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Dossier : 2007-780(EI)

ENTRE :

LE CONSEIL TRIBAL DES CARRIER SEKANI,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 9 août 2007, à Prince George (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Jason Morgan

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national le 5 décembre 2006 en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi est modifiée compte tenu du fait qu’entre le 9 juillet 2003 et le 28 juillet 2006, M. Harry Pierre exerçait un emploi assurable auprès de l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2008.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2009.

S. Tasset


 

 

 

Référence : 2008 CCI 671

Date : 20081210

Dossier : 2007-780(EI)

 

ENTRE :

LE CONSEIL TRIBAL DES CARRIER SEKANI,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Le point litigieux

 

[1]              Il s’agit en l’espèce de savoir si, au cours de la période allant du 9 juillet 2003 au 28 juillet 2006, le chef tribal Harry Pierre exerçait, auprès de l’appelant, le conseil tribal des Carrier Sekani, un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

 

Les faits

 

[2]              Le conseil tribal des Carrier Sekani (le « conseil ») a été constitué en personne morale en vertu de la Society Act de la Colombie‑Britannique[1]. Il ne s’agit pas d’une bande visée par la Loi sur les Indiens.

 

[3]              Les membres du conseil sont membres de certaines bandes indiennes désignées (les « bandes désignées ») ou font partie des peuples Carrier et Sekani.

 

[4]              En général, le conseil exerce deux types de fonctions. En premier lieu, il exerce ce que l’on pourrait d’une façon générale décrire comme des fonctions politiques et de représentation. En second lieu, il fournit une aide technique à ses membres en employant des personnes qualifiées qui peuvent aider les bandes désignées dans des domaines tels que la négociation de traités, les systèmes de distribution d’eau ou les routes. Par conséquent, les membres bénéficient de la capacité du conseil de réaliser des économies d’échelle, ce qui a pour effet d’accroître l’efficacité de leurs efforts comparativement au cas dans lequel les membres ne se seraient pas regroupés.

 

[5]              L’objet de la société est énoncé à l’article 2 de son acte constitutif[2] :

 

[traduction]

2.   La société a pour objet :

 

A.  de préserver et de promouvoir le patrimoine autochtone et l’identité des peuples Carrier et Sekani du Centre‑Nord de la Colombie‑Britannique;

B.   d’améliorer l’indépendance sociale et économique des peuples Carrier et Sekani;

C.  d’arriver à une résolution juste des revendications territoriales et des questions de droits ancestraux des peuples Carrier et Sekani;

D.  de promouvoir et d’améliorer les communications entre les membres de la société et d’autres communautés autochtones de la Colombie‑Britanique et du Canada;

E.   de promouvoir une meilleure compréhension entre les peuples autochtones et le grand public;

F.   d’améliorer le niveau de vie des peuples Carrier et Sekani;

G.  de promouvoir l’autonomie gouvernementale des peuples Carrier et Sekani.

 

Il importe de noter que l’acte constitutif renferme en fait, selon la terminologie de la Society Act, les règlements administratifs du conseil. Un grand nombre de dispositions de l’acte constitutif sont identiques aux règlements administratifs figurant à l’annexe B de la Society Act[3].

 

[6]              L’article 25 de l’acte constitutif prévoit que le conseil d’administration est composé :

 

a)    du chef tribal et du chef tribal suppléant, appelés les dirigeants,

b)    d’un administrateur nommé par chacune des bandes désignées dont les membres sont membres de la société,

c)    d’un administrateur qui représente les membres d’ascendance Carrier et Sekani qui ne sont pas membres des bandes désignées.

 

Le conseil d’administration du conseil est souvent désigné sous le nom de conseil des chefs. En pratique, les administrateurs de la catégorie b) ci‑dessus sont les chefs des bandes désignées[4].

 

[7]              Le chef tribal et le chef tribal suppléant sont élus d’une façon générale par tous les membres. Selon l’acte constitutif, ils exercent leurs fonctions pour une période d’un an et une élection a lieu à chaque assemblée générale annuelle des membres[5]. Toutefois, dans les témoignages présentés à l’instruction, il était constamment fait mention du fait que le chef Pierre exerçait ses fonctions pour une période de trois ans et il y a un document selon lequel, malgré l’acte constitutif[6], les administrateurs autorisent son successeur, le chef Luggi, à exercer ses fonctions pour une période de trois ans.

 

[8]              Les membres peuvent, par résolution spéciale, destituer un dirigeant de ses fonctions avant la fin de son mandat et élire un successeur pour le reste du mandat[7]. Une résolution spéciale exige 75 p. 100 des voix.

 

[9]              Le paragraphe 24(2) de la Society Act est libellé comme suit :

 

[traduction]

24(2)    Sous réserve de la présente loi ainsi que de l’acte constitutif et des règlements administratifs de la société, les administrateurs

 

a)    doivent gérer les affaires internes de la société ou en superviser la gestion,

 

b)    peuvent exercer tous les pouvoirs conférés à la société.

[Je souligne.]

 

[10]         L’article 24 de l’acte constitutif est libellé comme suit :

 

[traduction]

24(1)    Les administrateurs peuvent exercer les pouvoirs conférés à la société et accomplir les actes que la société est autorisée à accomplir, et qui, selon les présents règlements administratifs, selon la loi ou selon quelque autre directive ou exigence légitime, n’ont pas à être exercés ou accomplis par la société à une assemblée générale, sous réserve toutefois :

 

a)    des lois concernant la société;

 

b)    des présents règlements administratifs;

 

c)     des règles adoptées à une assemblée générale de la société, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les présents règlements administratifs.

 

(2)   Aucune règle adoptée par la société à une assemblée générale n’invalide un acte antérieur accompli par les administrateurs qui aurait été valide en l’absence de cette règle.

 

[11]         Les articles 40 à 43 de l’acte constitutif énoncent les obligations du chef tribal, du chef tribal suppléant et du directeur général. L’article 40 prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

40(1)    Le chef tribal préside toutes les assemblées de la société et toutes les réunions du conseil d’administration.

 

(2)   Le chef tribal est le leader politique et le porte‑parole de la société.

 

[12]         Des renseignements additionnels concernant le rôle du chef tribal sont donnés dans un document intitulé : Draft 1 CSTC, IAS Committee – Job Description update June 1, 1999 (Première ébauche, CTCS, comité IAS – description de travail, mise à jour le 1er juin 1999)[8]. Il est utile de reproduire le document au complet :

 

[traduction]

Poste : Chef tribal

 

Rend compte :

 

au conseil des chefs,

aux membres, sur une base régulière, quant aux questions politiques.

 

Supervise :

 

les programmes éducatifs

le directeur de l’éducation de la Première nation au CNC

la personne chargée d’enseigner la langue dakelh

 

Qualités requises :

 

Élection au poste, bonne connaissance des communautés Carrier et Sekani, membre d’une nation membre du conseil tribal des Carrier Sekani. Expérience quant à la façon de traiter les questions politiques touchant les Carrier et Sekani. Nomination et élection par les membres individuels du conseil tribal des Carrier Sekani conformément aux règlements administratifs du conseil tribal des Carrier Sekani.

 

Objet du poste :

 

·        Agir à titre de leader politique et de porte-parole de la société;

 

·        Protéger et promouvoir le patrimoine autochtone et l’identité des peuples Carrier et Sekani du Centre-Nord de la Colombie‑Britannique;

 

·        Améliorer l’indépendance sociale et économique des peuples Carrier et Sekani;

 

·        Aider à arriver à une résolution juste des revendications territoriales et des questions de droits ancestraux des peuples Carrier et Sekani;

 

·        Promouvoir et améliorer les communications entre les membres de la société et d’autres communautés autochtones de la Colombie‑Britannique et du Canada;

 

·        Promouvoir une meilleure compréhension entre les peuples autochtones et le grand public;

 

·        Améliorer le niveau de vie des peuples Carrier et Sekani;

 

·        Promouvoir l’autonomie gouvernementale des peuples Carrier et Sekani;

 

·        Agir à titre de principal porte-parole politique du conseil tribal des Carrier Sekani;

 

·        Présider toutes les assemblées officielles du conseil des chefs;

 

·        Agir à titre de principale personne-ressource du conseil tribal des Carrier Sekani auprès des organismes gouvernementaux non autochtones et des autres premières nations;

 

·        Faciliter les réunions avec des organismes non gouvernementaux pour le compte des bandes membres individuelles.

 

 

Fonctions :

 

·        Faire en sorte que le conseil des chefs se réunisse régulièrement à chaque trimestre pour discuter des affaires de la société;

 

·        Convoquer les assemblées d’urgence du conseil des chefs ou organiser des conférences téléphoniques au besoin;

 

·        Assurer le suivi de toutes les décisions politiques;

 

·        Prendre les décisions politiques urgentes pour le compte du conseil d’administration et faire rapport le plus tôt possible;

 

·        Assurer le suivi de toute question constitutionnelle ou de toute question soumise à une assemblée spéciale des membres et rendre compte sur la mise en œuvre des programmes;

 

·        Participer aux assemblées et réunions au besoin ou sur demande;

 

·        Le chef tribal peut nommer d’autres administrateurs en vue d’assister à des réunions pour son compte;

 

·        Négocier le financement pour l’administration du conseil tribal des Carrier Sekani, avec le directeur général;

 

·        Maintenir une communication positive avec les bandes;

 

·        Visiter au besoin les communautés en vue de prendre connaissance des préoccupations politiques des bandes;

 

·        Assurer la liaison avec les ordres de gouvernement, avec les organismes et avec d’autres organisations autochtones quant aux questions politiques;

 

·        Maintenir la communication avec les médias;

 

·        Agir comme modérateur et présider les réunions du comité des griefs sur des questions politiques, sur demande des bandes membres ou d’autres personnes;

 

·        Préparer des rapports trimestriels portant sur les dépenses approuvées par le comité ou les administrateurs.

[Je souligne.]

 

[13]         Le chef Pierre travaillait à plein temps pour le conseil. Il a été élu à ce poste par les membres de la société et il a par la suite perdu ce poste lors d’une élection. Les autres administrateurs étaient également chefs des bandes désignées et devaient s’acquitter de leurs responsabilités à titre de chefs de ces bandes[9]. Ils ne consacraient qu’une partie de leur temps au conseil. Le conseil d’administration se réunissait tous les mois.

 

[14]         La semaine normale de travail du chef Pierre était de 35 heures; normalement, le chef Pierre ne touchait pas de prime d’heures supplémentaires. À un moment donné, le chef Pierre a assumé tant de responsabilités que le conseil d’administration a accepté, exceptionnellement, de lui verser une prime d’heures supplémentaires.

 

[15]         Le conseil déduisait les cotisations au titre de l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada. Le chef Pierre participait également au régime de pension.

 

[16]         Le chef suppléant et les autres administrateurs n’étaient pas rémunérés[10].

 

[17]         Aucun contrat de travail n’avait été conclu par écrit.

 

[18]         Le directeur général rendait compte au chef tribal[11]. Le chef Pierre avait un adjoint exécutif qu’il choisissait, mais en général le conseil d’administration devait en dernier ressort approuver l’embauche.

 

[19]         Le conseil fournissait un bureau et le matériel au chef Pierre.

 

[20]         Il est passablement clair que le chef Pierre n’avait aucune possibilité de faire un profit et ne courait aucun risque de subir des pertes et que ses activités étaient pleinement intégrées à celles du conseil.

 

[21]         Le chef Pierre présidait les réunions du conseil d’administration et il rendait également compte au conseil d’administration lorsque les réunions mensuelles étaient tenues.

 

[22]         Le pouvoir de signature du chef est limité à 10 000 $ et exige la signature d’une seconde personne autorisée. Tout montant en sus de 10 000 $ doit être approuvé par le conseil d’administration.

 

[23]         Le chef tribal actuel du conseil, David Luggi, a témoigné que son poste actuel ressemble à celui de chef d’une bande indienne. Le chef Luggi a été chef de la Première nation Stellat’en.

 

[24]         Le chef Luggi l’a emporté sur le chef Pierre lors des élections qui ont eu lieu en 2006 pour combler le poste de chef tribal. C’est lui qui a payé ses propres dépenses au cours de la campagne électorale.

 

Analyse

 

[25]         L’avis d’appel semblait soulever une question fondée sur l’article 15 de la Charte[12], mais au début de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il ne poursuivrait pas l’argument y afférent[13].

 

[26]         L’avis d’appel soulevait un argument subsidiaire, à savoir que le chef Pierre était expressément inclus en raison du sous‑alinéa 6f)(i) du Règlement sur l’assurance‑emploi, mais encore une fois l’appelant n’a pas poursuivi cet argument[14].

 

[27]         Il s’agit uniquement de savoir si le chef Pierre était un employé, par opposition à une personne qui occupe une charge et qui n’est pas une employée.

 

[28]         Le chef Pierre n’était certes pas un entrepreneur indépendant[15]. Il travaillait à plein temps pour le conseil; il n’avait aucune possibilité de faire un profit et il ne courait aucun risque de subir des pertes; il utilisait les instruments de travail fournis par le conseil; il était non seulement pleinement intégré aux activités du conseil, mais il avait aussi un rôle crucial dans ces activités.

 

[29]         Il existe bon nombre de décisions au sujet de la question de savoir si une personne est un employé ou si elle est un entrepreneur indépendant, mais il y en a beaucoup moins pour ce qui est de la question de savoir dans quelles circonstances le titulaire d’une charge est un employé ou n’est pas un employé. De fait, le mot « charge » s’entend d’un de plusieurs sens différents attribués à ce terme.

 

[30]         La preuve est la suivante :

 

a)  le chef Pierre était, pour employer des termes génériques, président du conseil d’administration d’une organisation à but non lucratif ainsi que président‑directeur général (« PDG ») de l’organisation. L’une de ses principales fonctions consistait à agir à titre de porte‑parole;

b)  les postes de président du conseil d’administration et de PDG sont toujours comblés par une seule et même personne conformément aux règlements administratifs de l’organisation;

c)  conformément aux règlements administratifs, le postulant est élu pour une période d’un an par un vote de l’ensemble des membres. Il semble que le conseil d’administration ait converti le mandat d’un an en un mandat de trois ans, quoique le fondement juridique de ce changement ne soit pas clair. Seuls les membres peuvent destituer de ses fonctions le président du conseil d’administration ou PDG, soit le chef tribal;

d)  en vertu de la Society Act et selon les règlements administratifs, les administrateurs doivent « gérer [l’organisation] ou en superviser la gestion [...] ».

 

[31]         Il est bien établi que les administrateurs d’une entité constituée en personne morale ne sont pas des employés. Il est également clair qu’une personne peut agir en plus d’une qualité à l’égard de cette entité. Par conséquent, un propriétaire peut également être un employé et il en va de même pour un administrateur, à condition que les deux fonctions distinctes soient clairement établies[16].

 

[32]         Le chef Pierre exerçait sans aucun doute deux fonctions distinctes. En sa qualité de président du conseil d’administration, il n’était pas un employé. Il reste à savoir si, en sa qualité de PDG, il était ou non un employé.

 

[33]         Le principal argument de l’intimé sur ce point était qu’il n’est pas satisfait au critère du contrôle, en particulier parce que le conseil d’administration ne pouvait aucunement contraindre le chef à suivre ses directives. Le conseil d’administration ne pouvait notamment pas le renvoyer s’il ne se conformait pas à ses directives.

 

[34]         Dans la mesure où le chef Pierre agissait à titre de président du conseil d’administration, je suis d’accord pour dire que le conseil d’administration n’exerçait aucun contrôle sur lui. Ainsi, le conseil d’administration ne pouvait pas lui dire comment exercer son droit de vote. À cet égard, le chef Pierre était responsable devant les membres dans leur ensemble.

 

[35]         Il est également certain qu’en vertu des règlements administratifs, le conseil d’administration n’était pas autorisé à renvoyer le chef Pierre.

 

[36]         Toutefois, lorsque le chef Pierre agissait à titre de PDG, le droit de la Colombie‑Britannique conférait clairement au conseil d’administration le pouvoir de diriger les actions du chef Pierre, dès qu’il outrepassait ses fonctions d’administrateur[17].

 

[37]         Aucun élément de preuve ne montrait que le chef Pierre avait omis de se conformer à quelque directive donnée par le conseil d’administration sur des questions pour lesquelles il n’agissait pas à titre de membre du conseil d’administration.

 

[38]         Le chef Pierre avait sans doute une certaine latitude dans l’exercice de ses fonctions de PDG, mais cela n’était pas différent de la situation de la plupart des PDG à l’égard de leur conseil d’administration. Étant donné que l’élément crucial est le pouvoir possible de contrôle, que ce pouvoir soit exercé ou non, le chef Pierre, lorsqu’il agissait à titre de PDG, aurait sans aucun doute été un employé si le conseil d’administration avait eu le pouvoir de l’embaucher et de le renvoyer.

 

[39]         Je ne puis voir comment le fait que le chef Pierre, en sa qualité de PDG, était élu à ce poste, influe en soi sur le contrôle exercé par le conseil d’administration. Le conseil d’administration aurait clairement exercé un contrôle s’il avait pu destituer le chef Pierre de ses fonctions de PDG. La question cruciale est donc la suivante :

 

Le fait que le conseil d’administration n’avait pas le pouvoir de destituer le chef de ses fonctions permet‑il en soi de conclure que le chef Pierre, lorsqu’il agissait à titre de PDG, n’était pas soumis au contrôle de la société et qu’il n’était donc pas un employé dans des circonstances où le droit applicable confère au conseil d’administration le pouvoir de diriger le chef lorsqu’il agit à titre de PDG[18]?

 

[40]         C’était le conseil d’administration plutôt que les membres qui contrôlait la rétribution du chef[19]. Le conseil d’administration pouvait également exercer des pressions sur le chef d’un certain nombre de façons, par exemple en contrôlant les budgets ou du fait qu’il était en mesure de diriger d’autres employés.

 

[41]         L’appelant et l’intimé m’ont renvoyé à un certain nombre de décisions faisant autorité[20].

 

[42]         Il ressort clairement des arrêts Sagaz et Wiebe Door qu’il faut examiner la totalité des facteurs. Or, un grand nombre des facteurs utilisés dans ces décisions ne s’appliquent pas ici. Les instruments de travail sont fournis au titulaire d’une charge, et ce, peu importe qu’il soit un employé ou qu’il ne le soit pas, et, dans les deux cas, il n’y a pas de risques de perte ni de possibilité de profit. À coup sûr, le contrôle est le facteur le plus important. Dans une certaine mesure, le critère de l’intégration peut être pertinent. Le titulaire d’une charge qui n’est pas un employé sera probablement relativement moins intégré à l’entité qu’un employé. Ainsi, les administrateurs exercent un contrôle sur une entité constituée en personne morale, mais ils ne participent pas aux activités quotidiennes; or, le PDG participe habituellement aux activités quotidiennes.

 

[43]         J’ai deux remarques générales à faire au sujet des décisions faisant autorité mentionnées par l’intimé. En premier lieu, un grand nombre de ces décisions concernent des chefs de bandes indiennes visées par la Loi sur les Indiens et non le chef d’une organisation privée à but non lucratif. En second lieu, dans la mesure où les décisions faisant autorité étayent la thèse selon laquelle un administrateur en tant que tel n’est pas un employé, je suis d’accord[21].

 

[44]         J’aimerais mettre l’accent sur les décisions citées par l’intimé à l’égard des personnes qui exercent des fonctions assimilables à celles d’un PDG comme c’était le cas pour le chef Pierre.

 

[45]         L’affaire Flamand c. M.R.N.[22] est semblable à celle qui nous occupe. M. Flamand avait été élu vice‑président de la Fédération des Métis du Manitoba, un organisme constitué en personne morale, et même s’il n’était pas assujetti à un contrôle quotidien, il était responsable devant le conseil d’administration. Il a été dit, dans la décision Flamand, que « les fonctions de l'appelant consistaient à faire du "lobbying" auprès de gouvernements, à siéger à de nombreux conseils, à prendre part aux réunions du Conseil d'administration et à surveiller les programmes gouvernementaux ». L’appelant supervisait en outre sept employés.

 

[46]         Selon mon interprétation de la décision rendue dans l’affaire Flamand, « [...] l'emploi qu'exerçait l'appelant serait assurable si ce n'était des alinéas 3(1)d) et 4(1)g) de la [...] » Loi sur l’assurance‑emploi. Autrement dit, la conclusion tirée semble être que l’appelant aurait été un employé en common law, si ce n’avait été de ces dispositions (qui semblent être semblables, mais non identiques, aux alinéas 5(1)e) et 5(4)g) de la Loi sur l’assurance‑emploi). Le juge a ensuite conclu que l’emploi de l’appelant n’était pas assurable parce que ce dernier n’était pas visé par un règlement.

 

[47]         Les alinéas 5(1)e) et 5(4)g) de la Loi sur l’assurance‑emploi, telle qu’elle s’applique à l’heure actuelle, ont pour effet d’étendre la notion d’emploi assurable, et non de la limiter. Par conséquent, étant donné qu’il a été conclu, dans la décision Flamand, que l’appelant était un employé de la Fédération des Métis du Manitoba selon les critères de la common law, cette décision étaye la conclusion selon laquelle, en l’espèce, le chef Pierre était un employé.

 

[48]         L’affaire Many Grey Horses c. M.R.N., concernait une conseillère de bande qui exerçait également des fonctions administratives. Cette affaire‑là me semble différente, sur un point crucial, des faits de la présente affaire. Premièrement, étant donné la déclaration selon laquelle « La division des fonds de terre [...] était gérée par un comité du Conseil que présidait l'appelante », il n’est pas clair selon moi que l’appelante, dans cette affaire‑là, exerçait un emploi distinct à titre d’employée. Il semble que même si l’appelante s’occupait de questions liées à la gestion quotidienne dans une mesure plus étendue que ce à quoi on s’attend d’un membre du conseil d’administration, elle le faisait en sa qualité d’administratrice présidant par ailleurs le sous‑comité du conseil qui dirigeait la division des fonds de terre et non en quelque autre qualité.

 

[49]         L’affaire McKay c. M.R.N. concernait un conseiller de bande que la bande avait également embauché par l’entremise du chef pour gérer des projets d’immobilisations. L’appelant recevait chaque année 4 000 $ à titre de conseiller de la bande et un montant de 36 000 $ à titre de gestionnaire des projets d’immobilisations. La Cour a conclu que l’appelant, en sa qualité de gestionnaire des projets d’immobilisations, était soumis à fort peu de contrôle et n’était peut‑être bien soumis à aucun contrôle, et qu’il occupait ce poste uniquement parce qu’il était conseiller de la bande. Puisqu’il a été conclu que le conseil d’administration exerçait peu de contrôle, cette affaire n’est pas comparable à celle qui nous occupe.

 

[50]         Dans l’affaire Myers c. M.R.N., l’appelant était un chef de bande qui semblait exercer des fonctions allant au‑delà de ses fonctions de conseiller. Dans l’affaire Cristopher c. M.R.N., le chef de la bande devenait automatiquement PDG, soit un poste distinct.

 

[51]         Dans les affaires Myers et Christopher, le conseil de la bande ne pouvait pas renvoyer les chefs. De plus, il n’y a rien dans les motifs de ces décisions qui indique que le conseil de la bande pouvait diriger les activités du chef de la même façon que le conseil d’administration pouvait le faire en l’espèce, conformément au paragraphe 24(2) de la Society Act, lorsque le chef Pierre agissait à titre de PDG. Encore une fois, la situation dans ces deux affaires n’est pas comparable à celle qui existe dans ce cas‑ci[23].

 

[52]         En l’espèce, le conseil d’administration était clairement autorisé à exercer un contrôle sur le chef Pierre, en sa qualité de PDG, et il est satisfait au critère du contrôle, de sorte qu’il existait un contrat de travail.

 

[53]         Il est intéressant de faire une comparaison avec le droit applicable à l’égard d’un congédiement injustifié, selon lequel un résultat comparable est obtenu au moyen d’une analyse légèrement différente. Dans la décision Ferguson v. British Columbia Nurses’ Union[24], la demanderesse, une infirmière, avait été élue présidente. Elle était membre du conseil et le présidait. Elle était également assujettie aux directives du conseil :

 

[traduction]

23        Le syndicat défendeur est un syndicat accrédité en vertu du Labour Relations Code, R.S.B.C. 1996, ch. 244, en vue de représenter les infirmiers et les infirmières travaillant dans des hôpitaux, dans des installations et au sein de la collectivité, partout en Colombie‑Britannique.

 

24        La demanderesse, Catherine Anne Ferguson, est infirmière et membre du syndicat.

 

25        L’acte constitutif de la British Columbia Nurses Union prévoyait l’élection des dirigeants.

 

26        La durée des fonctions de la présidente est de deux ans. Selon l’acte constitutif, personne ne peut occuper une charge pour plus de deux mandats consécutifs. Seule la présidente occupe à plein temps un poste auquel elle a été élue.

 

27        Selon l’acte constitutif, le syndicat est régi par un congrès annuel, mais entre les congrès, c’est le conseil, composé de 28 membres, qui s’occupe des affaires du syndicat. Le conseil doit se réunir au moins quatre fois l’an (article 8.01). Le conseil est le corps administratif du syndicat lorsque le congrès ne siège pas (article 9.01).

 

28        Le conseil décide du salaire et des avantages complémentaires de la présidente.

 

29        L’article 5 de l’acte constitutif décrit les fonctions des dirigeants syndicaux. Selon l’article 5.01, les fonctions de la présidente sont notamment les suivantes :

 

a.   elle préside les congrès syndicaux ainsi que les réunions du conseil et celles du comité exécutif;

b.   elle explique les activités et politiques du syndicat à d’autres personnes;

c.   elle agit comme dirigeante possédant le pouvoir de signature;

d.   elle exerce les autres fonctions que le conseil lui assigne;

e.   elle est membre ex officio de tous les autres comités, sauf le comité des candidatures;

f.    elle est l’un des administrateurs de la BCNU Holding Society;

g.   elle est membre du conseil exécutif national de la FCSII.

[Je souligne.]

 

30        Avant que la demanderesse soit élue pour la première fois, le conseil avait adopté une proposition en vue d’adopter un document intitulé : « Rôles et fonctions 1995 ». Ce document décrit en abrégé les divers rôles et fonctions du conseil, de la présidente, du chef de l’exploitation et d’autres personnes. Il prévoit également que le conseil « approuve les conditions de travail et la rétribution de la présidente ».

 

31        Les modalités de rémunération de la présidente et le document intitulé « Rôles et fonctions 1995 » étaient joints aux formulaires de présentation des candidatures, en 1998, lorsque la demanderesse s’est initialement portée candidate au poste de présidente. Les candidats savaient donc que la présidente « rend compte au conseil et accepte les directives du conseil ».

 

32        En ce qui concerne le rôle de la présidente, le document portant sur les rôles et fonctions prévoit que la présidente rend compte au conseil et accepte les directives du conseil, qu’elle préside les réunions du conseil ainsi que celles du congrès annuel, qu’elle recommande les politiques et mesures pour décision par le conseil et qu’elle veille à ce que le conseil obtienne des renseignements complets, pertinents et opportuns aux fins des prises de décision. La présidente est également chargée de diriger et d’orienter la vision du syndicat, de décider des mesures à prendre sur des questions urgentes importantes entre les réunions du conseil, d’agir à titre de principal porte‑parole auprès des médias et de maintenir les relations externes nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs du syndicat. Ce ne sont là que certains exemples des nombreux rôles et fonctions de la présidente.

 

[54]         La Cour suprême de la Colombie-Britannique, en appliquant un critère à trois volets élaboré dans la jurisprudence antérieure[25], a conclu que Mme Ferguson était une employée. Voici ce que la cour a dit :

 

[traduction]

68        De quelle façon le critère à trois volets, à savoir le pouvoir de sélection, le contrôle et le licenciement, s’applique‑t‑il en l’espèce?

 

69        Le processus de sélection dans ce cas‑ci était semblable à celui qui s’appliquait dans l’affaire Hokanson. La demanderesse a été élue présidente par l’ensemble des membres du syndicat. Dans l’affaire Hokanson, il a été dit que le processus de sélection relevait du défendeur parce que les membres avaient le droit de désigner au moyen d’un vote la personne qui devait agir à titre d’agent syndical. À cet égard, le processus de sélection est le même en l’espèce.

 

70        Je crois que, comme dans l’affaire Hokanson, il a été satisfait à ce volet du critère, mais s’il n’est pas satisfait aux autres volets, la demanderesse serait uniquement titulaire élue d’une charge, plutôt qu’une employée, et, contrairement à un employé, elle ne pourrait pas intenter une action en congédiement injustifié. Cependant, je souscris à l’avis exprimé dans la décision Hokanson, à savoir que le fait qu’une personne est une dirigeante élue ne veut pas pour autant dire qu’elle n’est pas également une employée qui a la capacité voulue pour intenter une action en congédiement injustifié.

 

71        Le contrôle est probablement le facteur le plus important et le plus pertinent. Dans l’affaire Hokanson, l’élément « contrôle » était présent en ce sens que le demandeur était soumis aux directives du directeur des affaires syndicales. Le juge Spencer a conclu qu’un contrôle était exercé sur la façon dont le représentant syndical s’acquittait de ses fonctions. Il a dit que le représentant syndical était soumis aux directives du directeur des affaires syndicales, comme le prévoyait l’acte constitutif, et qu’il s’était engagé à se conformer à l’acte constitutif qui, de son côté, régissait la section locale.

 

72        Le défendeur fait valoir qu’aucun contrôle n’était exercé et il soutient que la demanderesse l’a reconnu lors de l’interrogatoire préalable en déclarant qu’aucune restriction ne lui était imposée lorsqu’il s’agissait de prendre la parole en public, de décider de ses heures de travail et de l’endroit où elle travaillait et que, même si des directives lui étaient données, il lui appartenait de décider de la façon de se conformer à ces directives. La présidente antérieure savait qu’en sa qualité de présidente, elle était responsable devant le conseil, qui pouvait lui donner des directives en conséquence.

 

73        Geoff England, dans l’ouvrage intitulé Individual Employment Law (Toronto: Irwin Law, 2000), à 14, mentionne que, quant à l’élément « contrôle » des divers critères, il faut un degré élevé de contrôle :

 

[traduction]

Il doit dans tous les cas y avoir un degré minimal de contrôle sur les conditions de travail. Cela n’est que sensé étant donné que la marque d’une relation employeur‑employé est la subordination de l’employé à l’employeur.

 

74        Y a-t-il contrôle dans ce cas‑ci et dans quelle mesure?

 

75        Aucun contrat n’a été conclu par écrit, mais l’acte constitutif du syndicat prévoit le cadre hiérarchique dans lequel s’inscrit la charge de présidente. L’acte constitutif prévoit que le conseil, entre les congrès, est l’organe directeur du syndicat. La présidente préside les réunions de ces deux organismes et donne à d’autres personnes des explications au sujet des activités et politiques du syndicat, mais elle exerce « les autres fonctions que le conseil lui assigne ». Le conseil est également tenu de rendre compte au congrès sur ses fonctions d’administration et il nomme le chef de l’exploitation.

 

76        La nature du contrôle exercé par le conseil n’est pas précise, mais selon moi, le point essentiel est que le conseil est le corps administratif et qu’il est autorisé à donner des directives à la présidente au sujet de l’exécution de ses tâches, même si cette dernière a une certaine latitude quant à la façon de s’en acquitter. Sur certains points, la présidente a une certaine autonomie et peut décider des mesures d’urgence à prendre, mais dans l’ensemble, elle rend compte au conseil et accepte ses directives.

 

77        Compte tenu du niveau du poste occupé par la demanderesse, le contrôle qui est exercé n’est pas aussi direct et évident que dans le cas de l’agent syndical qui était en cause dans l’affaire Hokanson, mais du même coup, il ne semble pas y avoir autant d’autonomie que dans le cas, par exemple, de l’administrateur élu d’une société, et ce, probablement à cause de la nature du syndicat défendeur. La gouvernance du syndicat, lorsqu’il n’y a pas de congrès, est assurée par le conseil et non par la présidente.

 

78        Le défendeur affirme que la présidente est peut-être responsable devant le conseil, mais que cela ne veut pas pour autant dire qu’elle est responsable devant le syndicat défendeur. Je ne suis pas d’accord. C’est le conseil qui régit le syndicat lorsqu’il n’y a pas de congrès. Tout contrôle exercé par le conseil est essentiellement délégué par le syndicat, comme le prescrit l’acte constitutif.

 

79        Je conclus à l’existence d’un degré élevé de contrôle.

 

80        L’élément suivant se rapporte à la question du licenciement. Le défendeur fait valoir qu’il n’existe aucun droit de licenciement et que ce facteur milite fortement à l’encontre d’une conclusion à l’existence d’une relation employeur‑employé. Le défendeur soutient également, entre parenthèses, qu’une telle conclusion est souvent utilisée comme mécanisme en vue d’offrir une certaine protection aux « employés », grâce aux doctrines du congédiement injustifié et du licenciement détourné ainsi que du préavis raisonnable. Il affirme qu’il n’est pas nécessaire d’étendre la portée de notion d’emploi en vue d’inclure un dirigeant syndical étant donné que celui‑ci est déjà amplement protégé. Aux termes de l’acte constitutif du syndicat, le titulaire d’une charge peut uniquement être destitué de ses fonctions au moyen de la procédure de présentation des plaintes, et cette procédure incorpore le droit à un préavis et est assujettie aux règles de la justice naturelle.

 

81        Il est uniquement possible de destituer la présidente de ses fonctions au cours de son mandat lorsque, par suite d’une plainte, il est mis fin à sa qualité de membre du syndicat. Cette situation est semblable à celle qui existait dans l’affaire Hokanson, où l’acte constitutif prévoyait un mécanisme de révocation motivée. En vertu de l’article 24, les mesures disciplinaires qui pouvaient être prises comportaient le retrait de la carte de membre de la demanderesse, ce qui aurait pour effet de la destituer de ses fonctions de présidente.

 

82        Le fait qu’il existe certaines procédures exigeant la tenue d’une audience et la preuve d’infractions donne‑t‑il à entendre que la demanderesse n’est peut‑être pas une employée? Cette absence de vulnérabilité donne‑t‑elle à entendre qu’il n’existe aucune relation employeur‑employé? Il serait possible de soutenir que le mécanisme prévu dans l’acte constitutif aux fins de la révocation de la qualité de membre est au moins aussi compatible avec le fait que la demanderesse est simplement titulaire d’une charge qu’avec le fait qu’elle est une employée.

 

83        J’ai examiné la preuve dans son ensemble, et je conclus qu’il est satisfait à cet élément. Je conclus qu’en vertu de l’acte constitutif, le défendeur avait le droit de licencier la demanderesse en lui enlevant la qualité de membre du syndicat au moyen de la procédure de présentation des plaintes.

 

84        Lorsque l’on examine le poids à accorder à ce facteur afin de décider si un contrat de travail a été conclu dans ce cas‑ci, il importe de placer ce facteur dans le contexte approprié. La demanderesse n’allègue pas qu’il y a eu violation d’un contrat susceptible de donner lieu à sa résiliation sur préavis raisonnable. La demanderesse occupait la charge de présidente pour une période déterminée. Elle affirme que selon une condition de son contrat de travail, le défendeur ne devait pas la mettre dans une situation intolérable sur le plan du travail. Selon la demanderesse, telle est la condition de travail qui a été violée.

[Je souligne.]

 

[55]         À coup sûr, si le chef Pierre avait intenté contre l’appelant une action en congédiement injustifié devant les tribunaux de la Colombie‑Britannique, les faits de l’affaire permettraient de conclure qu’il était un employé lorsqu’il agissait à titre de PDG[26].

 

[56]         La preuve montre clairement que le temps passé aux réunions du conseil d’administration aurait uniquement fait partie du travail du chef Pierre. Même s’il est tenu compte du temps de préparation en sa qualité de président du conseil d’administration, le chef Pierre consacrait néanmoins presque tout son temps à ses fonctions de PDG[27].

 

[57]         En conclusion, le chef Pierre était un employé selon la common law applicable en matière d’emploi et il exerçait donc un emploi assurable. Par conséquent, l’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée pour le motif que, du 9 juillet 2003 au 28 juillet 2006, le chef Pierre exerçait un emploi assurable.

 

[58]         Enfin, j’aimerais féliciter le représentant de l’appelant, Jason Morgan, ainsi que l’avocate de l’intimé, Pavanjit Mahil, qui ont bien su présenter leur cause.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2008.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2009.

 

S. Tasset


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 671

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-780(EI)

 

INTITULÉ :                                       LE CONSEIL TRIBAL DES CARRIER SEKANI

                                                          c.

                                                          M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Prince George (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 9 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Jason Morgan

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]       R.S.B.C. 1996, ch. 433.

[2]       Pièce A‑3, onglet 1, ou pièce R‑1.

[3]       L’annexe B renferme un modèle de règlements administratifs qu’une société peut décider d’adopter.

[4]       Transcription, page 62.

[5]       Article 26 de l’acte constitutif, pièce R‑1.

[6]       Pièce A‑3, onglet 4, avant‑dernière page, requête 100406.03.

[7]       Article 29 de l’acte constitutif.

[8]       Onglet 5, pièce A‑3.

[9]       Sauf peut-être l’administrateur représentant les membres qui n’étaient pas membres des bandes désignées. Aucun élément de preuve ne montrait qui occupait ce poste d’administrateur.

[10]     La situation a peut-être changé depuis lors en ce qui concerne le chef suppléant.

[11]     Transcription, page 40, ligne 2.

[12]     Si la question s’était posée, il aurait fallu donner un avis aux procureurs généraux conformément à l’article 19.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

[13]     Transcription, pages 7 à 10.

[14]     Avis d’appel, paragraphes 33 à 40. Transcription, pages 7 à 10, et pages 151 à 166. L’avocate de l’intimé a de fait examiné à fond cet argument subsidiaire. Je n’ai pas à examiner l’argument, mais je suis d’accord avec l’intimé lorsqu’il dit que le chef Pierre n’a pas expressément été inclus en raison du sous‑alinéa 6f)(i) du Règlement sur l’assurance‑emploi.

[15]     Je m’empresse d’ajouter que l’intimé n’a pas soutenu que le chef Pierre était un entrepreneur indépendant.

[16]     Voir par exemple : Lee v. Lee’s Air Farming, [1960] 3 All ER 420 (Conseil privé), et l’analyse, aux paragraphes 9 à 15, de la décision Zupet c. M.R.N., 2005 CCI 89.

[17]     Paragraphe 24(2) de la Society Act. Voir le paragraphe 9 ci‑dessus.

[18]     Je tiens à faire remarquer qu’aucun argument n’a été soumis au sujet de la question de savoir si le conseil dispose de certains recours judiciaires afin d’empêcher le PDG d’agir en violation des directives ou de contraindre le PDG à se conformer aux directives. L’article 85 confère à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique certains pouvoirs en vue d’examiner certains types de questions de gouvernance. Toutefois, étant donné le libellé des alinéas 85(1)d) et e), il ne semble pas que cela puisse s’appliquer au cas dans lequel un PDG ne s’est pas conformé à une directive. Il reste à savoir s’il existe d’autres recours.

[19]     Cela découle de leur pouvoir de diriger le conseil, comme le montre le document figurant à l’onglet 2 de la pièce A‑1, par lequel trois membres du conseil d’administration ont décidé d’augmenter le salaire du chef. À coup sûr, ce facteur n’est qu’une considération.

[20]     671122 Ontario Ltd. v. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CarswellOnt 3357; Wiebe Door Services Ltd. v. Minister of National Revenue, 1986 CarswellNat 366; Hutchison c. M.R.N., dossier 84-389(UI); Tobacco c. Canada (M.R.N.), [1986] A.C.I. no 1036 (QL); Flamand c. Canada (M.R.N.), [1987] A.C.I. no 1038 (QL); Many Grey Horses c. Canada (M.R.N.), [1991] A.C.I. no 437 (QL); Greene c. Canada (M.R.N.), [1993] A.C.I. no 799 (QL); McKay c. Canada (M.R.N.), [1994] A.C.I. no 1232 (QL); Hare c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.I. no 656 (QL); Christopher c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.I. no 786 (QL); Kakum c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.I. no 1351 (QL); Myers c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.I. no 1537 (QL); Bergeron c. Canada (M.R.N.), [2005] A.C.I. no 305 (QL); Bekker c. Canada (M.R.N.), [2004] A.C.F. no 819 (QL); Raghavan c. Canada, [2001] A.C.I. no 324; Raghavan c. Canada, [2002] A.C.S.C. no 472 (QL); Faber v. R., 2007 CarswellNat 778; Hokhold v. R., 1993 CarswellNat 933; Zupet v. Minister of National Revenue, 2005 CarswellNat 382; Linklater v. Fort Albany First Nation, 2004 CarswellOnt 2062; Eggspectations International Holding Corp. v. Minister of National Revenue, 2003 CarswellNat 1856; Fournier v. Minister of National Revenue, 1996 CarswellNat 3268; Chadee v. Norway House First Nation, 1996 CarswellMan 462; Whitebear Band Council v. Carpenters Provincial Council of Saskatchwan, 1982 CarswellSask 153.

[21]     Dans cette catégorie, il y a les décisions Hutchison c. M.R.N. et Kakum c. M.R.N., dans lesquelles la preuve mentionnée dans les motifs ne révélait pas que les appelants exerçaient des fonctions distinctes assimilables aux fonctions d’un PDG.

[22]     [1987] A.C.I. no 1038 (QL).

[23]     Pour les besoins du présent appel, il suffit de noter que, dans les décisions concernant des bandes indiennes et leurs chefs auxquelles on m’a renvoyé, il n’a pas été conclu que les conseils de bande avaient la capacité d’exercer un contrôle sur leurs chefs. Je n’ai pas à examiner la relation juridique existant entre les conseils de bande et leurs chefs. Toutefois, j’aimerais faire remarquer que la partie de la Loi sur les Indiens intitulée : « Pouvoirs du conseil » ne comporte aucune disposition telle que le paragraphe 24(2) de la Society Act de la Colombie‑Britannique. Les principaux pouvoirs des conseils sont énoncés à l’article 81 de la Loi sur les Indiens. L’article 81 confère aux conseils le pouvoir de prendre divers règlements administratifs.

[24]     2005 BCSC 982.

[25]     Voir les paragraphes 60 à 67 de la décision Ferguson.

[26]     Dans l’arrêt Wells c. Terre-Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199, M. Wells était commissaire au sein de la Public Utilities Board et il avait le droit d’occuper ce poste à titre amovible jusqu’à l’âge de 70 ans; son poste avait été aboli lorsque la législature avait édicté une nouvelle Public Utilities Act qui restructurait la Commission et qui prévoyait que tous les commissaires existants cesseraient d’occuper leur poste. M. Wells a intenté une action en dommages‑intérêts. L’appel devant la Cour suprême a été débattu et tranché sur la base de divers motifs et personne ne semble avoir soutenu que M. Wells n’était pas un employé, même s’il n’aurait pas pu être licencié de la façon habituelle.

[27]     C’est ce que montre le fait que, contrairement aux autres membres du conseil d’administration, le chef Pierre était rémunéré.

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