Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2008 CCI 557

2007-3262(GST)I

 

 

 

 

ENTRE :

 

PIERRE-LUC VACHON,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

VERSION RÉVISÉE DE LA TRANSCRIPTION

DES MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Je demande que la version révisée des motifs du jugement, prononcés lors de l’audience du 25 juillet 2008 à Québec (Québec), soit déposée. Cette version a été révisée pour plus de clarté et de précision.

 

Signée à Ottawa, Canada, ce 6e jour d’octobre 2008.

 

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

 

 

 


              Référence : 2008 CCI 557

2007-3262(GST)I

 

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

Objet : la Loi sur la taxe d’accise

 

 

ENTRE :

                                    PIERRE-LUC VACHON,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT RENDUS ORALEMENT

PAR L’HONORABLE JUGE GASTON JORRÉ,

Cour canadienne de l’impôt, dans les locaux du

Service administratif des tribunaux judiciaires,

le 25 juillet 2008, à Québec (Québec).

                            

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Bernard Roy

Pour l’appelant

 

 

Me Danny Galarneau

Pour l’intimée

 

                                                         

ÉGALEMENT PRÉSENTE :

 

Elizabeth Healy

Greffière/technicienne

 

 

RIOPEL, GAGNON, LAROSE & ASSOCIÉS

215, rue Saint-Jacques, bureau 328

Montréal (Québec)  H2Y 1M6

(514) 286-5454

 

JEAN LAROSE, s.o.


 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Transcription révisée des motifs rendus oralement

le 25 juillet 2008 à 14 h, à Québec(Québec).)

 

 

[1]     MONSIEUR LE JUGE : Bonjour, je vais rendre mon jugement dans Pierre-Luc Vachon c. Sa Majesté la Reine.

 

La question en litige

 

[2]     Pierre-Luc Vachon appelle de deux cotisations datées du 13 avril 2006, les deux cotisations sont faites en vertu de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[3]     La première cotisation, relative à des transferts que le ministre allègue ont été faits par 9079-4652 Québec Inc. (Transport Marco Vachon) à l’appelant entre le 5 novembre 2003 et le 6 février 2005, est pour un montant de 1 787,01 $.

 

[4]     La deuxième cotisation, relative à des transferts qui, selon le ministre, auraient été faits par 9090-3758 Québec Inc. (Salon de Quilles Le Sommet) à l’appelant entre le 24 juillet 2002 et le 26 juillet 2003, est pour une somme de 4 127,24 $.

 

[5]     Je vais par la suite faire référence à ces deux compagnies comme « 9079 » et « 9090 » respectivement.

 

[6]     La réponse du ministre a été déposée en retard avec la conséquence que, selon le paragraphe 18.3003(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, les allégations de faits énoncées dans l’avis d’appel sont réputées vraies. En conséquence, c’est l’intimée qui a commencé en premier.

 

[7]     L’intimée a fait témoigner deux personnes, monsieur Pierre-Luc Vachon, l’appelant, et monsieur Pierre Magnan, agent de recouvrement à Revenu Québec. Monsieur Magnan travaille à Revenu Québec depuis 14 ans.

 

[8]     L’appelant n’a pas présenté de témoin.

 

[9]     Divers documents sont entrés en preuve au cours du procès, ils sont numérotés A-1 et I-1 à I-11. Vers le début du procès, la pièce I-1 qui contient divers documents aux onglets numéros 1 à 10 a été marquée I-1 pour identification seulement, mais au cours du procès, tous les documents ont été reconnus et sont entrés en preuve.

 

[10]    Le paragraphe 325(1) prévoit entre autres que :

 

i)     la personne qui transfère un bien

ii)    à une personne avec laquelle elle a eu un lien de dépendance est solidairement tenue avec le cessionnaire de payer le moins élevé des deux montants suivants :

 

a)    premièrement, l’excédent de la juste valeur marchande du bien sur la juste valeur marchande de la contrepartie du bien et

b)    deuxièmement, le total des montants suivants :

 

1)    le montant dont le cédant est redevable pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour les périodes de déclaration antérieures et

2)    les pénalités et intérêts dont le cédant est responsable à ce moment.

 

Les autres aspects du paragraphe n’ont pas d’application dans le contexte de cette cause.

 

[11]    Les prétentions de l’appelant sont que les cotisations doivent être annulées pour trois raisons principales :

 

·        Premièrement, l’intimée n’a pas démontré de lien de dépendance entre l’appelant et les deux compagnies numérotées.

 

·        Deuxièmement, il y a eu une contrepartie au transfert.

 

·        Troisièmement, de toute façon au moment des transferts, l’intimée n’a pas démontré que les cédants, les deux compagnies numérotées, étaient redevables d’un montant au moins égal à la valeur des biens transférés.

 

Les transferts

 

[12]    Je vais commencer par la question des transferts. Monsieur Magnan a expliqué qu’il a obtenu l’historique des transactions du compte de banque de l’appelant à la Banque Laurentienne (I-1, onglet 5), les feuilles de dépôt du compte (I-1, onglet 8) et, quand il s’agissait de chèques, copies des chèques déposés (I-1, onglets 6 et 7). À partir de ces informations, il a établi le tableau à l’onglet 4 de I-1. Ce tableau indique la date des dépôts, les montants, qui a fait le dépôt, la provenance du dépôt, qui a signé le chèque lorsqu’il s’agit d’un chèque et à qui le chèque est payable.

 

[13]    Le tableau contient certains dépôts qui ne sont pas pertinents à ce litige. Il y a un litige parallèle à celui-ci entre l’appelant et Revenu Québec relatif à la TVQ et aux retenues à la source pour l’impôt sur le revenu du Québec. La première et la troisième colonne des dépôts dans ce tableau sont les colonnes pertinentes à ce litige. Le total de la première est de 10 825 $ et le total de la troisième est de 9 775 $. Ces montants sont pertinents à la TPS, à la TVQ et aux retenues à la source. Les montants dans les autres colonnes de dépôt qui ne nous concernent pas sont pertinents à la retenue à la source.

 

[14]    Étant donné que les montants dans les deux colonnes qui nous concernent sont pertinents à Revenu Canada et à Revenu Québec, monsieur Magnan a attribué au prorata les montants, et la part attribuable à la TPS était de 4 127,24 $ relativement à 9090 et de 1 787,01 $ relativement à 9079.

 

[15]    Je suis satisfait que les montants indiqués aux colonnes 1 et 3 ont été transférés de l’une ou l’autre des compagnies numérotées tel qu’il est indiqué et à la date indiquée.

 

[16]    L’appelant, en témoignant, a confirmé que Germain Vachon était son père et que Marco Vachon était un cousin.

 

Les montants dont la compagnie 9090 était redevable

 

[17]    Je vais maintenant examiner la question des montants redevables et en premier lieu le montant dont 9090 était redevable. Pour établir le montant dont 9090 était redevable, monsieur Magnan s’est fié au système informatique du ministère et à l’avis de cotisation daté du 4 juin 2004 (I-1, onglet 2). Cette cotisation est pour la période du 1er juillet 2001 au 31 juillet 2003, une période de 25 mois.

 

[18]    Il n’y a pas eu de preuve qui indique la période de déclaration de 9090 et dans quelles périodes spécifiques la compagnie serait devenue redevable des montants de TPS totalisant le montant de TPS indiqué à la cotisation.

 

[19]    Le paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d’accise dit clairement qu’il s’agit de montants dont le cédant doit être redevable pour la période de déclaration qui comprend le transfert ou une période antérieure. En conséquence le transfert qui est fait au cours d’une période peut potentiellement fonder une cotisation basée sur ce dont le cédant est redevable pour une période de déclaration qui inclut le moment du transfert et qui finit après le moment du transfert.

 

[20]    Il faut toujours établir la période de déclaration et le montant dont le cédant est redevable dans la période ou les périodes antérieures.

 

[21] Sans examiner la Loi en détail, on peut dire en résumé que les périodes de déclaration peuvent être mensuelles, trimestrielles ou annuelles selon les circonstances. En aucun cas peuvent-elles être de 25 mois (voir la définition au paragraphe 123(1), l’article 245 et les articles suivants de la Loi).

 

[22]    Un seul avis de cotisation peut comprendre plusieurs périodes de déclaration comme c’est le cas ici, mais, dans un tel cas, pour établir le montant dont la personne est redevable, il faudrait établir la période de déclaration et la TPS exigible pour chaque période de déclaration qui est comprise à l’intérieur de la cotisation. Dans ce cas, il aurait fallu faire une preuve à cet effet. Dans le cas typique où la réponse est déposée à temps, ou alternativement lorsque l’intimée aurait obtenu permission de déposer la réponse hors délai, il faudrait que de telles informations fassent partie de ce que le ministre a établi et qu’elles soient divulguées au contribuable, par exemple, en faisant partie des conclusions ou hypothèses de faits énumérées dans la réponse.

 

[23]    Cette cotisation du 4 juin 2004 de 9090 a été faite dans un contexte où 9090 n’avait pas produit de déclarations de revenus après le 31 juillet 2001 et l’intimée a tenté de me convaincre, si j’ai bien compris l’argument, que dans de telles circonstances je devrais interpréter « période de déclaration » comme étant « la période couverte par la cotisation ». Malgré le passage qu’on m’a cité d’une cause décidée par la Cour d’appel fédérale que l’intimée a reconnu comme étant dans un contexte différent, je ne peux accepter cet argument. Les dispositions de la Loi sont très claires pour définir « période de déclaration ». Ultimement cela doit être une période mensuelle, trimestrielle ou annuelle.


[24]    En conséquence, je dois conclure que nous ne savons pas dans quelle période ou quelles périodes 9090 est devenue redevable de sommes totalisant le montant de TPS dans la cotisation.  Vu que la période de déclaration la plus courte est un mois, tout ce que je peux conclure, c’est que dans la période qui inclut le transfert du 25 juillet 2003 de 1 300 $, le dernier transfert, la compagnie 9090 était redevable pour cette période et(ou) les périodes antérieures d’un montant de 45 845 $.

 

[25]    Inversement, je dois conclure que pour tous les transferts de 9090 à l’appelant avant le 25 juillet 2003, il n’est pas établi que 9090 était redevable de montants d’argent.

 

[26]    Il me semble probable que le ministre a les informations qui lui permettraient d’établir la période de déclaration et les détails des montants de TPS qui sont redevables selon la période de déclaration, car le ministre doit nécessairement s’être fondé sur certaines informations ou hypothèses de faits en cotisant.

 

Les montants dont 9079 était redevable

 

[27]    Dans le cas de 9079, la question des montants redevables se présente différemment. Pour cotiser, on a obtenu du système informatique du ministère des informations contenues à la page 2 de l’onglet 2 de la pièce I-1. On a pris les montants de ce tableau comme les montants dont la compagnie 9079 était redevable. Monsieur Magnan n’était pas en mesure de confirmer s’il y avait eu ou non cotisation pour les périodes de ce tableau.

 

[28]    En argumentation, l’appelant a très fortement souligné le fait que monsieur Magnan, en établissant ce dont les deux compagnies numérotées étaient redevables, a fait le calcul des transferts à l’onglet 4 et le calcul des montants dont les compagnies étaient redevables à l’onglet 3, et n’avait pas fait un calcul séparé au moment de chaque transfert des montants dont chaque compagnie était redevable.

 

[29]    C’est exact, mais je ne vois pas en soi comment cela mène à la conclusion qu’il n’y a pas un montant redevable pour justifier l’inclusion d’un transfert particulier dans la cotisation. La question reste toujours, est-ce que, pour la période de déclaration à l’intérieur de laquelle le transfert a eu lieu, ou pendant les périodes antérieures, la compagnie en question était redevable des montants qui justifient l’inclusion du transfert? L’appréciation de cela dépend de la preuve et non du processus utilisé en cotisation.

 

[30]    Nous avons vu dans le cas de 9090, à part la période du transfert du 25 juillet 2003, qu’il est impossible, à partir de la preuve qui a été faite, de savoir s’il y avait ou non des montants dont la compagnie était redevable. Ici, la situation est très différente, à part une question séparée que je soulèverai sous peu.

 

[31]    Il s’agit de déterminer transfert par transfert à partir de la preuve disponible si le cédant était redevable. Dans le cas de 9079, ça peut se faire.  Prenons à titre d’exemple le transfert de 995 $ le 30 juin 2004 de 9079 à l’appelant.  C’est le troisième transfert venant de 9079 et les trois chèques en question totalisent 3 095 $ (voir l’onglet 4).  Est-ce que 9079 était redevable de montants pour la période de déclaration comprenant le 30 juin 2004 et les périodes antérieures à un montant égal ou excédant 3 095 $?

 

[32]    Si on examine la page 2 de l’onglet 2 on voit que le 30 juin 2004 fait partie de la période se terminant le 31 juillet 2004. Pour cette période, la dette de 9079 est de 10 189,91 $. La dette est encore plus élevée si on ajoute les trois périodes antérieures, on pourrait donc conclure que la compagnie était redevable pour un montant égal ou supérieur au transfert qui a eu lieu le 30 juin 2004. L’exercice peut se faire pour les autres montants et on ne m’a pas démontré qu’il n’y a pas de montants redevables pour les différents transferts en question avec 9079.

 

[33]    L’appelant invoque aussi la jurisprudence, notamment la décision de Gaucher c. La Reine, décision de la Cour d’appel fédérale du 16 novembre 2000[1], pour prétendre qu’il peut contester la cotisation sous-jacente de la compagnie.  Il invoque également la jurisprudence relative au fardeau de la preuve du ministre et à l’obligation du ministre d’informer les contribuables des hypothèses et des conclusions de faits.

 

[34]    Gaucher est une décision relative à l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu et vu que l’appelant n’a pas contesté une cotisation sous-jacente, il n’est pas nécessaire que je décide si elle s’applique ici.

 

[35]    Dans le cas de 9079, dans la mesure où il n’y a pas eu de cotisation Gaucher ne s’appliquerait pas de toute façon, car en absence de cotisation, le montant dont 9079 est redevable est un fait qui peut être contesté comme un autre fait.

 

[36]    Quant au fardeau de la preuve la jurisprudence établit les circonstances dans lesquelles le fardeau incombe au contribuable ou au ministre. Dans ce cas, de toute façon, à cause des circonstances de la réponse, le fardeau a été inversé au début du procès.

 

[37]    La question suivante a été soulevée : est-ce que les périodes de déclaration de 9079 ont été établies? Le libellé de la première colonne de la page 2 de l’onglet 2 est « CHX date fin période » et les dates dans cette colonne sont à des intervalles de trois mois. Je conclus qu’il s’agit d’un contribuable avec une période trimestrielle finissant aux dates indiquées.

 

[38]    Toutefois, en considérant toutes ces questions, je me suis posé la question : est-ce que ce tableau est suffisant pour conclure que 9079 était redevable des montants indiqués?

 

[39]    Je ne parle pas de la question d’intérêts ou de pénalités et à quelle date ces montants sont calculés.

 

[40]    Je me limite à la première colonne qui représente la TPS. Nous savons simplement que ces montants sont au système informatique, mais monsieur Magnan ne pouvait nous dire s’il s’agissait ou non d’une cotisation. Il a expliqué qu’il n’y a pas toujours une cotisation de TPS; souvent on entre dans le système le montant de taxe nette que le contribuable a indiqué dans son rapport de TPS.

 

[41]    Il reste que nous n’avons pas directement de preuve de l’origine de ces montants.

 

[42]    Imaginons qu’un créditeur poursuit un débiteur pour une dette non payée, par exemple, une banque poursuivrait un individu pour le non-paiement du capital et des intérêts d’un prêt. Serait-il suffisant de simplement prouver que le système informatique indique qu’il y a une dette et rien d’autre? Je ne crois pas, je crois qu’il faudrait établir aussi qu’il y a un fondement à la dette, c’est-à-dire qu’il y avait eu un prêt, des fonds avancés.

 

[43]    Ici, on est dans un contexte différent d’une banque avec un prêt, mais il faudrait au moins établir une de deux choses :

 

·        soit, comme c’est le cas dans 9090, on établit qu’il y a eu une cotisation et il y a donc selon la Loi un montant redevable (et si nécessaire on fournit des détails sur les périodes et les montants) ou

 

·        alternativement, s’il s’agit simplement du montant de TPS déclaré par la compagnie pour la période, on établit spécifiquement ce fait, soit avec le rapport de TPS ou soit avec des informations du fichier électronique qui montrent que ce qui a été inscrit dans le système est un (des) montant(s) provenant du (des) rapport(s) de TPS du contribuable. Dans cette deuxième alternative, il y aurait une présomption de validité du (des) montant(s).

 

[44]    Nous n’avons pas une telle preuve ici et je conclus que la preuve devant moi ne démontre pas que 9079 était redevable des montants à la page 2 de l’onglet 2.

 

Y a-t-il eu une contrepartie au transfert?

 

[45]    Nous avons en preuve les montants de dépôt des deux compagnies au compte de Pierre-Luc Vachon (voir les chèques et les feuillets de dépôt aux onglets 6, 7 et 8 de I-1). La plupart des chèques ont été signés et déposés par Germain Vachon.

 

[46]    Nous avons également le bail entre l’appelant et son père Germain Vachon. 

 

[47]    L’appelant prétend que les transferts sont le loyer en vertu du bail et que l’utilisation par le locataire est la contrepartie des paiements. Toutefois, 9090 et 9079 ne sont pas les locataires et n’utilisent pas la maison en question.

 

[48]    Un paiement d’une compagnie à un individu est la preuve d’un transfert de biens, le montant en question, de la compagnie à la personne en l’absence d’autres preuves. Quand j’ai soulevé cela, l’intimée a soumis que je devais tenir compte du fait que selon le paragraphe 18.3003(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, le paragraphe 4e) de l’avis d’appel était présumé vrai. Il se lit :

 

L’appelant a bel et bien reçu certains biens de 9090-3758 Québec Inc. et 9079-4652 Québec Inc. au cours des années 2002 à 2005.  Ces montants ont été reçus relativement à un bail qui a été conclu le 20 juin 2002 entre l’appelant et monsieur Germain Vachon, le tout tel qu’il appert dudit bail produit sous la cote R-4.

 

[49]    Tel qu’il est rédigé, ce paragraphe n’aide pas l’appelant, car il n’allègue pas que relativement à ces paiements les deux compagnies numérotées agissaient comme simples intermédiaires qui ont payé à l’appelant des montants qu’elles devaient à Germain Vachon.

 

[50]    Je conclus qu’il s’agissait de biens des compagnies numérotées. Ceci pourrait être compatible avec une directive de Germain Vachon de faire des paiements pour couvrir ses obligations de bail, mais ça ne veut pas dire qu’il ne s’agit pas de fonds de la compagnie.

 

[51]    Il n’y a donc pas de contrepartie. Les parties ont souligné d’autres éléments de preuve sur la question, à savoir si les paiements étaient ou non relatifs au bail, mais vu qu’il ne s’agissait pas de paiements de Germain Vachon ou faits pour Germain Vachon à partir de sommes que les compagnies lui devaient, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner ces autres points.

 

Y a-t-il un lien de dépendance?

 

[52]    Germain Vachon était le père de l’appelant et étant donné l’article 126 de la Loi sur la taxe d’accise et l’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu il y a deux questions qui se posent pour savoir s’il y a un lien.

 

[53]    Premièrement, est-ce qu’au moment où les transferts ont eu lieu Germain Vachon contrôlait la compagnie numérotée qui a fait le paiement ou, alternativement comme question de fait, y a-t-il un lien de dépendance entre les compagnies numérotées et l’appelant au moment des transferts?


9090

 

[54]    Premièrement, je vais résumer les pièces I-10 et I-11.

 

·        À I-10, page 1, il y a une résolution des actionnaires de 9090 datée du 15 août 2001.  La résolution dit que les actionnaires ont été informés des transferts d’actions, adoptés ce jour par les administrateurs, en faveur de Germain Vachon, et que les actionnaires ratifient les transferts d’actions. Le document dit également que suite à la démission de Marco Vachon, Germain Vachon est élu administrateur. La résolution est signée par Germain Vachon qui affirme être le seul actionnaire.

 

·        À la page 2 de I-10, il y a une autre résolution de 9090 signée par Germain Vachon où il dit être le seul administrateur. La résolution dit que Germain Vachon est élu président. Ceci est toujours daté du 15 août 2001.

 

·        À la page 3 de I-10, un document toujours daté du 15 août 2001 dit que Germain Vachon accepte le mandat d’administrateur.

 

·        I-11 est un questionnaire signé par Marco Vachon daté du 12 août 2004 avec d’autres documents annexés. Dans le questionnaire Marco dit qu’il a été nommé administrateur de 9090 le 25 avril 2000 et qu’il a cessé de l’être le 15 août 2001.  Un des documents annexés est une lettre de démission comme administrateur adressée à 9090 et signée par Marco Vachon, en date du 15 août 2001.

 

S’il n’y avait que ces documents, vu que la période pertinente pour 9090 est du 25 juillet 2002 au 25 juillet 2003, il serait évident que Germain Vachon contrôlait 9090. Les choses se compliquent quand on examine les documents à l’onglet 9 de I-1 qui contient d’autres documents pris au registre des entreprises, documents souvent contradictoires :

 

·        À l’onglet 9 on voit que la société a été constituée le 28 avril 2000 par Jacques A. Vachon, fondateur.

 

·        Jacques Vachon a signé la déclaration initiale le 3 mai 2000; il dit qu’il est administrateur et n’indique aucun actionnaire.

 

·        Cela ne change pas dans la déclaration annuelle de 2000 signée par Jacques Vachon le 9 novembre 2000.

 

·        Une déclaration modificative signée par Jacques Vachon le 7 mai 2001 est déposée en mai 2001 et indique que Jacques Vachon se retire comme administrateur et que Marco Vachon devient administrateur. Marco Vachon est indiqué comme l’unique actionnaire.

 

·        Cela ne change pas dans la déclaration annuelle de 2001 qui est signée par Marco Vachon le 18 février 2003 et déposée le 20 février 2003.

 

·        La déclaration annuelle de 2002 a été déposée le 20 février 2002 et signée par Marco Vachon le 18 février 2002.  Il n’y a aucun changement et je note qu’il s’agit des mêmes dates que la déclaration annuelle de 2001.

 

·        Une déclaration modificative reçue par le service corporatif, Division Québec, le 23 mai 2003 est déposée au registre des entreprises le 8 août 2003. Cette déclaration est signée par Germain Vachon le 23 mai, l’année de la signature n’est pas très lisible et pourrait être 2000, 2002 ou 2003. Selon cette déclaration, Germain Vachon remplace Marco Vachon comme administrateur et Germain Vachon est le seul actionnaire.

 

·        Une déclaration annuelle de 2003 est déposée le 13 février 2004 et signée par Germain Vachon à une date qui n’est pas lisible, il n’y a aucun changement.

 

·        Une autre déclaration modificative a été déposée à une date qui n’est pas lisible (voir les traces du tampon en bas à droite, sceau de la première page) et inscrite au registre des entreprises le 17 octobre 2003. Elle est signée par Marco Vachon le 26 septembre 2003. Selon cette déclaration, Germain Vachon se retire comme administrateur et Marco Vachon devient administrateur.  Marco serait redevenu le seul actionnaire.

 

[55]    Il est impossible de concilier toutes ces déclarations et les pièces I-10 et I-11.  L’appelant prétend qu’il faut établir le lien de dépendance à chaque moment où un transfert a eu lieu. Je suis d’accord.

 

[56]    Vu mes conclusions sur les montants redevables par 9090, le seul moment où il y a transfert où il est établi que 9090 était redevable était le 25 juillet 2003. À cette date, toute la documentation concorde, que ce soit à l’onglet 9 de I-1, à I-10 et à I‑11. Il n’y a aucun doute à cette date-là que Germain Vachon était l’actionnaire.

 

[57]    Quant aux autres périodes, je constate, quand on regarde toute la preuve, qu’il y a des choses remarquables. Le père a signé tous les chèques. Le père, Germain Vachon, contrôle 9090 pendant au moins une partie du temps en question. Le père et Marco Vachon, un cousin, ont une relation telle que pour des raisons qui nous sont inconnues, l’un ou l’autre a signé une série de documents qui ne peuvent pas se concilier, quant à savoir à quelle date l’un ou l’autre était actionnaire et à quelle date l’un ou l’autre était administrateur.

 

[58]    Finalement, et très important, au cours de cette période d’un an et demi qui est pertinente, la compagnie paye 10 825 $ à l’appelant, sans contrepartie. À part la question, à savoir si en suivant les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu Germain Vachon contrôle la compagnie 9090, je n’ai pas de difficulté en regardant toute cette preuve à conclure que factuellement 9090 et l’appelant avaient un lien de dépendance pendant cette période du 25 juillet 2002 au 25 juillet 2003. Le comportement n’est pas un comportement de gens qui n’ont pas de lien.

 

9079

 

[59]    Dans le cas de 9079 la période en question est du 6 novembre 2003 au 25 février 2005. Il y a dix paiements par chèque, le premier, le 6 novembre 2003, est signé Marco Vachon. Tous les autres chèques sont signés par Germain Vachon et s’échelonnent du 31 mai 2004 au 25 février 2005.

 

[60]    Il y a en preuve les documents (à l’onglet 10 de la pièce I-1) qui proviennent du registre des entreprises. Pour ce qui est de 9079, on n’a pas toutes les difficultés avec les documents qu’on a, dans le cas de 9090.

 

[61]    Je ne vais pas résumer tous les documents, sauf pour noter que, après que le fondateur a transféré la compagnie à Marco Vachon, Marco Vachon est resté le seul administrateur et actionnaire de façon constante jusqu’à la déclaration modificative déposée en septembre 2004 et signée par Germain Vachon le 02-02-04, c’est-à-dire, soit le 2 février 2004 ou le 4 février 2002.  Je note que la formule indique que la date doit être écrite, année, mois, jour, mais je ne tire pas de conclusion à partir de cela. Selon la déclaration modificative, Germain Vachon remplace Marco Vachon comme seul administrateur et comme seul actionnaire. Par contre, il y a une chose qui est un peu difficile à comprendre. La déclaration annuelle de 2003 déposée le 13 février 2004 selon le tampon à la première page est signée par Marco Vachon le 13 février 2004, après que Germain Vachon a signé la déclaration modificative. Cette déclaration annuelle de 2003 indique que Marco Vachon est le seul administrateur et le seul actionnaire.

 

[62]    Vu que Germain Vachon a signé la déclaration modificative le 2 février 2004 au plus tard, il ne peut pas y avoir de doute qu’il contrôle 9079 au moment de tous les transferts, sauf le premier.  De plus, comme dans le cas de 9090, si je considère tous les éléments de la preuve y compris le fait que 9079 n’a pas reçu de contrepartie pour les paiements, je suis satisfait que des personnes sans lien de dépendance ne se comporteraient pas de cette façon. Une compagnie ne transférerait pas de l’argent sans contrepartie à quelqu’un. Il y a donc un lien de dépendance.

 

Conclusion

 

[63]    Pour résumer mes conclusions :

 

1.    je suis satisfait que les transferts des deux compagnies en question aient eu lieu aux dates en question;

 

2.    je conclus qu’il n’y a pas eu de contrepartie et qu’en conséquence, la juste valeur marchande des transferts est égale au montant des paiements;

 

3.    il y a un lien de dépendance entre les compagnies et l’appelant au moment où les différents transferts ont eu lieu.

 

[64]    Par contre, quant à la question des différents montants dont les compagnies numérotées étaient redevables au moment de chaque transfert, dans le cas de 9079, la preuve qui a été présentée n’a pas établi que 9079 était redevable de montants de TPS au moment des différents transferts.

 

[65]    Dans le cas de 9090, la preuve qui a été présentée a démontré qu’au moment du transfert de 1 300 $ le 25 juillet 2003, la compagnie 9090 était redevable pour la période ou les périodes antérieures d’un montant bien supérieur, de quelque 45 000 $, mais cette même preuve n’a pas établi que la compagnie était redevable de montants au moment des autres transferts par 9090.

 

[66]    En conséquence, les appels sont accueillis et,

 

·        dans le cas de la cotisation numéro PQ-2006-8800 datée du 13 avril 2006 relative aux transferts venant de 9079, la cotisation est annulée,

 

·        dans le cas de la cotisation numéro PQ-2006-8796 datée du 13 avril 2006, le tout sera déféré au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conformité avec ces motifs,

 

le tout avec frais selon le tarif à l’article 10 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (TPS). Merci.


RÉFÉRENCE :                                        2008 CCI 557

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :            2007-3262(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                    PIERRE-LUC VACHON c. SA MAJESTÉ LA REINE 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Québec (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                     Les 21 et 22 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :             L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT

RENDU ORALEMENT :                         Le 25 juillet 2008

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT RÉVISÉS :                          Le 6 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Bernard Roy

 

Avocat de l’intimée :

 

Me Danny Galarneau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                               Me Bernard Roy

 

                   Cabinet :                              Québec (Québec)

 

          Pour l’intimée :                               John H. Sims, c.r.

                                                              Sous-procureur général du Canada

                                                              Ottawa, Canada



[1]      Dossier A-275-00.

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