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Dossier : 2005-193(IT)G

ENTRE :

ANTHONY COMPARELLI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 23 et 24 juillet 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

MDouglas D. Langley

Avocate de l’intimée :

MJenny P. Mboutsiadis

 

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 1999, 2000 et 2001 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 26jour de janvier 2009.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2009CCI57

Date : 20090126

Dossier : 2005-193(IT)G

ENTRE :

ANTHONY COMPARELLI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]  M. Comparelli interjette appel d’une cotisation selon laquelle il est responsable du versement de retenues à la source sur les salaires impayées au titre de l’impôt sur le revenu fédéral et provincial, des cotisations d’assurance‑emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada, ainsi que de l’intérêt et des pénalités. La somme impayée s’élevait à 302 850,03 $. L’appelant a fait l’objet d’une cotisation parce qu’il était administrateur de Mindthestore.com Inc. (« MTS ») au moment où cette société a omis d’effectuer les versements requis au receveur général en 1999, en 2000 et en 2001.

 

[2]  Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes : l’appelant a-t-il agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement que la personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables, et le montant de la cotisation est-il exact?

 

Les faits

 

[3]  À l’audition du présent appel, l’appelant, deux anciens administrateurs de MTS, Walter Bowen et Sebastian Zeppieri, et trois fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») ont rendu témoignage.

 

[4]  L’appelant est réalisateur de logiciel et conseiller. En 1982, il a obtenu un diplôme du DeVry Institute of Technology après avoir suivi d’un programme en science informatique et en analyse de système. Avant la constitution en société de MTS, il travaillait comme conseiller auprès d’un grand nombre de ministères gouvernementaux et d’institutions financières et concevait et développait divers systèmes logiciels. L’appelant a commencé à s’intéresser au développement d’un logiciel touchant les points de vente au détail en temps réel susceptible d’être utilisé avec Internet. Le 8 janvier 1996, MTS a été constituée en société pour exploiter l’entreprise visant à développer ce logiciel.

 

[5]  L’appelant a été nommé administrateur de MTS en 1996, et il l'est resté à tous les moments pertinents au regard du présent appel. Il a été président de MTS jusqu’au 27 juin 2000. Le 23 août 1999, il a été nommé comme président et directeur général (« DG ») de MTS.

 

[6]  L’appelant a travaillé pour MTS par l’intermédiaire de sa société d’expert‑conseil, J-Cann Enterprises Ltd. (« J‑Cann »).

 

[7]  Il a exposé l’historique de l’évolution de MTS et des événements qui l'ont forcée à faire faillite en janvier 2002. Il a mentionné qu’en 1996 et en 1997, les activités de MTS intéressaient principalement la recherche et le développement. La société comptait entre 10 et 15 employés, tous des programmeurs. En 1996, l’appelant dirigeait les activités de MTS par l’intermédiaire de J‑Cann. J’ai cru comprendre que son rôle a changé en 1997. Il a commencé à s’adresser à divers placeurs et teneurs de marché et à diverses maisons de courtage et tierces sociétés afin de les sensibiliser à la technique développée par MTS et de réunir des fonds pour l’entreprise.

 

[8]  Il ressort de la preuve que, de 1996 à 2001, MTS a principalement financé son entreprise au moyen de l’endettement et de la vente de ses actions par l’entremise de placeurs.

 

[9]  L’appelant a dit qu’en février 1997, MTS n’avait pas d’argent et ne produisait aucun revenu[1]. MTS a signé une entente avec AIBC Investments (« AIBC ») en vue de réunir 5 000 000 $US par la vente d’actions de MTS. Il était prévu que cet investissement se termine le 15 décembre 1998. Or, avant cette date, AIBC a été accusée de fraude en valeurs mobilières, de manœuvres frauduleuses et de complot en vue de commettre une fraude. MTS s’est ensuite tournée vers une autre banque d’investissement, TerraNova Capital Partners Inc. (« TerraNova »). En 1999, MTS a signé une entente de consultation avec TerraNova. TN Capital Equities, Ltd, filiale de TerraNova, est devenue l’agente de placement chargée de trouver des investisseurs pour l’achat des titres de MTS. Dans le présent appel, je désignerai ces sociétés par la dénomination « TerraNova ». En juin 1999, TerraNova a réussi à obtenir du financement par actions et MTS a reçu 5 000 000 $US. L’appelant a précisé que TerraNova avait consenti à procéder au placement d’actions à la condition qu’elle puisse ajouter deux représentants au conseil d’administration et que MTS engage un directeur financier. Ruth Sheridan, comptable agréée, a été embauchée à ce titre en septembre 1999.

 

[10]         Selon le témoignage de l’appelant, en 2000, MTS disposait de capitaux suffisants et le développement de la nouvelle technique progressait. L’appelant et le conseil d’administration ont eu l’idée de faire un appel public à l’épargne concernant MTS. L’appelant avait pour rôle de promouvoir MTS en faisant des allocutions dans le cadre de colloques et de salons professionnels, et il a donc effectué de nombreux déplacements à cette fin. Il a déclaré qu’il avait passé moins de 20 pour 100 de son temps au bureau.

 

[11]         Je ne suis pas certaine que MTS disposait de capitaux suffisants en 2000. Dans un mémorandum de placement privé daté du 15 août 2000 (pièce R‑2), TerraNova a écrit ce qui suit au sujet de MTS sous la rubrique intitulée [traduction] « Facteurs de risque » :

 

[traduction]

 

Bref historique de l’exploitation

 

Depuis sa constitution en 1996, la société a consacré une part appréciable de ses ressources financières et autres au développement de sa technique, de son logiciel et de sa stratégie de commercialisation – y compris des négociations relatives à la mise sur pied d’une coentreprise et à la conclusion d’ententes analogues – de même qu’à l’obtention de capitaux. Comme la société n’a pas d’antécédents reconnus quant à la réelle exploitation de son entreprise actuelle, les investisseurs ne peuvent se fonder sur cet élément pour prendre une décision d’investissement. De plus, les chances de succès de la société doivent être examinées à la lumière de l’ensemble des risques, des dépenses et des retards inhérents à l’établissement, à l’exploitation et à l’accroissement d’une nouvelle entreprise, notamment des dépenses, des complications et des retards imprévus, de l’incertitude quant à l’accueil des nouveaux services par le marché, de la concurrence féroce d’entreprises plus importantes et mieux établies et d’autres facteurs.

 

Produit d’exploitation limité, pertes constantes et déficit accumulé

 

Pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1999, la société a réalisé des ventes de 578 217 $US, mais elle a accusé une perte nette de (2 024 909 $US) et un déficit accumulé de (6 589 647 $US).

 

Réserves quant à la continuité de l’exploitation

 

La note 1 figurant dans les états financiers vérifiés de la société pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1999, lesquels sont joints à l’annexe C, comporte un paragraphe expliquant que la capacité de la société à poursuivre l’exploitation de son entreprise est incertaine. La société a un besoin immédiat, et est entièrement tributaire, du produit net du présent placement, ou d’autres investissements, pour assurer sa survie et mettre en œuvre sa stratégie.

 

États financiers non vérifiés

 

Les états financiers de la société relatifs à la période de trois (3) mois se terminant le 31 mars 2000 et joints à l’annexe D du présent mémorandum ne sont pas vérifiés. Ils ont été dressés par la société et n’ont pas été examinés par les vérificateurs de celle‑ci. Si ces états financiers avaient été examinés par les vérificateurs de la société conformément aux principes comptables généralement reconnus, l’information divulguée aurait pu être fort différente.

 

Absence de revenu appréciable et de garantie de rentabilité

 

Jusqu’à présent, la société n’a produit aucun revenu appréciable et il est prévu qu’elle continuera de subir des pertes importantes dans la poursuite de sa stratégie de croissance. Il est impossible de garantir quand, le cas échéant, la société sera rentable. On s’attend à ce que la société continue d’accuser des pertes importantes tant qu’elle ne sera pas en mesure de produire un revenu appréciable.

 

[…]

 

Capitaux insuffisants

 

La société compte sur le produit du placement pour lancer et accroître son entreprise comme prévu. À moins d’obtenir un financement appréciable grâce au présent placement, ou à d’autres sources, la société ne pourra se livrer aux enoncées dans les présentes, poursuivre pleinement ses opérations, faire des profits ni par ailleurs mener toutes les activités projetées qui sont enoncées dans les présentes. Si la société a besoin de capitaux importants au cours des seize prochains mois, il n’est pas certain qu'un financement supplémentaire pourra être obtenu ou, le cas échéant, que ce financement sera offert à la société à des conditions acceptables. De plus, les émissions de titres supplémentaires se traduiraient par une dilution de l’actionnariat du moment. Si elle ne dispose pas des liquidités nécessaires, la société pourrait manquer de capitaux pour pleinement mettre son plan stratégique en œuvre, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes et défavorables sur son entreprise, sur sa situation financière et sur les résultats d’exploitation.

 

[12]         En 2000, MTS avait peu ou pas de revenus. Selon le témoignage de l’appelant, elle a tiré des revenus de moins de 5 000 $ par mois d’une technique qu’elle offrait sur Internet. MTS se fondait sur le financement par emprunt pour poursuivre ses activités. Elle a obtenu des prêts de diverses parties, y compris l’appelant, J‑Cann et TerraNova. Il ressort de la preuve qu’en 2000 et en 2001, MTS avait reçu un financement par emprunt de 2 825 000 $ et de 1 200 000 $ respectivement. Aucun élément de preuve n'indique que MTS a produit un quelconque revenu en 2001.

 

[13]         Dans son témoignage, l’appelant a affirmé qu’au début de 2001, TerraNova n’avait pas avancé de fonds à MTS et que celle-ci se trouvait dans une situation financière désastreuse. Dans une lettre datée du 25 avril 2001, l’appelant menaçait de se démettre de ses fonctions chez MTS à moins que TerraNova n’avance les fonds qu’elle avait promis. Il y mentionnait que les fonds étaient nécessaires pour payer les loyers, les salaires des employés ainsi que les arriérés dus à l’ARC. Je remarque que l’appelant, dans cette lettre, menace également de mettre MTS en faillite ou de lancer une autre société pour faire concurrence à MTS ou de faire les deux choses. Selon le témoignage de l’appelant, il n’a pas démissionné parce que TerraNova l’a à son tour menacé d’intenter des poursuites contre lui et parce que les autres administrateurs lui ont demandé de rester chez MTS. En mai 2001, MTS a mis fin à sa relation bancaire exclusive avec TerraNova.

 

[14]         L’appelant a déclaré que, après mai 2001, MTS a pris plusieurs mesures afin d'assurer sa survie financière. La société a engagé un autre agent pour réunir des fonds à son intention, mais ce dernier n’a obtenu aucun financement. Afin de tenter de réduire ses coûts indirects jusqu’à l’obtention de financement, MTS a diminué son espace à bureaux et a réduit son personnel de 40 à six employés.

 

[15]         L’annexe B jointe à l’ordre du jour de la réunion du conseil d’administration tenue le 16 octobre 2001 montre que MTS a obtenu un financement par emprunt de 400 000 $ de mai à septembre 2001.

 

[16]         L’appelant a en outre donné un aperçu des efforts qu’il a déployés pour permettre à MTS de poursuivre ses activités. En 2001, l’appelant a personnellement émis au crédit de MTS des chèques totalisant 17 013,05 $. En juillet 2001, J‑Cann a remis à MTS trois chèques totalisant 83 000 $ pour lui permettre de payer son loyer et d’autres dépenses. L’appelant a entamé des négociations avec Microsoft en vue de lui vendre MTS. Ces négociations ont échoué. Il a communiqué avec toutes les maisons bancaires d’investissement de même qu’avec chaque fonds et chaque société de capital d’investissement privé qu’il avait rencontrés au fil des ans et qui, pensait‑il, pourraient souhaiter investir dans MTS.

 

[17]         Le 15 janvier 2002, MTS a en effet reçu une offre par laquelle Hira Financial Corporation (« Hira ») acceptait d’investir 2 500 000 $US dans MTS en contrepartie de 20 pour 100 des actions de la société. L’offre était notamment conditionnelle à ce que TerraNova consente au refinancement de la dette et au report du paiement de celle‑ci. À ce moment, il était toujours dû à TerraNova 1 975 000 $US. TerraNova n’a pas consenti à cette condition. L’appelant a ensuite tenté de vendre la technique que MTS avait jusqu’alors développée. Selon son témoignage, Hira consentait à payer 950 000 $ pour cette technique.

 

[18]         Le 23 janvier 2002, le conseil d’administration (le « conseil ») de MTS a décidé de vendre cette technique. L’appelant a affirmé pendant son témoignage que, lorsqu’elle a eu connaissance de la résolution adoptée par le conseil, TerraNova a menacé de poursuivre les membres du conseil. Le conseil a décidé de nommer un syndic afin de mettre MTS sous séquestre ou en faillite, puis MTS a déposé une cession de faillite le 30 janvier 2002. Schwartz Levitsky Feldman Inc. a été nommée comme syndic.

 

[19]         Sebastian Zeppieri, courtier en immeubles, est devenu administrateur de MTS en 1999. Il a confirmé que MTS avait fait très peu d’argent de 1999 à 2001 et qu’elle dépendait des placeurs et des investisseurs pour ses rentrées. Selon son témoignage, c’est TerraNova qui contrôlait MTS puisqu’elle contrôlait les affaires financières de celle‑ci.

 

[20]         Walter Bowen, avocat chez Cassels Brock, a agi comme administrateur de MTS de 1999 jusqu’au moment de sa démission le 4 juillet 2001. Il a été secrétaire de MTS jusqu’en 2000. Il a déclaré pendant son témoignage que l’appelant était le plus important actionnaire de MTS, mais pas l’actionnaire majoritaire puisque de nouvelles émissions avaient continuellement lieu. En contre‑interrogatoire, il a reconnu que l’appelant détenait 24 pour 100 des actions. Il a en outre affirmé que l’appelant, à titre de directeur général, était responsable de la gestion quotidienne de MTS. Il partageait cette charge avec Mme Sheridan, directrice financière, Mme MacDonald, directrice des finances, et M. Munro, vice‑président directeur et directeur général administratif.

 

[21]         Lorsque l’avocate de l’intimée a interrogé M. Bowen au sujet de l’omission de MTS de verser les retenues à la source sur les salaires en 2001, il a mentionné qu’il avait demandé à l’appelant à deux ou trois occasions si des retenues à la source étaient remises à l’ARC. L’appelant a répondu que les retenues seraient remises dans le cours normal des activités de l’entreprise ou qu’elles seraient payées dans le cours normal des activités de l’entreprise.

 

[22]         Dans leur témoignage, Nicholas  Cholfe, agent des recouvrements et de l’exécution, et Jacqueline Cohen, agente du recouvrement dans les cas complexes, lesquels travaillent tous deux pour l’ARC, ont déclaré que MTS avait omis de verser les déductions à la source sur les salaires en 1996, en 1997, en 1998 et en 1999.

 

[23]         Lorsque M. Cholfe a commencé à s’occuper du compte de versements de MTS en juin 1998, la société devait un arriéré de 196 668,35 $. Lorsque Mme Cohen a commencé à s’occuper de ce compte en septembre 1998, le solde impayé s’élevait à 283 851,69 $. Ils ont tous deux déclaré qu’ils avaient communiqué directement avec l’appelant, qui s’était montré très coopératif. Il a remis à l’ARC des chèques postdatés à divers moments. Le solde impayé a finalement été réglé en juin ou en juillet 1999.

 

[24]         Hillary Fox, agente des ressources et des cas complexes en matière d’insolvabilité à l’ARC, a dit que, le 20 février 2002, l’ARC a terminé sa vérification concernant la paye de MTS et a produit auprès du syndic les réclamations suivantes au titre des retenues à la source sur les salaires non versées :

 

Réclamation visant les biens (par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu)

Objet : Retenues à la source non versées

 

Date de la cotisation

Année d’imposition

Impôt fédéral

Impôt provincial

RPC (employé)

AE

(employé)

Total

 

15 déc. 01

 

1999

 

2 176,33 $

 

0,00 $

 

0,00 $

 

0,00 $

 

2 176,33 $

 

15 févr. 02

 

2000

 

2 104,05 $

 

0,00 $

 

0,00 $

 

0,00 $

 

2 104,05 $

 

15 févr. 02

 

2001

 

0,00 $

 

0,00 $

 

1 550,58 $

 

841,00 $

 

2 391,58 $

 

19 févr. 02

 

2001

 

173 332,31 $

 

68 388,27 $

 

27 253,46 $

 

15 206,60 $

 

284 180,64 $

 

 

 

 

177 612,69 $

 

68 388,27 $

 

28 804,04 $

 

16 047,60 $

 

290 852,60 $

 

 

Réclamation visant les biens (par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu)

Objet : Retenues à la source non versées

 

Date de la cotisation

Année d’imposition

RPC (employeur)

AE (employeur)

Pénalités

et intérêt

Total

 

15 janv. 02

 

1999

 

0,00 S

 

0,00 $

 

470,00 $

 

470,00 $

 

15 janv. 02

 

2000

 

0,00 $

 

0,00 $

 

218,00 $

 

218,00 $

 

15 janv. 02

 

2001

 

1 550,58 $

 

1 177,40 $

 

310,00 $

 

3 037,98 $

 

19 févr. 02

 

2001

 

27 253,46 $

 

21 289,23 $

 

21 070,00 $

 

69 612,69 $

 

 

 

28 804,04 $

 

22 466,63 $

 

22 068,00 $

 

73 338,67 $

 

 

 

[25]         Le 21 février 2002, le syndic a accepté l’offre par laquelle Hira proposait d’acquérir les immobilisations de MTS pour la somme de 100 000 $. Après le paiement, le solde impayé au titre des retenues à la source sur les salaires de MTS se chiffrait à 302 850,03 $.

 

Le droit

 

[26]         Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont les paragraphes 227.1(1), (2) et (3), dont voici le texte :

 

227.1 (1) Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues – Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

(2) Restrictions relatives à la responsabilité – Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

(3) Idem – Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

 

[27]         La Cour d’appel fédérale enseigne que la norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Il s’agit d’une norme à la fois objective et subjective[2].

 

[28]         Dans l’arrêt Smith v. R.[3], la Cour d’appel fédérale donne un aperçu des principaux éléments qui caractérisent le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable :

 

9          L’arrêt Soper, précité, a établi que la norme de prudence décrite dans la défense de diligence raisonnable au sens de la loi est essentiellement la même que la norme de prudence en common law, établie dans l’arrêt City Equitable Fire Insurance Commission., In re, [1925] ch. 407 (C.A.). Il s’ensuit que ce à quoi on peut raisonnablement s’attendre d’un administrateur aux fins des paragraphes 227.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise dépendra des faits de l’affaire, avec un élément objectif et un élément subjectif.

10        L’élément subjectif de la norme de prudence applicable à un administrateur donné dépendra de ses qualités personnelles, y compris ses connaissances et son expérience. En général, une personne expérimentée en affaires ou en questions financières sera tenue à une norme plus élevée qu’une personne qui n’a pas de connaissances ou d’expérience en affaires et dont le statut d’administrateur reflète, par exemple, un simple lien familial. Toutefois, la défense de diligence raisonnable ne sera d’aucune aide à un administrateur qui n’a pas tenu compte des obligations imposées aux administrateurs par la loi, ou qui n’a fait aucun cas d’un problème dont il connaissait l’existence, ou dont il aurait dû connaître l’existence comme toute personne prudente en pareilles circonstances (Hanson c. Canada (2000), 260 N.R. 79, [2000] 4 C.T.C. 215, 2000 D.T.C. 6564 (C.A.F.)).

11        En évaluant objectivement l’aspect raisonnable de la conduite d’un administrateur, il y a lieu de tenir compte de facteurs comme le volume, la nature et la complexité des affaires de la société, ainsi que de ses coutumes et pratiques. Plus une entreprise est importante et complexe, plus il sera raisonnable que les administrateurs se partagent les responsabilités, ou qu’ils délèguent le règlement de certaines questions au personnel de la société et à des conseillers extérieurs auxquels ils accordent leur confiance.

12        La souplesse inhérente à la défense de diligence raisonnable peut créer des situations où une norme de prudence plus élevée s’impose à certains administrateurs d’une société par rapport à d’autres. Par exemple, il peut être approprié d’imposer une norme plus élevée à un « administrateur interne » (par exemple, un directeur ayant l’habitude de la gestion au jour le jour) qu’à un « administrateur externe » (comme un directeur qui connaît assez peu les affaires de la société et n’est impliqué que de façon superficielle).

 

13        Ceci s’applique plus particulièrement s’il est démontré que l’administrateur externe a donné foi de façon raisonnable aux assurances données par les administrateurs internes que les remises d’impôts correspondant aux obligations de la société étaient effectivement versées. Voir notamment Cadrin c. Canada (1998), 240 N.R. 354, [1999] 3 C.T.C. 366, 99 D.T.C. 5079 (C.A.F.).

 

14        Dans certaines circonstances, le fait qu’une société soit en difficultés financières et donc à risque plus élevé que d’autres sociétés de ne pas verser ses remises d’impôts peut être un facteur qui milite pour une norme de prudence plus élevée. Par exemple, un administrateur qui connaît les difficultés financières de la société et qui décide sciemment de financer les opérations de la société avec les sommes prélevées à la source et non remises pourrait ne pas pouvoir invoquer la défense de diligence raisonnable (Ruffo c. Canada, 2000 D.T.C. 6317 (C.A.F.)). Toutefois, il est important de se rappeler que dans tous les cas la norme est celle du raisonnable et non celle de la perfection.

 

Analyse

 

[29]         Il est constant que l’appelant était un administrateur interne. C’est lui qui a fondé MTS et il participait au quotidien à la gestion de l’entreprise, en premier lieu à titre de président, puis comme directeur général.

 

[30]         Je relève que, selon la pièce R‑1, l’appelant avait auparavant affirmé qu’il ne participait pas à la gestion quotidienne de MTS. Cet argument n’a pas été avancé lors de l’audition du présent appel. En fait, l’avocat de l’appelant a admis que, même si ce dernier était très souvent en déplacement, il participait néanmoins à la gestion quotidienne de MTS.

 

[31]         L’appelant est un homme intelligent et il connaît les affaires. Il a été administrateur de cinq sociétés. Selon la pièce R‑2, il a fondé et exploité plusieurs sociétés de 1982 à 1995.

 

[32]         L’appelant connaissait fort bien les obligations que lui imposait la Loi. Il ressort de la preuve qu’il avait déjà eu affaire à l’ARC au cours des années antérieures parce que MTS avait omis de faire certains versements dans les délais prescrits. Il avait présenté une lettre dans laquelle il proposait d’établir un calendrier de paiement pour les retenues à la source impayées que MTS devait relativement à 1996, à 1997 et à 1998.

 

[33]         L’appelant soutient que TerraNova avait le contrôle de MTS, à la fois au sein du conseil et au regard de sa possession d’actions.

 

[34]         J’accepte le témoignage de Walter Bowen voulant que TerraNova n’ait contrôlé ni le conseil d’administration ni la possession d’actions de MTS. M. Bowen a affirmé que TerraNova n’était représentée que par une seule personne au conseil, soit Geoffrey Workman. Je remarque que l’entente de consultation conclue par entre TerraNova et MTS le 20 décembre 1999 permettait à TerraNova de désigner un membre du conseil, lequel n’agissait qu’à titre d’observateur. M. Bowen a déclaré que personne n’exerçait un contrôle sur lui et qu’à sa connaissance, personne n’exerçait de contrôle sur le conseil.

 

[35]         Dans son témoignage, M. Bowen a également déclaré que MTS avait toujours contrôlé la façon dont elle dépensait ses fonds.

 

[36]         Il est soutenu que, lorsque TerraNova [traduction] « a restreint les fonds, les arriérés ont commencé ». Cependant, je relève que MTS n’a jamais eu une situation financière saine. Selon la pièce R‑2, on s’attendait à ce que MTS continue de subir des pertes importantes. L’appelant a toujours été au courant de la situation financière précaire de MTS. À mon avis, il a accepté de courir le risque qu’à un moment quelconque MTS ne soit pas en mesure de verser ses retenues à la source sur les salaires. Il ne peut maintenant rejeter sur un tiers la responsabilité de cette omission de versement.

 

[37]         L’appelant avance en outre qu’après avoir été informé de l’omission de versement, il a pris plusieurs mesures pour améliorer la situation financière de MTS et pour éviter d’autres omissions. Il s’appuie sur la décision Worrell c. R.[4] de la Cour d’appel fédérale pour soutenir que ces mesures équivalent à de la diligence raisonnable.

 

[38]         Selon Hillary Fox, l’omission de versement en 1999 et en 2000 découle de divergences entre les feuillets T4. L’omission de versement survenue en 2001 a débuté à la période du 15 février.

 

[39]         L’appelant était, ou aurait dû être, au courant de cette omission en février ou au plus tard en mars 2001. À titre de DG, il aurait dû savoir en février quelle était la situation financière de MTS. J’en déduis que l’appelant connaissait les difficultés financières de MTS en mars 2001. Il a émis un chèque de 3 000 $ au crédit de MTS le 20 mars 2001. Il a déclaré dans son témoignage que ce chèque devait aider MTS à payer ses dépenses.

 

[40]         Il ressort de la preuve que, en avril 2001, l’appelant a émis deux autres chèques au bénéfice de MTS pour couvrir une partie des dépenses de celle‑ci. Ces chèques totalisaient 14 013,05 $. De même, en juillet 2001, J‑Cann a émis trois chèques totalisant 83 000 $ au nom de MTS. Il n’est pas établi que l’appelant a donné des instructions pour que ces sommes soient versées à l’ARC. Les efforts de l’appelant visaient à maintenir MTS en exploitation et non à éviter l’omission de verser les retenues à la source sur les salaires.

 

[41]         L’appelant soutient que, sans TerraNova, il aurait réussi à injecter une somme de 2 500 000 $US dans MTS pour améliorer l’état de ses finances. Cela aurait suffi à payer les arriérés et à éviter des omissions ultérieures.

 

[42]         La lettre de proposition d'investissement dans MTS était datée de janvier 2002. À ce moment, MTS avait déjà omis de verser les retenues à la source sur les salaires pendant presque un an. Le moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi oblige l’administrateur à agir avec un degré raisonnable de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir l’omission de versement. Dans les circonstances de la présente affaire, où MTS avait toujours été en difficulté financière, il n’était pas raisonnable que l’appelant continue de financer les activités de MTS à l’aide des retenues à la source sur les salaires non versées dans l’espoir de trouver des fonds.

 

[43]         Les faits de l'affaire Worrell sont très différents des faits dont la Cour est saisie en l’espèce. Dans l'affaire Worrell, la société était en activité depuis trente ans et ses difficultés financières n’ont débuté qu’à l’automne 1992. Il y a eu omission de verser les retenues lorsque la banque a refusé d’honorer le chèque émis par la société pour le versement d’octobre 1993. Les administrateurs ont « continué à préparer des chèques de versement dans l’espoir que la banque les honorerait, ce que cette dernière a fait, à quelques reprises, à sa discrétion[5] ». La Cour a conclu que la quasi‑totalité de la dette de la société envers Revenu Canada au titre des retenues à la source non versées s’est accumulée après que la banque eut commencé à exercer son contrôle sur les chèques émis par la société.

 

[44]         En l’espèce, aucun tiers n’exerçait de contrôle sur la façon dont MTS dépensait ses fonds. Aucun élément de preuve ne donne à penser que MTS a établi des chèques de versement dans l’espoir d’être en mesure de verser ses retenues à la source. L’appelant avait le pouvoir de tirer des chèques sur le compte bancaire de MTS.

 

[45]         L’appelant s’est bien efforcé de trouver des investisseurs pour MTS, mais selon son témoignage, les mesures en ce sens ont été prises à l’été et à l’automne 2001, soit près de cinq mois suivant le manquement. Je conclus que l’appelant n’a pas réussi à établir qu’il a respecté la norme de soin applicable « pour prévenir » l’omission de verser les retenues en 1999, en 2000 et en 2001.

 

[46]         L’appelant  fait également valoir que MTS avait une créance au titre d’un remboursement de TPS de 66 467,90 $ pour la période du 1er juin 2001 au 31 août 2001. Il demande que cette somme soit portée au crédit de la dette de MTS.

 

[47]         Dans son témoignage, Hillary Fox a mentionné qu’elle avait fait une recherche dans les dossiers de l’ARC, mais qu’aucun remboursement de TPS n’était dû à MTS. De plus, l’intimée a produit comme pièce R‑4 la déclaration de taxe sur les produits et services de MTS pour la période du 1er juin 2001 au 31 août 2001. La déclaration a été produite par le syndic le 22 juillet 2003 et il s’agissait d’une déclaration faisant étant d’un solde nul.

 

[48]         L’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 26jour de janvier 2009.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur.


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI57

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-193(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Anthony Comparelli et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 23 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

MDouglas D. Langley

Avocate de l’intimée :

MJenny P. Mboutsiadis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      MDouglas D. Langley

 

                          Cabinet :                  Wilson Vutelich LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Transcription, page 29, ligne 25.

[2] Soper c. R., [1998] 1 C.F. 124 (CAF), paragraphe 30.

[3] [2001] 2 C.T.C. 192 (CAF).

[4] [2001] 2 C.F. 203 (CAF).

[5] Précité, note 4, paragraphe 12.

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