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Dossier : 2008-1121(IT)I

 

ENTRE :

ALLAN JORGENSEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu avec l’appel de

Colleen Jorgensen (2008-1122(IT)I),

le 26 novembre 2008, à Regina (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Darrin Oremba

 

Avocat de l’intimée :

Me Cam Regehr

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 est accueilli, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le camion n’était pas un « véhicule de tourisme » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et qu’il était utilisé dans le cadre des activités commerciales de l’appelant plus de 90 % du temps.

 

          DE PLUS, LA COUR ORDONNE que le droit de dépôt de 100 $ soit remboursé à l’appelant.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de février 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

Dossier : 2008-1122(IT)I

 

ENTRE :

COLLEEN JORGENSEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu avec l’appel

d’Allan Jorgensen (2008-1121(IT)I),

le 26 novembre 2008, à Regina (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Darrin Oremba

 

Avocat de l’intimée :

 

Me Cam Regehr

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 est accueilli, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le camion n’était pas un « véhicule de tourisme » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et qu’il était utilisé dans le cadre des activités commerciales de l’appelante plus de 90 % du temps.

 

          DE PLUS, LA COUR ORDONNE que le droit de dépôt de 100 $ soit remboursé à l’appelante.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de février 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2009CCI37

Date : 20090119

Dossiers : 2008-1121(IT)I

2008-1122(IT)I

ENTRE :

ALLAN JORGENSEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET ENTRE :

 

COLLEEN JORGENSEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

 

[1]     Allan et Colleen Jorgensen interjettent appel des nouvelles cotisations établies à leur égard pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004. Pendant les périodes en cause, les appelants étaient associés dans une entreprise d’exploitation agricole. Les appels ont été entendus sur preuve commune sous le régime de la procédure informelle. Au début de l’audience, il a été convenu que les limites pécuniaires de la procédure informelle s’appliqueraient.

 

[2]     En l’espèce, deux questions distinctes se posent. Premièrement, celle de savoir si un camion diesel de trois‑quarts de tonne est un « véhicule de tourisme » et dans quelle mesure ce camion a été utilisé dans le cadre des activités commerciales des appelants? Deuxièmement, celle de savoir si le terrain acheté à la suite de la vente des terres agricoles des appelants est un « bien servant de remplacement » au sens du paragraphe 44(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

La question du véhicule de tourisme

 

[3]     Pendant chacune des années d’imposition, les appelants étaient propriétaires d’un camion diesel de trois‑quarts de tonne avec cabine allongée. Ils avaient coutume d’acheter un nouveau camion chaque année, aussitôt que la garantie arrivait à expiration en raison du kilométrage parcouru. Ainsi, même si les appelants étaient propriétaires d’un camion distinct de même type chaque année, ces différents véhicules seront globalement considérés comme le « camion » aux fins des présents motifs, et les conclusions que je tirerai s’appliqueront de la même façon à chaque véhicule.

 

[4]     Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a considéré que le camion était un « véhicule de tourisme » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et un bien de catégorie 10.1.

 

[5]     Aux termes de la Loi, un « véhicule de tourisme » est une « automobile » acquise après 1987. Il est bien établi que le camion répond à la principale définition d’automobile : « Véhicule à moteur principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur […] »[1]. [Non souligné dans l’original.] La question en litige est de savoir si le camion est exclu de cette définition par l’une ou l’autre des exclusions suivantes dont est assortie la définition de l’expression « véhicule à moteur » :

 

            « automobile »

 

            […]

 

            à l’exclusion des véhicules suivants :

 

            […]

 

d) les véhicules à moteur suivants :

 

(i) les véhicules de type fourgonnette ou camionnette, ou d’un type analogue, comptant au maximum trois places assises, y compris celle du conducteur, et qui, au cours de l’année d’imposition où ils sont acquis ou loués, sont utilisés principalement pour le transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu,

 

(ii) les véhicules de type fourgonnette ou camionnette, ou d’un type analogue, dont la totalité ou la presque totalité de l’utilisation au cours de l’année d’imposition où ils sont acquis ou loués est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu,

 

[…]

 

[6]     L’intimée prétend que le camion n’est visé par aucune de ces exclusions : en ce qui a trait au sous‑alinéa 248(1)d)(i) de la Loi, le camion compte plus de trois places assises, y compris celle du conducteur; en ce qui concerne le sous‑alinéa 248(1)d)(ii), « la totalité ou la presque totalité » de son utilisation n’était pas pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu.

 

[7]     Considérant d’abord le sous‑alinéa 248(1)d)(i) de la Loi, les appelants admettent qu’au moment de l’achat, le camion comprenait une banquette dans l’espace situé derrière le siège passager avant, et que la cabine avait des portes latérales donnant accès à ce siège. Toutefois, j’accepte le témoignage de M. Jorgensen, qui a déclaré avoir modifié le camion afin de l’adapter aux besoins de l’entreprise agricole que lui et sa femme exploitaient, et ce, en installant un coffre à outils sur mesure à l’arrière de la cabine[2]. Le coffre en question était vissé au plancher, de manière à ce qu’il reste en place quand le camion roulait, une précaution sensée considérant qu’il s’agissait d’un véhicule qui effectuait des allers et retours fréquents de la ferme aux champs. En outre, afin de disposer d’un espace suffisant pour le coffre à outils, la banquette arrière était maintenue repliée contre la paroi arrière de la cabine. Vu que le coffre occupait toute la largeur du plancher à l’arrière de la cabine, même si la banquette avait été baissée, les éventuels passagers n’auraient pas eu d’endroit où poser leurs pieds. Il est vrai qu’il est possible d’accéder à cette partie de la cabine par des portes, mais celles‑ci sont considérablement plus étroites que les portes de dimension ordinaire donnant accès aux sièges passagers.

[8]     L’hypothèse formulée par le ministre, à savoir que l’arrière de la cabine pouvait accueillir des passagers, était fondée sur le rapport du vérificateur. Or, ce dernier n’a jamais vu le camion. S’il avait eu l’occasion de l’inspecter, il aurait pu se faire une idée différente.

 

[9]     Cela étant dit, je conviens avec l’avocat de l’intimée que l’étude de la jurisprudence pertinente montre que les tribunaux sont arrivés à des conclusions divergentes sur la question, sans doute en raison du fait que chaque affaire est tributaire des faits qui lui sont propres. Selon moi, les faits du présent appel se rapprochent davantage de ceux qui prévalaient dans l’affaire Muller c. Sa Majesté la Reine[3], invoquée par les appelants, que des décisions sur lesquelles l’intimée s’est fondée[4]. J’ai trouvé les témoignages des appelants très convaincants, notamment la description faite par M. Jorgensen du camion et de l’utilisation qui en était faite. Compte tenu de la nature permanente des modifications apportées à l’arrière de la cabine, je suis convaincue que le camion ne comptait effectivement pas plus de trois places assises, y compris celle du conducteur. Par conséquent, le camion est visé par le sous‑alinéa 248(1)d)(i) de la Loi; il est donc exclu de la définition de « véhicule à moteur », et, par conséquent, de celle de « véhicule de tourisme ».

 

[10]    Au cas où j’aurais commis une erreur dans cette conclusion, je tire les conclusions suivantes en ce qui concerne le sous‑alinéa 248(1)d)(ii) de la Loi. Le ministre reconnaît que le camion servait au « transport de marchandises [et] de matériel », mais affirme que ce n’est pas « la totalité ou la presque totalité » de son utilisation qui servait une telle fin. Le ministre a tenu pour acquis que le camion était utilisé à des fins commerciales 75 % du temps; aux yeux de l’intimée, cela ne suffit pas à satisfaire à l’exigence voulant que « la totalité ou la presque totalité » de son utilisation soit à des fins commerciales contenue au sous‑alinéa 248(1)d)(ii).

 

[11]    Pour étayer la conclusion tirée par le ministre, l’avocat de l’intimée souligne que les appelants ont déclaré qu’il arrivait parfois à M. Jorgensen d’utiliser le camion pour se rendre à des réunions liées aux activités commerciales des appelants, utilisation qui n’est pas visée par les mots « transport de marchandises, de matériel ou de passagers ». Il a également insisté sur le fait que les appelants ne s’étaient pas conformés à l’exigence prévue par la loi selon laquelle ils devaient tenir les livres et les registres voulus, omettant de tenir un registre de l’utilisation qui était faite du camion; ainsi, ils ne pouvaient justifier de la proportion des déplacements effectués à des fins commerciales.

 

[12]    Il est certain que les appelants auraient été bien avisés de tenir un registre quotidien de l’utilisation qu’ils faisaient du camion. Toutefois, la Loi prévoit l’obligation de tenir les registres voulus, et non parfaits. Même si les appelants n’ont pas tenu de registre en bonne et due forme, ils ont conservé suffisamment de documents originaux relatifs aux activités de leur entreprise pour pouvoir, à la demande du vérificateur, reconstituer un journal acceptable[5] de l’utilisation qui était faite du camion à des fins commerciales. En ce qui a trait à leur entreprise de vente de machinerie et d’équipement agricoles, les documents indiquent que les appelants ont assisté à diverses ventes aux enchères qui se sont tenues dans les régions rurales de la Saskatchewan ainsi que dans des villes comme Regina, Calgary et Edmonton.

 

[13]    Bien que le registre ne rende pas compte de l’utilisation du camion dans le cadre des activités agricoles, j’accepte le témoignage des appelants selon lequel cette utilisation était indissociable des activités quotidiennes de la ferme, et que le camion servait à transporter de l’engrais et de l’eau pour le pulvérisateur, à aller chercher des pièces pour les réparations, à apporter des pneus de rechange dans les champs, et à transporter les outils nécessaires pour les réparations urgentes qui devaient être faites sur les champs. Les matériaux transportés constituent les « marchandises [et] matériel » dont il est question au sous‑alinéa 248(1)d)(ii) de la Loi.

 

[14]    Le camion était rarement utilisé à des fins personnelles : Mme Jorgensen a déclaré qu’elle n’utilisait presque jamais le camion parce qu’elle disposait de son propre véhicule, qui consommait moins d’essence, était plus facile à conduire et ne sentait pas le carburant diesel. M. Jorgensen a admis que, à l’occasion, il se servait du camion afin de se rendre à des réunions liées à leur entreprise agricole, mais la preuve a également établi que de tels déplacements étaient souvent conjugués à des tâches liées au « transport », au sens du sous‑alinéa 248(1)d)(ii). Plus précisément, j’accepte l’explication que M. Jorgensen a donnée relativement à l’hypothèse formulée par le ministre, selon laquelle M. Jorgensen [traduction] « […] s’était servi [du camion] afin d’aller rendre visite à sa fille à Lethbridge, en Alberta »[6] : la fille des appelants poursuivait des études à Lethbridge, et ils y ont fait un arrêt afin de la voir alors qu’il transportaient des marchandises acquises dans des ventes aux enchères qui faisaient partie de leur circuit en Alberta.

 

[15]    Tout bien considéré, je suis convaincue que l’utilisation du camion à des fins autres que le « transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu » était minime. La preuve appuie la conclusion voulant que le camion ait été utilisé « la totalité ou la presque totalité » du temps à des fins commerciales. Ainsi, le camion était exclu de la définition de « véhicule à moteur », et par conséquent de celle de « véhicule de tourisme » contenue au paragraphe 248(1) de la Loi. En ce qui concerne le pourcentage d’utilisation du camion à des fins commerciales, pendant les années d’imposition en cause, il a été utilisé plus de 90 % du temps dans le cadre des activités agricoles des appelants et de l’exploitation de leur entreprise de vente de machinerie et d’équipement agricoles.

 

Le bien servant de remplacement

 

[16]    Les nouvelles cotisations que le ministre a établies à l’égard des appelants étaient fondées sur la conclusion voulant que certaines terres acquises à la suite de la vente des terres agricoles des appelants n’aient pas été un « bien servant de remplacement » au sens du paragraphe 44(5) de la Loi.

 

[17]    En 1998, les appelants ont quitté le Manitoba, où ils avaient exploité une ferme pendant plusieurs années, et ont acheté des terres près de Balcarres, en Saskatchewan. Ils ont vendu ces terres en 2002 et ont acheté 17 quarts de section de terre au sud de Regina, appelées [traduction] la « ferme au sud de Regina » dans la réponse à l’avis d’appel. Les terres de la ferme au sud de Regina ont été activement exploitées afin d’obtenir des récoltes de blé, de canola et de lin.

 

[18]    En 2004, les appelants ont vendu la ferme au sud de Regina pour 2,3 millions de dollars; la même année, ils ont acheté une parcelle de terre située dans une zone agricole d’environ 70 acres près de White City, en Saskatchewan (« White City Corner »). Le prix d’achat de cette terre était de 175 000 $[7]. Les appelants ont subdivisé White City Corner (qui, au moment de l’achat, était une prairie de fauche/un pâturage) en plusieurs parcelles désignées sous les noms d’îlot A, C, D, E et F[8]. Les îlots A, C et D ont fait l’objet d’un changement de zonage, passant de zones « agricoles » à des zones « commerciales de haute densité »; les appelants ont fait bâtir un atelier sur l’îlot C, pour l’entreposage et la réparation de la machinerie et de l’équipement dont ils se servaient dans le cadre de leurs activités agricoles et de leur entreprise de vente d’équipement agricole. Une partie de la machinerie utilisée pour les activités agricoles y était également entreposée. Les îlots E et F ont fait l’objet d’un changement de zonage, passant de zones « agricoles » à des zones « résidentielles de faible densité à parcelles multiples », et une résidence a été bâtie sur l’îlot E. Les appelants ont habité cette résidence jusqu’au moment de sa vente, en 2005.

 

[19]    La question qui se pose est de savoir si White City Corner est un « bien servant de remplacement » au sens du paragraphe 44(5) de la Loi :

 

Pour l’application du présent article, une immobilisation d’un contribuable est un bien servant de remplacement à un ancien bien dont il était propriétaire si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) il est raisonnable de conclure qu’il l’a acquise en remplacement de l’ancien bien;

 

a.1) elle a été acquise par lui et est utilisée par lui, ou par une personne qui lui est liée, pour un usage identique ou semblable à celui qu’il a fait de l’ancien bien ou qu’une telle personne en a fait;

 

b) dans le cas où le contribuable ou une personne qui lui est liée utilisait l’ancien bien en vue de tirer un revenu d’une entreprise, l’immobilisation a été acquise en vue de tirer un revenu de cette entreprise ou d’une entreprise semblable ou pour qu’une personne liée au contribuable l’utilise à cette fin;

 

c) si l’ancien bien était un bien canadien imposable, l’immobilisation en est un;

 

d) si l’ancien bien était un bien canadien imposable (sauf un bien protégé par traité), l’immobilisation en est un (sauf un bien protégé par traité).

 

[…]

 

[20]    Étant donné que les conditions énoncées au paragraphe 44(5) de la Loi sont cumulatives, un contribuable cherchant à se prévaloir de la disposition devra satisfaire à toutes ses exigences. En l’espèce, les alinéas 44(5)c) et d) ne sont pas en cause; ainsi, s’ils veulent voir leur appel accueilli, les appelants doivent démontrer qu’ils ont satisfait aux conditions énoncées aux alinéas a), a.1) et b). La preuve relative à chacun de ces éléments sera étudiée ci‑dessous.

 

[21]    L’intimée prétend qu’il n’est pas raisonnable de conclure que les appelants ont acheté une terre de 70 acres pour remplacer une terre de 2 720 acres (soit 17 quarts de section). Il me semble, toutefois, que la diminution de la taille de la propriété foncière des appelants n’empêche pas, en soi, qu’une conclusion voulant que White City Corner ait été acquise en remplacement de l’ancienne terre soit raisonnable au sens de l’alinéa 44(5)a).

 

[22]    Toutefois, l’alinéa 44(5)a.1) est plus problématique pour les appelants. Le terme « usage » dont il est question dans cette disposition a été interprété comme signifiant l’usage réel, plutôt que l’usage auquel le bien était destiné[9]. En l’espèce, l’usage qui était fait de l’ancien bien était celui d’une ferme exploitée activement, où différents produits étaient cultivés en vue d’être récoltés et vendus chaque année. White City Corner était essentiellement un pâturage. Même si du foin était naturellement présent sur les terres, Mme Jorgensen l’a qualifié de [traduction] « mince », et pour cette raison, elle et son mari ont décidé de ne pas s’en servir à des fins commerciales. Pendant au moins une des années d’imposition en cause, le foin a été mis en balles et offert à un voisin. Nous sommes loin de l’exploitation agricole à grande échelle de la ferme au sud de Regina. Bien que j’accepte la prétention des appelants, selon lesquels, en principe, le foin a autant d’utilité d’un point de vue agricole que n’importe quelle autre récolte, il n’en reste pas moins que le pâturage n’a pas été utilisé en vue de produire des récoltes commerciales pendant les années d’imposition en cause.

 

[23]    D’après le témoignage de Mme Jorgensen, White City Corner a essentiellement été achetée afin d’y exploiter l’entreprise de vente de machinerie et d’équipement agricoles. M. Jorgensen a déclaré que quand ils avaient acheté White City Corner, lui et sa femme avaient décidé de [traduction] « ralentir » les activités agricoles telles qu’ils les avaient conduites à la ferme au sud de Regina. En ce qui concerne les activités commerciales des appelants ayant trait à la vente de machinerie et d’équipement agricoles, même s’il y avait un atelier pour la machinerie à la ferme au sud de Regina, il n’avait pas grand chose à voir avec les installations spacieuses, bien équipées et polyvalentes qui ont par la suite été construites sur les terres de White City Corner. Finalement, peu de temps après son acquisition, White City Corner a été subdivisée, et en partie vendue à des tiers. Bien que j’accepte le témoignage des appelants voulant qu’ils n’aient pas eu l’intention d’utiliser White City Corner de cette façon, l’alinéa 44(5)a.1) ne tient pas compte des intentions; seule compte l’utilisation véritable qui est faite du bien une fois qu’il est acquis. En de telles circonstances, il n’est pas possible d’affirmer que White City Corner a été achetée ou consacrée à un usage « identique ou semblable » à celui de la ferme au sud de Regina.

 

[24]    Pour finir, en ce qui concerne l’alinéa 44(5)b), la question est de savoir si le nouveau bien a été acquis dans le but de tirer un revenu d’une entreprise identique ou semblable à celle qui était exploitée sur les anciennes terres. Pour les raisons qui ont été énoncées ci‑dessus, la preuve n’appuie pas la conclusion voulant que White City Corner ait été achetée dans le but de gagner ou de produire un revenu dans le cadre de la même entreprise ou d’une entreprise semblable à celle qui était exploitée à la ferme au sud de Regina, à savoir une entreprise de culture agricole à grande échelle. White City Corner était un pâturage en friche. Même si elle se trouvait dans une zone « agricole » au moment de son achat, White City Corner n’a pas été achetée afin d’être exploitée à des fins agricoles. Elle a plutôt été achetée afin de permettre aux appelants de tirer un revenu de l’entreprise de vente de machinerie et d’équipement agricoles.

 

[25]    Je suis d’avis que la preuve ne satisfait pas aux conditions énoncées aux alinéas 44(5)a.1) ou b). Par conséquent, White City Corner ne peut être considérée comme un « bien servant de remplacement » au sens du paragraphe 44(5).

 

[26]    Pour les raisons énoncées ci‑dessus, les appels sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le camion n’était pas un « véhicule de tourisme » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et qu’il était utilisé dans le cadre des activités commerciales des appelants plus de 90 % du temps.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de février 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI37

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008-1121(IT)I et 2008-1122(IT)I

 

INTITULÉS :                                     Allan Jorgensen et Sa Majesté la Reine,

                                                          Colleen Jorgensen et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

Darrin Oremba

 

Avocat de l’intimée :

Me Cam Regehr

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                               

 

                       Cabinet :

 

             Pour l’intimée :                      John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Alinéa 248(1)a) de la Loi.

[2] Pièce A-1.

[3] 2004CCI562.

 

[4] Donald Myshak v. The Queen, 1997 CarswellNat 1275 (C.C.I.); 547931 Alberta Ltd. v. The Queen, 2003 CarswellNat 826 (C.C.I.).

 

[5] Pièces A-5 et A-6.

 

[6] Réponse à l’avis d’appel d’Allan Jorgensen, alinéa 14p).

[7] Pièce R-1.

 

[8] Pièce A-3.

[9] Glaxo Wellcome Inc. v. Her Majesty the Queen, 1996 CarswellNat 853 (C.C.I.), conf. par [1999] 4 C.C.I. 371 (C.A.F.); Klanten Farms Ltd. v. Her Majesty the Queen, [2007] 5 C.T.C 2384 (C.C.I.).

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