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Dossier : 2007-3554(EI)

ENTRE :

PATRICIA CAROLA,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SERGE ROY EN QUALITÉ

DE CURATEUR DE DAME ALEXANDRINE LESSARD,

 

intervenant.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 5 mai 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Gilbert Nadon

Avocate de l'intimé :

Me Anne Poirier

Avocat de l’intervenant :

Me Philip Hazeltine

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national est modifiée de la façon suivante : madame Patricia Carola occupait un emploi assurable du 7 novembre 2004 au 31 juillet 2005 lorsqu'elle était au service de l'intervenant.

 

Signé à Québec, Canada, ce 10e jour d’octobre 2008.

 

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 508

Date : 20081010

Dossier : 2007-3554(EI)

ENTRE :

PATRICIA CAROLA,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

et

 

SERGE ROY EN QUALITÉ

DE CURATEUR DE DAME ALEXANDRINE LESSARD,

intervenant.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]              Madame Patricia Carola interjette appel d’une décision du ministre du Revenu national (ministre) selon laquelle elle n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services durant la période du 7 novembre 2004 au 31 juillet 2005 (période pertinente). Monsieur Serge Roy, en sa qualité de curateur aux biens de dame Alexandrine Lessard, est intervenu dans l’appel de madame Carola pour appuyer la position du ministre, qui, pour rendre la décision dont appel, s’était appuyé sur les hypothèses de fait suivantes, et le procureur de madame Carola les a toutes admises :

a)         le 7 novembre 2004, l’appelante a été embauchée par Mme Nicole Roy, fille de Mme Alexandrine Lessard et sœur du payeur[1], comme « aide à la maison »;

 

b)         Mme Alexandrine Lessard souffrait de la maladie d’Alzheimer et nécessitait une surveillance constante[2] à la maison;

 

c)         Nicole Roy a embauché l’appelante à la demande de sa mère qui la connaissait et qui exigeait que ce soit l’appelante qui s’occupe d’elle;

 

d)         suite à une mésentente entre Mme Nicole Roy et son frère, le payeur, ce dernier était nommé, le 9 juin 2005, curateur au bien de Mme Alexandrine Lessard en vertu d’un jugement de la Cour Supérieure[3];

 

e)         Mme Roy avait embauché l’appelante en vertu d’une entente verbale pour prendre soin de sa mère inapte au plan médical et légal [4];

 

f)          l’appelante devait s’occuper de Mme Lessard en tout temps[5]; elle devait lui donner des soins, la surveiller, lui donner sa médication, préparer ses repas, tenir la maison propre, l’assister dans ses déplacements tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison et, occasionnellement, l’amener à sa résidence secondaire à Prévost;

 

g)         l’appelante n’est ni infirmière ni préposée au bénéficiaire et n’avait aucune tâche médicale à faire auprès de Mme Lessard, sauf de lui donner sa médication;

 

h)         durant la période en litige, le CLSC Ahunstic [sic] avait fait une évaluation des soins à prodiguer à Mme Lessard et accordé 10 heures par semaine pour ces soins;

 

i)          l’appelante recevait une rémunération assurable de 10 heures par semaine pour les soins donnés par l’entremise du CLSC et a reçu, à cet effet, un relevé d’emploi[6] indiquant un total de 390 heures et des gains assurables totalisant 3 090,02 $;

 

j)          comme Mme Lessard devait être surveillée 24 heures sur 24[7], le payeur a donc embauché l’appelante pour s’en occuper en plus des 10 heures subventionnées par le CLSC;

 

k)         Selon l’entente entre les parties, l’appelante devait demeurer 4½ jours par semaine, 24 heures sur 24, dans la résidence de Mme Lessard;

 

l)          Mme Nicole Roy lui avait précisé verbalement les tâches à faire auprès de sa mère et elle a continué les mêmes tâches lorsque le payeur a été nommé curateur de sa mère;

 

m)        le payeur ne supervisait pas quotidiennement le travail de l’appelante mais communiquait régulièrement avec sa mère pour avoir des nouvelles de sa santé et pour savoir si tout se passait bien avec l’appelante;

 

n)         l’appelante était entièrement libre de répartir son temps de travail et de prodiguer les soins requis de Mme Lessard à l’intérieur de ses 5 journées de travail et ce, sans tenir de compte-rendu détaillé des heures consacrées à chacune de ses différentes tâches[8];

 

o)         lors de son embauche, l’appelante recevait une rémunération fixe de 500 $ par semaine, révisée à 600 $ par semaine au cours de la période en litige[9], pour ses 5 journées de travail auprès de Mme Lessard;

 

p)         l’appelante était rémunérée à la quinzaine, par dépôt direct;

 

q)         l’appelante recevait sa rémunération sans aucune déduction à la source et ne bénéficiait d’aucun avantage social du payeur (congés de maladie ou férié);

 

r)          l’appelante utilisait son automobile personnelle pour effectuer des sorties avec Mme Lessard, commissions ou déplacement à sa résidence secondaire, et ne recevait aucune compensation pour son utilisation.

 

[2]              Les enfants de madame Alexandrine Lessard, soit monsieur Serge Roy et madame Nicole Roy, ainsi que madame Carola ont témoigné lors de l’audience. La preuve présentée a révélé les faits additionnels suivants : madame Lessard, souffrait de la maladie d’Alzheimer et cette maladie avait été diagnostiquée environ trois ans avant l’engagement de madame Carola (selon le témoignage de madame Nicole Roy).

 

[3]              L’agente des appels a tenté, à plusieurs reprises, d’obtenir de l’information de monsieur Roy concernant la date à partir de laquelle madame Lessard a été considérée comme incapable. Voici ce qui est écrit dans le rapport de l’agente des appels à la page 6 :

 

N.B.    Demande faite au payeur quelque temps après notre conversation téléphonique, pour obtenir la date que Mme Lessard a été considérée comme inapte par son médecin ainsi que les détails concernant les heures travaillées et la rémunération de la travailleuse. Étant donné que le payeur n’a pas répondu à notre appel téléphonique, une lettre demandant les renseignements ci-dessus a été envoyée, mais celle-ci est restée sans réponse malgré avoir donné un délai supplémentaire.

[Je souligne.]

[4]              Madame Lessard a été pendant de nombreuses années courtière immobilière. De plus, elle possédait plusieurs immeubles locatifs durant la période pertinente. Monsieur Roy a déclaré qu’en juillet 2005 sa mère possédait cinq immeubles locatifs et avait 20 locataires. Dans le cadre de ses fonctions de courtière, elle avait rencontré madame Carola et avait agi comme courtier pour la vente de la propriété de celle-ci lors de son divorce.

 

[5]              En raison des difficultés qu’elle éprouvait à s’occuper de ses finances (en ce qui concerne ses factures et ses loyers), madame Lessard aurait signé une procuration notariée aux alentours de 2003. Selon monsieur Roy, cette procuration avait été donnée au début de l’année 2004. La procuration conférait aux deux enfants de madame Lessard le pouvoir de s’occuper de ses affaires. Compte tenu de la perte d’autonomie de madame Lessard, madame Roy a entrepris des démarches auprès du CLSC Ahuntsic afin de déterminer quelles ressources pouvaient être mises à sa disposition pour fournir des services à sa mère.

 

[6]              Dans le rapport sur un appel, il est indiqué qu’un monsieur Sylvain Léonard du service des finances du CLSC Ahuntsic a fourni les renseignements suivants :

 

48. Le programme d’allocation directe est un programme gouvernemental géré par le Ministère du Revenu. Ce programme a établi que les gens qui travaillent pour des personnes âgées, peu importe le cas ou le nombre d’heures établies, ces personnes ont le titre de services domestiques et qu’elles sont toutes considérées comme des employés et que CES a l’obligation de faire les déductions à la source.

 

49. Par le passé, les bénéficiaires ou leur représentant s’occupaient eux-mêmes de payer leur domestique mais il y avait énormément de travail au noir, c’est pour cette raison que le service de paie CES a été créé.

 

50. Une personne reconnue par le CLSC fait un plan de service suite à une évaluation de l’état du bénéficiaire. Le CLSC ne paiera jamais plus que le nombre d’heures établies suite à l’évaluation mais pourrait payer moins. Une carte de temps doit être remplie par le bénéficiaire afin de savoir le nombre d’heures à payer au travailleur.

 

51. Si le bénéficiaire ne connaît personne, un employé du CLSC sera envoyé pour rendre les services.

 

52. Une vérification est faite par le CLSC régulièrement chez le bénéficiaire pour vérifier si les services ont été donnés en fonction du plan de services établi au départ.

[Je souligne.]

[7]               Le CLSC Ahuntsic, selon son évaluation, pouvait financer 10 heures de présence d’une aide-domestique. Il ne pouvait financer plus de 10 heures, compte tenu des fonds qui lui étaient disponibles. Par contre, les enfants de madame Lessard croyaient qu’elle devait avoir une aide plus importante pour assurer une plus grande présence auprès d’elle.

 

[8]              C’est ainsi que madame Roy a entrepris des démarches pour trouver quelqu’un pour s’occuper de sa mère. Au début, a-t-elle dit, elle avait cherché quelqu’un d’expérience, ayant des connaissances médicales. Par contre, madame Lessard a exigé que madame Carola soit la personne qui lui fournisse des soins à domicile. Madame Roy a offert un salaire de base de 250 $ à 300 $ pour quatre jours de service par semaine. Après avoir consulté ses proches, madame Carola a refusé cette offre et a demandé plutôt un salaire de 500 $, contre‑proposition qui fut acceptée par madame Roy. Les tâches que devait accomplir madame Carola étaient celles décrites plus haut.

 

[9]              La subvention du CLSC a d’abord été de 9,44 $ l’heure, mais a été augmentée à 10,44 $. Ainsi, madame Lessard recevait initialement une aide de 94,40 $ par semaine, aide qui a servi à financer en partie le salaire de 500 $ versé à madame Carola.

 

[10]          Même s’il semble que le ministre ait tenu pour acquis que le CLSC était l’employeur de madame Carola, l’ensemble de la preuve, y compris les témoignages fournis par monsieur et madame Roy, révèle qu’il ne l’était pas.

 

[11]         Tout d’abord, rien n’indique qu’un contrat soit intervenu entre madame Carola et le CLSC Ahuntsic. Au contraire, les avis de dépôt préparés par CES révèlent qu’il agissait comme agent payeur dans le cadre de la gestion des allocations directes prévues par le programme d’aide aux personnes en perte d’autonomie et que la somme était déposée au nom de madame Alexandrine Lessard (voir pièce A‑10). Le bordereau et l’avis de dépôt nomment madame Carola ainsi que madame Lessard. CES a effectué les retenues à la source, y compris celles relatives à la cotisation de madame Carola au régime d’assurance-emploi. L’avis de dépôt fait aussi état de paie au titre de vacances : sur un montant de 110,03 $, 4,23 $ représentent la paye de vacances et 2,15 $ représentent la cotisation à l’assurance-emploi. Il ressort de cet avis de dépôt que CES agissait comme mandataire de madame Lessard dans le versement de la rémunération à madame Carola.

 

[12]         En plus de l’avis de dépôt, il y a le relevé d’emploi que monsieur Roy a signé en sa qualité de curateur le 18 août 2005 et qui identifie madame Alexandrine Lessard comme l’employeur de madame Carola. Ce relevé d’emploi vise la période du 7 novembre 2004 au 6 août 2005 et mentionne un nombre d’heures assurables de 390 pour une rémunération assurable totale de 3 090,02 $.

 

[13]         Lors de son témoignage, monsieur Roy a déclaré s’être senti obligé d’accepter cette façon de faire du CLSC Ahuntsic et de CES pour bénéficier de la subvention. Selon lui, il fallait considérer les sommes versées par madame Lessard par son intermédiaire ou par l’intermédiaire de madame Roy comme étant de la rémunération pour les services d’une travailleuse autonome. J’utilise l’expression rémunération, mais monsieur Roy, qui est un avocat pratiquant dans le domaine du droit civil et qui a été, durant la période pertinente au service de la Commission Gomery à titre de greffier registraire, a utilisé le terme « salaire » pour décrire la rémunération versée à madame Carola.

 

[14]         Selon madame Carola, elle n'a travaillé pour madame Lessard que pendant quatre jours et demi par semaine, les lundis, mardis, mercredis, samedis et dimanches. Pendant les deux autres journées, personne ne l'a remplacée. Selon madame Carola, madame Lessard n’était pas complètement incapable. D’ailleurs, les enfants de madame Lessard laissaient cette dernière percevoir le loyer de deux de ses logements, soit celui situé à sa résidence principale et celui situé à sa résidence secondaire, ce qui lui donnait environ 1 200 $ par mois. C’est madame Lessard qui s’occupait elle‑même d’aller encaisser les chèques à la Caisse populaire, s’y rendant une fois par mois.

 

[15]         Madame Carola a aussi indiqué qu’elle avait accompagné madame Lessard lors de sa visite chez le médecin pour faire faire l’évaluation de sa capacité mentale. L’examen n’aurait duré qu’une quinzaine de minutes et madame Lessard aurait été fâchée de la nature des tests qu’on lui avait fait passer. Elle aurait affirmé : « ils me prennent pour une débile ».

 

[16]         La Cour supérieure a rendu séance tenante, le 9 juin 2005, un jugement dans lequel elle a prononcé l’ouverture d’un régime de protection de curatelle privée à la personne et aux biens de madame Lessard et a désigné monsieur Roy comme son curateur à la personne et aux biens. Pour son travail, monsieur Roy avait droit à une indemnisation de 20 $ de l’heure jusqu’à concurrence de 500 $ par semaine. Madame Roy a reçu pour son travail d’administration de mai 2004 au 8 février 2005 une somme de 2 700 $. Monsieur Roy a reçu, rétroactivement, une rémunération à compter du 8 février 2005. Il semble donc probable que le transfert des pouvoirs de madame Roy à monsieur Roy s’est effectué après ce jugement du 8 février 2005. Dans ce jugement, on donne acte également de l’offre de monsieur Roy de continuer à mettre à la disposition de madame Lessard une somme de 2 400 $ par mois dont elle pourra disposer pour ses besoins personnels (voir pièce INV‑1).

 

[17]         Au cours du mois de juillet 2005, madame Carola a accompagné madame Lessard, qui désirait aller visiter sa sœur en Beauce. Après son arrivée, madame Carola a exprimé le désir de revenir et c’est sur l’insistance de monsieur Roy qu’elle est restée en Beauce avec madame Lessard. À son retour de la Beauce, madame Carola, qui s’était sentie fatiguée, a pris une semaine de vacances à ses frais. De retour chez madame Lessard, elle a été avisée par monsieur Roy qu’il mettait fin à son contrat. Il semble qu’il existait plusieurs causes de frustration entre madame Carola et monsieur Roy. Monsieur Roy dit avoir constaté durant l’absence de sa mère et de madame Carola, parties en Beauce, que le ménage n’avait pas été fait, que les casseroles n’avaient pas été lavées et que le réfrigérateur avait été négligé.

 

[18]         Lorsque madame Carola a fait une demande de prestations d’assurance‑emploi, le seul relevé d’emploi qui a été préparé était celui du mois d’août 2005 n’indiquant que 390 heures assurables. Comme elle avait travaillé un nombre d’heures plus considérable que celui indiqué sur ce relevé, madame Carola a contesté le calcul des heures assurables du ministère. Elle a rappelé à l’agente d'admissibilité qu’elle avait travaillé 24 heures par jour, 5 jours par semaine (voir le dossier de l’agente d'admissibilité produit sous la cote A-3, en particulier à la page 9 de 24). Quand cet agente a fait enquête, elle a constaté que la position de monsieur Roy était que madame Carola avait deux statuts : celui de travailleuse autonome et l’autre d’employée. Il était bien évident que celui d’employée ne se rapportait qu’au travail dont la rémunération était payée au moyen de la subvention du CLSC Ahuntsic.

 

 

 

Analyse

 

[19]         Dans l’affaire Chantal Rhéaume c. M.R.N., 2007 CCI 591[10], j’ai décrit ainsi les règles applicables pour déterminer si, aux fins du paragraphe 5(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), on est en présence d’un contrat de travail ou d’un contrat de service[11] :

 

[21]      La question en litige est de savoir si madame Rhéaume occupait un emploi assurable aux fins de la Loi. La disposition pertinente est l’alinéa 5(1)a) de la Loi, qui édicte ce qui suit :

 

5(1)      Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a)      l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[Je souligne.]

 

[22]      Cet article définit un emploi assurable comme comprenant l’emploi exercé en vertu d’un contrat de louage de services (ou, pour employer une expression plus moderne, un contrat de travail). Or, la Loi ne définit pas ce qui constitue un tel contrat. Voici ce que prévoit l’article 8.1 de la Loi d’interprétation relativement à de telles circonstances :

 

Propriété et droits civils

 

8.1              Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

[Je souligne.]

 

[23]      Les dispositions les plus pertinentes pour déterminer l’existence d’un contrat de travail au Québec et le distinguer du contrat de service sont les articles 2085, 2086, 2098 et 2099 du Code civil du Québec (Code civil ou C.c.Q.) :

 

Contrat de travail

 

2085    Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

 

2086    Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

 

Contrat d'entreprise ou de service

 

2098    Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

 

2099    L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[Je souligne.]

 

[24]      Lorsqu'on analyse ces dispositions du Code civil, il en ressort clairement qu'il y a trois conditions essentielles quant à l'existence d'un contrat de travail : i) une prestation de travail fournie par le salarié; ii) une rémunération pour ce travail payée par l'employeur; et iii) un lien de subordination. Ce qui distingue nettement le contrat de service du contrat de travail, c'est l'existence du lien de subordination, c'est‑à‑dire le fait pour l'employeur d'avoir un pouvoir de direction ou de contrôle sur le travailleur.

 

[25]      Dans la doctrine, les auteurs se sont interrogés sur la notion de « pouvoir de direction ou de contrôle » et son revers, le « lien de subordination ». Voici ce qu'écrit Robert P. Gagnon :

 

c)         La subordination

 

90 — Facteur distinctif — L'élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C'est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d'autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d'une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d'entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants C.c.Q. Ainsi, alors que l'entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l'article 2099 C.c.Q., « le libre choix des moyens d'exécution du contrat » et qu'il n'existe entre lui et son client « aucun lien de subordination quant à son exécution », il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l'employeur et dans le cadre établi par ce dernier.

 

[...]

 

92 — Notion — Historiquement, le droit civil a d'abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d'application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l'exécution de ses fonctions (art. 1504 C.c.B.‑C.; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l'employeur sur l'exécution du travail de l'employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s'est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l'employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l'exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu'on reconnaîtra alors comme l'employeur, de déterminer le travail à exécuter, d'encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s'intégrer dans le cadre de fonctionnement d'une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d'un certain nombre d'indices d'encadrement, d'ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d'activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n'exclut pas une telle intégration à l'entreprise.

 

[Je souligne.]

 

[26]      Soulignons que ce qui est la marque d'un contrat de travail, ce n'est pas le fait que la direction ou le contrôle a été exercé effectivement par l'employeur  (la notion stricte ou classique), mais le fait qu'il avait le pouvoir de l'exercer (la notion élargie). Dans Gallant c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 330 (QL), le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale affirme :

 

[...] Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions. [...]

[Je souligne.]

 

[27]      De plus, dans Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. c. Canada (M.R.N.), 2002 CAF 144, (2002), 291 N.R. 389, le juge Noël écrit :

 

5.                  La question que devait se poser le premier juge était de savoir si la société avait le pouvoir de contrôler l'exécution du travail des travailleurs et non pas si la société exerçait effectivement ce contrôle. Le fait que la société n'ait pas exercé ce contrôle ou le fait que les travailleurs ne s'y soit [sic] pas senti [sic] assujettis lors de l'exécution de leur travail n'a pas pour effet de faire disparaître, réduire ou limiter ce pouvoir d'intervention que la société possède, par le biais de son conseil d'administration.

[Je souligne.]

 

[28]      Il faut également ajouter ces commentaires du ministre de la Justice au sujet de l’article 2085 C.c.Q., qui accompagnaient le projet du Code civil et que j’ai rapportés à la page 2:26 d’un article (mon article) que j’ai écrit et qui est intitulé « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer »:

 

L’article reprend la règle édictée à l’article 1665a) C.C.B.C. La définition contenue dans cet article nouveau permet de cerner avec plus de précision la différence entre le contrat de travail et le contrat d’entreprise ou de service. La ligne de démarcation parfois ténue entre ces contrats a suscité des difficultés tant en doctrine qu’en jurisprudence.

 

Cette définition indique le caractère essentiellement temporaire du contrat de travail, consacrant ainsi le premier alinéa de l’article 1667 C.C.B.‑C., et met en relief l’attribut principal du contrat de travail : le lien de préposition caractérisé par le pouvoir de contrôle, autre que le contrôle économique, de l’employeur sur le salarié, tant dans la fin recherchée que dans les moyens utilisés. Il importe peu que ce contrôle soit ou non effectivement exercé par son titulaire; il importe peu également que le travail soit matériel ou intellectuel.

[Je souligne.]

 

[29]      À mon avis, les règles du Code civil régissant le contrat de travail ne sont pas identiques à celles de la common law et, par conséquent, il n'est pas approprié d'appliquer des décisions de common law comme les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, 2001 CSC 59. En common law, « aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant [...] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir des services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ». Voici ce qu’écrit le juge Major dans Sagaz :

 

47        Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

[Je souligne.]

 

[30]      Par conséquent, il est possible de conclure en common law à l'existence d'un contrat de travail sans avoir tiré de conclusion de fait quant à la présence du pouvoir de contrôle ou de direction.

 

[31]      Au Québec, contrairement à la situation en common law, la question centrale est de savoir s'il existe un lien de subordination, à savoir un pouvoir de contrôle ou de direction. Un tribunal n'a pas d'autre choix que de conclure à l'existence ou à l'absence du lien de subordination pour pouvoir conclure qu'un contrat constitue un contrat de travail ou bien un contrat de service. C'est l’approche que le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale a adoptée dans l'affaire D & J Driveway, où il a conclu à l'absence d'un contrat de travail en se fondant sur les dispositions du Code civil et, en particulier, en constatant l'absence d'un lien de subordination, lequel il a décrit comme « la caractéristique essentielle du contrat de travail ».

 

[32]      À la décision D & J Driveway, j’ajouterai celle rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire 9041‑6868 Québec Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), [2005] A.C.F. no 1720 (QL), 2005 CAF 334. Voici ce que le juge Décary écrit aux paragraphes 2 et 3 :

 

2          En ce qui a trait à la nature du contrat, le juge en est arrivé à la bonne solution, mais il y est parvenu, à mon humble avis, de la mauvaise manière. Nulle part, en effet, ne traite-t-il des dispositions du Code civil du Québec, se contentant, à la fin de son analyse de la preuve, de référer aux règles de common law énoncées dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. Sagaz c. Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Cette méprise, je m'empresse de le souligner, n'est pas nouvelle et trouve son explication dans un flottement jurisprudentiel auquel le temps est venu de mettre un terme.

 

3          L'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, puis l'adoption par le Parlement du Canada de la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil (c. 2001, ch. 4) et l'adjonction par cette Loi de l'article 8.1 à la Loi d'interprétation (L.R.C., ch. I‑21) ont redonné au droit civil du Québec, en matière fédérale, ses lettres de noblesse que les tribunaux avaient eu parfois tendance à ignorer. Il suffit, à cet égard, de consulter l'arrêt de cette Cour, dans St-Hilaire c. Canada, [2004] 4 C.F. 289 (C.A.F.) et l'article du juge Pierre Archambault, de la Cour canadienne de l'impôt publié récemment dans le Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, pour se convaincre que le concept de « contrat de louage de services », à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, doit être analysé à la lumière du droit civil québécois lorsque le droit provincial applicable est celui du Québec.

[Je souligne.]

 

[33]      Finalement, avant de terminer cet énoncé des règles pertinentes pour déterminer si madame Rhéaume occupait un emploi assurable, rappelons ces propos de la juge Picard de la Cour supérieure du Québec dans 9002‑8515 Québec inc., que j’ai rapportés au paragraphe 121, page 2:82 de mon article :

 

15        Pour qu’il y ait un contrat d’entreprise, il ne doit y avoir aucun lien de subordination et l’Entente contient plusieurs éléments démontrant un lien de subordination. Il existe dans ce cas un nombre suffisant d’indices d’un rapport d’autorité.

 

[20]         En l’espèce, il s’agit bien des règles du Code civil du Québec (Code civil) qui doivent être appliquées pour décider si madame Carola était liée par un contrat de travail ou un contrat de service.

 

Décision du ministre

 

[21]         Il est intéressant de noter que l’agente d’admissibilité, appliquant les principes de la common law, à savoir les quatre critères mentionnés dans l’arrêt Wiebe Door, a conclu à l’existence d’un contrat de travail alors que l’agente des appels, appliquant les règles du Code civil a conclu, à tort, à mon avis, qu’il y aurait un contrat de service.

 

[22]         Lorsqu’on lit l’analyse faite par l’agente des appels (pièce A‑4), on constate que cette dernière a raison sur le plan du droit lorsqu’elle écrit dans un premier temps que « nous devons nous référer aux dispositions du Code civil du Québec, lequel dicte les règles d’un contrat de travail et celles d’un contrat d’entreprise » (page 7 de son rapport). C’est à bon droit qu’elle a notamment cité les articles 2085, 2098 et 2099 du Code civil. À l’étape 2 de son analyse, elle décrit la preuve a) de l’exécution du travail, b) de la rémunération, et c) du lien de subordination. Voici ce qu’elle écrit relativement au dernier élément :

 

c) Lien de subordination :

 

Le critère de lien de subordination ou aussi appelé le contrôle de l’employeur sur un travailleur est basé sur le fait qu’avec un contrat de travail le payeur a le droit de diriger la travailleuse ainsi que de contrôler la travailleuse dans tous les aspects de son emploi. Le payeur détermine le résultat final, le temps, l’où et comment la travailleuse exerce ses tâches. Un contra [sic] de service est un contrat où un [sic] parti [sic] accepte de faire un travail spécifique pour un [sic] autre. Ceci prévoit l’accomplissement d’un emploi ou d’une tâche spécifique.

 

Dans le cas présent, le payeur à la suite d’une évaluation du CLSC a reçu un total de 10 heures allouées pour les services d’une préposée à domicile. Le mandataire, Chèque Emploi Service, versait le salaire directement à la travailleuse.

 

La travailleuse devait rester en permanence avec Mme Lessard, soit durant 4 jours et demie [sic] par semaine, 24 heures par jour. La travailleuse a reçu du payeur les tâches qu’elle devait accomplir. Elle exécutait celles-ci dans l’ordre qu’elle le voulait dans ses heures de travail. Bien que le payeur lui dise ce qui devait être fait, elle établissait ses priorités en autant que les tâches demandées étaient exécutées. Elle choisissait elle-même les moyens pour répondre au besoin du payeur. La travailleuse n’occupait aucun autre emploi durant la période en litige.

 

La travailleuse ne pouvait embaucher quelqu’un d’autre pour l’aider ou la remplacer. Elle devait faire son travail personnellement. D’ailleurs, c’est Mme Lessard qui avait spécifiquement demandé que ce soit Mme Carola qui travaille pour elle.

 

Mme Lessard a été considérée inapte au plan médical à cause de la maladie d’Alzheimer. Il a été impossible d’obtenir la date exacte que Mme Lessard a été déclarée inapte mais nous pouvons affirmer que c’était après l’embauche de la travailleuse car elle était présente avec Mme Lessard lors de la visite chez le médecin à cet effet.

 

Une vérification était faite régulièrement par le CLSC et Serge Roy aurait été informée [sic] de la situation si elle n’avait pas été satisfaisante. D’ailleurs, Serge Roy appelait sa mère et la travailleuse de 3 à 4 fois par semaine pour vérifier si tout allait bien.

 

La travailleuse avait reçu comme seule instruction d’aviser Mme Roy lorsqu’elle voulait s’absenter afin que Mme Lessard ne demeure pas seule.

 

Serge Roy a congédié la travailleuse car il n’était pas satisfait de l’état de la maison et il soupçonnait que celle-ci avait volé de l’argent à Mme Lessard.

 

[Je souligne.]

 

[23]         Par contre, elle s’est trompée en droit quand elle a conclu :

Résultat de l’analyse :

 

Considérant le genre de travail à faire, les éléments décrits au point c) sont considérés par la cour comme étant des éléments neutres.

[Je souligne.]

 

[24]         Comme je le dis dans Grimard  (précité) aux paragraphes 22 et 23[12] :

[22]      Il existe de nombreuses décisions de common law où les tribunaux ont conclu que le facteur « contrôle » était neutre et, par conséquent, non déterminant. Il est ainsi possible de conclure, en common law, à l'existence d'un contrat de travail sans avoir tiré de conclusion de fait quant à la présence du droit de contrôle ou de direction.

 

[23]      Au Québec, contrairement à la situation en common law, la question centrale est de savoir s'il existe un lien de subordination, à savoir un pouvoir de contrôle ou de direction. Un tribunal n'a pas d'autre choix que de conclure à l'existence ou à l'absence du lien de subordination pour pouvoir conclure qu'un contrat constitue un contrat de travail ou bien un contrat de service. […]

 

[Je souligne.]

 

[25]         Les tribunaux appliquent dans le reste du Canada les règles de common law pour décider de l’importance relative de chacun des critères établis par la jurisprudence. D’ailleurs, la Cour suprême a énoncé dans l’affaire Sagaz qu’aucun des critères n’était concluant. Pour illustrer davantage cette approche de la common law citons ces propos du juge Robertson dans Still c. Canada (ministre du Revenu national - MRN) [1997] A.C.F. nº 1622, [1998] 1 C.F. 549, paragraphe 46.

46  Le professeur Waddams affirme que si une loi interdit la formation d'un contrat, les tribunaux devraient être libres de déterminer les conséquences d'une infraction à cette loi (à la p. 372). Je suis d'accord avec lui. Si les législatures ne veulent pas préciser les conséquences contractuelles qu'entraîne le non‑respect d'une interdiction prévue par une loi et se contentent d'infliger une peine ou une sanction administrative, alors il est entièrement du ressort d'un tribunal de déterminer, dans les faits, si d'autres sanctions devraient être prises. Comme la théorie de l'illégalité n'émane pas du législateur, mais du pouvoir judiciaire, c'est aux juges d'aujourd'hui qu'il appartient de faire en sorte que ses principes soient compatibles avec les valeurs contemporaines. […]

 

[Je souligne.]

 

[26]         Toutefois, cette approche n’est pas valable au Québec compte tenu de ce que les éléments constitutifs nécessaires à l’existence d’un contrat de travail et d’un contrat de service ne sont pas des règles adoptées par les tribunaux, mais plutôt des règles législatives adoptées par l’Assemblée nationale du Québec et énoncées dans le Code civil. Les dispositions de ce code ont préséance sur les règles établies par les tribunaux dans les provinces de common law, pour distinguer entre un travailleur autonome et un salarié. Le Code civil établit les critères distinctifs d’un contrat de travail et d’un contrat de service. Le lien de subordination ne peut pas être considéré comme un élément neutre puisqu’il a été celui adopté par le législateur québécois dans le Code civil. Les tribunaux n’ont pas d’autre choix que d’appliquer cet élément.

 

[27]         Par conséquent, il est essentiel, au Québec, de déterminer si un tel lien de subordination existe, à savoir si le payeur a un droit de direction ou de contrôle sur le travail d’un travailleur. Forcément, l’existence d’un tel droit constitue une question de fait dans chaque cas et, cela étant, il est peu utile de se référer aux décisions jurisprudentielles pour décider si, dans un cas précis, un payeur a le droit d’exercer un pouvoir de contrôle ou de direction.

 

[28]         Après avoir comparé le résultat de son analyse avec les versions des parties, l’agente des appels a conclu ainsi :

 

Étape 3 :

 

Comparaison du résultat de l’analyse à l’intention des parties :

 

Compte tenu que l’intention des parties n’était pas commune, elle ne peut venir appuyer la nature du contrat et nous devons rendre une décision en fonction du résultat de l’analyse afin de déterminer si un contrat de travail existait ou non entre les parties.

 

Conclusion finale :

 

Dans le cas où il est question de préposés aux soins à domicile, des jugements ont été rendus à l’effet que ces personnes n’exerçaient pas un emploi en vertu d’un contrat de travail mais bien en vertu d’un contrat de service. À la suite de ces éléments, nous concluons qu’il n’existait pas de contrat de travail entre le payeur et la travailleuse, mais plutôt un contrat de service.

 

Cette décision est basée sur les cas de jurisprudence indiqués dans la section VII qui suit.

 

(VII) PRECEDENT, LEGAL ADVICE, ETC. – PRÉCÉDENT, AVIS LÉGAL, ETC.:

 

Alinéa 5(1)a) :

 

9041-6868 Québec Inc. c. M.R.N.

    (2005) A-559-04 (CAF)

 

Poulin c. M.R.N.

   (2003) CAF 50

 

Vienneau c. M.R.N.

   (2004) CCI 2631

 

Parifsdy [sic] c. M.R.N.

   (2005 Carswell NAT, 213, 2005 CCI 84)

 

[29]         À mon avis, l’agente des appels s’est trompée en droit lorsqu’elle a conclu que des jugements ont été rendus selon lesquels on n’exerce pas un emploi en vertu d’un contrat de travail lorsqu’on fournit des services de préposé aux soins à domicile. Je ne connais aucune disposition du Code civil qui permet d’affirmer que certains types d’activités ne peuvent faire l’objet d’un contrat de travail. Les éléments constitutifs nécessaires à l’existence d’un contrat de travail sont clairs, à savoir : fourniture d’un travail, direction ou contrôle du payeur et rémunération.

 

[30]         Il est curieux que l’on puisse affirmer que le travail du préposé aux soins à domicile, dont les services ressemblent en très grande partie à ceux fournis, à une certaine époque, à un payeur qu’on appelait un « maître » par des personnes que l’on nommait des « serviteurs » ou des « servantes » ou encore des « domestiques », est celui d’un travailleur autonome. La réalité économique d’aujourd’hui fait que, souvent, seules les personnes très à l’aise peuvent se permettre d’engager des serviteurs comme cela se faisait au début du siècle dernier. Dans le Code civil du Bas‑Canada, on trouve (à la section II du livre troisième, titre septième, chapitre deuxième) les articles 1667 et suivants, qui traitent « Du louage du service personnel des ouvriers, domestiques et autres » (en anglais, « Of the lease and hire of the personal service of workmen, servants and others »). En particulier, l’article 1668 traite du cas « d'un domestique, serviteur, compagnon ou journalier » engagé à la semaine, au mois ou à l’année et des circonstances dans lesquelles on pouvait mettre fin au contrat de louage du service personnel. Lorsqu’on analyse les ouvrages juridiques anglais du siècle précédent, on constate qu’à cette époque on utilisait l’expression « master - servant relationship » pour décrire le rapport créé par un contrat de travail.

 

[31]         Il serait stupéfiant qu’aujourd’hui on puisse considérer le travail des domestiques comme étant accompli par des travailleurs autonomes alors qu’il était à l’époque l’exemple typique de ce qui faisait l’objet d’un contrat de travail. Conclure, comme l’a fait l’agente des appels, que le travail de prestation de service de soins à domicile est considéré comme relevant d’un contrat de service et non de travail constituerait un virement à 180 degrés de l’état du droit[13].

 

[32]         À mon avis, la question à laquelle devait répondre l’agente des appels était la suivante : est-ce que madame Lessard, la véritable payeuse ici – représentée, lors de l’engagement de l’appelante, par son mandataire en vertu d’une procuration notariée et, par la suite, par l’administrateur de ses biens (à compter du 8 février 2005) et son curateur (à compter du 9 juin 2005) en vertu d’ordonnances de la Cour supérieure, avait le droit d’exercer une direction et/ou un contrôle sur le travail de madame Carola? Si un tel droit existait, l’agente des appels devait conclure à l’existence d’un contrat de travail. Dans le cas contraire, elle pouvait conclure à l’existence d’un contrat de service.

 

Intention des parties

 

[33]         Avant d’aborder cette question, il est utile dans un premier temps de déterminer quelle était l’intention des parties lorsqu’elles ont négocié l’entente de services aux alentours du 7 novembre 2004. Comme l’a révélé madame Roy, lorsqu’elle a engagé madame Carola, elle n’a jamais songé à la nature véritable du contrat qu’elle a négocié avec celle-ci. Elle n’a jamais pensé à se demander si madame Carola serait considérée comme une employée ou une travailleuse autonome, ou encore, pour être plus précis, si le travail de madame Carola devait être assujetti au droit de direction ou de contrôle de madame Lessard, aidée de ses représentants. Quant à madame Carola, je serais surpris qu’elle y ait songé au moment de son engagement. Par conséquent, l’intention des parties à cette date n’est d’aucune aide pour définir la nature de la relation juridique qui a été établie entre madame Roy, agissant comme mandataire en vertu de la procuration notariée de madame Lessard, et madame Carola.

 

[34]         Par la suite, la situation était différente. Selon le témoignage de madame Carola, elle a toujours eu l’impression qu’elle était une salariée de madame Roy (puisqu’elle avait été engagée par cette dernière). Par contre, compte tenu du fait que madame Roy agissait comme mandataire de madame Lessard, il est clair que le contrat (de travail ou de service) est intervenu entre madame Lessard et madame Carola. Il faut rappeler également que madame Roy agissait dans le cadre de son mandat puisque c’est à la demande expresse de madame Lessard que madame Carola a été engagée par madame Roy.

 

[35]         L’impression qu’avait madame Carola d’avoir été engagée comme une employée (salariée) de madame Roy a certainement été encouragée par le fait qu’on faisait des retenues à la source sur une partie de son salaire. De plus, elle affirme que madame Roy la décrivait comme son employée dans ses conversations. Il faut mentionner que madame Roy était une retraitée et avait été adjointe dans les services administratifs de Shell Canada avant sa retraite. Le fait que madame Carola n’a inscrit dans ses déclarations de revenus que les sommes correspondant à la subvention du CLSC[14] est un fait neutre quant à la nature des sommes versées par madame Lessard à même ses propres fonds.

 

[36]         Quant à monsieur Roy, il a déclaré lors de son témoignage qu’il avait, dans des conversations téléphoniques subséquentes à l’engagement de madame Carola, informé cette dernière qu’elle avait été engagée comme travailleuse autonome, qu’aucune retenue à la source ne serait effectuée et qu’elle devait mettre de côté de 25 à 35% de sa rémunération pour l’impôt qu’elle pourrait être tenue de verser[15]. Madame Carola a nié avoir eu une telle conversation avec monsieur Roy et prétend au contraire que ce dernier lui a dit que tout cela serait arrangé à la fin de l’année. Il est fort probable que monsieur Roy a tenté d’expliquer à madame Carola qu’elle n’était pas engagée comme employée, mais plutôt comme travailleuse autonome, mais qu'elle n’a pas compris la portée et la signification des précisions apportées par lui après son engagement. D’ailleurs, c’est la conclusion à laquelle l’agente des appels en est venue. Elle a écrit, en effet, à la page 7 de son rapport :

 

[...] Serge Roy lui mentionnait que tout serait correct et de ne pas s’inquiéter, mais qu’elle devait garder ses reçus d’essence. Je ne crois pas qu’elle pouvait savoir à 100% ce que cela voulait dire comme l’employeur le prétend malgré qu’elle a déjà été sur le marché du travail. Le fait d’avoir accepté de continuer l’emploi ne veut pas dire qu’elle acceptait pour autant la situation, mais avait tout simplement besoin de travailler. [...]

[Je souligne.]

 

[37]         Même si monsieur Roy a soutenu avoir expliqué avec beaucoup de clarté à madame Carola la nature juridique du contrat qu’elle avait conclu verbalement avec sa sœur, il est intéressant de noter que lui‑même, lors de son témoignage, parlait de « salaire » versé à madame Carola. Or, le mot salaire dans son sens usuel signifie généralement la rémunération versée par un employeur à son employé. D’ailleurs le Code civil utilise le terme « salarié », soit une personne qui reçoit un salaire, pour décrire la personne visée par le contrat de travail. Lorsqu’on engage un « prestataire de services », on parle habituellement d’« honoraires ». Je suis persuadé  que maître Roy facture des « honoraires » à ses clients et non pas du « salaire ». 

 

[38]         Il ressort de tous ces faits que l’intention n’a pu jouer ici un rôle déterminant pour la qualification de la nature juridique du contrat qui liait madame Carola à madame Lessard, puisqu’il n’existe aucun écrit où sont consignés les termes de l’entente intervenue entre les parties. De plus, les parties n’ont jamais réfléchi, lors de l’entente, à la nature du contrat intervenu entre elles, c'est-à-dire qu’elles ne sont pas demandé s’il s’agissait d’un contrat de travail ou d’un contrat de service. Finalement, les parties n’ont pas chacune la même compréhension de ce que devait être leur relation. Par conséquent, il faut s’en remettre à l’analyse de la conduite des parties dans l’exécution du contrat pour déterminer s’il y avait contrat de travail ou pas.

 

Lien de subordination ou droit de direction ou de contrôle

 

[39]         Ici le seul élément qui pose problème est l’existence d’un lien de subordination, la question étant de savoir si madame Lessard, représentée par sa mandataire madame Roy, ou par son fils, tout d’abord comme administrateur de ses biens (février 2005) et par la suite comme curateur (à compter du 9 juin 2005), avait un droit de direction ou de contrôle sur le travail de madame Carola.

 

[40]         Quand on lit les réponses fournies par monsieur Roy à l’agente d’admissibilité lorsque cette dernière a fait son enquête, il en ressort clairement qu’il adopte comme définition du lien de subordination la notion « classique » telle qu’elle est décrite par l’auteur MRobert P. Gagnon dans son ouvrage Le droit du travail du Québec, cité plus haut dans l’extrait tiré de la décision Rhéaume. Cette notion de subordination juridique dite stricte ou classique se caractérise par le contrôle immédiat exercé par l’employeur sur l’exécution du travail de l’employé quant à sa nature et à ses modalités. Monsieur Roy fait complètement abstraction de la notion de subordination au sens large, notion que le ministre de la Justice du Québec a adoptée dans ses commentaires lors du dépôt du projet du Code civil, tout comme le fait Me Gagnon dans son ouvrage, ce qui s’explique par le fait que la « diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont […] rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail »[16].   

 

[41]         Voici le compte rendu de la discussion avec monsieur Roy reproduit par l’agente d’admissibilité dans ses notes (pièce A‑3) à la page 015 de 021 :

Nous avons discuté à nouveau du dossier et M Roy maintient que personne ne contrôlait la travailleuse car il n’y avait personne sur place pour lui dire quotidiennement le travail à faire ni personne pour lui dire la façon de le faire. J’ai bien tenté d’expliquer à M Roy que le [sic] jurisprudence parle du DROIT de contrôler mais M Roy maintient sa position puisqu’il dit connaître très bien ce qu’est un lien de subordination étant avocat de profession.

[Je souligne.]

 

[42]         À la page 018 de 021, elle ajoute :

Détails :

 

[...]

 

- Selon M Serge Roy, la notion de contrôle, c’est qu’il aurait fallu que quelqu’un voit [sic] Mme Carola à chaque jour pour lui dire quoi faire alors que, Mme Carola a reçu que des directives générales de prendre soin de Mme Lessard rien de plus.

[Je souligne.]

 

[43]         Un peu plus loin, à la page 019 de 021, elle ajoute :

 

- Pour M Roy, pour qu’il y ait un contrôle, il aurait fallu qu’il soit sur place à tous les matins pour dire quoi faire à la travailleuse ainsi que la façon de le faire. Il va jusqu’à dire qu’il aurait fallu qu’il lui dise comment faire les repas comme par exemple comment faire une sauce spaghetti et par où passer pour se rendre chez le médecin- ...

[Je souligne.]

 

[44]         Tel que le reconnaît l’auteur feu Me Gagnon, la notion dite stricte de lien de subordination est dépassée et ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Si on appliquait la théorie de monsieur Roy, comment pourrait-on conclure que les représentants de commerce qui sont continuellement sur la route pour faire la promotion et la vente des produits de leur employeur peuvent être considérés comme des salariés, puisque personne ne les accompagne pour leur dire quoi faire et comment le faire? Comment pourrait-on conclure que les professeurs qui enseignent le français ou les mathématiques à des étudiants du primaire ou du secondaire, peuvent être considérés comme des salariés, puisqu’il n’y a personne qui vérifie au jour le jour l’exécution de leurs tâches de professeur[17]? Comment pourrait-on considérer un avocat employé par un grand cabinet d’avocats comme un salarié lorsqu’on lui assigne des dossiers et qu’il doit les mener à des résultats satisfaisants pour les clients sans qu’un des associés vérifie nécessairement quotidiennement, hebdomadairement ou même mensuellement les services rendus par cet avocat? Comment un pilote d’une société aérienne pourrait-il être un salarié sans que son supérieur immédiat soit présent pendant qu’il travaille? Il est clair ici qu’il n’était pas nécessaire que quelqu'un soit présent à chaque jour pour dire à madame Carola quoi faire, et notamment comment faire une sauce à spaghetti, compte tenu de la nature du travail qu’elle devait accomplir.

 

A) Preuve directe

 

Encadrement par madame Lessard

 

[45]         L’approche défendue par monsieur Roy fait abstraction, de toute façon, du fait que le véritable employeur de madame Carola n’était pas lui ni sa sœur, mais bien sa mère. Cette dernière  exerçait quotidiennement sur madame Carola un droit de direction ou de contrôle. Il n’a aucunement été mis en preuve que la maladie de madame Lessard était tellement avancée qu’elle n’était pas en mesure d’exercer son pouvoir de direction ou de contrôle sur le travail de madame Carola. Au contraire, la preuve révèle que madame Lessard donnait des directives à madame Carola en lui indiquant les repas qu’elle voulait que madame Carola lui prépare, et en le lui indiquant quand elle désirait se rendre à sa résidence secondaire à Prévost ou quand elle désirait de l’aide pour sa toilette ou pour toutes autres tâches domestiques.

 

[46]         Madame Carola a fourni à l’agente d’admissibilité la même description relative à la capacité mentale de madame Lessard et à l’exercice de son droit de direction ou de contrôle quelques semaines seulement après la cessation de son emploi, soit au cours du mois de septembre 2005[18]. Voici ce que cette agente a écrit dans son rapport (pièce A-3) à la page 016 de 024 :

 

5. Malgré l’absence de Mme Nicole Roy, Mme Carola explique qu’elle faisait ce que Mme Alexandrine Lessard lui demandait de faire et elle précise que Mme Lessard était capable de dire ce qu’elle voulait. Mme Alexandrine Lessard est une dame très fière, elle faisait elle-même sa toilette, elle avait une certaine autonomie.

[Je souligne.]

 

[47]         Le fait que madame Lessard habitait seule pendant les deux journées durant lesquelles madame Carola prenait congé révèle qu’elle n’était pas entièrement incapable de vivre de façon autonome et d’exercer un droit de contrôle ou de direction sur le travail de madame Carola. Monsieur Roy a dit qu’il appelait régulièrement pour prendre des nouvelles de sa mère, notamment au sujet de ses sorties et de ce qu’elle avait mangé. Cela laisse entendre qu’il était possible d’avoir des conversations cohérentes avec elle. De plus, madame Roy a déclaré qu’après l’engagement de madame Carola elle appelait sa mère et s’informait si tout allait bien. Si la réponse était positive, elle s’arrêtait là. Un tel comportement de la part des enfants mandataires de madame Lessard laisse également croire que madame Lessard pouvait très bien voir à ses affaires. Le fait que la Cour supérieure a donné acte de l’offre de monsieur Roy de fournir à madame Lessard une somme de 2 400 $ par mois dont elle pourra disposer pour ses besoins personnels indique clairement que madame Lessard n’est pas tout à fait incapable au point de ne pas être en mesure de prendre des décisions sur la façon de dépenser son argent, notamment pour l’achat de vêtements, de produits de beauté, etc.

 

[48]         Je tire aussi une inférence négative du fait que monsieur Roy n’a jamais fourni à l’agente des appels la preuve de l’inaptitude de sa mère, tout comme il ne l’a pas fait devant la Cour[19]. Par conséquent, j’en infère que madame Lessard n’était pas complètement inapte ou incapable durant la période pertinente (au moins jusqu’au 9 juin 2005) et qu’elle était en mesure d’exercer son pouvoir de contrôle et de direction sur le travail de madame Carola.

 

[49]         Lors de son témoignage, madame Carola a indiqué à plusieurs reprises que madame Lessard lui avait donné des directives quant aux repas qu’elle voulait prendre. Elle préférait du steak haché et des oignons et refusait de manger certains légumes, comme le brocoli, que madame Roy exigeait, dans ses directives à madame Carola, qu’elle serve à madame Lessard. Comme madame Lessard refusait de manger les mets qui ne lui plaisaient pas, madame Carola n’avait pas d’autre choix que de suivre les directives de madame Lessard. Elle a aussi donné cet exemple : durant la nuit madame Lessard pouvait lui demander de lui préparer une soupe, puisque madame Carola dormait dans la même chambre que madame Lessard. Cette dernière pouvait également lui dire comment préparer les mets pour qu’ils soient à son goût.

 

[50]         Un autre bel exemple de l’exercice de direction ou de contrôle par madame Lessard s’est produit lors des fêtes de Noël en 2004 quand madame Carola a informé monsieur Roy qu’elle devait s’absenter en raison d’une sérieuse maladie de sa fille (elle souffrait d’un cancer). Monsieur Roy a insisté auprès de madame Carola pour qu’elle demeure auprès de sa mère parce qu’il lui apparaissait tout à fait inconcevable qu’elle n’y soit pas. Or, madame Lessard lui a alors donné l’autorisation de quitter sa résidence pour rejoindre sa fille.

 

Encadrement du travail de madame Carola par monsieur Roy

 

[51]         Madame Carola a également affirmé avoir reçu de nombreuses directives de monsieur Roy. Elle a fourni la même version des faits à l’agente d'admissibilité au cours du mois de septembre 2005. Voici ce que cette agente a écrit dans son rapport (pièce A-3) à la page 016 de 024 :

 

6. Par la suite, elle recevait ses directives de la part de M Serge Roy. Les tâches sont demeurées les mêmes mais contrairement à sa sœur, M Serge Roy a précisé de ne pas priver sa mère de sorties alors que ce n’était pas le cas avec Mme Nicole Roy. […]

[Je souligne.]

 

[52]         Lors de son témoignage, monsieur Roy a tenté de minimiser son rôle de direction et de contrôle à l’égard du travail de madame Carola. Je trouve son témoignage tendancieux et souvent contradictoire; c’est le cas, lorsqu’il affirme notamment, que madame Carola avait toute liberté pour préparer les mets qu’elle voulait sans tenir compte des désirs et des directives de madame Lessard. Je crois que son témoignage a été influencé par son désir de voir la Cour conclure que madame Carola était une travailleuse autonome. Il existe dans son témoignage plusieurs autres exemples de cela. En voici quelques uns.

 

[53]         Monsieur Roy dit qu’il n’appelait pas régulièrement pour contrôler le travail de madame Carola, mais qu’il le faisait régulièrement pour prendre des nouvelles de sa mère. Il trouvait cela naturel. En plus, pour justifier son peu d’intérêt pour le travail de madame Carola, il a dit qu’il était sur ses gardes parce qu’il ne la connaissait ni d’Ève ni d’Adam. Or, dans ses conversations avec l’agente des appels, monsieur Roy a tenu des propos différents puisqu’il a dit qu’il devait faire confiance à madame Carola et cela justifiait qu’il n’ait pas exercé de contrôle sur son travail.

 

[54]         Une autre réponse peu convaincante de monsieur Roy est celle selon laquelle il avait fait savoir à madame Carola qu’il s’attendait à ce que sa mère passe le plus de temps possible à sa résidence secondaire, où elle adorait se trouver les week‑ends; mais, a-t-il dit, il lui était difficile d’imposer à madame Carola une telle activité. Il ne pouvait que la lui suggérer. Dans son rapport, l’agente d'admissibilité a très bien saisi l’incohérence du témoignage de monsieur Roy relativement à cette activité (paragraphe 6 à la page 006 de 021, pièce A-3) :

 

6. Concernant les sorties, M Roy mentionne qu’il insistait beaucoup auprès de Mme Carola afin qu’elle amène sa mère plus souvent dans les Laurentides mais Mme Carola faisait à sa tête. Il mentionne qu’il insistait souvent et intensément et c’était fort contrariant car la travailleuse ne faisait qu’à sa tête.

 

Remarque :

 

Par de tels propos, M Roy affirme donc que des directives étaient données à Mme Carola.

[Je souligne.]

 

[55]         Pour prouver qu’il exerçait peu de contrôle lors de ses visites chez sa mère, monsieur Roy a indiqué qu’il jetait un coup d’œil, mais qu’il ne pouvait pas demander si elle avait fait le lavage et qu’il fallait avoir un minimum de confiance dans le travail de madame Carola. Il reconnait ainsi qu’il vérifiait l’entretien lors de ses visites, même s’il sous-estime l’ampleur de cette vérification. Pourtant, non seulement monsieur Roy se devait, en bon fils, de se préoccuper de l’état de santé et du confort de sa mère, mais aussi comme son mandataire, son administrateur et son curateur, il avait l’obligation de donner des directives et de superviser le travail fourni par madame Carola. Je ne peux croire que monsieur Roy ait accepté d’être rémunéré par sa mère comme son administrateur ou son curateur sans avoir rempli ses obligations.

 

[56]         De toute façon, monsieur Roy a reconnu avoir donné des directives à madame Carola, notamment celle de ne pas avoir recours aux services du fils de cette dernière puisqu’il était maniaco-dépressif. Il a indiqué clairement à madame Carola que son fils ne devait pas accompagner madame Lessard. Monsieur Roy a ainsi exercé son droit de direction sur le travail de madame Carola, d’abord comme mandataire,  puis comme administrateur ou curateur. Il l’a exercé également lorsqu’il a insisté auprès de madame Carola pour qu’elle demeure en Beauce et qu’elle ne revienne pas après la première journée. Après une longue discussion avec monsieur Roy, madame Carola s’est pliée à cette directive.

 

[57]         En outre, la position de monsieur Roy est certainement incohérente, sinon curieuse, puisqu’il a accepté, en signant le relevé d’emploi, que madame Carola soit considérée comme une salariée pour les 10 heures qui étaient subventionnées par le CLSC, alors qu’il prétend que, pour le reste du temps, elle était travailleuse autonome. Comme il a déjà été mentionné, madame Carola n’était pas une salariée du CLSC. Aucun contrat n’existait entre madame Carola et le CLSC. Par conséquent, elle fournissait ses services à madame Lessard. Il est difficile d’imaginer comment le travail subventionné par le CLSC ait pu être exécuté sous le contrôle et la direction de madame Lessard, alors que celui financé par madame Lessard à même ses propres fonds ne l’était pas.

 

[58]         Bien évidemment, on pourrait soutenir que c’est de façon erronée que le CLSC avait donné comme directive à CES d’effectuer les retenues à la source et de considérer madame Carola comme une salariée de madame Lessard. Ce qui est assez incompréhensible, par contre, est le fait que monsieur Roy ait accepté de signer le relevé d’emploi décrivant madame Lessard comme l’employeuse et madame Carola comme son employée.

 

[59]         Il est à noter que l’agente des appels, qui a conclu à l’existence d’un contrat de service (et non d’un contrat de travail), avait noté sous la rubrique « lien de subordination» que « la travailleuse avait reçu comme seule instruction d’aviser madame Roy lorsqu’elle voulait s’absenter ». (Je souligne.) Or, la preuve présentée devant la Cour a certainement révélé que les directives données à madame Carola ne portaient pas uniquement sur ses avis d’absence.

 

[60]          Il ressort de l’ensemble de la preuve directe que non seulement monsieur Roy a donné de nombreuses directives à madame Carola concernant l’exécution de son travail, mais aussi que mesdames Lessard et Roy en ont donné également. Le contrôle exercé par les enfants s’effectuait en partie au moyen des nombreux appels téléphoniques qu’ils faisaient régulièrement à leur mère ainsi qu’à madame Carola. Si madame Lessard n’avait pas été satisfaite du travail de madame Carola, ils auraient été en mesure de prendre les mesures correctives qui pouvaient s’imposer.

 

B)  Preuve indirecte ou circonstancielle

 

[61]         En plus de la preuve directe dont il a été question ci-dessus, il existe, à mon avis, une preuve circonstancielle très claire permettant d’inférer que madame Lessard, représentée par sa fille ou par son fils, avait le droit de direction et de contrôle à l’égard de madame Carola. En effet, madame Carola a travaillé à temps plein pour madame Lessard à la résidence de cette dernière à partir du 7 novembre 2004 jusqu’au mois de juillet 2005. Elle passait environ 108 heures par semaine (4,5 x 24) avec madame Lessard. Madame Carola dormait dans la même chambre que madame Lessard. Il est facile de trouver là un indice que madame Lessard était en mesure d’exercer son droit de direction et de contrôle sur le travail de madame Carola, même durant les périodes de sommeil de celle-ci. Comme on l’a vu, madame Lessard pouvait lui demander de préparer au milieu de la nuit une soupe ou autre collation, selon ses désirs.

 

[62]         Le travail que madame Carola avait à faire devait être fourni par elle et non par quelqu’un d’autre, compte tenu du désir exprimé par madame Lessard et de la nature des services à être rendus, y compris le fait de dormir dans la même chambre que madame Lessard. Pendant les 108 heures, madame Carola ne pouvait travailler pour personne d’autre. Il est déraisonnable de la part de monsieur Roy d’affirmer que madame Carola était libre de travailler ailleurs. Elle méritait bien ses deux journées de congé après avoir passé tant d’heures à satisfaire aux besoins domestiques de madame Lessard.

 

[63]         Dans ces circonstances, il est raisonnable d’inférer qu’une personne qui passe tant d’heures par semaine chez un payeur pendant neuf mois est assujettie au droit de direction et de contrôle de la personne pour qui elle travaille. Tel qu’il a été mentionné précédemment, je ne vois pas de différences marquées entre le travail de madame Carola décrit comme celui d’« aide domestique » et le travail que fournissait une « servante » du siècle dernier qui était l’employée d’un « maître ». Dans un article du Globe and Mail, du 21 août 2008, intitulé « U.S. gavels pound FedEx business model » à la page B9, on décrit plusieurs contestations judiciaires américaines relatives à la distinction entre un salarié et un travailleur autonome. Voici un passage tiré de cet article, que je trouve tout à fait approprié ici :

 

A California appeals court refused in August, 2007, to overturn a $5.3-million verdict that the company misclassified the workers. "If it looks like a duck, walks like a duck, swims like a duck and quacks like a duck, it is a duck," the appeals court said. The California Supreme Court refused to hear the case in November.

 

En outre, madame Carola n’exploitait aucune entreprise. Elle n’avait pas son propre établissement où elle accueillait des personnes à qui elle pouvait fournir des soins domestiques. Elle n’avait pas d’autre client que madame Lessard.

 

[64]         Je n’ai aucune hésitation à conclure que la preuve a révélé non seulement que madame Lessard, représentée ou assistée par sa fille ou son fils, pouvait exercer un droit de contrôle et de direction sur le travail de madame Carola, mais aussi que ce droit a été abondamment exercé. Par conséquent, l’existence d’un lien de subordination entre elle et madame Lessard empêchait l’existence d’un contrat de service, tel que l’édicte l’article 2099 du Code civil. Madame Carola était liée à madame Lessard par un contrat de travail et occupait un emploi assurable auprès de cette dernière durant la période pertinente.

 

[65]         Pour tous ces motifs, l’appel de madame Carola est accueilli. La décision du ministre est modifiée. Madame Carola occupait un emploi assurable durant la période pertinente.

 

Signé à Québec, Canada, ce 10e jour d’octobre 2008.

 

 

 

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI508

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3554(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PATRICIA CAROLA ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET SERGE ROY ES QUALITÉ DE CURATEUR DE DAME ALEXANDRINE LESSARD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 5 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l’honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Gilbert Nadon

Avocate de l’intimé :

Me Anne Poirier

Avocat de l’intervenant :

Me Philip Hazeltine

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Gilbert Nadon

                                                         

                   Cabinet :                         Ouellet, Nadon et Associés

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                         Ottawa, Canada

 



1           Défini comme monsieur Serge Roy dans la Réponse à l’avis d’appel. Les notes infrapaginales de cet exposé des faits sont les miennes.

[2]           Toutefois la preuve a révélé que madame Lessard demeurait sans surveillance pendant l’absence de madame Carola qui ne travaillait que quatre jours et demi par semaine.

[3]           Il semble toutefois que la mésentente soit survenue plus tôt, avant que monsieur Serge Roy ne soit nommé administrateur aux biens de madame Lessard en vertu d'une ordonnance intérimaire de la Cour supérieure le 8 février 2005. On n’a pas produit cette ordonnance intérimaire. Cette preuve aurait été utile puisque les parties ont offert des témoignages contradictoires et confus quant aux moments où serait survenu le malentendu entre madame Roy et sa mère. En effet, madame Carola estime que la chicane et le transfert des pouvoirs de madame Roy à monsieur Roy se seraient passés de deux à trois mois plus tard. Madame Roy, quant à elle, a changé sa version des faits à plusieurs reprises sur cette question. Elle a d’abord estimé que ce transfert s’était effectué de cinq ou six mois après l’engagement de madame Carola. Par la suite, lors de son contre‑interrogatoire, elle a parlé de sept mois pour ensuite estimer le malentendu à environ un ou deux mois après l’engagement. Selon monsieur Roy, cette chicane serait intervenue une semaine après l’engagement de madame Carola. Voir aussi le paragraphe 16 de ces motifs.

[4]           Toutefois la preuve révèle qu’au moment de l’embauche madame Roy agissait en vertu d’une procuration notariée donnée par madame Lessard l’autorisant, elle et son frère, monsieur Roy, à la représenter dans l’administration de ses biens. Si elle avait été incapable juridiquement au moment de la signature de la procuration ou par la suite, la procuration n’aurait pas ou n’aurait plus été valide. (Voir notamment Fabien, C., « Passage du mandat ordinaire au mandat de protection », (2001) 80 R. du B. 951.) Or, les deux enfants ont continué à se prévaloir de cette procuration, notamment au moment de l’engagement de madame Carola. Par contre, la procuration n’a pas été mise en preuve. Voir également l’analyse des faits plus loin, en particulier les paragraphes 14, 15, 16, 47 et suivants.

[5]           Voir la note infrapaginale no 2.

[6]               Le relevé d’emploi envoyé par Le Centre de traitement Chèque emploi service du Groupe Desjardins (CES) a été signé par monsieur Roy à titre de curateur de madame Lessard. Ce relevé d’emploi indique comme nom de l’employeur madame Lessard et comme nom de l’employé madame Carola. La période indiquée sur le relevé d’emploi est du 7 novembre 2004 au 6 août 2005. On décrit la profession de madame Carola comme services domestiques. Par conséquent, il serait plus précis d’écrire « pour les soins subventionnés par le CLSC » plutôt que  « par l’entremise du CLSC ». Voir également les paragraphes 10 et suivants de ces motifs.

[7]               Se référer à la note infrapaginale no 2.

[8]               La preuve a révélé que madame Carola n’était pas entièrement libre de répartir son temps

et de prodiguer ses soins. Voir l’analyse plus bas.

[9]           À compter du 14 mars 2005, selon monsieur Roy.

[10]          Voir d'autres décisions que j'ai rendues, notamment NCJ Educational Services Limited c. M.R.N. 2008 CCI 300 et Grimard c. La Reine, 2007 CCI 755. Voir également la décision du juge Bédard de cette Cour dans 9020-8653 Québec Inc. c. M.R.N., 2007 CCI 604.

[11]          Les notes infrapaginales sont omises.

[12]             Les notes infrapaginales sont omises.

[13]          Dans ses commentaires, lorsqu'il a déposé le projet de nouveau Code civil du Québec, le ministre de la Justice a affirmé relativement au chapitre septième (du titre deuxième, du livre cinquième), traitant du « contrat de travail »: « Le Code civil du Bas Canada comprenait, parmi les règles sur le louage d'ouvrage, certaines règles particulières au contrat de travail. Ces règles ayant été élaborées au siècle dernier, il convenait de les mettre à jour, afin de redéfinir le contrat de travail et de mieux préciser les principes juridiques qui le fondent. » Il n'y a rien là pour justifier un changement aussi radical que celui qui est sous-entendu dans le raisonnement de l'agente des appels.

[14]             Toutefois cela semble confirmer la justesse des propos de monsieur Léonard du CLSC Ahuntsic sur le phénomène du « travail au noir » (voir paragraphe 6 ci-dessus).

[15]          Quand j’ai demandé à monsieur Roy de m’expliquer pourquoi il avait tant tenu à préciser à madame Carola son statut de travailleuse autonome, il a répondu qu’il était préoccupé par des considérations fiscales (retenues à la source et cotisations à l’assurance‑emploi), par l’obligation de donner un préavis raisonnable s’il mettait fin au contrat et par l’impossibilité d’exercer un contrôle effectif.

[16]             Voir le passage cité au complet au paragraphe 25 de Rhéaume, reproduit au paragraphe 19

de ces motifs.

[17]          Voir notamment Rosen c. Canada, [1976] A.C.F. n° 515 (QL), 76 DTC 6274 (angl.), pour le cas d’un fonctionnaire qui était également chargé de cours à temps partiel dans des universités.

[18]             Il faut dire que j’accorde beaucoup d’importance aux témoignages fournis à cette agente

puisqu’ils lui ont été communiqués quelques semaines après la cessation de l’emploi en

2005. La mémoire des principaux intervenants dans ce dossier était certainement plus

fraîche à cette époque qu’elle ne l’était lors de l’audition de l’appel en mars 2008.

[19]          Dans The Law of Evidence in Civil Cases, Toronto, Butterworths, 1974, les auteurs, John Sopinka et Sidney N. Lederman, décrivent les conséquences du défaut de présenter une preuve dans certaines circonstances. Voici ce qu’ils écrivent aux pages 535 et 536:

 

In Blateh v. Archer, Lord Mansfield stated:

“It is certainly a maxim that all evidence is to be weighed according to the proof which it was in the power of one side to have produced, and in the power of the other to have contradicted.”

 

The application of this maxim has led to a well-recognized rule that the failure of a party or a witness to give evidence, which it was in the power of the party or witness to give and by which the facts might have been elucidated, justifies the court in drawing the inference that the evidence of the party or witness would have been unfavourable to the party to whom the failure was attributed.

 

In the case of a plaintiff who has the evidentiary burden of establishing an issue, the effect of such an inference may be that the evidence led will be insufficient to discharge the burden.

 

Cette règle m’apparait tout à fait justifiée dans les circonstances présentes. Voir également la décision Enns c. M.R.N., Cour canadienne de l’impôt, APP-1992 (IT), 17 février 1987, 87 DTC 208, à la page 210 (angl.).

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