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Dossier : 2007-1256(EI)

ENTRE :

2640-6496 QUÉBEC  INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 août 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Serge Fournier

 

Avocat de l'intimé :

Me Simon Petit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi (la « Loi ») est accueilli au motif que le travail effectué par Huguette Chénard, Louise Chagnon, Jocelyne Durand, Gaston Audet et Luc Cloutier pour le compte de l’appelante du 1er janvier 2005 au 28 février 2006 était un travail effectué à titre de travailleur autonome et, par conséquent, un travail non assurable aux termes de la Loi.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 490

Date : 20080926

Dossier : 2007-1256(EI)

ENTRE :

2640-6496 QUÉBEC  INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit de l’appel d’une décision relative à l’assurabilité du travail exécuté par Huguette Chénard, Louise Chagnon, Jocelyne Durand, Gaston Audet et Luc Cloutier pour l’appelante, qui faisait et fait toujours affaires sous la raison sociale « Services S.L. », pour la période du 1er janvier 2005 au 28 février 2006.

 

[2]              Parmi les nombreux faits tenus pour acquis pour justifier le bien‑fondé de la décision relative au caractère assurable, plusieurs sont conformes à la preuve soumise par les parties. Je fais notamment référence aux faits suivants :

 

a)      l’appelante a été constituée en société le 17 mars 1989;

 

b)      l’appelante faisait affaires sous le nom et raison sociale « Services S.L. »;

 

c)      l’appelante préparait des dépliants publicitaires par une opération dite d’« encartage » qui consistait soit à insérer des coupons, soit à faire le pliage des circulaires et le collage de coupons selon les exigences et instructions des clients de l’appelante;

 

d)      l’appelante recevait les dépliants publicitaires des imprimeries « Québecor » et « Transcontinental » et elle les préparait pour la distribution par la société « Publisac », elle ne faisait pas de distribution elle‑même;

 

e)      en 2005 et en 2006, l’appelante avait un chiffre d’affaire de plus de 1 million de dollars par année;

 

f)        l’appelant avait un atelier, situé à St-Jean-sur-Richelieu, qui était ouvert de 7 h à 22 h du lundi au dimanche;

 

g)      l’appelante embauchait des employés salariés soit, les commis, les opérateurs de chariot élévateur, les opérateurs de machine à encartage et les surveillants;

 

[…]

 

i)    les cinq travailleurs au présent litige étaient des « encarteurs »;

 

 

j)    les travailleurs devaient compléter des formulaires de demande d’emploi de l’appelante avant de commencer à travailler;

 

[…]

 

m)  l’appelante n’imposait pas d’horaire régulier aux travailleurs;

 

 

[3]              Quant aux autres faits, la preuve a établi qu’ils étaient inexacts ou incomplets ou constituaient le résultat d’une interprétation plutôt que d’un simple constat.

 

[4]              Cinq personnes ont témoigné. D’abord, à l’appui de la preuve de l’appelante, monsieur Normand Tremblay et madame Diane Tremblay en leur qualité respective de directeur général et de propriétaire de l’entreprise appelante. Du côté de l’intimé, trois des cinq personnes visées par l’appel ont témoigné, soit Gaston Audet, Luc Cloutier et Louise Chagnon.

 

[5]              Monsieur Tremblay a principalement décrit les lieux ou édifices où étaient effectuées les activités de l’entreprise. Il a également décrit la vocation de l’entreprise. Propriétaire d’un très vaste terrain sur lequel étaient érigés plusieurs immeubles, l’entreprise faisait principalement affaire avec Québecor et Transcontinental.

 

[6]              En substance, il s’agissait d’une entreprise qui faisait le montage ou l’assemblage de différentes façons la multitude d’initiatives publicitaires que prenaient les différentes chaînes de magasins au détail. Généralement, le matériel était livré à l’un ou l’autre des immeubles sur le site de l’appelante, en provenance le plus souvent des imprimeries.

 

[7]              À la suite de la livraison, à partir de divers devis, l’entreprise exécutait le travail à faire suivant les spécifications. Dans certains cas, le travail pouvait se faire de façon essentiellement mécanique. Pour ce faire, l’entreprise disposait de l’équipement mécanique et du personnel compétent, soit un peu plus d’une trentaine de personnes généralement rémunérées selon un tarif horaire.

 

[8]              L’entreprise offrait également un service où le travail devait se faire manuellement (l’assemblage, collage, etc.). Le travail en question pouvait varier tant pour ce qui est du travail à faire que pour la quantité et la durée eu égard aux nombreuses particularités possibles.

 

[9]              Pour expliquer et décrire la nature du travail litigieux, le couple Tremblay a expliqué que l’entreprise avait une liste d’environ trois cents noms de personnes avec leurs coordonnées pour l’exécution de ce travail essentiellement manuel.

 

[10]         Lorsque l’entreprise obtenait un contrat, elle téléphonait aux personnes dont les noms apparaissaient sur la liste pour tenter d’obtenir la collaboration des personnes disponibles et intéressées pour l’exécution du travail à faire.

 

[11]         L’entreprise obtenait ainsi la main‑d’œuvre nécessaire à l’exécution du contrat. Lors des appels, il était indiqué le genre de travail à faire et la durée possible du contrat. Les personnes sollicitées par téléphone pouvaient accepter ou refuser l’offre.

 

[12]         Si une personne acceptait, elle devait se rendre aux lieux à l’endroit aménagé pour ce faire et y travaillait, demeurant en tout temps libre de le faire pour la durée escomptée ou de quitter si cela ne lui convenait pas.

 

[13]         À l’occasion, elle pouvait s’y rendre seule ou accompagnée d’un aide. La rémunération était calculée en fonction du prix déterminé d’avance; chaque ballot complété était comptabilisé par un étampage sur une feuille indiquant un seul nom et le paiement était effectué en fonction du prix convenu et de la quantité de paquets préparés.

 

[14]         À l’occasion, il est arrivé que le prix offert était trop bas ou insuffisant, eu égard au travail à faire. Certaines personnes, dont monsieur Cloutier et madame Chagnon, ont indiqué qu’elles revendiquaient alors une majoration qu’elles obtenaient dans certains cas et qui était refusée dans d’autres cas. Elles avaient alors le loisir de partir sans représailles ni aucune conséquence si l’augmentation réclamée était refusée.

 

[15]         De leur côté, les trois personnes qui ont témoigné à la demande de l’intimé, soit messieurs Gaston Audet et Luc Cloutier, ainsi que madame Louise Chagnon, ont confirmé sensiblement le témoignage de monsieur et madame Tremblay.

 

[16]         Certes, certaines situations ont été décrites différemment; je fais notamment référence au fait que les Tremblay ont mentionné qu’il arrivait qu’une personne se fasse aider ou travaillait avec une ou deux autres personnes alors que la quantité de travail faite était attribuée à une seule personne. À cet égard, un des témoins a affirmé avoir toujours été le seul à travailler à son compte, alors que madame Chagnon a affirmé que son conjoint, à de rares occasions, avait pu l’aider à la fin d’une journée pour accélérer le moment de son départ.

 

[17]         Monsieur Cloutier et madame Chagnon ont témoigné d’une manière précise sur des aspects particuliers qui m’apparaissent fort importants quant aux éléments à retenir pour disposer de l’appel.

 

[18]         Tout d’abord, Luc Cloutier a effectué le travail litigieux d’une manière fort importante et pendant une longue période, c’est-à-dire de 1997 à juin 2006. Jeune et s’exprimant très bien, il a donné des réponses claires et précises aux questions qui lui ont été dirigées. Il a expliqué qu’il n’y avait aucun doute dans son esprit qu’il pouvait refuser de travailler ou qu’il pouvait partir en tout temps si le travail ou le prix ne lui convenait pas.

 

[19]         Il a toutefois indiqué qu’il se sentait stressé à l’idée de ne pas travailler à certaines occasions où il y avait du travail à faire, parce qu’il craignait de ne plus être appelé, ce qui manifestement n’est pas arrivé, compte tenu de la longue période où il a travaillé pour l’entreprise appelante.

 

[20]         Il a aussi affirmé qu’il pouvait travailler ailleurs sans problème. Il a expliqué qu’il lui était arrivé de demander une augmentation du prix convenu au début, et qu’il avait, à certaines occasions, obtenu une augmentation; par contre, il a indiqué avoir dû faire face à une fin de non recevoir dans d’autres situations.

 

[21]         Lorsqu’une augmentation du prix était accordée, elle était alors accordée à tous. Il a aussi expliqué qu’il y avait de très grandes variables dans les tarifs unitaires, lesquels pouvaient varier entre l’équivalent d’un salaire horaire inférieur au salaire minimum et l’équivalent d’un salaire horaire qui est allé jusqu’à 13 $ l’heure soit beaucoup plus que le salaire minimum.

 

[22]         Tenant pour acquis que monsieur Cloutier était quelqu’un de très sérieux et efficace, il est permis de conclure qu’un travailleur sans expérience ni habileté touchait quelque chose se situant entre le ridicule et le raisonnable.

 

[23]         Madame Chagnon, de son côté, a aussi travaillé pendant une longue période. Conformément aux témoignages des Tremblay, qui ont affirmé qu’ils avaient envisagé de lui confier l’entièreté de la sous‑traitance, madame Chagnon a expliqué avoir fait le travail qui fait l’objet du litige, mais aussi avoir fait le travail de recrutement par le téléphone.

 

[24]         À partir d’une liste de près de 300 personnes. Madame Chagnon a expliqué que, selon les contrats, elle devait faire les appels dont le nombre pouvait varier de un à plusieurs dizaines.

 

[25]         Elle a expliqué qu’il arrivait que des personnes acceptaient l’offre, mais ne se présentaient pas, et que dans d’autres cas, certaines personnes refusaient tout simplement l’offre faite au téléphone.

 

[26]         Dans un cas comme dans l’autre, il n’y avait pas de conséquences ni de représailles, puisque même si des personnes refusaient ou ne se présentaient pas, leurs noms n’étaient pas pour autant rayés de la liste et ces même personnes pouvaient faire l’objet d’autres appels. Pour son travail de téléphoniste, madame Chagnon touchait cependant un salaire horaire.

 

Analyse

 

[27]         Il s’agit d’un très beau dossier pour traiter de cette question étant donné que la preuve est claire et cohérente. En effet, il n’est pas nécessaire de faire d’extrapolation, de spéculation ou d’interprétation, ou même examiner la crédibilité avant de procéder à l’analyse; les faits sont clairs et nombreux, mais aussi révélateurs.

 

[28]         D’entrée de jeu, je crois pouvoir affirmer que le travail litigieux était manifestement très varié, particulier, non continu et souvent ponctuel, tout en étant peu ou pas intéressant sur le plan financier. Recruter du personnel fiable et compétent dans un tel contexte s’avérait donc une mission difficile, sinon impossible.

 

[29]         Pour remédier à la situation, l’entreprise a mis sur pied la formule abondamment décrite par la preuve cohérente soumise par les deux parties. Pour soutenir leurs prétentions respectives, les deux parties se sont référées aux deux approches disponibles soit le droit civil et la common law.

 

[30]         Dans un premier temps, il fut fait référence aux critères énoncés dans les principales décisions jurisprudentielles, soit propriété des outils, chance de profit et risques de pertes, pouvoir de contrôle et intégration et, dans un second temps, l’approche codifiée par le Code civil du Québec, où le législateur a légiféré en la matière comme suit :

 

Art. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l’employeur.

 

Art. 2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

 

 

[31]         Du côté de la common law, l’approche est différente en ce que les distinctions entre les deux contrats s’effectuent à partir des critères établis par la jurisprudence.

 

[32]         Les deux approches se rejoignent lorsqu’il s’agit de décider de l’aspect le plus déterminant, à savoir la présence ou non d’un lien de subordination entre la personne qui effectue le travail et celui ou celle qui donne le travail.

 

[33]         En effet, il est fait référence au pouvoir de contrôle, à la chance de profit et aux risques de pertes, à l’intégration et à la propriété des outils; or, ces divers critères sont des outils fort intéressants et particulièrement utiles pour pouvoir ultimement répondre à la question fondamentale : y a-t-il ou non un lien de subordination?

 

[34]         Si, à la réponse affirmative s’ajoute une prestation de travail et une rémunération, le contrat en est un de louage de services; à l’inverse, s’il n’y a pas de lien de subordination le contrat en est un d’entreprise. La prise en considération des deux approches est d’ailleurs tout à fait conforme aux Règles d’interprétation – Propriété et Droits civils, qui suit : (voir cahier des autorités de l’intimé, onglet 2)

 

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

 

 

[35]         Un contrat de louage de services est évidemment très différent d’un contrat d’entreprise, mais les conséquences de l’un ou l’autre de ces deux contrats sont multiples; en effet, il y a des différences importantes en matière de responsabilité de fiscalité, mais aussi quant à l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi, la gestion administrative, et ainsi de suite.

 

[36]         Les parties ont aussi souvent un intérêt particulier en ce qu’un contrat d’entreprise est moins exigeant pour le payeur qu’un contrat de louage de services. Inversement, pour celui ou celle qui effectue le travail, il peut y avoir un avantage en ce que les dépenses effectuées dans le but de gagner un revenu sont déductibles ce qu’un contrat d’entreprise permet et non un contrat de louage de services.

 

[37]         Par contre, un tel contrat n’est pas assujetti à la couverture prévue par la Loi sur l’assurance‑emploi. Ceux et celles qui effectuent le travail peuvent donc avoir, dans certaines situations, intérêt à jouer sur les deux statuts, c’est-à-dire salaire lorsqu’ils n’ont pas de travail pour profiter des prestations d’assurance‑emploi et travailleur autonome lorsqu’ils travaillent pour pouvoir déduire leurs dépenses faites pour gagner les revenus.

 

[38]         Du côté du payeur, les avantages sont aussi nombreux que du côté du travailleur autonome; d’abord sur le plan de la gestion, mais aussi et surtout sur le plan de la grande autonomie contractuelle notamment en ce qui concerne les avis lors de licenciement, les causes et motifs mais aussi, dans bien des cas, les relations de travail.

 

[39]         En matière de travail, il existe un très grand nombre de lois qui alourdissent la gestion; je fais notamment référence aux cotisations relatives aux diverses associations, régie des rentes, assurance‑emploi, assurance collective, assurance professionnelle (C.S.S.T.), fonds de pension, congés fériés, congés annuels, vacances, avis et délai lors d’un ralentissement ou d’un arrêt de production, négociations, etc.

 

[40]         Dans un tel contexte, il est évident que les parties peuvent vouloir décrire une relation de travail non pas en fonction de la façon dont le travail s’effectue, mais selon les avantages ou désavantages de l’un ou l’autre des contrats en cause.

 

[41]         À partir d’une telle réalité, il devient plus facile de comprendre pourquoi, lors de l’appréciation visant à déterminer si le contrat en est un de louage de services ou d’entreprise, il est essentiel de prendre en compte tous les faits et éléments disponibles et pertinents inhérents à l’exécution du travail et non pas seulement la volonté et l’intention des parties, d’autant plus que la volonté ou l’intention des parties est différente et découle souvent de l’ignorance ou de l’ascendant d’une partie sur l’autre.

 

[42]         En l’espèce, il est évident que l’entreprise avait un intérêt évident à ce que les personnes qui effectuaient le travail litigieux soient des travailleurs autonomes. Pour illustrer cette réalité, il suffit de rappeler qu’il s’agissait de travail ponctuel, dont la durée variait, et qui devait s’effectuer dans des délais courts et précis et cela, dans le contexte d’une compétition féroce.

 

[43]         Généralement, les taux offerts faisaient en sorte que la contrepartie était modeste, le nombre d’heures variait et de façon générale la très grande majorité des personnes en cause recevaient un revenu annuel inférieur à 5 000 $. Ainsi, les personnes en question devaient sans l’ombre d’un doute augmenter leurs revenus par le biais de travail effectué ailleurs que pour l’entreprise appelante.

 

[44]         La preuve a établi d’une manière prépondérante que l’appelante avait renoncé à ses droits fondamentaux d’employeur sur le plan de l’autorité; l’autonomie et la liberté des personnes a été établie par l’appelante, mais aussi et surtout par les trois personnes ayant effectué le travail litigieux durant plusieurs années. Cette renonciation se traduisait par l’obligation d’avoir une très longue liste de noms, l’obligation de faire de nombreux appels téléphoniques et la renonciation à l’exclusivité de la disponibilité des personnes dont les noms étaient sur la liste d’appel.

 

[45]         La capacité réelle de refuser le travail offert, de quitter les lieux, de négocier les prix offerts a été clairement établie; d’une part, la personne responsable des appels a aussi clairement indiqué que les refus n’étaient pas sanctionnés, c’est-à-dire que les personnes qui ne se présentaient pas après avoir indiqué qu’elles seraient présentes et ceux et celles qui refusaient au moment de l’offre n’étaient pas pénalisés et leur nom demeurait sur la liste d’appel.

 

[46]         D’autre part, le travail disponible avait plusieurs variables, notamment financières, certains travaux étaient beaucoup plus intéressants que d’autres et les personnes dont le nom apparaissait sur la liste d’appel étaient libres d’accepter ou pas.

 

[47]         Certes, le travail devait être bien fait et devait être repris si non conforme, un seul prix unitaire étant payé. Cette exigence en était une de résultat et non de moyens.

 

[48]         Bien qu’il soit manifeste que la formule « travailleur autonome » avantage l’appelante dans la gestion de son entreprise, je crois que l’entreprise a structuré et organisé ses activités avec une formule de travailleur autonome en acceptant et respectant les règles du jeu d’un tel contrat.

 

[49]         En effet, l’appelante a dû, pour respecter les exigences de la C.S.S.T., payer des cotisations pour les employés qui recevaient plus de 5 000 $. Une telle contrainte aurait pu faire en sorte que personne n’aurait touché un revenu supérieur à 5 000 $, mais non, certains ont effectivement touché un revenu supérieur à 5 000 $.

 

[50]         D’autre part, l’appelante avait à son service quelques dizaines de salariés recevant un salaire horaire. En outre, certaines personnes dont les noms étaient sur la liste d’appel se sont vu offrir du travail plus stable et régulier avec une rémunération horaire.

 

[51]         Finalement, le nombre de personnes sur la liste d’appel s’élevait à près de 300, ce qui en soi m’apparaît être un élément déterminant démontrant très bien que les attentes étaient réalistes, eu égard aux refus possibles et à la disponibilité réduite. De plus, l’entreprise était consciente de la non‑exclusivité et reconnaissait que les personnes devaient se rendre disponibles et accepter tout travail pouvant être offert par une autre entreprise, les possibilités de revenus provenant de  l’appelante étant modestes et insuffisantes pour vivre décemment.

 

[52]         En l’espèce, les parties connaissaient et acceptaient les conséquences de leur choix et la nature du contrat qui les liait. Quant aux divers éléments relatifs au lien de subordination, la preuve a démontré que l’appelante y avait renoncé et acceptait de traiter les travailleurs d’égal à égal dans la gestion de leur relation d’affaires.

 

[53]         Pour toutes ces raisons, je conclus que le travail effectué par Huguette Chénard, Louise Chagnon, Jocelyne Durand, Gaston Audet et Luc Cloutier pour le compte de l’appelante du 1er janvier 2005 au 28 février 2006 était un travail de travailleur autonome et, par conséquent, n’était pas assurable aux termes de la Loi.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 490

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1256(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              2640-6496 QUÉBEC  INC. ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 21 août 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 26 septembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Serge Fournier

 

Avocat de l'intimé :

Me Simon Petit

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Serge Fournier

                 Cabinet :                           BCF s.e.n.c.r.l.

                     Ville :                            Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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