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Dossier : 2006-2453(EI)

ENTRE :

ÉQUIPE DE SKI NATIONAL CAPITAL OUTAOUAIS,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JEAN BELANGER,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu avec l’appel d’Équipe de Ski

National Capital Outaouais (2006-2454(CPP))

le 8 février 2007, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Catherine Coulter

Avocate de l’intimé :

Pour l’intervenant :

Me Amy Kendell

L’intervenant lui-même

_______________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée suivant les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2007.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mars 2008.

D. Laberge, LL.L.


 

 

Dossier : 2006-2454(CPP)

ENTRE :

ÉQUIPE DE SKI NATIONAL CAPITAL OUTAOUAIS,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JEAN BELANGER,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu avec l’appel d’Équipe de Ski

National Capital Outaouais (2006-2453(EI))

le 8 février 2007 à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Catherine Coulter

Avocate de l’intimé :

Pour l’intervenant :

Me Amy Kendell

L’intervenant lui-même

_______________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée suivant les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2007.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mars 2008.

D. Laberge, LL.L.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI123

Date : 20070319

Dossiers : 2006-2453(EI)

2006-2454(CPP)

ENTRE :

ÉQUIPE DE SKI NATIONAL CAPITAL OUTAOUAIS,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JEAN BELANGER,

Intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

[1]     L’appelante interjette appel d’une décision par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que Jean Belanger, l’intervenant (le « travailleur »), occupait auprès de l’appelante un emploi assurable suivant un contrat de service au cours de la période s’étendant du 1er septembre 2004 au 13 décembre 2005, suivant l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelante interjette également appel de la décision par laquelle le ministre a conclu que le travailleur occupait auprès de l’appelante, au cours de la même période, un emploi ouvrant droit à pension suivant l’alinéa 6(1)a) du Régime de pension du Canada. Ces appels ont été entendus en même temps sur preuve commune.

 

[2]     La question en litige est celle de savoir si le travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant.

 

 

[3]     Le ministre se fonde sur les hypothèses suivantes :

 

a)         l’appelante est un organisme sans but lucratif qui offre un programme de ski aux athlètes d’élite;

 

b)         la saison régulière de ski a lieu d’août à avril;

 

c)         le comité de l’appelante contrôle les activités quotidiennes;

 

d)         Paul Cook est le président du conseil de l’appelante;

 

e)         le travailleur a été engagé suivant une entente écrite qui n’a jamais été signée;

 

f)          les fonctions du travailleur étaient les suivantes :

 

            -           préparer quotidiennement les portes

-                     préparer les batteries des perceuses, les vidéos, le système de

chronométrage, etc.

            -           élaborer des cours de formation et un système de chronométrage

            -           préparer l’équipement pour les voyages

            -           entretenir l’équipement

            -           surveiller l’entraînement hors pistes

-                     enseigner le ski de compétition aux athlètes

-                     conduire la camionnette de l’équipe et s’occuper des athlètes au

cours des voyages

            -           voir à toutes les autres tâches d’assistance à l’entraîneur en chef;

 

g)         le travailleur exerçait ses fonctions dans différentes régions de ski;

 

h)         le travailleur était payé 3 400 $ par mois;

 

i)          le travailleur était payé au moyen d’un chèque émis à son nom;

 

j)          les dépenses engagées par le travailleur dans l’exercice de ses fonctions lui étaient remboursées;

 

k)         le travailleur n’avait pas de vacances payées, d’indemnité de congé ou d’autres avantages;

 

l)          les heures de travail du travailleur étaient aussi longues que les heures suivant lesquelles il s’occupait des athlètes et étaient établies en fonction de l’horaire des compétitions;

 

m)        les heures de travail du travailleur n’étaient pas consignées;

 

n)         le travailleur rendait des comptes à l’entraîneur en chef de l’appelante selon ce qui était jugé nécessaire;

 

o)         l’entraîneur en chef informait le conseil de l’appelante lors des réunions mensuelles du travail qu’ils effectuaient;

 

p)         l’entraîneur en chef supervisait le travail du travailleur tant sur les pentes qu’ailleurs;

 

q)         l’entraîneur en chef établissait le programme d’entraînement et les horaires des compétitions;

 

r)          les manuels pour l’entraînement sont fournis par la fédération de laquelle l’entraîneur était membre et les entraîneurs obtiennent eux-mêmes le manuel et d’autres outils pour l’entraînement;

 

s)         le travailleur devait obtenir l’approbation du conseil de l’appelante avant de prendre des mesures dans les cas où des montants d’argent étaient nécessaires pour les mesures qui n’étaient pas établies dans le programme;

 

t)          le travailleur était soumis à l’exigence d’être un entraîneur certifié de niveau III et un membre en règle de la Fédération des entraîneurs de ski du Canada (la « FESC »);

 

u)         le travailleur devait payer à la FESC sa cotisation annuelle de membre;

 

v)         le travailleur devait également détenir un permis de conduire valide pour conduire une camionnette de 15 passagers;

 

w)        le travailleur avait une assurance responsabilité envers les tiers incluse dans les frais de cotisation annuelle de la FESC;

 

x)         les entraîneurs sont responsables de leur propre entraînement et mise à jour;

 

y)         on fournissait au travailleur un uniforme sur lequel était apposé le logo du commanditaire;

 

z)         le commanditaire fournissait au travailleur l’équipement de ski qu’il utilisait, mais il devait le remettre à la fin de la saison;

 

aa)       les plaintes des parents et de l’entraîneur étaient réglées entre les parties ou par le comité de gestion;

 

bb)       le travailleur devait fournir personnellement ses services, mais un remplaçant pouvait être engagé si nécessaire et sur approbation de l’appelante;

 

cc)       le travailleur travaillait exclusivement pour l’appelante;

 

dd)       l’appelante avait le droit de mettre fin aux services fournis par le travailleur;

 

ee)       il y avait d’autres travailleurs qui exerçaient des fonctions similaires.

 

Les faits

 

[4]     L’appelante se fonde sur le témoignage de deux témoins, Allistar Scott (un ancien entraîneur en chef de l’appelante) et Lisa Bailey (la trésorière de l’appelante). L’intimé se fonde sur le témoignage du travailleur, Jean Belanger.

 

Allistar Scott

 

[5]     L’appelante est un organisme sans but lucratif dont le mandat consiste à développer des skieurs de compétition au Canada. L’appelante a deux divisions d’athlètes, l’équipe juvénile (pour les 13 et 14 ans) et l’équipe FIS (pour les 15 ans et plus).

 

[6]     L’appelante est régie par les règles provinciales s’appliquant aux organisations de ski et par Alpine Canada, qui supervise toutes les compétitions de ski au Canada. Alpine Canada a la charge de la formation technique et éthique des entraîneurs, charge dont elle s’acquitte au moyen de contrats avec la Fédération des entraîneurs de ski du Canada (« FESC »), et elle s’occupe de l’établissement du calendrier des compétitions de niveau national; les organisations provinciales mettent en œuvre leurs programmes athlétiques en tenant compte de ce calendrier.

 

[7]     Les membres de l’appelante sont des parents volontaires, dont certains siègent au comité de gestion (le « comité »), qui tiennent leurs rencontres à la résidence de l’un ou l’autre des membres, d’où ils exercent leurs activités. Le comité approuve tous les contrats et de façon générale tente d’engager des entraîneurs qui ont une certification de niveau III de la FESC.

 

[8]     Allistar Scott est un ancien entraîneur en chef de l’équipe FIS et il est actuellement membre du comité.

 

[9]     M. Scott a expliqué que le travailleur était l’entraîneur en chef de l’équipe juvénile au cours de la saison 2004-2005. Au cours de cette période, le travailleur était peu supervisé par l’entraîneur en chef de l’équipe FIS. Ses fonctions incluaient l’établissement pour les athlètes d’un programme d’activités qui s’harmonisait avec le calendrier de compétitions d’Alpine Canada et qui préparait les athlètes juvéniles pour leur éventuelle transition dans l’équipe FIS. M. Scott a reconnu qu’il avait pu fournir au travailleur le calendrier d’entraînement d’une année antérieure afin qu’il l’utilise comme modèle pour concevoir le programme de la saison en cours. Le travailleur organisait également tout l’entraînement de l’équipe juvénile sur les pentes de ski, tant dans la région qu’à l’extérieur de la région, et prenait toutes les dispositions de voyage notamment quant aux hôtels et aux billets de remontée.

 

[10]    Lorsque le travailleur est devenu l’assistant de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS au cours de l’automne 2005 ses fonctions ont changé de façon radicale, selon M. Scott, compte tenu de la plus grande adresse athlétique de l’équipe FIS. Dans son nouveau rôle, le travailleur était simplement un assistant et il était directement supervisé par l’entraîneur en chef de l’équipe FIS, qui était le seul chargé de l’élaboration des programmes athlétiques de l’équipe FIS. Le travailleur ne pouvait pas décider des endroits où devait avoir lieu l’entraînement, des jours au cours desquels devait avoir lieu l’entraînement, des heures d’entraînement ou de toute autre portion du calendrier.

 

[11]    Étant donné que les organisations externes établissaient les calendriers des compétitions, les athlètes devaient être « sur la neige l’été ». Ainsi, ils se rendaient au Chili pour faire du ski en août et en Suisse à l’automne. M. Scott se souvenait que le travailleur avait dû participer au voyage en Suisse.

 

Lisa Bailey

 

[12]    Lisa Bailey a confirmé le témoignage de M. Scott selon lequel l’organisation de l’appelante est composée de parents, dont certains siègent au comité, et que ses activités sont supervisées par les organisations provinciales. Elle a ajouté que le financement provient de divers programmes comme la commandite, les organisations sportives provinciales, les frais de programme, de même que les ventes de charité et les bingos.

 

[13]    Mme Bailey s’occupe du budget en consultation avec Paul Cook, le président du comité, et avec l’entraîneur en chef de l’équipe FIS. Même si le travailleur était l’assistant de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS, la preuve semblait indiquer qu’il n’avait pas de responsabilités liées au budget. Cependant, elle a déclaré que lorsque le travailleur était l’entraîneur en chef de l’équipe juvénile, on l’informait du budget de l’équipe et on lui demandait de planifier ses programmes et ses dispositions de voyage pour les athlètes en tenant compte des paramètres du budget. Il fallait l’approbation du comité pour tout dépassement de budget. La responsabilité de tels dépassements incombait toujours à l’appelante et non au travailleur.

 

[14]    Elle a déclaré que l’appelante fournissait aux entraîneurs des camionnettes et des remorques de location pour le transport des athlètes vers les différents sites d’entraînement. Les entraîneurs devaient avoir des permis pour conduire ces véhicules. L’appelante fournissait de l’équipement, comme des portes et des chronomètres. Les entraîneurs devaient porter des uniformes, sur lesquels était apposé le logo du commanditaire, afin qu’ils puissent être identifiés en tant qu’équipe sur les pentes de ski. Les entraîneurs fournissaient leurs propres équipements de ski, téléphones cellulaires pour les communications et ordinateurs. Mme Bailey supposait que le travailleur était supervisé tant sur les pentes de ski qu’ailleurs que sur les pentes de ski.

 

[15]    Elle a déclaré que les entraîneurs pouvaient engager des remplaçants et que le travailleur l’avait fait à une occasion lorsque certains des membres de son équipe s’étaient qualifiés pour des événements en Ontario et certains autres pour des événements au Québec. Il avait accompagné une partie de son équipe au Québec et pris des dispositions pour qu’un autre entraîneur accompagne le reste de l’équipe en Ontario. Elle a témoigné que même si le travailleur n’avait pas obtenu l’approbation du comité quant au deuxième entraîneur, il est plutôt probable qu’il avait obtenu la permission des parents. Le travailleur a présenté à Mme Bailey à des fins de remboursement par l’appelante les dépenses engagées par cet autre entraîneur.

 

[16]    Mme Bailey a en outre déclaré que le travailleur devait signer une entente qui énonçait ses fonctions et la durée du contrat et qui prévoyait qu’il serait un entrepreneur indépendant. Mme Bailey a confirmé que tous les entraîneurs, notamment le travailleur, étaient payés par chèque et qu’aucune retenue n’était effectuée. Elle a en outre déclaré que rien n’empêchait les entraîneurs de travailler pour d’autres organisations et qu’en fait certains d’entre eux avaient d’autres entreprises et emplois.

 

Jean Belanger

 

[17]    Le travailleur a témoigné qu’il avait postulé un poste auprès de l’appelante et qu’il avait commencé à travailler en tant qu’entraîneur en chef de l’équipe juvénile en septembre 2004. Il a déclaré qu’on lui avait offert 18 000 $ (pièce R‑1, onglet 1) et que le montant de rémunération ne dépendait pas du nombre d’athlètes qu’il aurait à entraîner, mais était plutôt un montant préétabli pour toute la saison. Il devait avoir une certification de niveau III et être membre de la FESC, qui fournit une assurance responsabilité à ses membres. On lui a demandé de signer une entente qui prévoyait qu’il serait un entrepreneur indépendant.

 

[18]    Lorsqu’il a été engagé, on lui a donné les critères du programme (pièce A‑1, onglet 1) et un calendrier d’entraînement à domicile d’une année antérieure, qu’il devait suivre pour élaborer son programme athlétique afin de s’assurer que l’appelante maintienne une philosophie d’entraînement constante. Au début de son emploi, il a assisté avec d’autres entraîneurs à une réunion au cours de laquelle il a visionné des vidéos faisant ressortir des tactiques et des techniques de ski que les entraîneurs devraient tenter de réaliser. À mesure que la saison progressait, il a assisté à des réunions mensuelles du comité pour rendre compte des progrès de l’équipe.

 

[19]    Il avait un entraîneur pour l’assister, mais il n’avait pas participé à son embauche et il ne le payait pas lui-même. Il avait un budget et il communiquait régulièrement avec la trésorière, Lisa Bailey, pour s’assurer qu’il ne dépassait pas son budget. Toutes les dépenses qu’il engageait dans l’exercice de ses fonctions étaient remboursées, notamment l’essence pour la camionnette, les hôtels, les repas, l’espace d’entraînement sur les pentes de ski et les frais interurbains du téléphone cellulaire. Il remplissait et présentait, en y joignant ses reçus, des formulaires de rapports de dépenses que l’appelante lui avait fournis. Toutes les dépenses imprévues devaient être approuvées.

 

[20]    Il utilisait effectivement certains de ses objets personnels comme ses skis et ses bâtons, son ordinateur, son téléphone cellulaire et sa caméra vidéo. Il devait toutefois porter l’uniforme de l’équipe (manteau d’hiver et pantalon de ski, ainsi qu’un manteau de printemps) que lui fournissait l’appelante. Il avait aussi à sa disposition une camionnette et une remorque de location et de l’équipement de ski, des portes, des outils, des perceuses, des mèches de perceuse, des drapeaux, des barrières et des radios. Lorsque l’équipement se brisait, l’appelante payait les dépenses. Selon le travailleur, sans l’équipement de course fourni par l’appelante, il enseignerait le ski, mais pas le ski de compétition.

 

[21]    Il se déplaçait régulièrement dans la région avec les athlètes pour des championnats provinciaux et nationaux, mais ce n’est pas lui qui décidait des endroits où il devait se rendre ni des moments où il devait le faire. Il se rappelle que, à une occasion pendant qu’il occupait son poste d’entraîneur en chef de l’équipe juvénile, certains des membres de son équipe s’étaient qualifiés pour les championnats provinciaux en Ontario et d’autres pour ceux au Québec. Pendant que l’entraîneur qui l’assistait et lui accompagnaient certains des athlètes aux compétitions au Québec, un autre entraîneur avait été engagé pour accompagner un athlète qui s’était qualifié en Ontario. Il a obtenu l’approbation des parents pour cet entraîneur et l’approbation de Lisa Bailey, la trésorière, quant aux fonds nécessaires. Il a par la suite présenté un rapport de dépenses à Lisa Bailey au nom de cet entraîneur et l’appelante a payé ces dépenses.

 

[22]    Il dit que lorsqu’il entraînait l’équipe juvénile, il ne pouvait occuper aucun autre poste d’entraîneur, étant donné que ce poste l’occupait à temps plein. Il a en outre déclaré que le comité aurait vu d’un mauvais œil qu’il entraîne d’autres skieurs, puisque cela aurait constitué une aide à la concurrence.

 

[23]    En août 2005, le travailleur est devenu l’assistant de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS. Il a continué à occuper ce poste jusqu’en décembre 2005. Son contrat prévoyait qu’il devait être payé 22 000 $. Une fois de plus, ce montant ne dépendait pas du nombre d’athlètes qu’il entraînait ou du nombre d’heures qu’il travaillait. Ses fonctions consistaient notamment à conduire une deuxième camionnette, à déplacer l’équipement sur les pentes, à tenir à jour les horaires d’entraînement et à assister l’entraîneur quant à l’entraînement des athlètes. Contrairement à ce qui se passait quand il occupait son poste d’entraîneur en chef de l’équipe juvénile, il n’avait rien à dire quant aux calendriers d’entraînement ou aux dispositions prises pour les voyages. Ses fonctions consistaient plutôt à donner suite aux instructions de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS, qui établissait également le calendrier d’entraînement pour la saison. Il avait dû être présent à toutes les séances d’entraînement, notamment au cours des trois semaines au Chili, des trois semaines en Suisse et des deux semaines en Colombie-Britannique.

 

[24]    Le travailleur et l’appelante fournissaient chacun le même équipement qui était fourni lorsqu’il occupait le poste d’entraîneur en chef de l’équipe juvénile. Il utilisait principalement son ordinateur pour montrer à son équipe des vidéos qu’il avait enregistrées sur sa caméra, mais son ordinateur n’était pas l’une des principales pièces d’équipement nécessaires quant à l’exercice de ses fonctions. Ses dépenses étaient remboursées comme elles l’étaient lorsqu’il occupait son poste antérieur.

 

La position de l’appelante

 

[25]    L’avocate de l’appelante soutient que, compte tenu des décisions récentes rendues depuis l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Ltd., [2001] 2 R.C.S. 983, le facteur le plus important, lors de l’examen d’une relation de travail, est l’intention des parties. L’avocate a avancé que l’arrêt Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6853, et l’arrêt Le Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 C.A.F. 87, établissent que si l’intention est claire, il n’y a pas lieu d’examiner d’autres aspects de la relation. Ce n’est que dans les cas où l’intention n’est pas claire dès le début que d’autres aspects devraient avoir quelque incidence.

 

[26]    L’avocate soutient que l’appelante a toujours eu l’intention que le travailleur soit un entrepreneur indépendant. Le travailleur, quant à lui, n’a jamais contesté le fait qu’il était un entrepreneur indépendant jusqu’à ce qu’il tente de toucher de l’assurance-emploi. En outre, l’entente écrite établissait clairement que l’intention des parties était que le travailleur soit un entrepreneur indépendant. L’avocate soutient que puisque l’intention des parties était claire au début, aucun autre facteur ne doit être pris en compte.

 

[27]    L’avocate a en outre soutenu que l’arrêt Le Royal Winnipeg Ballet ressemblait de façon frappante au présent appel et que même les facteurs additionnels énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, montrent clairement que le travailleur était un entrepreneur indépendant.

 

 

La position de l’intimé

 

[28]    L’avocate de l’intimé soutient que malgré des décisions récentes, l’arrêt Sagaz Industries demeure l’arrêt de principe applicable. Les arrêts Wolf et Le Royal Winnipeg Ballet ne font que clarifier le fait que pour déterminer la relation qui existe entre les parties, la Cour doit examiner tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, ainsi que l’intention des parties. L’avocate avance que l’examen des facteurs du contrôle, de la possession des outils, des risques et pertes et des possibilités de profit, établit clairement que le travailleur était un employé de l’appelante.

 

L’analyse

 

[29]    Même si l’arrêt Sagaz Industries traite de la question de la responsabilité du fait d’autrui, le juge Major, dans le cadre de ses motifs, a examiné les différences entre un employé et un entrepreneur indépendant. Après avoir renvoyé aux facteurs de l’arrêt Wiebe Door, il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 46, 47 et 48 :

 

[46]      À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, précité, qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416).  Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme — en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 — qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction]  [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services […]  La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

[47]      Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

[48]      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[30]    La question a par la suite été examinée en 2002 par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wolf. Même si l’analyse de la Cour d’appel était fondée sur les articles du Code civil du Québec, elle comportait des références à la jurisprudence antérieure, notamment à l’arrêt Sagaz Industries. La juge Desjardins a déclaré ce qui suit au paragraphe 93 :

 

[93]      Tant le travail de Canadair que celui de l’appelant étaient intégrés au sens qu’ils visaient la même activité et le même objectif, à savoir la certification des aéronefs. Toutefois, compte tenu du fait que le facteur d’intégration doit être pris dans la perspective de l’employé, il est clair que cette intégration était incomplète. L’appelant était chez Canadair pour fournir une aide temporaire dans un champ limité d’expertise, à savoir le sien. Lorsque l’on répond à la question « à qui est l’entreprise? », de ce point de vue là, l’entreprise de l’appelant est indépendante.

 

[31]    Dans des motifs concourants, aux paragraphes 117 et 119, le juge Décary a déclaré ce qui suit :

 

[117] Le critère consiste donc à se demander, en examinant l’ensemble de la relation entre les parties, s’il y a un contrôle d’un côté et une subordination de l’autre. Je déclare, avec le plus grand respect, que les tribunaux, dans leur propension à créer des catégories juridiques artificielles, ont parfois tendance à ne pas tenir compte du facteur même qui est l’essence d’une relation contractuelle, à savoir l’intention des parties. L’article 1425 du Code civil du Québec établit le principe selon lequel « on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés ». L’article 1426 du Code civil du Québec poursuit en disant : « on tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages ».

 

[…]

 

[119] Les contribuables peuvent organiser leurs affaires de la façon légale qu’ils désirent. Personne n’a suggéré que M. Wolf ou Canadair ou Kirk-Mayer ne sont pas ce qu’ils disent être ou qu’ils ont arrangé leurs affaires de façon à tromper les autorités fiscales ou qui que ce soit. Lorsqu’un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu’il est exécuté comme tel, l’intention commune des parties est claire et l’examen devrait s’arrêter là. Si ce n’était pas suffisant, il suffit d’ajouter qu’en l’espèce, les circonstances dans lesquelles le contrat a été formé, l’interprétation que lui ont donnée les parties et l’usage dans l’industrie aérospatiale conduisent tous à conclure que M. Wolf n’est pas dans une position de subordination et que Canadair n’est pas dans une position de contrôle. La « question centrale » a été définie par le juge Major dans l’affaire Sagaz comme étant : « si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ». Il est clair, à mon avis, que M. Wolf a exécuté des services professionnels à titre de personne qui travaillait pour son propre compte.

 

[32]    Le juge Noël, qui souscrivait également à la décision, a déclaré ce qui suit au paragraphe 122 :

 

[122]    J’accueillerais aussi l’appel. À mon avis, il s’agit d’un cas où la qualification que les parties ont donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n’est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l’autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l’espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[33]    Je pense que ce qui peut se dégager de ces déclarations c’est que, dans tous les cas, il faut revenir aux principes de base énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Sagaz Industries. Plus précisément, des déclarations à l’égard de l’intention incluses dans une entente ne sont pas déterminantes à moins qu’elles reflètent la situation juridique réelle des parties. Par conséquent, les cours doivent évaluer tous les faits pertinents et toutes les circonstances pertinentes pour déterminer si ces faits et circonstances reflètent l’intention que les parties ont initialement énoncée. Il peut y avoir de nombreux cas où on conclut que l’intention est exactement celle que les parties disent avoir, mais il peut y avoir également autant de cas où une enquête portant sur le caractère sous-tendant la relation ne révèle pas l’intention que les parties, ou l’une d’elles, prétendent avoir. Ce n’est pas parce que je dis que mon chien est un chien de race qu’il en est un, à moins qu’il ne soit établi que certaines caractéristiques existent.

 

[34]    La juge Sharlow, dans l’arrêt Le Royal Winnipeg Ballet, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 60 et 61 :

 

[60]      Le juge Décary n’affirmait pas que la nature juridique d’une relation donnée est toujours celle que lui prêtent les parties. Il faisait référence en particulier aux articles 1425 et 1426 du Code civil du Québec, qui énoncent des principes du droit des contrats que l’on retrouve également en common law. Un de ces principes veut que, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, il faut rechercher l’intention commune des parties plutôt que de s’en remettre uniquement au sens littéral des mots utilisés. Un autre principe est que, pour interpréter un contrat, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que lui ont déjà donnée les parties ou d’autres personnes, ainsi que de l’usage. La conclusion inévitable est qu’il faut toujours examiner les éléments de preuve qui reflètent la façon dont les parties ont compris leur contrat et leur accorder une force probante appropriée.

 

[61]      Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

 

[35]    La juge Sharlow a ensuite déclaré ce qui suit au paragraphe 64 :

 

[64]      Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[36]    Dans des motifs concourants, la juge Desjardins a déclaré ce qui suit aux paragraphes 71 et 72 :

 

[71]      La question de savoir si les parties ont conclu un contrat de travail aux fins de l’assurance-emploi ou du Régime de pensions du Canada a soulevé de nombreuses difficultés au cours des ans, comme en témoigne la jurisprudence émanant de la Cour. Je ne pense pas qu’il convienne de priver le juge de common law de la possibilité de tenir compte de l’intention des parties, et ce, afin qu’il puisse confronter cette intention aux facteurs objectifs et aux circonstances factuelles de l’affaire lorsqu’il rend sa décision définitive.

 

[72]      Comme l’a démontré la juge Sharlow, même si l’intention des parties n’est pas contestée, sauf par des tiers, comme c’est le cas en l’espèce, le juge de common law a néanmoins le devoir de « vérifier » si les modalités utilisées et les faits de l’affaire sont compatibles avec la qualification donnée au contrat par les parties. Le juge de common law doit veiller à ce que le contrat signé par les parties reflète effectivement l’entente qu’elles affirment avoir conclue.

 

[37]    Une fois de plus, les passages précédemment cités de la juge Sharlow et de la juge Desjardins établissent clairement que lorsque la nature d’une relation juridique est en cause, la cour doit « vérifier » si les circonstances au coeur même de la relation révèlent les intentions exprimées par les parties. Ce n’est qu’au moyen d’un examen des circonstances et des faits particuliers (qui peuvent varier d’un cas à l’autre) que l’on peut en fait décider si les intentions exprimées par les parties sont conformes à leurs relations réelles. Si, à la lumière d’une preuve objective, c’est ce que les parties accomplissent, leur intention doit alors l’emporter, puisqu’elle représente leur libre volonté de conclure des contrats sur le marché.

 

[38]    Dans le plus récent arrêt de la Cour d’appel fédérale, Combined Insurance Company of America c. M.N.R. et Mélanie Drapeau, numéro de référence 2007 C.A.F. 60, non publié, le juge Nadon, après avoir examiné la jurisprudence récente, a déclaré ce qui suit au paragraphe 35 :

 

[35]      De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.         Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Doors, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

 

2.         Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[39]    Pour les motifs énoncés, je dois rejeter la caractérisation faite par l’appelante quant à l’argument de l’« intention » et son application. Bien que l’avocate ait raison de dire que l’accent a été modifié, il ne s’agit pas, comme elle l’avance, d’une simple question de définir l’intention sans objectivement apprécier les facteurs et les circonstances se rapportant à la relation juridique des parties. Plutôt, la Cour doit examiner tous les facteurs pertinents, notamment les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, et tout autre facteur qui peut être pertinent, en prenant en compte les intentions énoncées par les parties. L’importance et la pertinence de ces facteurs varieront d’un cas à l’autre, même si le facteur du contrôle jouera souvent le rôle plus dominant. En fin de compte, chaque analyse est véritablement un effort individuel qui doit se dérouler sur la scène de chaque cas.

 

[40]    En étant consciente que le travailleur et l’appelante ont des opinions contradictoires quant à la nature de leur relation, j’examinerai la preuve en fonction des facteurs ci-après exposés.

 

Le contrôle

 

[41]    En examinant toute la preuve dont je dispose, je conclus que le degré de contrôle dans la relation entre le travailleur et l’appelante tend plutôt vers le statut d’employé, même s’il y a certains éléments qui indiquent la direction opposée et certains éléments que je considère comme neutres.

 

[42]    D’abord, l’appelante a soutenu que les faits en cause dans les présents appels peuvent être distingués d’autres cas parce que les philosophies et les directives quant à l’entraînement étaient établies par les organisations de ski plutôt que par l’appelante. La preuve appuie le fait que l’appelante a adopté les exigences et les obligations quant à l’entraînement d’Alpine Canada et le code d’éthique de la FESC. Cependant, de nombreuses organisations adoptent les directives et les exigences se rapportant à l’entraînement d’autres organisations. En fait, en l’espèce, le respect à cet égard était particulièrement important étant donné que les athlètes devaient acquérir des habiletés de compétition à l’intérieur de certains horaires afin de participer aux compétitions provinciales. Je crois également que la preuve donnait à penser que le fait de suivre ces exigences permettait à l’appelante d’être admissible à des subventions. Le travailleur avait effectivement une certaine latitude pour travailler avec les athlètes à l’intérieur des exigences et des calendriers d’entraînement qui avaient été adoptés. Cependant, c’est l’appelante qui avait fait siennes ces politiques, qui les avait fournies au travailleur lorsqu’il avait commencé à travailler à titre d’entraîneur en chef de l’équipe juvénile et qui s’attendait à ce qu’il travaille en respectant ces directives afin que les membres de l’équipe juvénile soient préparés à passer à l’équipe FIS. À mon avis, l’exigence de suivre des philosophies constantes reflète beaucoup plus le type de contrôle qu’on verrait dans une relation d’emploi.

 

[43]    Examinons maintenant le rôle du travailleur à titre d’entraîneur en chef de l’équipe juvénile. On lui a offert un salaire et la preuve ne donnait pas à penser que ce salaire était négociable de quelque manière. Il rendait des comptes à l’entraîneur en chef de l’équipe FIS, qui lui avait donné les calendriers d’entraînement qui avaient été utilisés au cours des années antérieures. L’appelante lui avait fourni un entraîneur pour l’assister, mais la preuve ne donne pas à penser qu’il avait participé de quelque façon à l’embauche de cet assistant, même s’ils devaient travailler en étroite relation. Il assistait à des réunions mensuelles du comité pour faire un rapport sur les progrès de l’équipe juvénile. On lui avait fourni un modèle de rapport de dépenses, on l’avait informé du budget et on exigeait qu’il obtienne une approbation quant aux dépenses additionnelles ou imprévues. Il se déplaçait avec son équipe dans d’autres régions où il y avait de la neige, mais ce n’est pas lui qui choisissait les destinations et les périodes de voyage. Il n’avait pas d’heures de travail établies et il exécutait certaines tâches administratives, comme s’occuper des dispositions de voyage, de chez lui, mais la majorité de son travail avait lieu sur les pentes de ski. Même si ces derniers facteurs peuvent indiquer qu’il s’agit d’un entrepreneur indépendant, ils sont relégués au second plan par de nombreux autres points qui donnent à penser qu’il s’agit d’une relation d’emploi.

 

[44]    De nombreux éléments de preuve ont été déposés à l’égard du soi-disant « remplaçant », qui a accompagné un ou deux membres de l’équipe juvénile à des compétitions en Ontario pendant que le travailleur se rendait au Québec avec le reste de l’équipe. D’abord, je ne considère pas que cet individu soit « un remplaçant » du travailleur selon le vrai sens du mot. Il avait plutôt été engagé en plus du travailleur lorsque cela a été nécessaire. Le travailleur a dit qu’il avait obtenu l’approbation des parents et, selon le témoignage de Lisa Bailey, il avait probablement discuté de la question avec les parents, mais non avec le comité. Son témoignage contredisait le questionnaire du payeur (pièce R‑2) qui indiquait que le travailleur avait besoin non seulement de l’approbation des parents pour engager un remplaçant, mais également de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS et du comité. Ce « remplaçant », qui avait apporté de l’aide quant à l’équipe juvénile, a été payé par l’appelante lorsqu’une demande de remboursement de dépenses a été présentée à Lisa Bailey. Cela indique clairement qu’il s’agit d’une relation d’emploi.

 

[45]    Passons maintenant au rôle du travailleur en tant qu’assistant de l’entraîneur en chef de l’équipe FIS. Lorsqu’on l’a questionné au sujet de ses fonctions, le travailleur a énuméré de nombreuses activités que l’entraîneur en chef lui déléguait, mais il a finalement dit en résumé : [traduction] « Je sais qu’il y avait plus, mais je faisais seulement ce qu’il avait besoin que je fasse ». Je conclus de la preuve que le degré de contrôle et d’orientation exercé par l’appelante sur le travailleur dans ce poste a augmenté de façon importante. L’entraîneur en chef de l’équipe FIS lui déléguait simplement des tâches, ce qui à mon avis suggère une relation d’emploi.

 

[46]    Il est en outre intéressant de noter que l’entente comportait une clause stipulant que l’appelante pouvait congédier le travailleur pour diverses raisons, l’une étant l’« insubordination ». Cela révèle la position d’autorité de l’appelante dans la relation de travail et sa tentative de contrôler le rendement au travail du travailleur.

 

[47]    Bien que certains des éléments qui doivent être examinés suivant le facteur du contrôle appuient effectivement l’argument de l’appelante, dans l’ensemble, la majeure partie de la preuve appuie la position de l’intimé selon laquelle un contrôle considérable était exercé à l’égard des activités du travailleur et que par conséquent le travailleur est un employé.

 

La propriété des outils

 

[48]    De même, lorsqu’on examine le facteur de la propriété des outils, il y a des arguments qui appuient les deux positions. Cependant, il est clair, en examinant l’ensemble de la preuve, que les éléments d’équipement les plus importants, essentiels au travail d’entraîneur, étaient fournis par l’appelante. Le travailleur devait porter l’uniforme de l’équipe fourni par l’appelante, afin que l’équipe puisse être identifiée. Les camionnettes et les remorques utilisées pour les voyages, les portes, les perceuses, les drapeaux, et ainsi de suite étaient fournis afin d’aider les entraîneurs quant à l’entraînement des skieurs de compétition sur les diverses pentes de ski. Même si le travailleur utilisait effectivement certains objets personnels, comme un ordinateur, son propre équipement de ski et son téléphone cellulaire, l’appelante remboursait les appels interurbains qu’il effectuait sur son téléphone cellulaire lorsque les appels se rapportaient au travail. Je suis convaincue que le facteur de l’équipement révèle principalement une relation d’employé.

 

Les possibilités de profits et les risques de perte

 

[49]    La preuve se rapportant à ce facteur appuie clairement le fait que le travailleur est un employé. Il recevait un salaire net qui ne dépendait pas du nombre de skieurs qu’il entraînait et on lui remboursait toutes les dépenses et les dépassements de budget. Il n’avait absolument aucune possibilité de profit et aucune somme d’argent n’était à risque.

 

L’intégration

 

[50]    Les activités du travailleur étaient complètement intégrées à celles de l’appelante, ce qui suggère une relation d’emploi. Lorsqu’il a quitté son emploi en décembre 2005, il allait de soi que les athlètes restaient au sein de l’organisation de l’appelante dans l’attente d’un nouvel assistant à l’entraîneur en chef de l’équipe FIS. Le travailleur n’avait pas la possibilité de constituer sa propre clientèle, étant donné qu’il était simplement payé pour entraîner la clientèle de l’appelante. En outre, la preuve dont je disposais à l’égard de certains autres entraîneurs qui occupaient d’autres emplois n’est pas convaincante. Ce travail est en partie saisonnier et je ne disposais pas d’éléments de preuve à l’égard des périodes pendant lesquelles ces entraîneurs avaient pu travailler ailleurs ou s’il s’agissait simplement d’un individu qui menait de front deux emplois.

 

La conclusion

 

[51]    Bien que les parties aient signé une entente qui désignait le travailleur en tant qu’un entrepreneur indépendant, la réalité de leur relation juridique ne reflète pas cette caractérisation. Je suis d’avis que la jurisprudence établit clairement que de simples déclarations quant aux intentions, qu’elles soient écrites ou de vive voix, ne transformeront pas une relation en quelque chose que les circonstances et les faits de l’affaire n’appuient pas. Après un examen minutieux de la preuve fournie par les témoins, compte tenu des intentions qu’ils ont énoncées et de la situation quant à leur relation, notamment des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, je dois conclure que la relation du travailleur était une relation de subordination envers l’appelante. Bien que les faits et la preuve qui existent dans une autre relation concernant des entraîneurs de skieurs de compétition puissent indiquer que les entraîneurs étaient des entrepreneurs indépendants, ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

 

[52]    Je suis d’avis en fin de compte qu’il est encore important que je me pose la question essentielle, comme la Cour suprême l’a indiqué dans l’arrêt Sagaz, à savoir : « À qui appartient l’entreprise?».Lorsque j’examine l’ensemble de la preuve dont je dispose, il n’y a qu’une seule conclusion : C’était l’entreprise de l’appelante et le travailleur était engagé à titre d’employé de cette entreprise.

 

[53]    Pour les motifs énoncés, je rejette les deux appels.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2007.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mars 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

RÉFÉRENCE :

2007CCI123

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2006-2453(EI)

2006-2454(CPP)

 

INTITULÉ :

Équipe de Ski National Capital Outaouais et Le ministre du Revenu national et Jean Belanger

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 mars 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Catherine Coulter

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenant :

Me Amy Kendell

 

Jean Belanger

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Me Catherine Coulter

Étude :

Fraser Milner Casgrain

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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