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Dossier : 2008-889(CPP)

2008-890(EI)

ENTRE :

D.W. THOMAS HOLDINGS INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appels entendus le 30 octobre 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

MShelley J. Spring

Avocat de l’intimé :

MMax Matas

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels sont rejetés, et les décisions du ministre du Revenu national sont confirmées conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

         Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 26e jour de novembre 2008.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’août 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 626

Date : 20081126

Dossier : 2008-889(CPP)

2008-890(EI)

 

ENTRE :

 

D.W. THOMAS HOLDINGS INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]              La question en litige en l’espèce est de savoir si, au cours des années 2004 et 2005, Richard Devos exerçait un emploi auprès de l’appelante aux termes d’un contrat de louage de services aux fins du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi.

 

[2]              En 2004 et en 2005, l’appelante exploitait une entreprise de plongée qui se consacre à la pêche commerciale de la panope et de la fausse‑mactre.

 

[3]              L’appelante a été constituée en société le 12 juin 1996, et Dave Thomas en est l’unique actionnaire ainsi que le président‑directeur général. Il pratique la plongée aux fins de pêche commerciale et récolte la panope depuis 22 ans. Il a mentionné qu’il était le capitaine du Highway II (le « bateau ») et qu’à ce titre, il avait embauché un équipage pour atteindre le quota alloué pour le bateau. En 2004 et en 2005, l’équipage était composé de deux plongeurs, Dave Thomas et Harvey McGilvery, et d’un matelot de pont qui exerçait les fonctions d’assistant de plongée. Richard Devos était l’assistant de plongée du bateau en 2004 et en 2005.

 

[4]              Les propriétaires du bateau étaient Jamie Austen et Andy Milne (les « propriétaires »). C’étaient également eux qui étaient titulaires des permis pour les espèces et les quotas et qui prenaient toutes les dispositions avec les acheteurs de la prise. Dave Thomas a mentionné qu’il ne payait pas pour utiliser le bateau.

 

[5]              D’après l’entente qu’il avait conclue avec les propriétaires, il pêchait la panope, puis à son retour au port, la prise était pesée et mise dans un camion afin d’être livrée à l’usine de l’acheteur. L’acheteur tirait un chèque à l’ordre des propriétaires, puis Jamie Austen faisait un chèque à l’appelante. Le paiement à l’appelante représentait 20 % du produit de la vente de la prise. L’appelante payait tous les membres de l’équipage. Harvey McGilvery recevait un pourcentage du produit de la vente de la prise. Toutefois, Richard Devos était payé en fonction du nombre de livres vendues. Il était payé au taux de 0,21 $ la livre en 2004 et de 0,235 $ la livre en 2005. L’appelante recevait une prime de Noël des propriétaires, puis versait une partie de la prime à chacun des membres de l’équipage.

 

[6]              Dave Thomas et Harvey McGilvery ont tous les deux témoigné que tout le matériel sur le bateau qui était utilisé pour pêcher la panope (le compresseur, le réservoir d’air, le tuyau à air, la pompe à eau, le tuyau à eau et les installations hydrauliques) appartenait aux propriétaires. Chacun des membres de l’équipage fournissait certains des outils dont il avait besoin pour faire son travail. Les plongeurs avaient leurs propres combinaisons de plongée, blocs‑bouteilles, détendeurs, jauges et masques. Harvey McGilvery estimait que son équipement de plongée valait 8 000 $. Chaque année, il devait débourser approximativement de 1 500 $ à 2 000 $ pour remplacer des pièces d’équipement. Richard Devos avait son propre imperméable, ainsi que ses bottes, ses gants en caoutchouc, son chronomètre, son ardoise, ses crayons gras et son survêtement protecteur. Il estimait qu’il avait dû dépenser de 500 $ à 600 $ pour l’achat de ses outils au cours des deux années pendant lesquelles il avait travaillé avec l’appelante. Chacun des membres de l’équipage devait avoir un permis de pêche commerciale afin de pouvoir pêcher et achetait son propre permis. En 2004 et en 2005, le coût du permis était de 60 $.

 

[7]              Chaque membre de l’équipage payait pour sa part de la nourriture. Dave Thomas a témoigné que c’était lui qui payait pour le carburant et qu’il calculait le montant qui était payé à l’équipage afin de récupérer les frais ainsi engagés. Toutefois, lors du contre‑interrogatoire, il a admis que si l’expédition de pêche était infructueuse, comme dans les cas où la prise était contaminée, alors il était le seul à supporter le coût du carburant, ce que Harvey McGilvery a confirmé lorsqu’il a dit que l’appelante recevait un pourcentage plus important du produit de la vente de la prise parce que ses dépenses étaient plus élevées, étant donné qu’elle devait payer pour le carburant, les vérifications quotidiennes de l’huile sur le bateau et l’entretien général du bateau.

 

[8]              Le bateau n’était pas toujours amarré au même endroit, et les membres de l’équipage devaient payer leurs propres frais de déplacement pour se rendre au bateau.

 

[9]              Dave Thomas a dit qu’il avait embauché Richard Devos en tant qu’assistant de plongée parce que Richard travaillait dans l’industrie et qu’il était allé au Seneca Dive College. Avant de travailler avec l’appelante, Richard Devos avait travaillé comme pêcheur d’oursins, à titre de matelot de pont et de plongeur. Ce travail était très différent de la pêche à la panope, et Richard Devos avait suivi une formation au début de son emploi auprès de l’appelante afin d’apprendre comment exercer ses fonctions. Dans le cadre de la formation qu’il avait reçue, il avait appris quelles étaient les opérations de travail sur le bateau : comment jeter l’ancre; comment faire fonctionner le treuil de l’ancre; comment nettoyer le bateau et comment remplir et empiler les cages afin de ne pas faire chavirer le bateau.

 

[10]         Dans le cadre de ses fonctions, Richard Devos devait aider le plongeur à s’habiller et l’aider à entrer dans l’eau et à en sortir; s’assurer que le plongeur était en sécurité pendant qu’il était dans l’eau; surveiller la circulation maritime dans le secteur; jeter l’ancre à l’endroit où l’équipage allait pêcher; sortir les panopes de la caisse et les mettre dans les cages afin que celles‑ci puissent contenir le maximum de livres de panopes possible sans que les coquilles se brisent et aider l’équipage à décharger la prise au quai. Il aidait également à peinturer et à nettoyer le bateau lorsque c’était nécessaire.

 

[11]         Harvey McGilvery a témoigné qu’il travaillait avec l’appelante depuis 1998 et qu’il avait travaillé avec Richard Devos en 2004 et en 2005.

 

[12]         La question en litige est de savoir si Richard Devos exerçait un emploi auprès de l’appelante en tant qu’employé ou qu’entrepreneur indépendant. Dave Thomas et Harvey McGilvery ont tous les deux témoigné que l’appelante avait l’intention d’embaucher Richard Devos en tant qu’entrepreneur indépendant. Richard Devos a dit qu’il se considérait comme un employé parce qu’il était de garde et qu’il devait se présenter au travail lorsqu’on le lui demandait. Cependant, dans les déclarations de revenus qu’il a produites pour 2004 et 2005, il a déclaré qu’il était pêcheur indépendant.

 

[13]         Il faut utiliser les critères établis dans l’arrêt Wiebe Door pour analyser la relation de travail entre l’appelante et Richard Devos[1]. Dans l’arrêt Combined Insurance Company of America c. M.R.N.[2], le juge Nadon a examiné la jurisprudence et a déclaré ce qui suit concernant les principes à appliquer :

 

[35]     De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

1.        Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

2.        Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

 

CONTRÔLE

 

[14]         Dave Thomas et Harvey McGilvery ont tous les deux dit que l’appelante n’exerçait aucun contrôle sur le moment ou l’endroit où la pêche avait lieu ou bien sur le choix de l’acheteur à qui la prise était vendue. Le ministère des Pêches et des Océans décidait à quel endroit et à quel moment ils pouvaient pêcher et les propriétaires décidaient à qui la prise était vendue. D’après le témoignage de Dave Thomas, après avoir formé Richard Devos, il n’avait pas eu le temps de le superviser, étant donné qu’il était sous l’eau la moitié du temps. De plus, s’il avait fallu qu’il le surveille étroitement, il ne l’aurait pas réembauché. Dans son témoignage, Richard Devos a mentionné qu’il était supervisé pour ce qui est de la façon dont il exerçait ses fonctions. Plus particulièrement, il a mentionné qu’on supervisait la façon dont il mettait les panopes dans les cages. À la fin de la journée, si les cages n’étaient pas assez lourdes, Dave Thomas le lui disait.

 

[15]         À mon avis, Dave Thomas contrôlait la façon dont Richard Devos exerçait ses fonctions. Plus particulièrement, d’après le témoignage de Dave Thomas, celui‑ci prêtait attention à la façon dont les assistants de plongée remplissaient les cages de panopes. Si les cages étaient trop légères, l’équipage devait passer plus de temps en mer afin d’atteindre le quota. Si l’assistant de plongée mettait trop de panopes dans les cages, les coquilles dans le fonds pouvaient briser sous le poids et cela entraînait des pertes. J’ai également tenu compte du fait que Dave Thomas, en tant que capitaine, était responsable du bateau et avait le droit de contrôler la façon dont Richard Devos exerçait ses fonctions.

 

[16]         Les témoignages des témoins quant à la question de savoir si Richard Devos était de garde 24 heures par jour, sept jours par semaine ne concordaient pas. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins qu’il a été le seul assistant de plongée à avoir été embauché pendant la période. Il n’a pas eu de vacances ou de jours de congé de maladie, mais il a tout de même reçu une prime de Noël.

 

[17]         Après avoir analysé tous les faits pertinents, je suis d’avis que le critère du contrôle donne à penser que Richard Devos était un employé.

 

 

PROPRIÉTÉ DES INSTRUMENTS DE TRAVAIL

 

[18]         Richard Devos fournissait certain des outils dont il avait besoin pour faire son travail. Toutefois, les plus gros outils étaient fournis par les propriétaires du bateau ou les acheteurs, qui fournissaient les cages. Ce critère n’est pas concluant, dans un sens comme dans l’autre.

 

 

POSSIBILITÉ DE PROFIT / RISQUE DE PERTE

 

[19]         Les deux critères donnent à penser que Richard Devos était un employé. Il n’était responsable d’aucune des dépenses engagées lors des expéditions de pêche. Il ne payait que pour sa propre nourriture, son utilisation du téléphone satellite à des fins personnelles et ses frais de déplacement pour aller au bateau et en revenir. Toutes ces dépenses étaient de nature personnelle. Il n’avait à assumer aucune dépense qui aurait pu réduire le revenu qu’il pouvait gagner.

 

[20]         Dave Thomas a mentionné que Richard Devos avait la possibilité de réaliser des profits, puisqu’il était payé en fonction du nombre de livres de panopes pêchées et qu’il pouvait remplir les cages afin qu’elles soient les plus lourdes possible. Cependant, son témoignage me convainc que cela n’était pas le cas. Si les cages étaient trop remplies, il y avait des pertes parce que les coquilles des panopes se brisaient.

 

[21]         Richard Devos était payé 0,21 $ ou 0,235 $ la livre de panopes vendues. Il n’avait aucune chance de recevoir une partie des profits, comme c’était le cas pour les autres membres de l’équipage, qui se partageaient le produit de la vente de la prise selon une base prédéterminée.

 

[22]         Dave Thomas et Harvey McGilvery ont tous les deux témoigné que Richard Devos avait négocié son augmentation de salaire en 2005. Ils ont mentionné que le quota avait diminué en 2005 et que Richard Devos voulait s’assurer de recevoir une rémunération égale à ce qu’il avait reçu en 2004. Richard Devos ne se souvenait pas avoir négocié le nouveau taux de rémunération. Toutefois, les témoignages de Dave Thomas et de Harvey McGilvery ont confirmé que Richard Devos n’avait pas la possibilité de tirer un profit de son emploi.

 

 

CONCLUSION

 

[23]         L’appelante avait l’intention d’embaucher Richard Devos en tant qu’entrepreneur indépendant, mais si on analyse les modalités de son emploi en fonction des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, les modalités n’étayent pas l’intention de l’appelante.

 

[24]         Les appels sont rejetés.

 

 

         Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 26e jour de novembre 2008.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’août 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 626

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008-889(CPP)

                                                          2008(890)(EI)

 

INTITULÉ :                                       D.W. THOMAS HOLDINGS INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Victoria (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

MShelley J. Spring

Avocat de l’intimé :

MMax Matas

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Shelley J. Spring

                           Cabinet :                 Dwyer Tax Lawyers Law Corporation

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, au paragraphe 47.

[2] [2007] A.C.F. n124, au paragraphe 35.

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