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COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

Citation : 2008 CCI 622

  2007-3364(EI)

ENTRE :

CHON LE,

  appelant,

- et -

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

  intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

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Devant : L’honorable juge Paris dans la salle du tribunal no 305, 35, rue Front, Nanaimo (C.-B.), le mercredi 13 août 2008.

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COMPARUTIONS :

M. C. Le, comparaissant pour son propre compte; 

M. M. Canzer,  pour l’intimé.

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LE GREFFIER : F. Richard

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Allwest Reporting Ltd.

814, rue Richards, bureau 302

Vancouver (Colombie-Britannique)

V6B 3A7

par : K. Bemister


MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à Nanaimo [C.-B.] le 13 août 2008)

MONSIEUR LE JUGE : Voici les motifs du jugement dans Chon Le contre La Reine, 2007-3364(EI).

La question en cause dans le présent appel est de décider si l’appelant occupait un emploi assurable chez Max Oysters Ltd. du 9 mai au 15 août 2003, du 8 juillet au 4 septembre 2004, et du 7 juillet au 5 septembre 2005.

Au cours des périodes en cause, l’appelant détenait un permis d’élevage de palourdes délivré par le ministère des Pêches et des Océans. Il ensemençait des palourdes chaque année, et récoltait les palourdes qui avaient atteint l’âge de trois ou quatre ans. Il semble avoir détenu ce permis depuis de nombreuses années.

Il prenait également des palourdes et des huîtres à l’extérieur de la zone couverte par son permis d’élevage de palourdes, en vertu d’un permis différent délivré par Pêches et Océans. Cette pratique était appelée [traduction] « prise ouverte ». Les zones pour la collecte des palourdes et des huîtres étaient ouvertes aux titulaires de permis pendant seulement six ou sept jours par année. L’appelant vendait toutes les huîtres et les palourdes qu’il récoltait en vertu des deux licences à Max Oysters. À la fin de chaque saison, Max Oysters lui remettait un relevé d’emploi qui l’identifiait comme un pêcheur autonome.

L’appelant a demandé et reçu des prestations d’assurance-emploi chaque hiver après les périodes en cause. Le ministre du Revenu national a ensuite déterminé qu’il n’avait pas droit aux prestations et qu’il devra les rembourser, car le ministre a conclu qu’il n’était pas un « pêcheur » au sens de l’article 1 du Règlement sur l’assurance-emploi (pêche).

Les hypothèses formulées par le ministre dans sa décision sont présentées au paragraphe 6 de la Réponse et feront partie des présents motifs. Elles se lisent ainsi : 

[traduction]

  • a) l’appelant s’occupait de l’élevage et de la récolte de palourdes;

  • b) l’appelant n’était pas un « pêcheur » au sens du Règlement sur l’assurance-emploi (pêche);

  • c) l’appelant détenait son propre permis d’élevage de palourdes;

  • d) l’appelant devait soumettre un plan de gestion à la province de la Colombie-Britannique chaque année indiquant la quantité de palourdes qu’il prévoyait ensemencer et récolter au cours de l’année;

  • e) l’appelant a vendu ses palourdes récoltées au payeur;

  • f) l’appelant était responsable de trouver ses propres clients;

  • g) l’appelant était responsable de la majorité des outils et de l’équipement nécessaire pour récolter son produit;

  • h) l’appelant était responsable de toutes les dépenses associées à l’exploitation de son opération;

  • i) l’appelant n’était pas tenu de rendre des comptes au payeur;

  • j) l’appelant ne recevait pas de directives du payeur;

  • k) l’appelant n’était pas tenu de vendre ses récoltes au payeur;

  • l) l’appelant a été rémunéré pour chaque chargement livré au payeur;

  • m) l’appelant était libre d’embaucher ses propres aides;

  • n) l’appelant avait la possibilité de réaliser des profits de ses décisions relatives aux opérations et pouvait subir une perte importante si la saison des récoltes n’était pas bonne;

  • o) l’appelant a déduit ses dépenses d’entreprises dans ses déclarations de revenus pour les périodes en cause;

  • p) l’appelant et le payeur considéraient leur relation comme celle d’entrepreneurs indépendants, c.-à-d., un contrat d’entreprise;

  • q) l’appelant exploitait une entreprise indépendante.

L’appelant se représentait lui-même à l’audience. Il estimait qu’il était injuste que le ministre l’oblige à rembourser les prestations qu’il avait reçues, parce qu’il avait reçu les relevés d’emploi de Max et s’était fié à ces relevés. Il avait dit avoir reçu de l’aide lorsqu’il a rempli les demandes de prestations au bureau de l’assurance-emploi et croit qu’on aurait dû lui dire la première année qu’il n’y était pas admissible. Le remboursement des prestations lui causera de graves difficultés financières. Il n’a présenté aucune observation sur une question de fond. 

Le défendeur a pris la position selon laquelle l’appelant n’occupait pas un emploi assurable en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’il n’était pas à l’emploi de Max Oysters en vertu d’un contrat de louage de services. Rien dans les preuves ne porte à croire à l’existence d’un tel contrat entre les appelants (sic) et Max, et je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’appelant exploitait son entreprise à titre d’entrepreneur indépendant. Le défendeur a également affirmé que l’appelant n’était pas visé par l’article 2 du Règlement sur l’assurance-emploi (pêche), qui inclut les pêcheurs autonomes comme personnes assurées en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. 

Le défendeur affirme que le défendeur ne correspondait pas à la définition de « pêcheur » à l’article 1 du Règlement, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« pêcheur Travailleur indépendant se livrant à la pêche, y compris toute personne qui, n’étant pas liée par un contrat de louage de services ni ne faisant la pêche pour son divertissement personnel ou celui d’une autre personne, se livre à l’une des activités suivantes : la réalisation d’une prise; »

Le défendeur soutient que l’appelant, ni ne se livrait à la pêche, ni ne réalisait une prise. Bien que le mot « pêche » ne soit pas défini dans le règlement ou dans la loi, l’avocat affirme que l’objet de la pêche a la chance de s’échapper, et cite un passage de la décision de la Cour suprême du Canada dans Gerring c. La Reine, (1897), 27 RCS 271, à cet égard. L’avocat soutient que les palourdes ou les huîtres prises par l’appelant ne pouvaient pas s’échapper et qu’en conséquence, leur récolte ne constitue pas de la pêche. 

  Il soutient également que l’appelant n’a pas réalisé de prise lorsqu’il a récolté les palourdes de sa zone louée, puisque la définition de « prise » (aussi à l’article 1 du Règlement) ne s’applique qu’au produit naturel de mer ou de toute autre étendue d’eau pêché ou récolté. Puisque les palourdes dans la zone louée ont été semées par l’appelant, on a soutenu que les palourdes n’étaient pas un produit naturel.

Je traiterai d’abord de l’argument concernant le mot « prise » dans le Règlement. En voici le texte :

prise Produit ou sous-produit naturel de la mer ou de toute autre étendue d’eau qui est pêché ou récolté par un équipage, y compris le poisson frais ou traité, la mousse d’Irlande, le varech et les baleines, mais non les écailles de poissons ni les phoques. Sont assimilées à une prise :

a) soit la partie de celle-ci livrée à un acheteur;

b) soit les prises ou parties de prises livrées ensemble au même acheteur.

 Je suis d’accord avec le défendeur que les palourdes récoltées dans la zone louée de l’appelant ne constituent pas une prise puisqu’elles avaient été ensemencées par l’appelant, et ne seraient donc pas un produit réel de mer. 

Le mot « naturel » a pour connotation une chose qui existe ou survient sans intervention humaine, et la définition du Concise Oxford Dictionary comprend ce qui suit : 

[traduction]

« Existant dans ou par la nature; non artificiel; inné; inhérent; autosemé; non cultivé. » 

La version française de la définition de « prise » utilise la phrase « produit naturel », ce qui est identique à la version anglaise. Il n’y a aucune ambiguïté apparente dans la formulation pertinente et la définition ordinaire exclurait les palourdes cultivées par l’appelant. 

Il ne semble pas y avoir de raison de ne pas accorder au mot « pêche » dans la définition de « pêcheur » précitée son sens ordinaire de tirer du poisson de l’eau. 

Le dictionnaire Oxford Concise English Dictionary, 10e édition, définit le verbe « pêcher » comme suit : 

[traduction]

« prendre du poisson au moyen d’un filet ou à l’aide d’une ligne et d’un hameçon. » 

Je ne constate aucune ambiguïté dans la formulation de la définition du mot « pêcheur » dans le Règlement et cette définition ne couvrirait pas les activités de l’appelant dans la récolte de palourdes cultivées. 

À son crédit, l’avocat du défendeur a porté à mon attention une décision du juge adjoint Léger de la Cour dans Blanchard c. MRN,[1993] A.C.I. no 187, où la Cour a conclu que la récolte d’huîtres cultivées constituait la réalisation d’une prise. Malheureusement, la cour a tiré cette conclusion sans présenter son analyse de la définition de « prise »; par conséquent, sa valeur de persuasion est extrêmement limitée. 

Le défendeur a admis que la récolte ouverte de palourdes et d’huîtres par l’appelant correspond à la définition de « prise », et je suis d’accord. Ces palourdes et huîtres seraient un produit naturel de la mer. Il existe une certaine preuve de l’appelant que ces récoltes représentaient environ 400 $ à 500 $ par jour pendant cinq à six jours de l’année. Je suis convaincu qu’il aurait tiré 2 500 $ par année de cette activité. 

J’accueille donc l’appel en partie sur le fondement que l’appelant a tiré 2 500 $ en revenu d’emploi assurable avec Max Oysters dans chacune des périodes faisant l’objet de l’appel.

Je suis conscient du fait que le demandeur fait face à de graves difficultés en ce qui concerne le recouvrement du trop payé des prestations. Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir de modifier les montants des remboursements. J’encouragerais toutefois le ministre à envisager d’accorder à l’appelant tout allègement possible dans les circonstances.

Merci.

 

 

 

 

 

 

 

 

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