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Dossier : 2008-884(GST)I

ENTRE :

BHAGWAT SHAH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu à Montréal (Québec), le 3 octobre 2008.

 

Devant : L’honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Judith Kucharsky

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro PM‑13395 et est daté du 13 juin 2007, pour la période allant du 1er janvier 2002 au 30 avril 2004 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2008.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

Référence : 2008 CCI 599

Date : 20081104

Dossier : 2008-884(GST)I

ENTRE :

BHAGWAT SHAH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Le présent appel a été interjeté à l’égard d’une nouvelle cotisation visant la période de déclaration allant du 1er janvier 2002 au 30 avril 2004. Le litige porte sur la responsabilité des administrateurs prévue au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

[2]     Le principal moyen d’appel invoqué par l’appelant à l’encontre de la nouvelle cotisation est que, pour la plus grande partie de la période en cause, il n’était pas administrateur de 124688 Canada Inc. (la « société ») parce qu’il avait vendu toutes ses actions de la société à un certain M. Bernard Ratelle en décembre 2002.

 

[3]     L’avis d’appel est ainsi rédigé :

 

[TRADUCTION]

 

(1)        Je n’étais pas administrateur durant la période visée par la cotisation.

(2)        100 % des actions de 124688 Canada Inc. (la « société ») ont été achetées par M. Bernard Ratelle en 2002, et M. Ratelle a alors endossé l’entière responsabilité des activités présentes et futures de la société, comme le confirme notre accord de vente. Le bureau de M. Ratelle a même écrit au gouvernement à plusieurs reprises à ce sujet, mais en vain. C’est pourquoi nous interjetons appel de la décision.

(3)        La cotisation a été envoyée le 3 décembre 2004, soit après que j’aie vendu la société; je ne pouvais alors plus traiter avec le gouvernement, car je n’étais plus administrateur de la société.

 

[4]     Le principal moyen d’appel invoqué par l’appelant a été rejeté par l’intimée au paragraphe 2 de sa réponse à l’avis d’appel, qui est ainsi rédigé :

 

[TRADUCTION]

 

a)                  Il nie que 100 % des actions de 124688 Canada Inc. (la « société ») ont été achetées par Bernard Ratelle en 2002;

b)                  Il nie que Bernard Ratelle a « endossé l’entière responsabilité des activités présentes et futures de la société » à partir de 2002;

c)                  Il nie l’existence d’un « accord de vente » qui aurait fait endosser à Bernard Ratelle l’entière responsabilité de la société à partir de 2002;

d)                  Il n’a aucune connaissance de communications écrites entre Bernard Ratelle et le « gouvernement », et, de toute manière, il nie la pertinence qu’auraient ces prétendues communications;

e)                  Il note que l’appelant a interjeté appel de la cotisation établie à son endroit pour la période en cause, mais l’intimée ajoute que l’avis d’appel n’est pas fondé en fait ou en droit;

 

[5]     Les faits sur lesquels la cotisation établie à l’endroit de l’appelant était fondée sont décrits au paragraphe 11 de la réponse à l’avis d’appel, qui est ainsi rédigé :

 

[TRADUCTION]

 

a)         Les faits admis ci‑dessus;

b)         La principale activité de la société était la fabrication de vêtements;

c)         Tout au long de la période pertinente, la société était un inscrit pour       l’application de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »);

d)         En tant qu’inscrit, la société était tenue de verser la TPS et elle avait droit à des crédits de taxe sur les intrants conformément à la LTA;

e)         À la suite d’une vérification menée par le ministre pour le compte de l’intimée à l’égard de la période allant du 1er janvier 2002 au 30 avril 2004, un avis de cotisation, portant le numéro 0311010425 et daté du 11 mars 2004, a été envoyé à la société; on y réclamait des rajustements de 19 119,96 $, de même que des intérêts et des pénalités, le tout conformément à la LTA; la somme totale ainsi réclamée s’élevait à 22 360,75 $ pour la période en cause;

f)          Les rajustements totalisant 19 119,96 $ apportés au calcul de l’impôt net à payer de la société peuvent être ventilés de la sorte :

 

Élément

Montant

Taxe sur les produits et services (TPS) perçue et non versée

10 797,35 $

Total (TPS)

10 797,35 $

Crédits de taxe sur les intrants (CTI) refusés

8 322,61 $

Total (CTI)

8 322,61 $

Total des rajustements

19 119,96 $

 

g)         La société n’a pas présenté d’avis d’opposition à la suite de l’envoi de l’avis de cotisation portant le numéro 0311010425 et daté du 11 mars 2004, et elle n’a pas versé au Receveur général du Canada les sommes qu’elle était tenue de verser conformément à la cotisation;

h)         Durant toute la période pertinente, l’appelant était administrateur et actionnaire de la société et il n’a jamais été remplacé ou démis de ses fonctions;

i)          Selon un avis présenté conformément à l’article 106 et au paragraphe 113(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C-44, l’appelant a été administrateur de la société jusqu’au 22 août 2005;

j)          La société a été dissoute vers le 6 mars 2006;

k)         Conformément à l’article 323 de la LTA, au moyen d’un avis de cotisation daté du 13 juin 2007 et portant le numéro PM‑13395, l’intimée, par l’intermédiaire du ministre, a établi une cotisation à l’endroit de l’appelant relativement à la société. Cette cotisation visait des droits, des intérêts et des pénalités s’élevant à 23 630,32 $ pour la période et elle tenait compte du fait que le mandat d’administrateur de l’appelant avait pris fin le 22 août 2005. La cotisation peut être ainsi ventilée :

 

Taxe nette

Intérêts

Pénalités

Total

18 732,29 $

1 601,58 $

3 006,94 $

23 340,81 $

 

l)          Vers le 22 juin 2007, l’appelant a déposé un avis d’opposition à l’égard de la cotisation dont l’avis porte le numéro PM-13395;

m)        Le 20 décembre 2007, l’intimée a confirmé, au moyen d’un avis de décision, que la cotisation en cause, dont l’avis portait le numéro PM‑13395, avait été établie à l’endroit de l’appelant conformément au paragraphe 323(1) de la LTA relativement à la société;

n)         Avant la période pertinente et tout au long de celle‑ci, l’appelant a correspondu et communiqué avec les représentants du ministre au nom de la société, principalement au sujet du traitement et du versement de la TPS par la société;

o)         Les déclarations de TPS de la société pour la période en cause ont été signées par l’appelant;

p)         Les chèques faits au ministre relativement à la taxe nette à payer de la société pour la période en cause ont été signés par l’appelant;

q)         L’appelant savait, ou aurait dû savoir que la société n’avait pas, entre autres choses, versé la TPS pour la période en cause comme l’exigeait la LTA;

r)          L’appelant n’a pas pris de mesures pour faire en sorte que la société verse, dans les délais, les sommes dues en application de la LTA;

s)         L’appelant savait, ou aurait dû savoir que la société avait demandé des crédits de taxe sur les intrants auxquels elle n’avait pas droit, ou pour lesquels elle n’avait pas présenté les documents exigés;

t)          En tant qu’administrateur de la société, l’appelant n’a pas pris de mesures pour, entre autres choses, assurer le versement de la TPS conformément à la LTA;

u)         L’appelant n’a pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement de la société à son obligation de verser les sommes dues que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances;

v)         L’appelant est donc solidairement tenu, avec la société, de payer la taxe nette due à l’intimée ainsi que les intérêts et les pénalités indiqués dans l’avis de cotisation.

 

[6]     À l’audience, l’appelant a présenté un contrat de vente, daté du 18 décembre 2002, qui visait 100 % des actions de la société et qu’il avait conclu avec une société à numéro représentée par M. Ratelle. L’ensemble des actions avait été vendu pour 1 $. Dans ce bref accord, il est aussi stipulé que l’acheteur [TRADUCTION] « respectera toutes les obligations relatives à ces actions » et que le vendeur [TRADUCTION] « est libéré de toute responsabilité à l’égard des activités présentes et futures de la société ».

 

[7]     L’appelant a aussi déposé en preuve la carte professionnelle de M. Ratelle. M. Ratelle exploite une entreprise sous le nom de Centre d’affaires 8552 St‑Denis. Sur sa carte, il annonce des services de redressement financier. Le nom de la société à numéro mentionnée ci‑dessus ne figure pas sur la carte. En fait, le nom de la société qui aurait prétendument acheté les actions n’apparaît pas ailleurs au dossier.

 

[8]     L’appelant a produit son avis d’opposition. Le motif de son opposition était qu’il n’était pas l’actionnaire de la société pour la période en cause. Son avis d’opposition n’indiquait pas qui était alors l’actionnaire de la société. L’avis avait été préparé par le Centre d’affaires St‑Denis mentionné ci‑dessus.

 

[9]     L’intimée a déposé divers documents administratifs en tant que pièce R‑1, à savoir : 1) un bordereau de paiement envoyé par la société à Revenu Québec pour la période allant du 1er juin 2003 au 30 juin 2003 et que l’appelant avait signé; 2) un autre document semblable : un formulaire de déclaration de la même société qui avait été signé par l’appelant le 27 septembre 2003; 3) un autre formulaire de déclaration signé par l’appelant le 19 décembre 2003; 4) une déclaration de TPS/TVH – TVQ signée par l’appelant le 23 avril 2004; 5) une déclaration semblable signée le 25 mai 2004; 6) un formulaire de déclaration signé par l’appelant le 24 octobre 2004; 7) un document semblable signé le 2 novembre 2004; 8) une déclaration de TPS/TVH – TVQ signée le 23 décembre 2004; 9) deux autres documents de la même nature signés par l’appelant, le dernier jour de la période étant le 31 janvier 2005.

 

[10]    L’intimée a déposé, en tant que pièces R‑2 et R‑3, deux copies de chèques faits à Revenu Québec, l’un étant daté du 20 septembre 2002 et l’autre du 5 février 2003. Ces deux chèques portent la signature de l’appelant.

 

[11]    L’intimée a présenté, en tant que pièce R‑4, des copies des déclarations annuelles de la société pour les années 2000 à 2002. L’inspecteur général des institutions financières a reçu les déclarations pour les deux dernières de ces années le 15 décembre 2002. L’appelant avait signé ces deux déclarations.

 

[12]    En tant que pièce R‑5, l’intimée a déposé des copies de lettres envoyées à des représentants de Revenu Québec par l’appelant. Elles sont datées du 25 et du 26 mars 2003. Dans ces lettres, il est question de paiements qui auraient été envoyés à temps et d’une demande d’annulation de pénalités.

 

[13]    Ces documents et plusieurs autres ont été montrés à l’appelant pour lui démontrer qu’il agissait encore comme administrateur de la société durant la période en cause.

 

[14]    L’appelant a soutenu qu’il agissait alors comme gestionnaire pour l’acquéreur de ses actions.

 

[15]    La pièce R‑15 est une déclaration modificative de correction envoyée au registraire des entreprises. Elle est datée du 11 novembre 2004 et signée par M. Ratelle. Cette déclaration visait à changer le nom de l’actionnaire de la société pour le faire passer à celui de 9051-9037 Québec Inc., et le nom de l’administrateur indiqué est celui de M. Ratelle. Le registraire des entreprises a reçu ce document le 12 janvier 2005, soit après la période en cause.

 

[16]    Mme Thuc Tue Vuong, vérificatrice pour Revenu Québec, a témoigné. Elle avait communiqué avec l’appelant le 9 juin 2004. Ce dernier lui avait alors dit qu’il appellerait son comptable. L’appelant ne lui a jamais dit qu’il n’était pas le propriétaire de l’entreprise. Mme Thuc Tue Vuong n’a jamais entendu parler de M. Ratelle durant la vérification.

 

[17]    Mme Ariane Chabot, l’agente des appels, a aussi témoigné. Elle a dit que le seul argument soulevé dans l’avis d’opposition était que M. Shah n’était pas l’actionnaire de la société. Le 30 août 2007, elle a demandé à Industrie Canada de lui fournir tous les documents pertinents relatifs à la société (pièce R‑16). Les documents que Mme Chabot a reçus ne montrent aucun changement d’actionnaire. Compte tenu de ces faits et à la lumière de tous les documents que le ministre détenait, Mme Chabot n’a pas considéré l’affirmation de l’appelant comme étant véridique. Elle a donc révisé le rapport de la vérificatrice et ratifié la cotisation.

 

Analyse et conclusion

 

[18]    À mon d’avis, la preuve a très clairement montré que, durant la période en cause, soit du 1er janvier 2002 au 30 avril 2004, l’appelant était l’unique actionnaire de la société.

 

[19]    Le document dont l’appelant s’est servi pour appuyer ses dires, le contrat de vente de ses actions à 9051-9307 Québec Inc. daté du 18 décembre 2002, n’a été corroboré par aucun document ou témoignage. Le seul document montrant un changement d’actionnaire a été reçu par le registraire des entreprises en janvier 2005, soit après la période en cause. Il faut aussi souligner que M. Ratelle, le représentant du prétendu acquéreur des actions, n’est pas venu témoigner.

 

[20]    À l’audience, tous les documents déposés en preuve qui avaient été produits par la société durant la période en cause portaient la signature de l’appelant. Ces documents ne portent pas la signature de M. Ratelle. De plus, il n’y a pas la moindre preuve que l’appelant ait agi comme gestionnaire pour M. Ratelle.

 

[21]    La vérificatrice n’a aucunement entendu parler de M. Ratelle durant sa vérification à l’endroit de la société, et la cotisation établie à l’endroit de cette dernière est datée du 11 mars 2004.

 

[22]    Comme le seul moyen d’appel invoqué par l’appelant est la vente de ses actions à une société à numéro représentée par M. Ratelle, et comme cette vente n’a aucunement été prouvée, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2008.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008 CCI 599

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-884(GST)I

 

INTITULÉ :

Bhagwat Shah et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 4 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Judith Kucharsky

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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