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Dossier : 2006-2168(GST)G

ENTRE :

DOMAINE DE LA VOLIÈRE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 12 février 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

 

Me Martin Fortier

Avocat de l'intimée :

Me Mario Laprise

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JUGEMENT

          L’appel est accueilli avec dépens et la cotisation visant la TPS liée aux services fournis aux commissions scolaires par l’appelante à l’égard desquels cette dernière n’a pas perçu de TPS est annulée, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’octobre 2008.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 507

Date : 20081007

Dossier : 2006-2168(GST)G

ENTRE :

DOMAINE DE LA VOLIÈRE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              La question en litige consiste essentiellement à savoir si l’appelante devait exiger la taxe sur les produits et services (TPS) relativement aux services qu’elle a rendu aux commissions scolaires et/ou écoles du 1er février 2001 au 31 janvier 2005 (la « période pertinente ») ou si ces services constituaient des fournitures exonérées de garde d’enfants selon l’article 1 de la partie IV de l’Annexe V de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

[2]              L’appelante, une société à but lucratif, exploitait pendant la période pertinente un centre d’hébergement récréatif aussi identifié par cette dernière (Pièce I-1, page 12) comme un centre de loisirs et d’hébergement. À cette fin, l’appelante dispose d’un terrain de 55 acres (dont une grande partie est boisée) sur lequel sont construits quatre chalets, quatre condos, un chapiteau et un bureau d’accueil. L’appelante dispose aussi d’un lac privé (avec plage de sable), de tables de pique-nique, d’une piscine chauffée, de canots, de pédalos, de balançoires et d’aires de jeux aménagés pour y pratiquer notamment le tir à l’arc, le ballon volant, la pétanque, le soccer et le baseball. La partie boisée du terrain comporte plusieurs sentiers aménagés spécifiquement pour des fins d’interprétation de la nature, de l’observation d’oiseaux et pour y pratiquer l’hébertisme, le cyclisme, la raquette, le ski de fond et la motoneige. Finalement, l’appelante aménage pendant la période hivernale une patinoire et des glissades éclairées.

 

[3]              Les principales activités de l’appelante étaient, pendant la période pertinente :

 

                         i)                  l’hébergement (location de condos et de chalets). Cette activité représentait environ 45 % du chiffre d’affaires de l’appelante;

 

                       ii)                  la fourniture de journées de plein air qu’elle effectuait aux écoles, centres de la petite enfance et garderies. Cette activité représentait environ 45 % du chiffre d’affaires de l’appelante;

 

                           iii)            des camps d’été de jour. Cette activité représentait environ 10 % du chiffre d’affaires de l’appelante).

 

[4]              Le litige portait sur la fourniture de journées de plein air que l’appelante effectuait aux écoles, centres de la petite enfance et garderies. L’appelante n’a pas exigé la TPS des acquéreurs de cette fourniture pendant la période pertinente parce qu’elle considérait que le service qu’elle rendait à ces derniers consistait principalement à garder et à surveiller des enfants de 14 ans ou moins pour des périodes d’une durée normale de moins de 24 heures par jour et qu’ainsi ce service constituait une fourniture exonérée de garde d’enfants selon l’article 1 de la partie IV de l’Annexe V de la Loi.

 

[5]              À l’égard de la fourniture ou du service qui fait l’objet du présent litige, la preuve a révélé que :

 

                         i)                  la presque totalité de cette fourniture était faite aux commissions scolaires et/ou écoles, et ce, pendant l’année scolaire;

 

                          ii)               dès leur arrivée en autobus (vers 9 h 00) et jusqu’à leur départ (vers 14 h 30) les élèves de ces commissions scolaires et/ou écoles étaient pris entièrement en charge par les moniteurs de l’appelante qui faisaient en sorte que les élèves participent au maximum d’activités récréatives et/ou éducatives pendant la journée. Ces élèves étaient tous âgés de 14 ans ou moins.

 

                           iii)            Les professeurs qui accompagnaient leurs élèves en autobus ne s’occupaient aucunement de ces derniers pendant la période où ces derniers étaient pris en charge par les moniteurs de l’appelante. La preuve a révélé que l’appelante mettait à la disposition des professeurs un chalet où ces derniers pouvaient se divertir ou travailler.

 

[6]              Par ailleurs, la preuve a révélé que la fourniture de camps d’été de jour ressemblait en tout point à la fourniture de journées de plein air offerte par l’appelante aux écoles pendant l’année scolaire. En effet, dès leur arrivée (vers 9 h 00) et jusqu’à leur départ (vers 16 h 00), les enfants de 14 ans et moins étaient entièrement pris en charge par les moniteurs de l’appelante qui faisaient en sorte que ces derniers participent au maximum d’activités sportives et/ou éducatives pendant la journée, activités en tout point semblables à celles auxquelles participaient les élèves lorsque l’acquéreur du service était l’école et/ou la commission scolaire. En fait, dans les deux cas, les services rendus par l’appelante étaient les mêmes, les bénéficiaires ultimes du service étaient des enfants de 14 ans et moins sauf que dans le cas de la fourniture de camps d’été de jour, l’acquéreur de la fourniture du service était le parent, alors que, dans le cas de la fourniture de journées de plein air, l’acquéreur de la fourniture ou du service était la commission scolaire et/ou l’école.

 

Position de l’intimée

 

[7]              L’avocat de l’intimée a soutenu essentiellement que, pour décider si cette activité est un service de garde d’enfants dans une cause donnée, la Cour doit utiliser le critère élaboré par le juge Rip (tel était alors son titre) dans la décision Bailey[1]. Selon l’avocat de l’intimée, le juge Rip a déterminé, dans l’affaire Bailey précitée, que la question essentielle est de savoir quelle est la principale raison pour laquelle l’enfant a été inscrit à l’activité. En d’autres termes, l’avocat de l’intimée a soutenu que la Cour doit répondre en l’espèce à la question suivante : est-ce que les acquéreurs de ce service, en l’espèce essentiellement les commissions scolaires et/ou écoles, ont retenu les services de l’appelante principalement pour veiller sur leurs élèves ou les protéger, auquel cas la fourniture était exonérée, ou encore principalement pour les divertir et/ou les éduquer, auquel cas la fourniture était taxable. L’avocat de l’intimée a prétendu que ces journées de plein air s’inscrivaient tout simplement dans le cadre des activités para-scolaires que les écoles organisent pour leurs élèves pendant l’année scolaire (telles sorties dans les musées, les jardins zoologiques ou botaniques, journées de ski alpin, etc.) activités dont l’objectif principal consiste à l’occasion à accorder des journées de repos à leurs élèves tout en les faisant participer à des activités en dehors de l’école de nature récréo-éducatives et non pas à les faire garder. L’avocat de l’intimée a soutenu que le service de surveillance par l’appelante dont bénéficiaient les élèves de ces écoles n’était donc dans ce contexte qu’un accessoire au service de divertissement principalement recherché par ces écoles.

 

Position de l’appelante

 

[8]              À mon avis, la première question à laquelle il faut répondre dans notre analyse est la suivante : est-ce le critère élaboré par le juge Rip (tel était alors son titre) qui doit être utilisé en matière de TPS? En d’autres termes, est-ce que le fournisseur de services (compte tenu de son obligation de percevoir la TPS de son client s’il lui rend un service taxable) doit déterminer pour chacun de ses clients la raison principale pour laquelle le client retient ses services Si la réponse à cette question est affirmative, il se pourrait que, pour un client donné, le fournisseur soit obligé de percevoir la TPS alors que, pour un autre client donné, il ne soit pas obligé de ce faire, et ce, même si le service rendu aux deux clients est identique. Si tel était le cas, il en résulterait un non sens. En effet, si le service rendu est identique dans les deux cas, l’obligation du fournisseur de percevoir ou non la TPS doit, à mon avis, être également identique dans les deux cas.

 

[9]              À mon avis, il ne faut pas en l’espèce déterminer la raison principale pour laquelle les commissions scolaires ont retenu les services de l’appelante. Il faut plutôt déterminer intrinsèquement, à la lumière de la preuve soumise à l’égard des services rendus, si les services rendus aux commissions scolaires consistaient principalement à assurer la garde ou la surveillance des élèves ou principalement à leur fournir des activités sportives et/éducatives. Cette démarche ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas examiner la raison principale pour laquelle les commissions scolaires ont retenu les services de l’appelante. En effet, la détermination de la principale raison pour laquelle les services ont été retenus peut, dans certains cas, servir d’éclairage dans la détermination des services principalement rendus par le fournisseur. En l’espèce, la preuve a révélé très clairement que l’appelante a rendu deux types de services aux commissions scolaires, en ce qu’elle a à la fois gardé et diverti (et/ou éduqué) les élèves. La question qu’il faut alors se poser est la suivante : est-ce que le service de surveillance fourni par l’appelante n’était qu’un accessoire au service de divertissement et/ou d’éducation offert par l’appelante et dont bénéficiaient ces mêmes élèves? Où était-ce plutôt l’inverse? En l’espèce, il ressort de la preuve que, dès leur arrivée (vers 9h00) et jusqu’au départ (vers 16h00), les élèves de 14 ans et moins étaient entièrement pris en charge par les nombreux moniteurs de l’appelante. Les enfants n’étaient pas pendant cette période sous la garde et la surveillance des professeurs, ces derniers se divertissant ou travaillant dans des chalets mis à leur disposition par l’appelante. Il est clair que l’appelante avait la responsabilité de veiller sur les enfants pendant au moins sept heures puisque les professeurs ne les surveillaient plus. Les moniteurs prodiguaient les premiers soins aux enfants et s’assuraient aussi de leur confort. La période où les élèves étaient confiés à la garde et aux soins de l’appelante était trop longue pour ne pas conclure que l’élément prépondérant du service rendu consistait en la garde et le soin de ces enfants pendant cette période. Le fait que l’appelante offrait aux élèves la possibilité de participer à de nombreuses activités récréatives et/ou éducatives était entièrement prévisible et raisonnable puisqu’elle devait s’occuper d’eux pendant une longue période. On s’attend de quiconque est responsable de la garde et du soin d’enfants âgés de 14 ans ou moins pendant une période de sept heures qu’il prévoit des activités à leur intention, et il serait déraisonnable d’avancer que cette disposition de la partie IV de l’Annexe V de la Loi s’applique uniquement aux situations où le seul service offert est la garde et le soin des enfants et où aucune activité n’est prévue pour eux. Cela ne pouvait être l’intention du législateur. Par conséquent, les services rendus aux commissions scolaires à l’égard desquelles aucune TPS n’était exigée satisfaisaient aux exigences fixées au paragraphe 1 de la partie IV de l’Annexe V de la Loi et, comme il s’agissait de fournitures exonérées, il convenait de ne pas exiger la TPS sur celles‑ci.

 

[10]         Par conséquent, l’appel est accueilli avec dépens et la cotisation visant la TPS liée aux services fournis aux commissions scolaires par l’appelante à l’égard desquels cette dernière n’a pas perçu de TPS est annulée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’octobre 2008.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 507

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2168(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DOMAINE DE LA VOLIÈRE INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 12 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

 

Me Martin Fortier

Avocat de l'intimée :

Me Mario Laprise

 

 

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Martin Fortier

                 Cabinet :                           De Chantal, D’amour, Fortier

                     Ville :                            Longueuil, Québec

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]  Bailey, 2005 CCI 305, [2005] A.C.I. no 205 (QL)

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