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Dossier : 2007-4691(IT)I

ENTRE :

GIGI GREIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 6 octobre 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Horst Grein

Représentant de l’intimée :

Simon‑Olivier De Launière

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 sont accueillis en partie, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de novembre 2008.

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

Référence : 2008CCI573

Date : 20081114

Dossier : 2007-4691(IT)I

ENTRE :

GIGI GREIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

 

[1]              Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre des cotisations de valeur nette établies à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a majoré le revenu gagné par l’appelante de 14 748 $ pour 2002, de 10 118 $ pour 2003, et de 12 634 $ pour 2004. Pour ces trois mêmes années d’imposition, le ministre a également imposé des pénalités à l’appelante, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), de 609,54 $, de 608,95$ et de 744,12 $ respectivement.

 

[2]              Pendant les années en cause, l’appelante a touché un revenu d’emploi, des indemnités pour accident du travail, et d’autres revenus qu’elle a gagnés en effectuant de petits travaux, qui consistaient par exemple à taper des travaux universitaires, à accomplir quelques tâches comptables et à remplir une déclaration de revenu. Elle a été blessée dans deux accidents impliquant des véhicules motorisés, ce qui explique que son revenu ait significativement chuté. Elle n’a jamais vraiment facturé les petits travaux effectués, et elle a toujours été payée en argent comptant. Elle n’a jamais demandé à déduire de son revenu provenant d’une entreprise quelque dépense que ce soit. L’appelante a déclaré des revenus provenant d’une entreprise brut et net de 2 785 $ pour 2002, de 8 025 $ pour 2003, et de 3 500 $ pour 2004. Ses autres revenus sont composés des éléments suivants : un revenu d’emploi de 2 515 $ et des indemnités pour accident du travail de 5 271 $ pour 2002, un revenu d’emploi de 323 $ pour 2003, et un revenu d’emploi de 7 603 $ pour 2004.

 

[3]              À l’étape de la vérification, on a souligné que l’appelante n’avait mis en place aucun système de contrôle interne pour la conduite de ses activités commerciales. D’après les informations figurant sur les relevés bancaires et les bordereaux de dépôt, elle était la seule à s’occuper des reçus de caisse et des paiements en espèces. L’appelante s’occupait elle‑même des opérations bancaires, et elle a reconnu qu’elle ne préparait pas de factures, pas plus qu’elle n’en envoyait à ses clients.

 

[4]              Par conséquent, le vérificateur a décidé de recourir à une méthode de vérification indirecte et d’établir des cotisations de valeur nette, au motif que le revenu de l’appelante était trop bas et ne correspondait pas à son train de vie. Le vérificateur s’est également enquis auprès de tiers de l’existence d’éléments d’actif et de passif qui ont été énumérés dans les listes fournies par l’appelante. Étant donné que l’appelante et son représentant n’ont produit aucune preuve convaincante réfutant les conclusions du vérificateur concernant le revenu non déclaré de celle‑ci, tant à l’étape de la vérification qu’à celle de l’opposition, la cotisation de valeur nette a été maintenue et ratifiée.

 

[5]              L’appelante était représentée par son père, aussi bien pendant le procès que pendant les étapes de la vérification et de l’opposition. Elle a néanmoins rempli un questionnaire d’entrevue préliminaire, dans lequel elle a déclaré que sa principale activité était la rédaction de documents de nature promotionnelle, à temps partiel et en échange d’un salaire. Elle a également indiqué qu’elle représentait parfois des entreprises dans des salons professionnels, qu’elle faisait de la tenue de livres de comptes et qu’elle remplissait des déclarations de revenu, bien qu’elle ne semble s’être livrée à cette dernière activité qu’à une seule reprise. Dans son questionnaire, l’appelante a précisé qu’elle accomplissait ces travaux lorsqu’elle réussissait à trouver des clients. Par ailleurs, le questionnaire confirme qu’elle a été victime d’un grave accident de voiture en 2001, et qu’elle a dû réduire le nombre de ses activités professionnelles parce qu’elle était en proie à des douleurs. Elle a reconnu avoir été payée par chèque, ou en argent comptant quand les clients le souhaitaient. Elle a affirmé avoir déclaré l’intégralité de son revenu, ce qu’elle a répété en déposant à l’audience.

 

[6]              L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas ouvert de compte en banque distinct à des fins professionnelles et qu’elle n’établissait pas de factures dans la mesure où elle ne concluait que des contrats verbaux. Elle tenait un registre des paiements reçus et des chèques déposés, le cas échéant. L’appelante a témoigné que ses activités étaient limitées, et qu’elle était loin d’exploiter un commerce prospère étant donné qu’aucune de ses activités n’était stable.

 

[7]              Quand elle a rempli le questionnaire, l’appelante a également fourni au vérificateur une liste des dépenses personnelles qu’elle a engagées pendant les trois années d’imposition en cause, indiquant les montants versés et s’ils avaient été payés en argent comptant, par chèque, par carte de crédit, ou par une combinaison de ces méthodes de paiement, et énumérant également tous ses autres éléments d’actif, ses comptes bancaires, etc. C’est à partir de ces informations que le vérificateur a pu estimer le montant de ses dépenses annuelles et finalement établir une cotisation de valeur nette.

 

[8]              Le vérificateur a accepté la plupart des dépenses déclarées par l’appelante, à l’exception de celles qui se rapportaient à l’alimentation, aux frais d’essence et de réparation de voiture, aux services d’un coiffeur et aux vêtements. Il s’est plutôt servi des chiffres fournis par Statistique Canada concernant ces catégories de dépenses pour chaque année. À titre d’exemple, l’appelante a indiqué dans son questionnaire avoir dépensé 177,46 $ pour la nourriture en 2002, 326,17 $ en 2003 et 784,63 $ en 2004; le vérificateur s’est toutefois servi du montant moyen de 2 493,46 $ établi par Statistique Canada relativement aux dépenses alimentaires. En ce qui concerne les frais d’essence et de réparation de voiture, l’appelante a déclaré avoir dépensé 256,09 $ en essence et n’avoir effectué aucune réparation en 2002, elle a dit avoir dépensé 124,60 $ en essence et 13 $ en réparations en 2003, et 227,56 $ en essence et 11,50 $ en réparations en 2004. Selon les données de Statistique Canada, les dépenses moyennes pour les trois années en cause se chiffrent à 589,08 $ pour l’essence, et à 299,44 $ pour les réparations. Le vérificateur n’a tout simplement pas trouvé réalistes les chiffres fournis par l’appelante pour ces catégories de dépenses.

 

[9]              Pour expliquer pourquoi ses dépenses en nourriture étaient aussi faibles, l’appelante a déclaré avoir passé beaucoup de temps chez sa mère, qui habite en face de chez elle. En ce qui concerne sa voiture, il s’agissait d’une Toyota 1992, stationnée dans un garage, et qu’elle n’utilisait pratiquement pas vu qu’elle travaillait chez elle. La voiture était en bon état, et comme il s’agissait d’un véhicule fiable, elle n’a pas eu besoin de réparations.

 

[10]         Les montants établis dans les cotisations de valeur nette dont l’appelante a fait l’objet pour les trois années d’imposition en cause ont été calculés à partir des données relatives au coût de la vie publiées par Statistique Canada et des chiffres fournis par Mme Grein quant à la valeur de ses autres éléments d’actif et de son passif.

 

[11]         L’appelante a témoigné que, pour subvenir à ses besoins, elle a utilisé l’argent d’un prêt qu’elle avait consenti à son père en mai 2000, quand elle a vendu un bien immobilier à Mascouche, au Québec. Après la vente, le notaire lui a versé la somme de 37 850,81 $. Une copie du chèque reçu a été produite au procès. Cet argent a été déposé dans le compte de son père. Le taux d’intérêt du prêt était de 4,5 %. Un chiffrier électronique imprimé à partir de l’ordinateur de l’appelante indique que son père lui a remboursé les sommes de 6 000 $ le 15 avril 2002, de 6 000 $ le 15 octobre 2002, de 2 850 $ le 15 décembre 2002, de 5 200 $ le 15 avril 2003, de 5 050 $ le 15 août 2003, de 5 751 $ le 15 avril 2004, de 5 000 $ le 14 août 2004, et de 2 000 $ le 14 décembre 2004. Tous ces remboursements ont été effectués en argent comptant, et il n’existe aucune trace de dépôts correspondants dans le compte en banque de l’appelante. Aucun intérêt n’a été payé. Dans son témoignage, l’appelante a également décrit cet argent comme des fonds qu’elle avait donnés à son père pour qu’il les investisse en son nom.

 

[12]         L’appelante a également produit une liste des articles, tels que du mobilier, des bijoux et d’autres objets personnels, qu’elle a vendus dans le courant de l’année 2002. Le produit total des ventes s’est élevé à 17 910 $. D’après les observations que le vérificateur a reçues du père de l’appelante, ces biens avaient été vendus dans des marchés aux puces. Quand l’appelante a témoigné, elle a corrigé ces observations en affirmant que ces objets personnels avaient été vendus dans le courant de l’année 2002 à des gens qui s’étaient rendus chez elle, attirés par le bouche à oreille ou par des publicités affichées dans des épiceries. Ces objets ont été vendus à la suite du divorce de l’appelante, qui a eu lieu en 1995, après dix années de mariage; il s’agissait de cadeaux pour la plupart. L’appelante n’a conservé aucune trace de ces ventes, en ce qui concerne l’identité des acheteurs ou les dates des transactions, mis à part la liste qu’elle a produite. Tous les achats ont été payés en argent comptant.

 

[13]         À l’étape de la vérification, le vérificateur a été incapable de corroborer la vente des objets personnels de l’appelante, étant donné qu’ils avaient tous été payés en argent comptant, et il a conclu que les sommes que l’appelante avait reçues étaient supérieures à ce qu’on pouvait obtenir dans les marchés aux puces. Pour ce qui est du prêt accordé à son père, ce dernier n’en a rien dit au vérificateur, et dans son questionnaire, l’appelante a seulement fait référence à un prêt consenti à ses frères.

 

[14]         En ce qui concerne la pénalité pour faute lourde, le vérificateur s’est fondé sur le fait que le montant du revenu non déclaré de l’appelante était supérieur de 50 % à son revenu de profession libérale net pour chacune des années d’imposition en cause. En outre, il s’est appuyé sur le fait que l’appelante était une professionnelle et qu’elle connaissait bien le domaine fiscal et était au courant du montant de son revenu pour chacune de ces années. Le représentant de l’appelante a reconnu ces faits à l’audience, sauf en ce qui concerne l’écart exprimé en pourcentage entre le revenu non déclaré et le revenu de profession libérale net qu’elle a déclaré.

 

[15]         À l’étape de l’opposition, le représentant de l’appelante a présenté une série d’explications, mais il n’a pas pu en étayer une seule au moyen de preuves, qu’elles soient documentaires ou autres. Après que des prorogations de délai ont été accordées pour permettre au représentant de l’appelante de produire des preuves à l’appui, les cotisations ont été confirmées.

 

[16]         En l’espèce, il s’agit de décider si le ministre a eu raison de majorer le revenu gagné par l’appelante pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 de 14 748 $, de 10 118 $ et de 12 634 $ respectivement, et d’imposer à l’appelante les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi pour omission de déclarer le revenu en question.

 

[17]         Les cotisations de valeur nette ont été définies à de nombreuses reprises et de bien des façons. Faisant allusion à certaines de ces définitions dans l’arrêt Hsu c. Canada, 2001 CAF 240, madame la juge Desjardins de la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes :

 

Les évaluations de la valeur nette sont une solution de dernier recours communément employée dans les cas où le contribuable refuse de produire une déclaration de revenus, qu'il a produit une déclaration fort inexacte ou qu'il refuse de fournir des documents qui permettraient à Revenu Canada de vérifier le rendement (V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax Law, 5e éd. (Toronto : Carswell, (1995) à la page 1089). La méthode de la valeur nette est fondée sur l'hypothèse selon laquelle une augmentation de la richesse d'un contribuable au cours d'une certaine période peut être imputée au revenu pour cette période à moins que le contribuable ne démontre le contraire (Bigayan, précité, à la page 1619). Cette méthode vise à libérer le ministre de l'obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l'existence d'une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d'autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l'augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu'il est démontré qu'il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables (Gentile c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 253, à la page 256 (C.F. 1re inst.)).

 

Par sa nature, une évaluation de la valeur nette est une estimation arbitraire et imprécise du revenu du contribuable. Toute iniquité perçue se rapportant à ce genre d'évaluation est réglée en reconnaissant que le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître son revenu imposable. Lorsque le fondement factuel de l'estimation du ministre est inexact, il devrait être simple pour le contribuable de corriger à la satisfaction de la Cour l'erreur que le ministre a commise.

 

[18]         Je reproduis ci‑dessous un autre extrait intéressant qui est cité dans cet arrêt et qui est susceptible d’avantager l’appelante et son représentant  :

 

[traduction]

 

La cotisation vise à permettre de déterminer le montant du revenu imposable du contribuable et à fixer le montant de sa dette conformément aux dispositions de la Loi. Si le contribuable ne produit pas de déclaration ou donne des renseignements inexacts dans sa déclaration ou de quelque autre façon, il ne peut à bon droit se plaindre de la façon dont le ministre a déterminé le montant de l'impôt qu'il devrait payer, à condition qu'il ait un droit d'appel à cet égard et qu'il ait la possibilité de démontrer que le montant que le ministre a déterminé est en fait inexact. Le contribuable qui a produit une déclaration exacte n'a pas non plus à craindre le pouvoir du ministre s'il a un droit d'appel. Les intérêts du Revenu sont donc protégés et les droits des contribuables sont pleinement maintenus. Habituellement, le contribuable connaît mieux que toute autre personne le montant de son revenu imposable et devrait être en mesure de l'établir à la satisfaction de la Cour. S'il le fait et si ce montant est inférieur à celui qui est déterminé par le ministre, pareil montant doit être réduit conformément à la conclusion tirée par la Cour. Si, d'autre part, il omet de démontrer que le montant déterminé par le ministre est erroné, il ne peut pas à juste titre se plaindre si le montant est maintenu. Si son omission de convaincre la Cour est attribuable à sa propre faute ou à une négligence telle que l'omission de conserver des comptes ou des documents appropriés lui permettant d'étayer ses propres déclarations, il ne peut imputer la chose qu'à sa propre faute.

 

[19]         En l’espèce, je suis d’avis que le vérificateur avait de bonnes raisons d’avoir recours à une méthode de vérification indirecte et d’établir une cotisation de valeur nette. L’appelante a reconnu n’avoir pas mis en place de système de contrôle interne rigoureux pour faire un suivi de ses activités commerciales. Elle ne remettait pas de factures à ses clients, pas plus qu’elle n’en établissait. D’après les renseignements figurant sur les relevés bancaires, les bordereaux de dépôt et les chèques émis, c’était l’appelante, et elle seule, qui s’occupait des reçus de caisse et des paiements en argent comptant.

 

[20]         Nonobstant la conclusion qui précède, il ressort clairement de la preuve que la capacité de l’appelante à gagner de l’argent se trouvait quelque peu diminuée à la suite d’un accident de voiture survenu en 2001, accident qui l’a contrainte à ralentir le rythme de ses activités professionnelles parce qu’elle était en proie à des douleurs. Dans le rapport du vérificateur (pièce R-5), il est noté que l’appelante a gagné un revenu d’emploi de 30 232 $ en 2000, mais qu’en 2001, elle a touché ce que le vérificateur a qualifié de revenu modeste. En 2002, l’appelante a reçu des indemnités pour accident du travail et a touché un revenu de 2 515 $. Ce n’est qu’en 2004 qu’elle a pu gagner un revenu d’emploi de 7 603 $.

 

[21]         En ce qui concerne son revenu provenant d’une entreprise, 2003 est la seule année pour laquelle l’appelante a déclaré avoir gagné un revenu substantiel. Elle n’a pas demandé à déduire des dépenses d’entreprise de son revenu. Je trouve que c’est relativement cohérent avec la description qu’elle a donnée de ses activités commerciales, à savoir qu’il s’agissait de petits travaux qu’elle effectuait sur demande. Elle travaillait principalement chez elle, sauf à quelques occasions où elle s’est rendue à des salons professionnels.

 

[22]         À l’audience, l’appelante a eu pour la première fois l’occasion d’expliquer comment elle gagnait sa vie, c’est‑à‑dire de décrire les activités de nature commerciale auxquelles elle s’est livrée pendant les trois années d’imposition en cause. Étant donné qu’elle a décrit ces activités comme de petits travaux occasionnels, il ne semble pas qu’il s’agissait d’une entreprise très active, situation qui pourrait s’expliquer par ses problèmes de santé et son incapacité à obtenir un emploi stable. Comme nous le savons, ce n’est qu’en 2004 qu’elle a pu gagner un revenu d’emploi de 7 603 $.

 

[23]         L’appelante, qui a la charge de la preuve, doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que le montant fixé par le ministre est erroné. D’une part, l’appelante a vivement soutenu que l’estimation que le vérificateur avait faite de ses frais de subsistance en ce qui a trait à certains éléments, tels que l’alimentation, l’essence et les réparations de voiture, était une grossière exagération parce que le vérificateur s’était appuyé sur les chiffres de Statistique Canada. D’autre part, les chiffres fournis par l’appelante étaient eux aussi grossièrement exagérés, particulièrement les dépenses alimentaires. L’établissement d’une cotisation de valeur nette n’est pas une science exacte, et le contribuable est le seul à pouvoir expliquer et justifier les chiffres sur lesquels il se fonde pour calculer le montant de ses frais de subsistance. En l’espèce, les explications données par l’appelante afin de justifier le fait que ses dépenses alimentaires étaient aussi peu élevées ne sont pas satisfaisantes, tout comme celles relatives à ses dépenses liées à sa voiture. Je suis prêt à admettre, dans les circonstances prévalant en l’espèce, que les chiffres fournis par Statistique Canada sont peut‑être trop élevés pour l’appelante. Je ne peux que réduire arbitrairement le montant fixé pour les frais de subsistance se rapportant aux éléments ci‑dessus mentionnés, en en retranchant un montant forfaitaire; c’est ce que je ferai en termes généraux un peu plus loin dans les présents motifs.

[24]         Les explications que l’appelante a fournies relativement à l’écart ressortant de la cotisation de valeur nette se limitent à des affirmations voulant qu’elle ait vendu certains objets personnels en 2002, et que son père lui ait remboursé un prêt qu’elle lui avait accordé quand elle a vendu une maison en mai 2000. Ces deux explications ont été rejetées tant à l’étape de la vérification qu’à celle de l’opposition, étant donné que le représentant de l’appelante n’a pas été en mesure de les corroborer de manière satisfaisante. En outre, la question du prêt consenti par l’appelante à son père n’a été soulevée qu’à l’étape de l’opposition. Comme il a déjà été mentionné, c’est au procès que l’appelante a donné sa version des faits pour la première fois, si l’on fait abstraction du questionnaire qu’elle a rempli à l’étape de la vérification. Elle a ainsi pu décrire les circonstances de la vente de ses objets personnels en 2002, précisant que ceux‑ci avaient été vendus non pas dans des marchés aux puces, mais par le truchement de ventes privées qui avaient eu lieu à son domicile dans le courant de l’année. Il y a des incohérences entre les déclarations faites par le père de l’appelante au vérificateur et la version donnée par cette dernière à l’audience. Bien qu’il n’existe aucune preuve écrite que ces ventes ont eu lieu, ce qui n’est pas surprenant vu qu’il s’agissait d’une vente d’objets personnels, il est probable que l’appelante fût en possession de meubles et de bijoux qu’elle ne souhaitait plus conserver à la suite de son divorce, et qu’elle a décidé de vendre. À moins que le produit de disposition de ces biens n’excède leur juste valeur marchande, le revenu tiré de ces ventes n’est pas imposable, comme c’est parfois le cas lorsque du mobilier d’occasion et des bijoux sont vendus à un prix inférieur à leur juste valeur marchande. À mes yeux, la vente de ces articles justifie que l’on procède à une réduction substantielle de l’écart obtenu par suite de l’établissement de la cotisation de valeur nette.

 

[25]         Toutefois, le témoignage de l’appelante relativement aux paiements que son père lui a faits en remboursement du prêt qu’elle lui avait accordé le 15 mai 2000 ne semble pas aussi concluant. La première contradiction se situe au niveau du prêt en tant que tel. S’agissait-il réellement d’un prêt assorti d’un taux d’intérêt de 4,5 % que l’appelante avait consenti à son père, ou donnait-elle à celui‑ci de l’argent pour qu’il l’investisse en son nom? Le père de l’appelante avait-il les moyens de rembourser le prêt ou l’argent avancé, et les paiements ont‑ils effectivement été effectués, comme le prétend l’appelante, aux dates qu’elle affirme avoir consignées dans son ordinateur? Pourquoi ce prêt n’a‑t‑il pas été mentionné par son représentant à l’étape de la vérification, et pourquoi n’en a‑t‑elle pas révélé l’existence dans le questionnaire au tout début de la vérification? De plus, le père de l’appelante aurait facilement pu corroborer le fait qu’il avait remboursé à sa fille le prêt qu’elle lui aurait accordé ou l’argent qu’elle lui aurait avancé aux dates évoquées, mais il a choisi de ne pas témoigner. La preuve est par conséquent insuffisante pour me permettre de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a lieu d’apporter quelque ajustement que ce soit à la cotisation de valeur nette relativement au prêt ou à l’avance.

 

[26]         Par conséquent, après examen de la preuve, je suis prêt à réduire arbitrairement de 5 000 $ l’écart qui est ressorti de la cotisation de valeur nette, et ce, pour chacune des années d’imposition en cause. L’appelante n’a pas été en mesure de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’écart restant ou l’augmentation de sa valeur nette provenait d’une source autre que le revenu qu’elle a gagné pendant les années d’imposition en cause.

 

[27]         À la lumière des précédentes conclusions, l’intimée a établi que, selon la prépondérance des probabilités, les déclarations de revenu de l’appelante contenaient de fausses déclarations ou des omissions, compte tenu du fait que l’appelante avait une source de revenu, et qu’elle n’a pas déclaré le revenu qu’elle en tirait. L’intimée a par conséquent eu raison de lui imposer des pénalités, lesquelles devront être modifiées conformément aux présents motifs. L’appel est accueilli en partie.

 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de novembre 2008.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI573

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-4691(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Gigi Grein et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 6 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

 

Horst Grein

Représentant de l’intimée :

Simon‑Olivier De Launière

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                        Nom :                       

 

                    Cabinet :

 

  Pour l’intimée :                        John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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