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Dossier : 2008-105(EI)

ENTRE :

NORMAND VACHON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LES PRODUITS MÉTALLIQUES ROY INC.,

intervenante.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 25 juin 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Claude Deschamps

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

Pour l'intervenante :

Personne n’a comparu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Montréal, (Québec), ce 4e jour de février 2009.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

Référence : 2009 CCI 84

Date : 20090204

Dossier : 2008-105(EI)

 

ENTRE :

NORMAND VACHON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LES PRODUITS MÉTALLIQUES ROY INC.,

intervenante.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Monsieur Normand Roy (le « travailleur ») interjette appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») relative à l’assurabilité de sa prestation de travail auprès de Les produits métalliques Roy Inc. (le « payeur ») pour la période du 10 juin 2002 au 31 décembre 2004 (la « période pertinente »). Le ministre a déterminé que le travailleur occupait un emploi assurable aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). Le travailleur soutient qu’il n’occupait pas un tel emploi puisque la nature de la relation contractuelle qui le liait au payeur n’était pas celle d’un contrat de louage de services, mais plutôt celle d’un contrat d’entreprise.

 

[2]              Pour rendre sa décision, le ministre a déterminé que l’appelant exerçait un emploi aux termes d’un contrat de louage de services en s’appuyant sur les faits présumés suivants énoncés au paragraphe 12 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

a)      le payeur a été constitué en société le 28 novembre 1999; (ignoré)

 

b)      le payeur exploite une entreprise de fabrication de mobilier commercial; (admis)

 

c)      le payeur a un chiffre d’affaires annuel de plus de 23 millions de dollars et embauche plus de 200 employés; (nié pour ce qui n’est pas conforme aux états financiers du payeur)

 

d)      l’actionnaire principal du payeur était le Groupe Robert Roy inc., entreprise de gestion dont l’actionnaire majoritaire était M. Robert Roy; (nié pour ce qui n’est pas conforme au livre des minutes du payeur)

 

e)      M. Robert Roy était aussi président et administrateur du payeur; (admis)

 

f)        en 2002, le payeur confia le mandat à Gestion Michel Aubry inc. d’obtenir un diagnostic sur les opérations du payeur; (admis)

 

g)      le rapport de Gestion Michel Aubry inc. recommanda, entre autre, l’embauche, par le payeur, d’un directeur général par intérim à temps plein; (admis pour autant que le terme « embauche » soit interprété comme étant à titre de travailleur autonome)

 

h)      suite à cette recommandation, le payeur embaucha le travailleur à titre de directeur général par intérim; (nié tel que rédigé parce qu’il s’agissait d’un mandat de travailleur autonome)

 

i)        le travailleur possédait une grande expérience à titre de directeur auprès d’entreprises telles que Alcan, Bombardier et Volvo; (admis)

 

j)        le payeur et le travailleur ont signé une première entente de travail le 10 juin 2002 couvrant la période du 29 juillet 2002 au 31 janvier 2003 et une 2ième entente couvrant la période du 3 février au 28 novembre 2003; cette dernière entente s’est prolongée jusqu’en décembre 2004; (admis pour ce qui est des ententes, mais nié quant à l’utilisation de l’expression « entente de travail »)

 

k)      le payeur et le travailleur se sont entendus par écrit sur les modalités des services du travailleur qui relevait du conseil d’administration du payeur; (admis pour autant que cela signifie comme devant faire rapport au payeur à titre de consultant mandataire)

 

l)        le principal objectif du travailleur consistait à redresser la rentabilité du payeur et d’assister M. Robert Roy dans la direction des opérations; (admis)

 

m)    le travailleur possédait un bureau dans les locaux du payeur et utilisait aussi la salle de conférence du payeur; (admis en précisant que les locaux ont été mis à sa disposition pour le temps du mandat seulement et que la salle de conférence n’était utilisée qu’une fois par semaine tout au plus)

 

n)      le payeur confirme que le travailleur exécutait 95 % de ses tâches dans ses locaux; (ignoré)

 

o)      en général, le travailleur travaillait 4 jours par semaine dans les locaux du payeur en plus de travailler occasionnellement le soir, à partir de sa chambre d’hôtel, sur certains dossiers; (nié, tel que résidé en précisant que son travail s’étendait généralement sur 3½ jours par semaine)

 

p)      durant son mandat auprès du payeur, le travailleur a effectué plusieurs tâches dont :

 

a.    il a entraîné (coaché) M. Robert Roy pour qu’il acquiert de l’expérience comme directeur général; (nié tel que rédigé parce que monsieur Roy n’était pas visé pour occuper le poste de directeur général)

 

b.    il a corrigé le contrôle de la qualité des produits finis et appliqué une nouvelle méthodologie pour diminuer le temps et éviter les erreurs de production; (admis)

 

c.    il a mobilisé, avec l’aide des directeurs, le personnel par un plan d’action, par un consensus et une mise en œuvre planifiée visant à augmenter la rapidité et la qualité de la production; (admis)

 

d.    il a mis en place des correctifs afin que certains employés du payeur puissent recevoir les plaintes des clients insatisfaits; (admis)

 

e.    il a présenté, lors de réunions trimestrielles avec le conseil d’administration, des rapports portant sur le résultat financier et a présenté les étapes visant ces résultats; (admis)

 

f.      il a eu des réunions avec les 6 autres directeurs du payeur qui, à titre de comité de gestion, ont assuré de la mise en place des correctifs qu’il suggérait; (admis)

 

q)      le travailleur recevait une rémunération fixe de 1 200,00 $ par jour et était remboursé pour ses frais de déplacement, de repas et d’hébergement; (admis en ajoutant qu’il chargeait de la TPS et de la TVQ sur les factures mensuelles qu’il présentait au payeur)

 

r)       le travailleur était rémunéré sur présentation de factures qui indiquent que, durant la période en litige, il a travaillé entre 20 et 23 jours par mois pour le payeur; (nié tel que rédigé pour tout ce qui n’est pas conforme aux factures émises)

 

s)       le travailleur n’encourait aucun risque financier dans l’exécution de son travail pour le payeur; (nié)

 

t)        le travailleur occupait le poste de directeur général par intérim soit un poste hiérarchique dans l’entreprise du payeur constituant un indice d’intégration dans l’entreprise et un indice de subordination; (nié)

 

u)      les factures mensuelles obtenues auprès du payeur confirment que la période de prestation du travailleur a débuté le 10 juin 2002; (ignoré)

 

v)      durant la période en litige, le travailleur rendait des services sous la supervision et sous le contrôle du payeur. (nié)

 

[3]              Monsieur Normand Vachon a témoigné de même que monsieur Roger Dufresne, agent des appels. Personne n’a témoigné pour le compte du payeur. Le travailleur a indiqué qu’il avait 35 ans d’expérience à titre de directeur d’entreprise, notamment auprès d’Alcan, Bombardier et Volvo. Après avoir quitté Volvo, il a pris une année sabbatique et a entrepris de fournir des services de consultation en démarrage ou en redressement d’entreprises. Avant la période pertinente, il a exécuté des mandats de consultation pour Bombardier et Ébénisterie Saint‑Patrick.

 

[4]              En tout et partout, le travailleur a conclu quatre (4) ententes avec le payeur. La première entente est datée du 10 juin 2002. Les principales modalités de cette entente, sont les suivantes :

 

-            Les produits métalliques Roy Inc. retient les services de monsieur Vachon qui agira à titre de Directeur Général par intérim pour la période débutant le 29 juillet 2002  jusqu’au 31 janvier 2003;

-            le mandat sera exécuté à plein temps, soit du lundi au vendredi inclusivement;

-            une période de transition sera mutuellement définie entre les parties afin d’assurer efficacement le transfert des responsabilités au successeur de monsieur Vachon chez Ébénisterie Saint‑Patrick;

-            la rémunération de monsieur Vachon sera de 1 200 $ par jour payable avant le 15 du mois suivant. Les frais de déplacement seront payés à 0,35 $/km, et les frais de repas et d’hébergement seront remboursés au coût sur présentation d’un compte de dépenses mensuelles;

-            Monsieur Vachon relèvera du président, soit monsieur Robert Roy, et du vice‑président, développement des partenariats stratégiques de Sajo, monsieur Gilles Thompson;

-     Monsieur Vachon aura complète autorité et responsabilité dans l’accomplissement de son mandat et sera décisionnel dans tous les aspects de la gestion courante de l’entreprise;

-            dans le cas d’investissement et/ou d’embauche de consultants externes, il devra obtenir, au préalable, l’autorisation des mandats;

-            les principaux objectifs de monsieur Vachon seront les suivants et ceci sans s’y limiter :

 

A.    L’élaboration et la mise en place d’un plan de travail approuvé par les mandats suite aux diagnostiques préparés par Gestion Michel Aubry et par le groupe Créatech.

 

       Les principaux secteurs à améliorer étant :

 

a)            la rentabilité de la compagnie;

b)           le développement commercial de l’entreprise (plan d’affaires, plans d’actions);

c)            la révision de l’organigramme de la compagnie (analyse de la structure, optimisation des méthodes de travail et processus d’affaires);

d)           la mobilisation des ressources humaines (politique de rémunération globale, description de tâches, introduction du principe d’imputabilité).

 

               B.    L’élaboration, la mise en place et les suivis nécessaires d’un programme de mentorat et de développement individuel et professionnel pour le président.

 

 

[5]              La deuxième entente est datée du 12 décembre 2002 et, tout comme la première entente, elle a été signée par monsieur Vachon, en tant que dirigeant par intérim, et par monsieur Roy, en tant que président de Les produits métalliques Roy  Inc. Les modalités de cette deuxième entente sont similaires à la première entente et celle‑ci s’applique à la période du 3 février 2003 au 28 novembre 2003. Aux termes de cette entente, les principaux objectifs de monsieur Vachon sont :

 

A.    La réalisation du plan d’affaires 2003‑2005 et du plan opérationnel 2002‑2003 en découlant; et

 

B.    La réalisation du programme de mentorat et de développement individuel et professionnel pour le président.

 

[6]              La troisième entente est datée du 2 octobre 2003 et, tout comme les ententes précédentes, elle a été signée par monsieur Vachon, en tant que dirigeant par intérim, et par monsieur Roy en tant que président de Les produits métalliques Roy Inc. Les modalités de cette entente sont similaires aux ententes précédentes et celle-ci s’applique à la période du 1er décembre 2003 au 2 décembre 2005. Aux termes de cette entente, les principaux objectifs de monsieur Vachon sont :

 

A.    La réalisation du plan d’affaires 2003‑2005 et du plan opérationnel en découlant; et

 

B.    La réalisation du programme de mentorat et de développement individuel et professionnel pour le président; et

 

C.    La formation d’une équipe de gestion performante ainsi que la réalisation d’une transition adéquate avec le directeur général assigné afin d’assurer la continuité de l’entreprise et le développement organisationnel en cours.

 

[7]              La quatrième et dernière entente est datée du 24 août 2004 et elle a aussi été signée par monsieur Vachon, en tant que dirigeant par intérim, et par monsieur Roy, en tant que président de Les produits métalliques Roy Inc. Les modalités de cette entente sont similaires aux ententes précédentes et celle-ci s’applique à la période débutant le 3 août 2004 et se terminant le 30 novembre 2004.  Par contre, il y est prévu que :

 

(i)    les services de monsieur Vachon seront retenus à raison de trois (3) jours par semaine, soit les mardis, mercredis et jeudis;

(ii)   le président de l’entreprise pourra mettre un terme aux services de monsieur Vachon en tout temps, mais il devra maintenir sa rémunération jusqu’au 30 novembre 2004;

(iii)   monsieur Vachon pourra se retirer de son mandat en tout temps, à partir du 31 août 2004 et sa rémunération pourra être annulée à la date de sa dernière journée de travail. Les principaux objectifs de monsieur Vachon seront les suivants :

 

       A.   L’élaboration d’un plan de transition afin d’assurer la continuité de l’entreprise et le développement organisationnel en cours;

 

       B.   La mise en œuvre du plan de transition tenant compte du fait qu’aucun directeur général ne prendra la place de monsieur Vachon, une fois que son mandat sera terminé;

 

       C.   Le parrainage du président et du personnel assigné conjointement afin d’assumer les tâches incluses au plan de transition.

 

Cette dernière entente annule et remplace toutes autres ententes, écrites ou verbales, existantes entre les parties, dont celle signée le 2 octobre 2003.

 

[8]              Toutes ces ententes étaient régies par les lois de la province de Québec et contenaient une clause de protection des renseignements confidentiels obtenus pendant la durée du mandat de monsieur Vachon.

 

[9]              Monsieur Vachon a formé le 21 août 2003 la société 9132‑8518 Québec Inc. dont il était l’un des administrateurs (l’autre étant sa conjointe) le président et l’actionnaire majoritaire. Cette société faisait également affaires sous le nom de Normand Vachon Service. À compter du mois de septembre 2003, les frais de consultation de monsieur Vachon ont été payés à Normand Vachon Service (sauf celle du mois de septembre 2003 qui était payable à Normand Vachon Inc.)

 

[10]         Au cours de la période pertinente, le travailleur a produit 29 factures mensuelles pour 576 jours de travail, soit de 20 à 23 jours de travail par mois, sauf la première facture (7 jours) et les quatre dernières factures de 2004, qui portaient respectivement sur 13 jours, 14 jours, 12 jours et 12 jours. Les frais de consultation se sont élevés à 691 200 $ sur lesquels la TPS au montant de 48 384 $ et la TVQ au montant de 55 188,18 $ ont été facturées. Au cours de la période pertinente, trois numéros de TPS ont été utilisés par monsieur Vachon.

 

[11]         Le payeur est une entreprise à caractère familial qui a bénéficié au début de l’année 2000 d’un investissement de 4.5 millions de dollars de la part du principal client de l’entreprise, Sajo. Le payeur dont le siège social est situé à St‑François de Montmagny œuvre dans la fabrication de mobiliers commerciaux. L’entreprise compte quelque 200 employés non syndiqués. En 2002, le partenaire financier était insatisfait des résultats financiers de l’entreprise et a convaincu monsieur Roy de commander une étude sur les opérations du payeur. Ce mandat a été confié à la firme Gestion Michel Aubry Inc. Une des recommandations de cette firme de consultants était l’embauche d’une personne d’expérience à titre de directeur général par intérim à temps plein.

 

Analyse

 

[12]         L’alinéa 5(1)a) de la Loi définit la notion d’« emploi assurable » de la façon suivante :

 

5.(1)     Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

            a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit en temps ou en pièces, soit en partie en temps et en partie en pièces, soit de toute autre manière.

[ …]

 

[13]         Il est maintenant bien établi en droit que l’on doit s’en remettre aux dispositions du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») pour déterminer si les parties sont liées par un contrat de travail ou par un contrat d’entreprise. Les articles 2085, 2098 et 2099 du C.c.Q. établissent que l’élément principal permettant de distinguer entre les deux types de contrats est le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail. Ces dispositions du C.c.Q. se lisent comme suit :

 

Art. 2085         Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant une rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

 

Art. 2098         Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

 

Art. 2099         L’entrepreneur ou le prestataire de service a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à cette exécution.

 

[14]         En plus de ces articles, il y a lieu de référer aux articles 1378, 1425, 1426 et 1440 du C.c.Q. qui s’appliquent aux contrats en général. Ces articles se lisent comme suit :

 

Art. 1378         Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation.

 

Art. 1425         Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

 

Art. 1426         On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

 

Art. 1440         Le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes; il n’en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.

 

[15]         La nature juridique des relations entre le payeur et le travailleur n’a pas été clairement exprimée dans les quatre ententes conclues entre eux. Il y était en effet précisé que le travailleur devait agir à titre de directeur général par intérim et que ce mandat devait être exécuté à plein temps du lundi au vendredi. Le travailleur relevait du président du payeur et du vice-président, développement des partenariats stratégiques de Sajo. La rémunération du travailleur était un montant fixe par jour avec remboursement pour les frais de déplacement, les frais de repas et d’hébergement. Lesdites ententes ne contenaient pas de dispositions concernant les vacances, les bénéfices sociaux et les primes de rendement. Les ententes avaient une durée de moins d’un an, sauf la troisième entente qui, elle, avait à l’origine une durée de deux ans.

 

[16]         Si on tient compte des modalités des ententes, des circonstances dans lesquelles elles ont été signées et de l’interprétation que les parties leur ont donnée comme le fait que la TPS et la TVQ aient été facturées et payées sur les montants de rémunération et qu’il n’y a pas eu de déductions à la source sur ces montants, il me semble assez évident que les parties ont eu la commune intention de conclure un contrat d’entreprise ou de services.

 

[17]         Dans la recherche de l’intention des parties au contrat, je n’ai accordé aucune importance au fait que le travailleur ait utilisé la société 9132‑8518 Québec Inc. pour facturer le coût de ses services au payeur, cette société n’étant pas partie aux ententes conclues avec le payeur (Art. 1440, C.c.Q.). De plus, aucune preuve n’a été faite que le travailleur a effectué une cession de ses droits en vertu de ces ententes en faveur de la société 9132‑8518 Québec Inc. Enfin, les troisième et quatrième ententes respectivement datées du 2 octobre 2003 et du 24 août 2004 ont été signées par le travailleur personnellement en tant que dirigeant par intérim du payeur plutôt que par la société qui était alors en existence. Compte tenu des circonstances, il semble donc que la société 9132-8518 Québec Inc. ait bénéficié d’une direction de paiement des frais de consultation du travailleur.

 

[18]         Même si l’intention des parties était de conclure un contrat d’entreprise ou de services, cette intention n’est pas en soi un élément déterminant et concluant et il importe tout de même d’examiner tous les faits pertinents du dossier et la conduite des parties dans l’exécution du mandat prévu aux ententes. La preuve a clairement démontré que le travailleur a fourni une prestation de services en faveur du payeur et qu’il a reçu une rémunération de ce dernier. La seule question est donc de savoir s’il existait un lien de subordination entre le payeur et le travailleur.

 

[19]         La subordination se vérifie dans les faits. La notion de subordination a évolué au fil du temps pour tenir compte du degré de spécialisation des travailleurs. Les propos de Robert P. Gagnon dans Le droit du travail du Québec, Éditions Yvon Blais, 2003 5e édition à la page 67 sont particulièrement intéressants à ce sujet :

 

[. . . ] La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu’on reconnaîtra alors comme l’employeur, de déterminer le travail à exécuter, d’encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s’intégrer dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigences de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise.

 

[20]         Les services de monsieur Vachon ont été retenus par le payeur pour son expérience et ses qualités de gestionnaire. Les ententes conclues prévoyaient que le mandat devait être exécuté à plein temps, du lundi au vendredi inclusivement, et que le travailleur relevait du président du payeur et d’un vice-président de Sajo. Plusieurs indices tendent à démontrer que le travailleur était intégré à l’organisation du payeur et que ses services ont été rendus au payeur de façon continue et exclusive durant la période pertinente, du moins jusqu’à la signature de la quatrième et dernière entente le 24 août 2004.

 

[21]         Le poste occupé par le travailleur était celui de directeur général par intérim, un poste très élevé dans la hiérarchie de l’entreprise. À ce titre, le travailleur jouissait d’une grande autonomie dans l’exécution de ses fonctions. Il était prévu aux ententes que le travailleur avait une complète autorité et responsabilité dans l’accomplissement de ses fonctions et qu’il était décisionnel dans tous les aspects de la gestion courante de l’entreprise. Ces éléments démontrent clairement jusqu’à quel point le travailleur était intégré à l’organisation du payeur.

 

[22]         Le travailleur a également représenté le payeur auprès de ses clients et fournisseurs comme l’attestent ses factures pour frais de repas et de représentation.

 

[23]         La réalisation des objectifs décrits aux ententes a nécessité de la part du travailleur qu’il exerce la très grande majorité de ses activités à l’établissement du payeur (bureaux et usine) et ce, même s’il n’y avait pas d’exigence particulière quant à une présence obligatoire à l’établissement du payeur ni quant à un horaire de travail précis. Les parties ne s’entendent pas sur la durée de la présence du travailleur à l’établissement du payeur. Le travailleur prétend qu’il n’y passait que 3½ jours par semaine alors que selon les informations fournies par monsieur Roy à l’agent des appels, le travailleur passait 95% de son temps à l’établissement du payeur.

 

[24]         Les ententes ne contenaient pas d’exigence quant à une prestation personnelle exclusive de la part du travailleur mais compte tenu de la nature du travail à être accompli, il était impensable que le travailleur puisse se faire remplacer par quelqu’un d’autre. De toute façon, l’embauche de consultants externes était sujet à l’approbation préalable de messieurs Roy et Thompson.

 

[25]         Comme un des principaux objectifs de monsieur Vachon était de réaliser un programme de parrainage et de développement individuel et professionnel pour le président du payeur, il y a tout lieu de croire que le travailleur travaillait alors forcément sous la supervision et le contrôle du président.

 

[26]         Dans le contexte d’une entreprise de type familial dont l’actionnaire principal est le président, je ne puis m’imaginer comment le travailleur aurait pu exécuter ses fonctions et réaliser ses objectifs sans être sous la supervision et le contrôle du président. Cela est d’autant plus évident si on tient compte des observations contenues dans le rapport de la firme Gestion Michel Aubry Inc. à l’effet que monsieur Roy était craint et estimé par ses employés, qu’il décidait de tout et qu’il intervenait dans tous les secteurs d’activités de l’entreprise. L’extrait suivant de la page 18 du rapport est très révélateur :

 

Processus décisionnel

 

Les employés et cadres rencontrés sont unanimes; c’est Robert qui décide. Certains vont encore plus loin : Le principal client de l’entreprise, c’est Robert. En plus de vendre nos projets au client, nous devons vendre nos idées à Robert. Les décisions peuvent varier énormément selon ses dispositions du moment.

 

[27]         Selon les ententes, le travailleur relevait du président du payeur et d’un vice-président de Sajo. Cette disposition établit clairement le pouvoir de direction ou de contrôle du président sur le travailleur, exercé seul ou conjointement avec le vice-président de Sajo. Selon le rapport de l’agent des appels, le travailleur produisait des rapports à chaque semaine ou aux deux semaines sur l’état d’avancement des dossiers. L’extrait suivant du premier paragraphe de la page 7 du rapport de l’agent des appels est très révélateur concernant le mode d’opérations des parties en cause et le degré de participation de monsieur Roy dans le processus opérationnel :

 

[. . .] Le travailleur les aidait à identifier des problèmes grâce à son expérience. Lorsqu’un problème survenait, on faisait un plan de match entre le travailleur Robert Roy et Sajo (nouvel investisseur). On s’entendait sur la façon d’intervenir et on faisait le suivi sur le résultat.

 

[28]         Même si le travailleur fournissait lui-même le matériel dont il avait besoin pour exécuter son travail (ex. ordinateur, logiciels, téléphone cellulaire), il n’encourait aucun risque financier dans l’exécution de son travail pour le payeur. Il était payé à la journée et était remboursé pour ses frais de déplacement, d’hébergement et de repas.

 

[29]         Compte tenu de ce qui précède, ma conclusion est que l’appelant ne m’a pas convaincu selon la prépondérance des probabilités que la décision de l’intimé de le considérer comme un employé du payeur durant la période du 10 juin 2002 au 31 décembre 2004 est erronée. À mon avis, il existait bel et bien dans les faits un lien de subordination entre le payeur et l’appelant.

 

[30]         En conséquence, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Montréal (Québec), ce 4e jour de février 2009.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 84

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-105(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Normand Vachon et M.R.N. et

                                                          Les Produits Métalliques Roy Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 25 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 4 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Claude Deschamps

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

Pour l’intervenante :

Personne n’a comparu

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :                         

                      Nom :                           Me Claude Deschamps

                     Firme :

 

         Pour l’intimé :                           John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

       Pour l’intervenante :

 

                   Nom :

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