Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2004-3932(GST)G

ENTRE :

 

J. HUDON ENTERPRISES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu les 14 et 15 mai 2008, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Susan Fincher-Stoll

Avocat de l’intimée :

Me Michael Ezri

 

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise relativement à la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001, datée du 6 juillet 2004 et portant le numéro 08GP‑GL0328 0093 0485, est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il effectue un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelante a droit à l’exemption prévue au paragraphe 188(2) de la Loi.

 

          Les pénalités sont supprimées.

 


          L’appelante a droit à ses dépens dans la présente action, lesquels doivent être taxés.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour d’août 2008.

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’octobre 2008.

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


 

 

 

Référence : 2008CCI348

Date : 20080812

Dossier : 2004-3932(GST)G

ENTRE :

 

J. HUDON ENTERPRISES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]        Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard d’une cotisation établie sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 (la « période ») et dont l’avis de nouvelle cotisation est daté du 6 juillet 2004 et porte le numéro 08GP‑GL0328 0093 0485.

 

[2]        D’une manière générale, le ministre fait valoir que les sommes reçues par l’appelante pendant la période visaient un revenu gagné à titre de conducteur et d’entraîneur.

 

[3]        L’appelante soutient que les sommes en cause n’étaient pas assujetties à la taxe sur les produits et services (la « TPS ») puisqu’elles ont été reçues à titre de prix remis à un compétiteur, et qu’elles sont donc soustraites à l’application de la TPS suivant le paragraphe 188(2) de la Loi.

 

Preuve

 

[4]        Les parties ont notamment mis en preuve la pièce A‑1, laquelle consiste en un recueil conjoint de documents pour l’instruction. Cette pièce a été introduite sans aucune restriction.

 

[5]        Pendant son témoignage, Hugh Mitchell (« M. Mitchell ») a déclaré qu’il était directeur général de la Western Fair Association. Il a rempli trois mandats auprès de cet organisme, le dernier remontant à avril 2005. Il participe à l’industrie des courses de chevaux depuis 1982. Il a affirmé que la Commission des courses de l’Ontario (la « CCO ») gère et régit les courses en Ontario et que la Ontario Harness Horse Association (l’« OHHA ») exige qu’une entente relative au mode de partage des bourses soit conclue avec les divers hippodromes.

 

[6]        Monsieur Mitchell a renvoyé à la pièce A-1, onglet 23, à la page 65, où est reproduit l’article 18 des règles applicables aux courses de standardbreds. Cette règle touche le classement et la distribution des bourses. Dans chaque course distincte, le montant de la bourse est distribué aux cinq premières places. Il a renvoyé à l’article 18.11 des règles qui, selon ses dires, prévoit que les honoraires des conducteurs et des entraîneurs peuvent être déduits de la bourse et leur être versés. Lorsqu’il existe une entente entre une association reconnue de participants à des courses attelées et une association de courses, elle doit être déposée auprès de la CCO. Western Fair a conclu une entente avec l’OHHA. Cette règle est en vigueur depuis 20 ans.

 

[7]        Il a invoqué la pièce A-1, onglet 3, qui consiste en une entente entre l’OHHA et Hiawatha Horse Park Inc. Il s’agit d’un exemple typique d’entente conclue entre les gens du milieu équestre « et l’hippodrome ». L’article 9.02 permet à la société de retenir 5 pour 100 de l’ensemble des bourses gagnées par les chevaux conduits par chacun des conducteurs. Les sommes devaient être payées une fois par mois. L’article 3.05 prévoit une entente relative à l’établissement d’une bourse distincte ou d’un compte en fiducie, à la satisfaction de l’OHHA, à titre de garantie contre le non‑paiement des bourses. Les sommes sont déposées dans un compte de bourses particulier afin de protéger les « gens du milieu équestre ».

 

[8]        C’est au moyen de ce compte que, le matin du lendemain des courses, les sommes dues aux propriétaires et aux conducteurs leur sont payées en fonction de leur rang à l’arrivée. L’entente a été conclue avec l’OHHA, laquelle représente les entraîneurs et les conducteurs. Cette entente existe depuis 20 ans.

 

[9]        Monsieur Mitchell a allégué que le document figurant à la pièce A‑1, onglet 3, consistait en une entente intervenue entre l’OHHA et Hiawatha Horse Park Inc. Il a ajouté qu’il s’agissait d’un accord entre les gens du milieu équestre et l’hippodrome. L’entente a été déposée auprès de l’OHHA. L’article 9.02 de ce document est ainsi rédigé :

 

[traduction] Comme le lui permet l’article 18.11 des règles de la Commission des courses de l’Ontario, la société retient pour le compte de tous les conducteurs participant à des courses à Hiawatha Horse Park cinq (5) pour cent de l’ensemble des bourses gagnées par les chevaux conduits par chacun des conducteurs. Toutes les sommes doivent être payées dans un délai d’un mois.

 

[10]L’article 9.01 stipulait que [traduction] « la société doit mettre les chèques de bourse à la disposition des propriétaires de chevaux à une journée précise de chaque semaine ». M. Mitchell a mentionné que toutes les sommes étaient versées dans un compte de bourses particulier afin de protéger les gens du milieu équestre. Le matin du lendemain de la course, les propriétaires et les conducteurs sont payés à partir de ce compte en fonction de l’ordre d’arrivée des chevaux. Le cheval arrivé en premier recevait 50 pour 100 de la bourse, somme qui était remise à son propriétaire, moins une part de 5 pour 100 au conducteur et une autre part de 5 pour 100 à l’entraîneur.

 

[11]   L’article 18.08 des règles prévoyait que, dans l’éventualité où un cheval était disqualifié, toutes les sommes devaient être remboursées à l’OHHA dans les 15 jours en vue de leur redistribution. Si le cheval était disqualifié, ni le propriétaire, ni le conducteur, ni l’entraîneur ne recevait quoi que ce soit.

 

[12]   Monsieur Mitchell a qualifié le document figurant à la pièce A-1, onglet 22, d’entente de principe intervenue entre l’Ontario Jockey Club et l’OHHA. Il s’agit d’une entente analogue à celle conclue avec Hiawatha Horse Park. Il a affirmé que Woodbine est le seul hippodrome en Ontario qui offre des courses de pur‑sang et de standardbreds, qui dispose d’un compte pour chaque propriétaire de cheval et qui dépose les sommes dans le compte. Seule la part du propriétaire était déposée dans ce compte; la part des entraîneurs et des conducteurs leur était payée directement par Woodbine. Il a renvoyé à la pièce A‑1, onglet 5, qui consiste en les documents de travail du vérificateur relatifs à la présente affaire. Selon ces documents, les conclusions susmentionnées sont erronées en ce qui concerne les chevaux standardbreds. Il ne connaissait pas le processus suivi pour les jockeys qui conduisaient des pur‑sang.

 

[13]   Il a en outre renvoyé à la pièce A-1, onglet 2, qui, selon lui, constitue apparemment une lettre d’avis de décision de Revenu Canada. À la page 2 de ce document, on fait état de la pratique qui consiste à déposer l’argent destiné aux jockeys et aux conducteurs dans leur propre compte, ce qui permettait de soustraire le paiement à l’application de la taxe. À cette époque, ils auraient suivi le même processus – les conducteurs et les entraîneurs auraient directement obtenu une part de 5 pour 100. Il a ajouté qu’ils rendaient compte des déductions aux propriétaires.

 

[14]   L’entraîneur est en tout temps responsable du soin et de la garde des chevaux. Un certain entraînement est nécessaire et l’entraîneur reçoit à la fois un tarif journalier et une part de la bourse. L’entraîneur est chargé d’inscrire le cheval à la course. Il choisit également le conducteur. Il doit attester que le cheval et le conducteur sont admissibles. Si le conducteur est choisi pour conduire plus d’un cheval, il décide du cheval qu’il souhaite monter.

 

[15]   En contre‑interrogatoire, M. Mitchell a allégué qu’un valet d’écurie est chargé de prendre soin du cheval. Cette personne influe aussi sur le succès du cheval dans une course, quoique de façon beaucoup plus modeste. M. Mitchell connaissait bien le document versé sous la cote A‑1, onglet 26, qui émane de la CCO. Il s’agit d’une directive. Il connaissait également la directive relative à la modification des règles qui figure à la pièce A‑1, onglet 25. Il a déclaré qu’on avait recours à des valets d’écurie, mais que ce n’était pas obligatoire à moins d’une entente à cet effet avec l’OHHA.

 

[16]   Il considérait que l’entraîneur était un compétiteur, mais pas le maréchal‑ferrant. De plus, le vétérinaire, le valet d’écurie et le maréchal‑ferrant ne reçoivent aucune part de la bourse.

 

[17]   La CCO exige le versement d’un certain pourcentage des honoraires, mais cette obligation ne figure pas dans les règles. C’est toutefois ainsi que les choses se passent.

 

[18]   Il a reconnu que l’article 9.02 de l’entente intervenue entre l’OHHA et Hiawatha Horse Park Inc. ne précise pas que le pourcentage de l’entraîneur est retenu par la société. Il a également admis qu’aucune mention du pourcentage des conducteurs et des entraîneurs n’est faite dans l’entente de principe conclue entre le Ontario Jockey Club et l’OHHA, qui se trouve à la pièce A‑1, onglet 22. Les ententes varient de l’une à l’autre même si la conclusion d’une telle entente est rendue obligatoire par la CCO, et ils paient tous les sommes qui y sont prévues.

 

[19]   Il a confirmé que Woodbine est la plus importante piste de course en Ontario et qu’on y effectue 65 pour 100 du pari mutuel. Il a renvoyé au document figurant à la pièce A‑1, onglet 28, intéressant J. Hudon Enterprises Ltd. et Sa Majesté la Reine, qui consiste en l’affidavit de Bruce Murray, et il a reconnu que Woodbine traite ces sommes comme si elles sortaient du compte des propriétaires, et non comme si elles étaient payées au conducteur, au propriétaire et à l’entraîneur de façon distincte.

 

[20]   En réponse aux questions posées par la Cour, M. Mitchell a affirmé que Western Fair obtient 50 pour 100 de la bourse, qu’elle envoie des chèques correspondant à une part de 5 pour 100 chacune au conducteur et à l’entraîneur et que le solde est versé au propriétaire. Il a en outre renvoyé à la pièce A‑1, onglet 20 et, en particulier, à l’article 2.10 des règles pour avancer que l’OHHA déduit 5 pour 100 pour l’entraîneur et autant pour le conducteur. Il s’agit de la norme suivie dans cette industrie.

 

[21]   Il a invoqué la pièce A-1, onglet 28, dont le paragraphe 4 est ainsi libellé :

 

[traduction] Pendant la période, les conducteurs et les entraîneurs d’un cheval qui a obtenu au moins la cinquième place dans une course donnée recevaient un paiement égal à 5 pour 100 de la portion de la bourse accordée au propriétaire du cheval qui a participé à la compétition.

 

[22]   Dans son témoignage, Joseph Phillip Hudon (« M. Hudon ») a déclaré qu’il était entraîneur de chevaux, propriétaire et conducteur et qu’il participait à des courses attelées depuis 46 ans. Il a quatre ou cinq juments destinées à la reproduction, il entraîne des chevaux pour la course attelée et il fait courir ces derniers. La plus grande partie du travail est effectuée à sa ferme. Il peut avoir de 25 à 30 chevaux à n’importe quel moment donné. Son épouse travaille aussi à la ferme. Il demande pour ses services un tarif journalier qui correspond aux honoraires habituels. Il connaît les règles et les règlements de la CCO qui ont été suivis dans la présente affaire. Il était titulaire d’une licence à titre de propriétaire, d’entraîneur et de conducteur. Il est en outre membre de l’OHHA et il participe à des courses de standardbreds. Il n’a jamais fait l’objet d’une contestation de la part de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») relativement à sa situation de propriétaire. Il n’a jamais perçu ni payé de TPS. Il reçoit 5 pour 100 pour l’entraînement et 5 pour 100 pour conduire les chevaux sur la piste de course.

 

[23]   À la suite d’une disqualification, il a avisé la CCO, et on lui a dit de rendre l’argent.

 

[24]   L’entraîneur est en tout temps responsable du cheval. Il doit être titulaire d’une licence, mais le propriétaire n’a rien à voir avec l’admissibilité d’un cheval. Cette tâche incombe à l’entraîneur et c’est lui qui choisit habituellement le conducteur. Les conducteurs choisissent le meilleur cheval, celui qui gagnera le plus d’argent.

 

[25]   Monsieur Hudon a affirmé que le paragraphe 7c) des hypothèses énoncées dans la réponse est inexact. Le ministre reconnaît l’inexactitude de cette hypothèse. Selon celle‑ci, l’appelante avait droit à des honoraires devant lui être versés par le propriétaire d’un cheval dans tous les cas où l’appelant conduisait un cheval dans une course ou entraînait un cheval conduit dans une course. Le jockey reçoit des honoraires que le cheval gagne ou non. Il s’agit d’un taux fixe. Le propriétaire paye le jockey. Ce témoin ne participait qu’à des courses de standardbreds.

 

[26]   En contre‑interrogatoire, M. Hudon a convenu que la méthode de distribution de l’argent existe notamment pour faire en sorte que les entraîneurs et les conducteurs soient payés sans avoir à pourchasser le propriétaire. Il lui importait peu de savoir d’où provenait l’argent, sauf pour les besoins de la TPS. Il a admis qu’il ne savait pas qui était propriétaire de la bourse.

 

[27]   Karen Rose Hudon (« Mme Hudon ») a mentionné dans son témoignage qu’elle participait à des courses attelées depuis l’âge de 12 ans. Elle a déjà entraîné et conduit des chevaux, mais elle se contente aujourd’hui d’aider son mari à la ferme. Elle est copropriétaire ou assistante, mais elle n’agit pas officiellement comme entraîneuse. Elle est titulaire d’une licence à titre d’entraîneuse, de propriétaire et de conductrice. Elle est membre de l’OHHA. Elle connaît bien les règles et règlements de la CCO et elle a affirmé que, même si ces textes ne prévoient pas le versement d’honoraires de 5 pour 100 au conducteur et à l’entraîneur, ces derniers reçoivent chacun ce pourcentage. Certains hippodromes envoient des chèques par la poste, mais il arrive que Mme Hudon aille elle‑même les chercher. Certains hippodromes font parvenir des honoraires distincts pour le conducteur et l’entraîneur, et d’autres envoient un chèque précisant comment il doit être ventilé. Certains font état de la TPS pour les conducteurs et les entraîneurs, d’autres non.

 

[28]   Pendant son témoignage, Lona Linda Moffatt (« Mme Moffatt ») a mentionné qu’elle était fonctionnaire à la CCO. Elle est responsable de la délivrance des licences, de la prise des empreintes digitales et du recouvrement des amendes. Elle a travaillé dans le domaine des courses pendant 24 ans. Elle possède 42 ans d’expérience dans le milieu des courses de chevaux. Elle connaît bien les règles relatives aux courses de standardbreds de même que l’OHHA. Lorsque la TPS est entrée en vigueur, Western Fair Racing retenait une somme de 5 pour 100 pour les entraîneurs, une somme du même montant pour les conducteurs ainsi que la TPS.

 

[29]   En octobre, cet organisme a cessé de payer la TPS et elle a donc écrit à Revenu Canada. Le bureau de district de la taxe d’accise lui a fait parvenir la réponse qui se trouve à la pièce A‑1, onglet 2, et qui vise l’assujettissement à la TPS des sommes payables aux conducteurs et aux entraîneurs. Cette lettre précisait que, si les sommes leur étaient versées directement sur les bourses gagnées, il n’y avait pas de TPS.

 

[30]   Les bourses sont constituées des sommes avancées par l’hippodrome pour une course donnée. Il s’agit du prix en argent. Il faut arriver parmi les cinq premiers pour remporter une quelconque part de ce prix. Les sommes sont déposées dans un compte de bourses destiné aux cinq premiers chevaux. L’entraîneur et le conducteur figurent sur une liste. Cet argent est partagé. Le cheval ayant obtenu la première place reçoit 50 pour 100. Western Fair obtient les renseignements pertinents auprès de son service de tenue des comptes. Une somme de 5 pour 100 est déduite pour le compte de l’entraîneur, une autre somme égale pour le compte du conducteur et le solde de 90 pour 100 est remis au propriétaire.

 

[31]   L’argent provient de chaque hippodrome. Les chèques sont envoyés chaque mois et ils précisent les noms des chevaux et leur position à l’arrivée. La somme de 5 pour 100 est payée à chacun. Si le propriétaire assume également les rôles d’entraîneur et de conducteur, il reçoit trois chèques. On procède ainsi depuis 1985.

 

[32]   À l’hippodrome, l’entraîneur est toujours en possession du cheval. C’est lui qui amène le cheval à l’hippodrome et qui veille à son installation. Il est accompagné d’un valet d’écurie, et il met en train le cheval avant la course. Aucune facture n’est établie pour le travail effectué par l’entraîneur à l’hippodrome.

 

[33]   Mme Moffatt a renvoyé à la lettre du 8 avril 1992, qui figure à la pièce A‑1, onglet 29. Il s’agit d’une lettre qu’elle a reçue du bureau de district de la taxe d’accise en réponse à sa demande de renseignements. Plusieurs parties de la lettre sont noircies. Revenu Canada modifiait la position qu’il avait précédemment fait valoir le 20 décembre 2000 selon laquelle aucune TPS n’était exigible des conducteurs et des entraîneurs.

 

[34]   Elle a reconnu la pièce A‑2, qui est une lettre que lui a adressée la Direction des décisions de Revenu Canada le 23 novembre 2005. Dans ce document, Revenu Canada modifiait sa position antérieure touchant les sommes payées aux entraîneurs et aux conducteurs.

 

[35]   En contre‑interrogatoire, elle a affirmé que la CCO n’a pas pris position sur le point de savoir qui est propriétaire de la bourse puisque cette question relève de chacun des hippodromes.

 

[36]   Lors de son réinterrogatoire, elle a mentionné que la lettre d’avis de décision figurant à la pièce A‑1, onglet 2, n’a jamais été révoquée. La pièce A‑2 n’a jamais été révoquée non plus.

 

[37]   L’intimée a appelé Bruce Edward Barbour (« M. Barbour »), directeur général de Great Canadian Gaming, Georgian Downs et Flamboro Downs, à témoigner. Il s’agissait d’une société cotée en bourse. M. Barbour a occupé ce poste pendant deux ans et demi. Il dirigeait des hippodromes en Colombie‑Britannique. Il oeuvrait dans le secteur des courses de chevaux depuis 23 ans et il connaissait l’appelante depuis tout aussi longtemps.

 

[38]   Il était responsable des deux hippodromes ainsi que du montant des profits ou des pertes liés à leur exploitation. Il connaissait bien le document qui se trouve à la pièce A‑1, onglet 20, à savoir une entente conclue entre l’OHHA et Flamboro Downs Holdings Limited. Le contrat intervenu avec l’OHHA prévoyait les conditions relatives aux hippodromes. Les conducteurs et les entraîneurs peuvent emmener un cheval à l’hippodrome, qu’ils soient membres ou non de l’association. M. Barbour a renvoyé à l’article 2.10 et affirmé [traduction] « qu’ils émettaient trois chèques ». L’argent provient des paris et des machines à sous et est versé dans un compte de mise en commun des bourses. Les chèques sont tirés sur ce compte.

 

[39]   Steven Leslie Lehman (« M. Lehman ») était comptable et directeur général de la CCO. Il occupait ce poste depuis un an. Il a passé deux ans à l’OHHA. La CCO régit les courses de chevaux en Ontario. Elle est responsable des permis, des règlements sur les courses et de l’arbitrage de celles‑ci, des amendes, des pénalités, etc.

 

[40]   Monsieur Lehman connaît bien le système des bourses et c’est lui qui s’occupe des fonds destinés à ces dernières. Quant à la distribution des bourses, il affirme qu’une part de 90 pour 100 est remise au propriétaire, qu’une part de 5 pour 100 est remise au conducteur et un autre 5 pour 100 est remis à l’entraîneur. Il a renvoyé à la pièce A‑1, onglet 23, et à l’article 18.11 des règles, selon lequel [traduction] « Lorsqu’une entente est conclue entre une association reconnue de participants à des courses attelées et une association de courses de chevaux, les honoraires des conducteurs et/ou des entraîneurs peuvent être déduits des bourses payables aux propriétaires et peuvent être versés aux conducteurs et/ou aux entraîneurs dans un délai de 30 jours ». Cette disposition ne doit pas être interprétée d’une manière trop littérale. Selon M. Lehman, il ne serait pas raisonnable d’interpréter cette disposition comme si elle voulait dire que la bourse appartient au propriétaire du cheval.

 

[41]   Son association a contribué à l’élaboration des dispositions législatives qui l’obligent à déduire des bourses payables aux propriétaires une part de 5 pour 100 à titre d’honoraires pour les conducteurs et une autre part identique pour les honoraires des entraîneurs, puis à payer ces sommes déduites d’une manière satisfaisante pour les deux parties.

 

[42]   L’association n’exige pas qu’une clause à cet effet soit prévue dans une entente. L’article 18.11 des règles était en vigueur pendant la période en cause en l’espèce.

 

[43]   L’avocate de l’appelante a consigné en preuve les questions 100 et 101 tirées de la transcription de l’interrogatoire préalable.

 

Thèse de l’appelante

 

[44]   L’avocate de l’appelante estime que la seule question en litige consiste à savoir si l’argent reçu à titre de « bourse » était ou non assujetti à la TPS. Elle soutient que ce n’était pas le cas parce qu’il s’agissait d’un prix aux termes des dispositions relatives à la TPS et qu’il faisait donc l’objet d’une exemption en application du paragraphe 188(2) de la Loi. La situation dont je suis saisi tombe nettement sous le coup de cette disposition. Les témoignages rendus à l’audience étayent ce fait.

 

[45]   Le texte du paragraphe 188(2) de la Loi est ainsi rédigé :

 

Compétition – Les règles suivantes s’appliquent dans le cas où une personne remet, dans le cadre d’une activité qui comporte l’organisation, la promotion, l’animation ou la présentation d’une compétition, un prix à un compétiteur :

 

a)                  pour l’application de la présente partie, la remise du prix est réputée ne pas être une fourniture;

 

b)                  pour l’application de la présente partie, le prix est réputé ne pas être la contrepartie d’une fourniture par le compétiteur au profit de la personne;

 

c)                  la taxe payable par la personne relativement à un bien qui constitue le prix n’est pas incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration.

 

[46]   Il y avait une activité. Les courses de chevaux sont une activité. Les courses ont lieu dans divers hippodromes animateurs. L’appelante relève de cette disposition.

 

[47]   L’entraîneur et le conducteur sont des compétiteurs dans le cadre d’une compétition. Les témoins ont déposé au sujet des règles sur ce point. Sans le conducteur, le cheval ne peut participer à la compétition. Le conducteur est un compétiteur.

 

[48]   L’entraîneur est également un compétiteur selon les témoignages de M. Mitchell et de Mme Moffatt. L’entraîneur est chargé de prendre soin du cheval. Il inscrit le cheval dans la course, il choisit le conducteur et il choisit la course afin d’accroître ses chances de gagner. Tout ce qu’il fait a une incidence directe sur la place qu’obtient le cheval dans la course ou dans la compétition.

 

[49]   D’autres éléments de preuve montrent que seuls les cinq premières places remportent un prix. Le conducteur et l’entraîneur reçoivent chacun une part de 5 pour 100. Les règles précisent comment le prix doit être partagé. Il s’agit d’une norme dans cette industrie. Une compétition a lieu. Les courses et les normes de l’industrie reflètent le fait que le conducteur et l’entraîneur sont des compétiteurs. L’intimée soutient que le propriétaire du cheval paye les conducteurs et les entraîneurs. Si c’est le cas, pourquoi les compétiteurs qui arrivent après la cinquième place n’obtiennent‑ils rien? Ils ne reçoivent pas d’honoraires pour leurs services.

 

[50]   Elle invoque la définition du terme [traduction] « prix » [prize] donnée dans le Black’s Law Dictionary, 5e édition, West Publishing Co., St. Paul, Minnesota, 1979, p. 1080 :

 

[traduction] Objet donné en récompense dans le cadre d’une compétition. Récompense offerte à la personne qui, parmi plusieurs autres personnes ou parmi le grand public, exécute la première (ou le mieux) un engagement donné ou qui remplit certaines conditions. Prix ou récompense quelconque pour l’accomplissement d’un acte; objet de valeur offert par une personne pour une chose accomplie par d’autres personnes. Un prix se distingue d’une « mise » ou d’un « pari » en ce que l’on sait, avant l’épreuve, qui doit remettre l’enjeu ou le prix, et qu’une seule opération doit être effectuée pour accomplir l’acte, l’objet ou la fin pour lequel cet enjeu ou ce prix est offert.

 

[51]   En règle générale, la bourse constitue clairement un prix. Selon le témoignage de M. Langdon, la bourse est le prix décerné au gagnant. Les noms des gagnants sont consignés dans un livre. Le propriétaire obtient 90 pour 100, l’entraîneur 5 pour 100 et le conducteur 5 pour 100. L’hippodrome administre l’argent des propriétaires, des conducteurs et des entraîneurs des chevaux. L’article 18 des règles ne peut être interprété de façon littérale.

 

[52]   L’intimée avance que le prix est remis au propriétaire, lequel paye ensuite le conducteur et l’entraîneur pour services rendus. Or, l’appelante reçoit sa part de l’hippodrome et non du propriétaire. L’article 18.11 des règles a été adopté il y a longtemps. Les conducteurs et les entraîneurs se voyaient dans l’obligation de pourchasser le propriétaire pour se faire payer. Cela laisse penser que les conducteurs et les entraîneurs avaient droit à une part du prix.

 

[53]   S’il s’agit d’un service, pourquoi seuls les cinq premiers finissants sont‑ils tenus de remettre l’argent si le cheval est disqualifié? S’il s’agit d’un service, pourquoi la CCO a‑t‑elle un rôle à jouer? La CCO est concernée parce qu’il s’agit d’une partie du prix et que les personnes y ayant droit devraient obtenir leur part.

 

[54]   À titre subsidiaire, même s’il était remis par le propriétaire aux conducteurs et aux entraîneurs, le prix ne serait pas assujetti à la TPS. Les dispositions législatives applicables n’exigent pas que le prix soit décerné par la personne animant la compétition.

 

[55]   On a renvoyé à des publications gouvernementales, soit la note technique relative au paragraphe 188(2). Cette note signale que la remise d’un prix n’est pas considérée comme une fourniture et que le prix lui‑même n’est pas considéré comme une contrepartie d’une fourniture.

 

[56]   Dans l’arrêt R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428, [1983] C.T.C. 393, la Cour suprême du Canada a renvoyé au passage suivant de la décision R. c. McLaughlin, [1979] 1 C.F. 470 :

 

À mon avis, le terme « prix » [récompense] donne l’idée de quelque chose remporté par une personne à l’issue d’une compétition et je ne pense pas que l’on puisse vraiment parler d’une compétition lorsque les personnes intéressées ne savent même pas qu’elles sont impliquées.

 

[57]   La Cour poursuit en ces termes :

 

Dans le langage courant le mot « récompense » ne désigne pas uniquement un prix pour la supériorité dans un concours avec d’autres personnes. Une « récompense » couronnant une oeuvre remarquable n’est ni plus ni moins qu’un prix décerné pour une réalisation quelconque. Il n’est pas nécessaire d’extraire le mot « récompense » de son contexte et de le soumettre à un minutieux examen philologique ni de faire un rapprochement entre une « récompense » et la médaille ou le livre qu’on a pu remporter antérieurement dans une grande occasion, à l’école ou dans un concours de musique.

 

[58]   Dans cet arrêt, la Cour examinait une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu. Or, dans la présente affaire, il ne s’agit pas de ce texte législatif, mais simplement des dispositions du paragraphe 188(2) de la Loi.

 

[59]   Il n’est pas nécessaire que le propriétaire du prix soit le présentateur de la compétition. On a invoqué les lettres d’avis de décision remontant à 1992 pour étayer l’argument selon lequel même le ministre avait estimé que ces sommes n’étaient pas taxables avant de changer d’avis sur la question.

 

[60]   Les faits en l’espèce sont nettement visés par les dispositions du paragraphe 188(2). L’appel devrait être accueilli avec dépens.

 

Thèse de l’intimée

 

[61]   L’avocat de l’intimée a soutenu que la présente affaire se résume à décider qui a l’obligation juridique de payer pour les « services » de l’entraîneur et du conducteur. Si cette obligation incombe à l’hippodrome, le paragraphe 188(2) s’applique. Si elle incombe au propriétaire – et seulement sur le plan administratif à l’hippodrome –, le paragraphe 188(2) ne s’applique pas.

[62]   L’avocat a allégué que l’entraîneur et le conducteur ne sont pas des compétiteurs, mais sans faire preuve d’une grande ardeur ou d’une conviction manifeste.

[63]   Le paiement est dû à l’appelante par le propriétaire du cheval et il s’agit d’une contrepartie pour la fourniture des services rendus par le conducteur et l’entraîneur. En conséquence, la TPS doit être exigée sur les paiements versés à ces derniers.

[64]   Les hippodromes qui organisent les courses attelées ne sont pas personnellement responsables de payer quoi que ce soit aux conducteurs et aux entraîneurs. Ils administrent simplement ce qui est dû aux propriétaires afin d’éviter que les problèmes que connaissait autrefois l’industrie des courses attelées ne ressurgissent et que les conducteurs et les entraîneurs ne soient à nouveau obligés de pourchasser les propriétaires pour se faire payer. Les hippodromes n’assument pas la responsabilité des paiements dus au conducteur et à l’entraîneur. Ils deviennent simplement des intermédiaires par lesquels passent les paiements. La bourse remise dans le cadre de la course continuait d’appartenir au propriétaire du cheval.

[65]   À l’appui de son argument, l’avocat a invoqué le fait que Woodbine Raceway, le plus important hippodrome ontarien, a transféré la totalité de la bourse payable à la suite d’une course du compte de bourses au compte du propriétaire. Les paiements destinés au conducteur et à l’entraîneur ont été retirés du compte des propriétaires et non du compte de bourses. La position de Woodbine est conforme à son contrat avec l’OHHA. Ce contrat ne prévoit aucune stipulation obligeant Woodbine à faire des paiements de quelque nature que ce soit aux conducteurs et aux entraîneurs. Les chèques sont établis suivant l’usage du milieu et cet usage veut que les paiements soient dus par les propriétaires.

[66]   L’avocat a renvoyé au document figurant à la pièce A‑1, onglet 20, soit l’entente conclue entre l’OHHA et Flamboro Downs Holdings Limited aux termes de laquelle les honoraires du conducteur et de l’entraîneur doivent être déduits [traduction] « des bourses payables aux propriétaires ». Flamboro n’envisageait pas de prendre à sa charge une quelconque dette envers le conducteur ou l’entraîneur.

[67]   L’entente figurant à la pièce A‑1, onglet 21, entre l’OHHA et Woolwich Agricultural Society précise tout aussi clairement qui est le propriétaire de la bourse. Le paragraphe 6.7 stipule que les honoraires des conducteurs et des entraîneurs sont déduits des [traduction] « bourses payables aux propriétaires ». L’entente qui se trouve à la pièce A‑1, onglet 3, et qui est intervenue entre l’OHHA et Hiawatha Horse Park Inc. énonce également que les bourses constituent des sommes gagnées par les chevaux conduits par chacun des conducteurs. Cette entente ne fait nullement mention de la retenue d’une somme à l’intention des entraîneurs.

[68]   Monsieur Mitchell a déclaré pendant l’interrogatoire principal, et confirmé en contre‑interrogatoire, que la bourse était due au propriétaire du cheval. Conformément à ce témoignage, il a ajouté que son hippodrome rendait compte au propriétaire des déductions faites sur la bourse.

[69]   À l’instruction, M. Hudon a déclaré qu’il ne savait pas qui était le propriétaire de la bourse avant que celle‑ci ne soit distribuée. M. Lehman, de la CCO, a soutenu que cette dernière ne prend pas position sur la question de savoir qui est propriétaire de la bourse et qu’elle ne joue aucun rôle dans l’établissement des sommes devant être payées aux conducteurs et aux entraîneurs. M. Lehman a émis l’avis qu’il ressort tout aussi clairement de l’article 18.11 des règles applicables aux courses que les bourses sont initialement payables aux propriétaires. Il convient de signaler que l’article 18.11 des règles a depuis été modifié afin de prévoir que des honoraires sont déduits des bourses et versés aux valets d’écurie. Rien ne permet de penser que ces derniers ont eux‑mêmes droit à une part de la bourse.

[70]   L’avocat de l’intimée a allégué que les paiements ne sont pas un prix que les hippodromes décernent aux conducteurs et aux entraîneurs. Les hippodromes ne font qu’administrer le paiement des honoraires que les propriétaires des chevaux doivent au conducteur et à l’entraîneur. Selon lui, l’ensemble des dispositions de la Loi font en sorte que la personne responsable du paiement des honoraires des conducteurs et des entraîneurs, que ce soit en raison de l’usage suivi dans l’industrie des courses attelées et/ou d’un contrat particulier, soit le bénéficiaire d’une fourniture et soit également tenue de payer la TPS sur ces honoraires. Suivant l’article 188 de la Loi, le fait que le paiement soit dû par le propriétaire ou par l’hippodrome ne changerait rien à la situation, la TPS serait néanmoins payable.

[71]   Le paragraphe 188(2) ne s’applique pas aux paiements versés au conducteur ou à l’entraîneur en l’espèce. En effet, les seules personnes qui peuvent remettre un prix admissible aux termes du paragraphe 188(2) sont les hippodromes. Or, ce sont les propriétaires, et non les hippodromes, qui doivent payer les honoraires du conducteur et de l’entraîneur.

[72]   L’hippodrome remet la bourse au propriétaire du cheval et à nul autre. Les bourses appartiennent aux propriétaires, lesquels sont ensuite obligés de payer les conducteurs et les entraîneurs.

[73]   L’argument de l’appelante voulant que les hippodromes décernent une partie de la bourse aux conducteurs et aux entraîneurs est contraire aux dispositions du Code criminel. L’avocat de l’intimée a invoqué l’alinéa 202(1)c) du Code, selon lequel le fait d’avoir sous son contrôle une somme d’argent ou d’autres biens relativement à un pari constitue une infraction. Le sous‑alinéa 204(1)a)(ii) prévoit une exception pour les sommes payées au propriétaire d’un cheval. Cette exception ne s’étend pas aux sommes devant être payées aux conducteurs et aux entraîneurs. Les propriétaires de chevaux sont les personnes qui sont responsables d’effectuer les paiements au conducteur et à l’entraîneur. Cependant, comme les propriétaires ne sont pas les organisateurs de la course, l’article 188 ne peut s’appliquer. Les paiements sont assujettis à la taxe à titre de contrepartie pour les services rendus par le conducteur et l’entraîneur.

[74]   L’avocat a également fait valoir que les conducteurs et les entraîneurs ne sont pas des compétiteurs et que ni les compétences ni les habiletés ne constituent un élément important pour décider de l’issue de la course. De nombreuses autres personnes titulaires d’une licence et participant aux courses attelées contribueront aussi à l’issue des courses.

[75]   Fondamentalement, les véritables compétiteurs des courses attelées sont les chevaux plutôt que les conducteurs et les entraîneurs.

[76]   En conclusion, ce sont les propriétaires qui, traditionnellement, sont tenus de verser au conducteur et à l’entraîneur les paiements qui leur sont destinés. L’administration de ces paiements par les hippodromes n’a rien changé à cette relation traditionnelle. La bourse appartient au propriétaire et les paiements effectués sur celle‑ci libèrent le propriétaire de son obligation envers les conducteurs et les entraîneurs, mais n’ont pas d’incidence sur les obligations de l’hippodrome. Cette analyse est compatible avec les ententes et les règles mises en preuve de même qu’avec l’exception prévue à l’article 204 du Code criminel, lequel permet les paiements au propriétaire des chevaux, mais non aux conducteurs et aux entraîneurs.

[77]   L’intimée demande, d’une part, que l’appel soit accueilli, mais uniquement en ce qui concerne la somme de 741,58 $ relativement à 2000 et de 3 563,03 $ relativement à 2001 et, d’autre part, que la pénalité imposée en application de l’article 280 de la Loi soit annulée.

 

Analyse et décision

[78]   Il convient de signaler, bien que cela ne soit pas pertinent en l’espèce, que le ministre a, à deux occasions, rendu deux décisions différentes. Le ministre a décidé, premièrement, que, si les sommes reçues par les entraîneurs et les conducteurs étaient payées par l’hippodrome, elles n’étaient pas assujetties à la TPS et, deuxièmement, que la TPS était exigible, peu importe que l’argent ait été versé par l’hippodrome ou par le propriétaire.

[79]   On peut comprendre la confusion que ces deux décisions ont créée dans le milieu des courses. Il est manifeste que les appelants en l’espèce ont baissé les bras et qu’ils se demandent bien ce qu’ils doivent faire.

[80]   Cependant, peu importe les décisions prises par le ministre, celles‑ci ne lient pas la Cour, qui doit se demander si les paiements versés aux propriétaires et aux conducteurs font ou non l’objet d’une exemption suivant les dispositions du paragraphe 188(2) de la Loi.

[81]   La Cour est convaincue que le fait de déterminer qui verse l’argent ne permet pas de trancher ce point. Elle est convaincue que les paiements peuvent être taxables ou non taxables qu’ils soient faits par les exploitants de l’hippodrome ou par le propriétaire des chevaux.

[82]   La question dont la Cour est réellement est saisie est celle de savoir qui est le « propriétaire » de la bourse sur laquelle on a prélevé les sommes payées aux conducteurs et aux entraîneurs.

[83]   Pour répondre à cette question en l’espèce, la Cour doit examiner attentivement le libellé du paragraphe 188(2). Cette disposition comporte un certain nombre d’éléments constitutifs auxquels l’appelante doit satisfaire pour réussir à convaincre la Cour que les fonds reçus par les entraîneurs et les conducteurs ne sont pas assujettis à la TPS.

[84]   L’un des termes employés dans cette disposition est « activité ». Cette activité doit comporter l’organisation, la promotion, l’animation ou la présentation d’une compétition dans le cadre de laquelle une personne remet un prix à un compétiteur.

[85]   De toute évidence, à la lumière de la preuve présentée en l’espèce, il existait une activité comportant l’organisation, la promotion et l’animation ou la présentation d’une compétition. Il ne fait aucun doute que tous ces facteurs sont réunis.

[86]   Selon l’argument formulé par l’avocat de l’intimée, l’appelante ne respecte pas les dispositions du paragraphe 188(2) parce qu’aucun prix n’est remis à un compétiteur. L’avocat soutient que l’entraîneur et le conducteur ne sont pas des compétiteurs.

[87]   Cependant, en conformité avec la preuve produite et les conclusions légitimes qu’elle peut tirer à la lumière de cette preuve, la Cour est convaincue qu’il s’agissait d’une compétition et que l’appelante était l’un des compétiteurs, que ce soit à titre de propriétaire, de conducteur ou d’entraîneur.

[88]   De surcroît, il importe de signaler que, selon le témoin Hugh Mitchell, c’est l’entraîneur qui était en tout temps responsable du soin et de la garde du cheval. Il a en outre affirmé que l’entraîneur recevait aussi un tarif journalier ainsi qu’une part du prix. Ce tarif journalier ne fait pas l’objet de la présente audience.

[89]   Le témoin a déclaré que l’entraîneur est responsable de l’inscription du cheval dans la course. Il choisit aussi le conducteur. L’entraîneur doit attester que le cheval et le conducteur sont admissibles. Il est évident que l’entraîneur joue un rôle très important dans le processus de la course, davantage qu’un valet d’écurie, qui est en réalité chargé de soigner le cheval et qui, dans une bien moins grande mesure, influe sur le succès du cheval.

[90]   On peut aisément conclure à la lumière de la déposition de ce témoin que le conducteur tout autant que l’entraîneur font partie intégrante du processus et influent grandement sur l’issue de la course et le succès du cheval et, par voie de conséquence, sur le montant d’argent susceptible d’être gagné par les parties.

[91]   La Cour ne croit pas que le fait d’ajouter les valets d’écurie à la liste des personnes visées par des ententes portant obligation de leur verser leur dû ait une quelconque importance. L’association est partie à une telle entente. Ce témoin a mentionné que [traduction] « l’entraîneur est un compétiteur », mais pas le maréchal‑ferrant ni le vétérinaire. Il estimait néanmoins qu’ils recevaient une part de la bourse.

[92]   Dans son témoignage, Joseph Philip Hudon a affirmé qu’il participait à des courses de standardbreds et ce, à titre de propriétaire, de conducteur et d’entraîneur. Il a en outre établi une distinction entre sa situation et celle d’un jockey, qui a droit à ses honoraires que le cheval coure ou non. Le jockey obtient des honoraires fixes et il est payé par le propriétaire. Par contre, le conducteur et l’entraîneur ne reçoivent des honoraires que si le cheval court et gagne. Cela fait partie de la situation de l’entraîneur et du conducteur dans les courses de standardbreds.

[93]   Ce témoin était disposé à admettre qu’il ne savait pas à qui appartenait la bourse. Il croyait fermement qu’il faisait partie de la compétition et qu’il recevait une part du prix (bourse).

[94]   Il ressort sans équivoque du seul témoignage de Lona Moffatt, laquelle connaît très bien l’industrie des courses de chevaux, que l’argent était avancé par l’hippodrome. Le nom de chaque entraîneur et de chaque conducteur est précisé pour chaque course et la « bourse » est partagée (elle employait manifestement ce terme pour désigner le partage entre le propriétaire, l’entraîneur et le conducteur). Comme il a déjà été mentionné, elle a aussi affirmé que la CCO ne prend pas position sur la question de savoir qui est propriétaire de la bourse puisque cet argent est géré par chacun des hippodromes distincts.

[95]   Selon sa déposition, Bruce Edward Barber croyait que l’argent payable à l’entraîneur, au conducteur et au propriétaire était retiré du compte de bourses ouvert par l’hippodrome à l’aide des sommes provenant des paris, des machines à sous et d’autres sources de revenus. Selon ses dires, il s’agissait du [traduction] « compte de mise en commun des bourses ». Ce témoignage a été corroboré par celui de M. Lehman qui, pendant son interrogatoire principal, a déclaré qu’à son avis il ne serait pas raisonnable d’interpréter la règle applicable comme si elle voulait dire que la bourse appartient au propriétaire du cheval. De toute évidence, il avait une opinion différente.

[96]   La Cour est convaincue que l’appelante a réussi à réfuter certaines des hypothèses importantes que le ministre a formulées dans la réponse. L’une de ces hypothèses se trouve au paragraphe 7 c), où on affirme que [traduction] « l’appelante avait le droit de recevoir des honoraires du propriétaire du cheval à chaque fois qu’elle conduisait un cheval dans une course ou qu’elle entraînait un cheval conduit dans une course ». Cette hypothèse est manifestement inexacte et elle a été complètement réfutée. Il s’agissait à l’évidence d’un élément important de la position du ministre lorsqu’il a établi la cotisation.

[97]   La Cour est en outre convaincue que l’appelante a réussi à réfuter l’hypothèse suivant laquelle l’argent gagné dans une course (la « bourse ») l’était par le propriétaire du cheval, et non par l’appelante, et que l’argent appartenait à ce propriétaire, et non à l’appelante. En effet, à la lumière de l’interprétation raisonnable des dépositions faites par chacun des témoins et des conclusions légitimes que la Cour peut en tirer, cette assertion est inexacte.

[98]   La Cour est convaincue que, dans la présente affaire, la bourse appartenait au propriétaire, au conducteur et à l’entraîneur, peu importe comment ou par qui elle était distribuée.

[99]   La Cour est convaincue que, du début à la fin, la bourse appartenait au propriétaire, au conducteur et à l’entraîneur dans les proportions déjà mentionnées par de nombreux témoins.

[100]     La Cour est convaincue que l’appelante a réussi à réfuter l’hypothèse formulée au paragraphe 7 e) de la réponse voulant que l’appelante soit en droit de recevoir une commission équivalant à 5 pour 100 de la bourse pour avoir conduit le cheval et/ou une commission du même pourcentage pour l’avoir entraîné. La Cour est convaincue que l’appelante a de plus réussi à réfuter l’hypothèse figurant au paragraphe 7 f) de la réponse selon laquelle [traduction] « la commission due à l’appelante était exigible du propriétaire et jamais de l’hippodrome où avait lieu la course ou d’une personne chargée d’organiser, de promouvoir, d’animer ou de présenter la course ». La Cour est convaincue, d’une part, que la somme ne constituait pas une commission, contrairement à ce qui est allégué ci‑dessus, et, de l’autre, que la somme due au conducteur et à l’entraîneur était payable par l’hippodrome où se tenait la course. C’est l’hippodrome qui était responsable de l’organisation, de la promotion, de l’animation ou de la présentation de la course.

[101]     Quant à l’argument fondé sur l’alinéa 202(1)c) du Code criminel qu’a avancé l’avocat de l’intimée, la Cour est convaincue qu’il n’a aucune pertinence au regard de la question dont elle est saisie. Si quelqu’un d’autre, à un moment donné, contrevient à ce texte législatif, il appartiendra alors aux autorités compétentes de prendre des mesures.

[102]     La Cour ne statue pas sur l’existence ou non d’une infraction à cette disposition du Code criminel et elle n’avancera pas d’hypothèses quant aux raisons pour lesquelles, si une telle infraction a eu lieu, aucune mesure n’a été prise par l’une quelconque des parties. Il suffit de dire que la Cour n’est pas disposée à conclure que les sommes étaient obligatoirement dues au propriétaire du cheval simplement parce qu’il y a peut‑être eu contravention au Code criminel si l’argent a été remis à une personne autre que le propriétaire.

 

[103]     En définitive, la Cour est convaincue que l’appelante a réfuté les hypothèses pertinentes formulées dans la réponse. L’appelante a convaincu la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a droit à l’exemption prévue au paragraphe 188(2) de la Loi.

 

[104]     L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu de la conclusion de la Cour voulant que les sommes en cause, à ce moment‑ci, ne soient pas assujetties à la taxe selon les dispositions de la Loi relatives à la TPS.

 

[105]     Il s’ensuit que les pénalités seront supprimées.

 

[106]     Les parties ont convenu que, dans l’éventualité où l’appel serait accueilli, la somme de 3 591,03 $ que l’appelante a réellement perçue de Woodbine Race Track à titre de TPS sera remboursable de la façon suivante : 2 263,78 $ pour 1999, 604,03 $ pour 2000 et 723,22 $ pour 2001.

 

[107]     L’appelante a droit à ses dépens dans la présente instance, lesquels doivent être taxés.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour d’août 2008.

 

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’octobre 2008.

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI348

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-3932(GST)G

 

INTITULÉ :                                       J. Hudon Enterprises Ltd. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 14 et 15 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T. E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Susan Fincher-Stoll

Avocat de l’intimée :

Me Michael Ezri

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Me Susan Fincher-Stoll

                          Cabinet :                  Harrison Pensa

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.