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Dossier : 2007-2970(IT)I

 

ENTRE :

KARLEEN SERWATKEWICH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 28 juillet 2008,

à Prince George (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Diane Serwatkewich

Avocat de l’intimée :

Me Pavanjit Mahil

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 sont accueillis, et des dépens de 500 $ sont adjugés à la représentante de l’appelante. Le ministre établira de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          DE PLUS, LA COUR ORDONNE que le droit de dépôt de 100 $ soit remboursé à l’appelante.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de janvier 2009.

 

 

« L. M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2009CCI29

Date : 20090113

Dossier : 2007-2970(IT)I

 

ENTRE :

KARLEEN SERWATKEWICH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A. Les faits

 

[1]              L’appelante vit à Prince George, en Colombie‑Britannique.

 

[2]              Pendant l’audience, l’appelante a admis avoir produit des plants de marijuana et cultivé la marijuana pendant les années d’imposition 2001, 2002 et 2003.

 

[3]              L’appelante soutient avoir produit de la marijuana en vue de s’en servir à des fins médicinales ainsi que pour la consommation personnelle de son mari. L’appelante a affirmé être atteinte de discopathie dégénérative. Elle a déclaré qu’elle avait subi deux opérations au dos, mais qu’elle souffrait encore de douleurs continues. Elle a dit souffrir également de dépression.

 

[4]              L’appelante soutient que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a eu tort de conclure qu’elle possédait 94 plants de marijuana au moment où la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») a perquisitionné chez elle. L’appelante a affirmé n’avoir alors à son domicile que 28 plants de marijuana à maturité. Le reste des plants de marijuana qui ont été trouvés au cours de la perquisition étaient des boutures, et mesuraient environ 2,5 cm de haut.

 

[5]              Au départ, le ministre était d’avis que l’appelante exploitait une entreprise de production et de vente de marijuana. Il a par la suite modifié sa position et a établi des avis de nouvelle cotisation en se fondant sur le calcul de la valeur nette de l’appelante. Toutefois, ce faisant, le ministre a continué de prétendre que l’appelante exploitait une entreprise de production et de vente de marijuana.

 

[6]              En se fondant sur l’analyse de la valeur nette de l’appelante, le ministre a conclu que cette dernière avait omis de déclarer le revenu suivant qu’elle avait tiré de son entreprise :

 

 

2001

 

2002

 

2003

Revenu d’entreprise non déclaré fondé sur la valeur nette

(voir l’annexe A de la réponse)

 

41 555,07 $

 

 

49 214,45 $

 

 

34 229,71 $

 

[7]              Au début de l’audience, l’avocat de l’intimée a déclaré que le ministre avait accepté de ramener le revenu d’entreprise non déclaré de l’appelante calculé en fonction de la valeur nette de cette dernière aux montants suivants :

 

2001

 

2002

 

2003

38 991,53 $

 

44 752,05 $

 

27 140,93 $

 

(Voir la pièce R-1)

 

B. Les questions en litige

 

[8]              Les questions fiscales à trancher sont les suivantes :

 

a)     Le ministre a‑t‑il à juste titre inclus le revenu non déclaré de l’appelante dans le revenu de celle‑ci pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003?

 

b)    En l’espèce, le ministre a‑t‑il à juste titre imposé des pénalités à l’appelante?

C. Analyse et décision

 

[9]              Au cours de l’audience, les éléments de preuve suivants ont été présentés relativement à la production de marijuana :

 

A)               L’appelante a déclaré qu’au milieu de l’année 2001, elle avait mis en place une [traduction] « installation de culture » à son domicile, en vue de produire de la marijuana à des fins personnelles exclusivement. En octobre 2003, la GRC a perquisitionné chez elle. La GRC a saisi l’équipement nécessaire à la production, les semences et les plants de marijuana, l’appelante a été arrêtée, et des accusations ont été portées contre elle.

 

B)               L’appelante a déclaré avoir d’abord été accusée de « production et trafic » de marijuana, et avoir plaidé coupable à l’accusation moins grave de possession devant la Cour provinciale à Prince George. L’appelante a affirmé ne pas avoir été reconnue coupable de trafic de marijuana (voir la pièce R-7).

 

C)               L’appelante a déclaré que le ministre avait d’abord établi une cotisation à son égard en tenant pour acquis qu’elle possédait 94 plants de marijuana quand la GRC a perquisitionné chez elle. Elle soutient qu’elle n’avait alors en sa possession que 28 plants de marijuana à maturité. Elle a ajouté qu’il était inexact et déraisonnable de prétendre qu’elle aurait pu produire 94 plants de marijuana dans un espace aussi restreint de son domicile.

 

D)               L’appelante a déclaré souffrir de douleurs chroniques et consommer de la marijuana mélangée à sa nourriture afin d’apaiser les douleurs en question. Elle a dit préparer des brownies et des biscuits contenant de la marijuana. Elle a ajouté que le fait de consommer de la marijuana de cette manière lui permettait de soulager ses douleurs chroniques.

 

E)                L’appelante a également affirmé avoir rencontré maints problèmes relativement à sa production de marijuana, à savoir que les plants étaient infestés d’insectes, d’acariens et de champignons. En outre, certaines pompes et autres outils utilisés pour la production se sont cassés. L’appelante a déclaré n’avoir eu qu’une seule bonne récolte de marijuana. Elle a ajouté que son mari, Don, fumait une partie de la marijuana qu’elle produisait.

 

[10]         En me fondant sur le témoignage qui a été présenté à la Cour, et sur le fait qu’aucun élément de preuve n’est venu contredire les déclarations de l’appelante, je conclus que pendant les années d’imposition 2001, 2002 et 2003, l’appelante n’exploitait pas d’entreprise de production et de vente de marijuana à but lucratif.

 

[11]         Les paragraphes 152(4) et 152(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») donnent au ministre le pouvoir d’établir une cotisation de valeur nette.

 

[12]         À la page 793 de la décision Ramey v. The Queen, 93 DTC 791 (C.C.I.), le juge Bowman a décrit le procédé de calcul de la valeur nette de la manière suivante :

 

[...] Estimer le revenu annuel d'un contribuable à partir de [sa valeur nette] est une méthode insatisfaisante et imprécise. C'est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort. Une cotisation [de valeur nette] repose sur une comparaison de [la valeur nette] du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec [sa valeur nette] à la fin de l'année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu'à preuve de leur inexactitude. Il est quasi impossible de les contester à la pièce. […]

 

[13]         À la page 1619 de la décision Bigayan v. The Queen, 2000 DTC 1619 (C.C.I.), le juge Bowman s’est ainsi exprimé :

 

[2] La méthode de la valeur nette est […] une solution de dernier recours que l’on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l’utilise souvent lorsqu’un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n’a pas conservé de documents. […] Elle repose sur le postulat selon lequel, si l’on soustrait la valeur nette d’un contribuable en début d’année à sa valeur nette en fin d’année, si l’on ajoute les dépenses du contribuable durant l’année et si l’on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d’actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l’année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C’est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c’est le seul moyen d’arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d’un contribuable.

 

[3] Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu’est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l’affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 DTC 680, à la page 683 :

 

[traduction]

 

En l’absence de documents, l’autre moyen offert à l’appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

 

[4] Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l’on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n’a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l’on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. […]

 

[14]         Pendant l’audience, la représentante de l’appelante a produit des éléments de preuve afin de justifier d’une partie de l’argent que l’appelante a reçu de sa famille, de ses amis et de ses associés. Il s’agit des éléments de preuve suivants :

 

1.                 La ligue de balle lente

 

L’appelante a déclaré qu’elle était la secrétaire d’une ligue de « balle lente ». Elle a ajouté qu’elle était la gérante de l’une des équipes. Elle a affirmé qu’elle organisait souvent des soirées dansantes pour l’équipe. Elle a dit qu’elle achetait de l’alcool et de la nourriture pour la soirée et que la ligue ou l’équipe la remboursait pour les dépenses qu’elle avait effectuées.

 

La pièce A-1 que l’appelante a déposée contient des documents indiquant qu’elle a reçu les remboursements suivants de la ligue ou de l’équipe :

 

2001

 

2002

 

2003

1 516,99 $

 

2 226,08 $

 

650 $

 

(Voir la transcription p. 20, lignes 13 à 20)

 

2.                 Doug Serwatkewich – Le poker en ligne

 

L’appelante a déclaré que son beau‑frère, Doug Serwatkewich, jouait au poker sur Internet. Elle a ajouté que pour participer à des parties de poker en ligne pendant les années 2001, 2002 et 2003, on devait [traduction] « faire sa mise » à l’aide d’une carte de crédit. Elle a affirmé qu’elle a aidé son beau‑frère en le laissant utiliser sa carte, et qu’il l’a remboursée en argent comptant.

                 

L’appelante a déclaré que, d’après ses calculs, son beau‑frère lui avait donné les montants suivants en argent comptant, en remboursement des sommes qu’elle lui avait avancées pour qu’il puisse jouer au poker sur Internet :

 

2001

 

2002

 

2003

2 282,75 $

 

2 174,60 $

 

657,57 $

 

(Voir la transcription p. 27, lignes 11 à 18)

 

3.                 Nadine Serwatkewich

 

Nadine Serwatkewich est l’épouse de Doug Serwatkewich. L’appelante a déclaré qu’elle était une amie proche.

 

L’appelante a ajouté que ses dossiers indiquaient qu’elle avait fait les cadeaux ou les transferts en argent comptant suivants à sa belle‑sœur :

 

2001

 

2002

 

2003

202,96 $

 

3 758,68 $

 

3 698,58 $

 

(Voir la transcription p. 31, lignes 2 à 23)

 

L’argent ou les autres biens ayant ainsi été transférés incluent des cadeaux de Noël, une tondeuse, des pilules amaigrissantes et les frais d’abonnement à des programmes de perte de poids, de l’alcool, des billets de la loterie Lifestyles, et des achats de viande de porc en gros chez Rogers Custom Meats.

 

L’appelante a déclaré avoir versé des sommes à sa belle‑sœur en argent comptant ou avoir effectué des paiements en ligne pour son compte, ou encore l’avoir laissée utiliser sa carte de crédit.

 

L’appelante a déclaré que sa belle‑sœur l’avait remboursée de la valeur des biens qu’elle lui avait transférés. Nadine Serwatkewich a également déposé, et a confirmé le témoignage de l’appelante.

 

(Voir la transcription p. 30 à 34 et la pièce A-2)

 

4.                 Les billets de hockey pour des matchs des Cougars à Prince George

 

L’appelante a affirmé que, pendant la période en cause, elle avait acheté des billets de hockey pour aller voir jouer les Cougars. Elle a déclaré avoir acheté des billets pour le compte de Diane Serwatkewich, et que celle‑ci l’avait ensuite remboursée (Diane Serwatkewich, qui représente l’appelante à l’audience, est son ancienne belle‑mère).

 

L’appelante a affirmé avoir reçu les montants d’argent comptant suivants de Diane Serwatkewich, en remboursement du prix des billets de hockey :

 

2001

 

2002

 

2003

905 22 $

 

1 337,22 $

 

s.o.

 

          (Voir la transcription p. 36, lignes 16 à 18 et la pièce A-3)

 

L’appelante a déclaré avoir également acheté des billets de hockey des Cougars pour le compte de Blaine Stendy (un ami) :

 

2001

 

2002

 

2003

s.o.

 

445,74 $

 

668,61 $

 

(Voir la transcription p. 37, lignes 5 à 8)

 

L’appelante a déclaré que M. Stendy lui avait remboursé le prix de ces billets (voir la pièce A‑3).

 

5.                 Sharon Glaim (la tante de l’appelante) – 4 440 $

 

L’appelante a affirmé avoir emprunté la somme de 4 440 $ sur sa carte visa CIBC afin d’aider Sharon Glaim à effectuer ses versements hypothécaires après que la mari de cette dernière l’a quittée. L’appelante a dit que Mme Glaim l’avait remboursée après avoir reçu de l’argent de son mari, Rusty (voir la pièce A-4).

 

(Voir la transcription p. 39, lignes 13 à 14)

 

6.                 Terry Henry – 276,15 $

 

Terry Henry est la tante de l’appelante et elle vit à Vancouver. L’appelante a affirmé avoir réservé en ligne pour le compte de sa tante un billet d’avion aller‑retour Vancouver-Prince George sur un vol de Westjet. Elle a déclaré que sa tante lui avait remboursé le prix du billet (voir la pièce A-4).

 

(Voir la transcription p. 41, lignes 15 à 20)

 

7.                 Dan Baldwin

 

L’appelante a déclaré que Dan Baldwin était un ami qui possédait une ferme près de Prince George. M. Baldwin est bûcheron et travaille dans les bois. L’appelante a déclaré que ses poulets et ses chevaux étaient logés dans la ferme de M. Baldwin. Elle a dit que M. Baldwin possédait 20 chevaux, qui vivaient tous dans la ferme. Elle a ajouté qu’elle s’occupait des chevaux de M. Baldwin quand celui‑ci s’absentait.

 

L’appelante a affirmé avoir payé les montants suivants pour acheter des balles de foin rondes, foin qui a été livré à la ferme de M. Baldwin :

 

2001

 

2002

 

2003

2 000 $

 

2 000 $

 

2 500 $

 

(Voir la transcription p. 43, lignes 8 à 14)

 

L’appelante a déclaré que M. Baldwin lui avait remboursé le prix des balles de foin.

 

L’appelante a dit que M. Baldwin ne pouvait comparaître, et qu’elle ne disposait d’aucun reçu étayant l’achat des balles de foin, ni de documents établissant que M. Baldwin lui avait remboursé le prix du foin.

 

(Voir la pièce A-5)

 

8.                 Le relevé de compte (pièce A-6)

 

L’appelante a déclaré qu’elle et son mari s’étaient portés garants d’un prêt contracté par son frère, Rick Bartok. Le prêt en question avait été consenti à ce dernier par Associates Financial, société qui, selon les dires de l’appelante, s’appelle maintenant City Financial.

 

L’appelante a affirmé que le prêt devait aider son frère à acheter un ordinateur.

 

2001

 

2002

2 143,53 $

 

1 543,22 $

 

L’appelante a déposé des chèques annulés en preuve.

 

(Voir la transcription p. 49, lignes 7 à 9, et la pièce A-6)

 

L’appelante a affirmé avoir été remboursée par M. Bartok.

 

Elle a ajouté avoir aidé M. Bartok à effectuer d’autres achats. Elle a déclaré que, le 8 septembre 2001, elle avait consenti à celui‑ci une avance de fonds de 3 700 $ en argent comptant (voir la pièce A-6). Elle a dit que M. Bartok lui avait remboursé ce montant. Elle a affirmé que M. Bartok n’avait pas été en mesure de déposer en raison d’obligations professionnelles.

 

L’appelante a également déclaré qu’elle a versé d’autres montants à M. Bartok, ou à la famille de celui‑ci, mais qu’elle n’était pas en possession de documents susceptibles de le prouver.

 

9.                 Margaret Berg

 

Margaret Berg est la mère de l’appelante. L’appelante a affirmé qu’en 2001, elle avait acheté une voiture pour sa mère (une Pontiac Sunrunner). Elle a ajouté qu’elle avait autorisé sa mère à se servir de sa carte de crédit Chevron. L’appelante a déclaré avoir effectué les paiements suivants pour le compte de sa mère :

 

2001

 

2002

 

2003

8 318,69 $

(incluant l’achat de la voiture)

 

1 792,76 $

 

970,95 $

 

(Voir la transcription p. 54 à 56, et la pièce A-7)

 

Mme Berg a été citée, et elle a confirmé les déclarations énoncées ci‑dessus.

 

10.             Au cours de l’audience, la représentante de l’appelante a demandé à cette dernière si elle avait montré les documents dont il est question ci‑dessus aux agents de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Voici ce que l’appelante lui a répondu :

 

[traduction]

 

R.         Ils ne m’ont jamais rien demandé. Ils ont simplement tenu pour acquis que tout l’argent qui était déposé sur mes comptes ou retiré de ceux‑ci […] était lié à la culture de marijuana. Ils ne m’ont pas posé de questions. […]

 

(Voir la transcription p. 61, lignes 20 à 23)

 

11.             Mme Muir, vérificatrice auprès de l’ARC, a déclaré qu’elle ne savait pas que l’appelante utilisait une carte de crédit Capital One. (Voir la pièce A-6 et la transcription p. 249, lignes 3 à 4.)

 

12.             Après avoir passé en revue les témoignages ainsi que la preuve documentaire qui a été déposée, j’ai conclu que si les agents de l’ARC avaient attentivement étudié tous les documents de l’appelante, y compris les chèques annulés ainsi que tous ses relevés de carte de crédit, ils auraient été au courant de la plupart de ces éléments.

 

[15]         En ce qui concerne la preuve dont il est question aux sous‑paragraphes 1 à 12 du paragraphe 14, j’ai tiré les conclusions suivantes :

 

A)               Je ne suis pas entièrement satisfait de la preuve relative aux paiements que l’appelante prétend avoir effectués afin d’acheter du foin pour le compte de M. Baldwin. Ma conclusion se fonde sur le fait que l’appelante ne disposait d’aucun reçu pour un achat de foin de 6 500 $, ou de preuve écrite des remboursements effectués par M. Baldwin. En outre, M. Baldwin n’a pas corroboré son témoignage. Toutefois, je suis prêt à reconnaître que l’appelante a acheté du foin pour les montants suivants, montants que M. Baldwin lui a remboursés :

 

2001

 

2002

 

2003

1 000 $

 

1 000 $

 

1 250 $

 

B)               Je ne suis pas entièrement satisfait de la preuve relative aux paiements que l’appelante prétend avoir effectués pour le compte de M. Bartok (voir le sous‑paragraphe 8 ci‑dessus). Toutefois, en me fondant sur la preuve qui a été déposée, je conclus que l’appelante a effectué les paiements suivants pour le compte de M. Bartok, qui les lui a remboursés :

 

2001

 

2002

2 143,53 $

 

1 543,22 $

3 700 $

 

 

 

Je ne suis pas prêt à accepter la preuve voulant que l’appelante ait versé quelque montant additionnel que ce soit à M. Bartok pendant la période en cause.

 

C)               LES DÉPENSES ALIMENTAIRES

 

Quand les fonctionnaires de l’ARC ont calculé la valeur nette de l’appelante, ils ont demandé à celle‑ci de leur fournir une estimation des sommes qu’elle et son mari avaient dépensées en nourriture pendant les années d’imposition 2001, 2002 et 2003. L’appelante leur a répondu qu’elle et son mari dépensaient environ 200 $ par mois en alimentation, soit 2 400 $ par an.

 

Quand les fonctionnaires de l’ARC ont établi les cotisations de valeur nette, ils ont conclu que l’appelante et son mari avaient dépensé les montants suivants en alimentation :

 

2001

 

2002

 

2003

7 248,66 $         

 

8 758,37 $

 

8 363,45 $

 

(Voir la pièce R-15, annexe IV)

 

(Remarque : Les montants susmentionnés incluent les sommes dépensées par l’appelante et son mari dans les magasins d’épicerie et dans les restaurants.)

 

Pendant l’audience, le témoin cité par l’intimée (Marian Muir) a indiqué qu’afin d’établir une estimation des montants dépensés en nourriture, elle avait eu recours aux données de Statistique Canada. Elle a déclaré avoir aussi examiné les sommes portées par l’appelante sur sa carte de crédit en les comparant aux données de Statistique Canada (voir les pièces R‑17 et R-19).

 

La pièce R-19 fait état des dépenses en repas et loisirs (restaurants) que l’appelante a portées sur sa carte de crédit :

 

2001

 

2002

 

2003

5 853,82 $          

 

8 723,82 $

 

8 008,23 $

 

Je crois que le ministre a correctement estimé les montants dépensés par l’appelante en alimentation pour les années d’imposition 2002 et 2003. Toutefois, je crois que l’estimation qu’il a faite pour 2001 était trop élevée. Je conclus que cette estimation, qui s’élève à 7 248,66 $ (voir le paragraphe C) ci‑dessus) devrait être réduite de 1 000 $.

 

Je crois que l’estimation pour 2001 est trop élevée parce que le ministre a omis de prendre en considération les réductions de coût résultant du fait que l’appelante a acheté de la viande en gros, soit de la viande de porc chez Rogers Custom Meats. En outre, les témoignages ont indiqué que l’appelante et son mari chassaient tous les deux, et qu’il leur est fréquemment arrivé d’abattre un orignal ou un cerf, ce qui a eu pour effet de réduire leurs dépenses en viande.

 

[16]         Selon moi, la valeur nette de l’appelante calculée par le ministre devrait être réduite. Les montants suivants devraient être déduits dans le calcul du revenu de l’appelante :

 

 

2001

 

2002

 

2003

Ligue de balle lente

1 516,99 $

 

2 226,08 $

 

650 $

Doug Serwatkewich

2 282,75 $

 

2 174,60 $

 

657,57 $

Nadine Serwatkewich

   202,96 $

 

3 758,68 $

 

3 698,58 $

Billets des Cougars (Diane Serwatkewich)

 

905,22 $

 

 

1 337,22 $

 

 

s.o.

Billets des Cougars (Blaine Stendy)

 

s.o.

 

 

445,74 $

 

 

668,61 $

Sharon Glaim

s.o.

 

s.o.

 

4 440 $

Terry Henry

276,15 $

 

s.o.

 

s.o.

Dan Baldwin

1 000 $

 

1 000 $

 

1 250 $

Rick Bartok

2 143,53 $

 

1 543,22 $

 

s.o.

 

3 700 $

 

s.o.

 

s.o.

Margaret Berg

8 318,69 $

 

1 792,76 $

 

970,95 $

Alimentation

1 000 $

 

s.o.

 

s.o.

Total

21 346,29 $

 

14 278,30 $

 

12 335,71 $

 

(Remarque : À l’issue de l’audience, l’avocat de l’intimée a accepté de supprimer tous les montants relatifs à Margaret Berg.)

 

[17]         À l’issue de l’audience, l’avocat de l’intimée a aussi accepté de supprimer les montants suivants :

 

Amende

 

5 000 $

Frais de justice

 

3 500 $

 

(Remarque : Ces montants s’ajoutent à ceux dont il est question au paragraphe 16.)

Autrement dit, quand le ministre établira les nouvelles cotisations, il devrait permettre la déduction des montants énumérés au paragraphe 16 ainsi que de ceux dont il est question au présent paragraphe.

 

Les pénalités

 

[18]         L’avocat de l’intimée soutient que des pénalités devraient être imposées à l’appelante. Je n’en suis pas convaincu pour les raisons suivantes :

 

1.                 Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, j’ai conclu que l’appelante n’exploitait pas d’entreprise de production et de vente de marijuana.

 

Toutefois, l’avocat de l’intimée continue d’affirmer que l’appelante exploitait une entreprise de production et de vente de marijuana pendant la période en cause.

 

Par exemple, dans la réponse à l’avis d’appel, on peut lire le commentaire suivant :

 

                [traduction]

 

16.   i) En 2001, en 2002 et en 2003, l’appelante exploitait l’entreprise;

              

j) Les activités de l’entreprise incluaient la culture et la vente  de marijuana;

              

k) En 2001, en 2002 et en 2003, l’appelante a tiré des revenus de l’entreprise; […]

 

Je voudrais également souligner que l’avocat de l’intimée n’a cité à comparaître aucun employé de la GRC, avocat de la Couronne ou autre personne susceptible de prouver que l’appelante exploitait une entreprise de production et de vente de marijuana à des fins lucratives.

 

En outre, la Cour provinciale de Prince George a déclaré l’appelante coupable de possession de marijuana, mais non d’exploitation d’une entreprise de trafic de marijuana.

 

Selon moi, il ne suffit pas que l’intimée allègue simplement que l’appelante exploitait une entreprise. L’intimée doit produire des éléments de preuve à l’appui de ses prétentions.

 

2.                 Pendant l’audience, on a demandé à l’appelante si elle comprenait ce qu’était une cotisation de valeur nette. Voici sa réponse :

 

[traduction]

 

R.       […] Je ne suis pas comptable. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’est une cotisation de valeur nette, je ne sais pas comment ils sont parvenus à ces résultats. […] Je n’ai reçu aucune aide de la part de l’Agence du revenu du Canada. […]

 

(Voir la transcription p. 67, lignes 7 à 15)

 

En l’occurrence, l’appelante ne disposait pas de l’expérience professionnelle suffisante pour comprendre ou réfuter la position adoptée par les fonctionnaires de l’ARC qui ont effectué le calcul de sa valeur nette. En outre, l’appelante n’a pas été en mesure de trouver ou de produire des preuves documentaires visant à réfuter la position adoptée par l’ARC.

 

De plus, je ne suis pas impressionné par le travail effectué par les fonctionnaires de l’ARC. Par exemple, alors que l’appelante a porté un certain nombre de dépenses sur sa carte de crédit Capital One, Mme Muir a déclaré qu’elle n’était pas au courant de l’existence de cette carte (voir la pièce A‑6 et la transcription p. 249, lignes 3 à 4).

 

(Remarque : Le relevé de la carte Capital One indique que l’appelante a un solde dû considérable.)

 

(Voir la transcription p. 249, lignes 3 à 4)

 

Quand on étudie la preuve attentivement, il apparaît que maintes dépenses payées par l’appelante pendant la période en cause sont simplement venues augmenter les soldes dus sur ses diverses cartes de crédit. Je ne suis pas convaincu que les agents de l’ARC ont correctement tenu compte de ce fait.

 

Afin d’insister sur le fait qu’il ne devrait pas être imposé de pénalité en l’espèce, je voudrais souligner les éléments suivants :

 

1.       Quand il a établi les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante, le ministre a considéré que celle‑ci avait omis de déclarer les revenus suivants :

 

2001

 

2002

 

2003

41 555,07 $

 

49 214,45 $

 

34 229,71 $

 

(Voir la réponse à l’avis d’appel)

 

2.       Au début de l’audience, l’avocat de l’intimée a accepté de ramener les revenus non déclarés aux montants suivants :

 

2001

 

2002

 

2003

38 991,53 $

 

44 752,05 $

 

27 140,93 $

 

(Voir la pièce R-1)

 

3.       À l’issue de l’audience, l’avocat de l’intimée a accepté de supprimer les montants suivants :

 

a)       Amende                          5 000 $;

b)      Frais de justice                3 500 $;

c)       Montants relatifs à la mère de l’appelante, Margaret Berg :

 

2001

 

2002

 

2003

8 318,69 $

 

1 792,76 $

 

970,95 $

 

(Voir la transcription p. 309, lignes 15 à 20)

 

De plus, en me fondant sur la preuve qui a été produite, j’ai accepté de réduire les revenus non déclarés de la manière suivante :

 

2001

 

2002

 

2003

21 346,29 $

 

14 278,30 $

 

12 335,71 $

 

(Voir le paragraphe 16 ci‑dessus)

 

Compte tenu des changements significatifs apportés ci‑dessus aux montants de revenu non déclaré de l’appelante, je suis d’avis que le ministre a commis plusieurs erreurs. Je conclus par conséquent que l’imposition de pénalités n’est pas justifiée dans les circonstances.

 

[19]         J’adjuge des dépens de 500 $ à la représentante de l’appelante.

 

[20]         Le droit de dépôt de 100 $ sera remboursé à l’appelante séance tenante.

 

[21]         Les appels sont accueillis, et le ministre établira de nouvelles cotisations conformément aux conclusions énoncées ci‑dessus.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de janvier 2009.

 

 

« L. M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI29

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-2970(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Karleen Serwatkewich et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Prince George (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 28 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Diane Serwatkewich

Avocat de l’intimée :

Me Pavanjit Mahil

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

           Pour l’appelante :

 

                            Nom :                    

 

                        Cabinet :

 

              Pour l’intimée :                     John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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