame Constantin sans avoir pu y réfléchir davantage. Toutefois, il faut satisfaire à l'une et l'autre des conditions énoncées à la définition de «particulier admissible»; si l’une des deux n’est pas remplie, l'appel ne peut être accueilli.

 

[7]     En ce qui a trait à l'argument d’injustice invoqué par madame Constantin, argument selon lequel la pension alimentaire devrait être révisée pour tenir compte du fait que c'est le père qui a droit à la prestation fiscale pour enfants, j'y suis très sensible. Toutefois, je suis obligé d’adopter la même conclusion que celle du juge Tardif dans Laurin c. Canada, [2006] A.C.I. no 192 (QL) au paragraphe 26: « seule la Cour supérieure a compétence pour établir l’équilibre financier entre les parties ».

 

[8]     Je fais remarquer de plus et ce n'est pas nécessairement une chose facile  que la Loi a prévu l’obligation pour le bénéficiaire de la prestation fiscale pour enfants d’informer le ministère lorsqu’il y a dans sa situation un changement qui pourrait le rendre inadmissible. J’ose espérer que le ministère fournit suffisamment d’information aux prestataires pour leur permettre de satisfaire à leur obligation de l’informer. Par contre, je ne pense pas qu'il soit approprié d'exercer devant cette Cour un recours en dommages-intérêts contre le ministère en raison d'un manquement concernant la communication d'information aux prestataires, et ce, afin de bénéficier d’une compensation. Ici, madame Constantin a reconnu, sinon explicitement, au moins implicitement, que le père était le particulier admissible. Si jamais il y avait faute de la part du ministre dans sa démarche, il faudrait plutôt envisager un recours devant la Cour fédérale ou devant un autre tribunal compétent. Le rôle de la Cour canadienne de l’impôt se limite à décider si la détermination qui fait l’objet de la contestation respecte les prescriptions de la Loi. En d'autres mots, son rôle est de s’assurer que le ministre effectue sa détermination en conformité avec la Loi. Les critères énoncés par la Loi et le Règlement ne tiennent pas compte des questions de savoir si les prestations fiscales ont été utilisées pour verser une pension alimentaire ou si le montant de la pension est raisonnable dans les circonstances. C’est à la Cour supérieure à tenir compte de ces facteurs.

 

[9]     Je n’ai pas d’autre choix que de conclure, malheureusement pour madame Constantin, que le ministre s’est conformé aux dispositions de la Loi. Madame Constantin n’a rien dit qui puisse soulever quelque doute que ce soit sur le bien‑fondé de la détermination du ministre. Elle n'était pas le « particulier admissible » aux fins de l’application du paragraphe 122.6 de la Loi. La Cour n’aurait pu conclure autrement, même s’il avait été établi que le ministre n'avait pas, en temps opportun, suffisamment bien informé pour lui permettre de faire ajuster sa pension alimentaire.

 

[10]    Je conviens avec madame Constantin qu’il devrait y avoir un mécanisme qui permettrait à des gens se trouvant dans une situation semblable à la sienne de corriger cette situation, mais cela pourrait nécessiter une modification de la loi ou un changement jurisprudentiel. Je ne connais pas suffisamment le droit familial pour comprendre pourquoi la Cour supérieure n’est pas en mesure de rétablir un certain équilibre pour le passé. S’il y a une règle qui l’empêche de le faire, il faudrait demander aux autorités compétentes de modifier la loi.

 

[11]    Pour ces motifs, l'appel de madame Constantin est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2008.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI222

 

No DE DOSSIER DE LA COUR :      2007-1559(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :               GINA CONSTANTIN c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 26 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 mars 2008

 

DATE DES MOTIFS

DU JUGEMENT :                              le 8 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

l’appelante elle‑même

Avocate de l'intimé :

Me Nathalie Khlat

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Voici la définition énoncée à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) :

«  particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne − père ou mère de la personne à charge − qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

[...]

[2]           Voici les critères énoncés à l'art. 6302 :

6302. Critères − Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[3]           L'alinéa a) de la définition de « particulier admissible », reproduit à la note 1 ci-dessus.

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