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Dossier : 2008-1145(IT)I

ENTRE :

YIM SAN CHOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 16 janvier 2009.

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Gary Liang

Avocate de l’intimée :

Me Selena Sit

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       

          L’appel interjeté à l’égard des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que, sous réserve des limites applicables aux mesures de redressement prévues par la procédure informelle, aucun des dépôts bancaires en cause ne doit être inclus dans les revenus de l’appelante, et que les pénalités pour faute lourde doivent être annulées.

 

          Les dépens sont adjugés à l’appelante, conformément au tarif.

 

          La Cour ordonne au greffe de rembourser à l’appelante son droit de dépôt.


 

          Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de février 2009.

 

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

Référence : 2009CCI90

Date : 20090209

Dossier : 2008-1145(IT)I

ENTRE :

YIM SAN CHOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]     Le présent appel a été interjeté par Yim San Chow à l’égard des cotisations établies à son égard en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004.

 

[2]     En l’espèce, deux questions sont en litige : (1) est-ce que certaines sommes déposées dans les comptes bancaires de Mme Chow constituaient des revenus entre ses mains? (2) l’imposition de pénalités pour faute lourde était‑elle appropriée?

 

Contexte

 

[3]     Selon son témoignage, Mme Chow est une femme au foyer qui s’occupe de ses enfants. Dans ses déclarations de revenus pour les années pertinentes, l’appelante a seulement déclaré de faibles revenus provenant d’intérêts.

 

[4]     Pour des raisons qui n’ont pas été expliquées à l’audience, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a mené une vérification à l’endroit de Mme Chow en 2006. Cette vérification a débuté par une visite chez Mme Chow.

 

[5]     Deux vérificateurs se sont rendus chez Mme Chow; l’un d’eux devait seulement servir d’interprète, car Mme Chow ne parle pas très bien anglais.

 

[6]     Durant cette visite, un des vérificateurs a examiné les livrets bancaires de Mme Chow et il a conclu que de nombreux dépôts bancaires avaient été faits dans les comptes de Mme Chow, certains de ces dépôts atteignant jusqu’à 40 000 $.

 

[7]     Le vérificateur a demandé la permission d’emporter les livrets bancaires pour en faire des copies, mais Mme Chow ne voulait pas que les livrets sortent de chez elle, alors elle a dit au vérificateur qu’elle allait faire des photocopies pour lui.

 

[8]     Après avoir reçu les photocopies faites par Mme Chow, le vérificateur n’était pas convaincu qu’elles reflétaient fidèlement le contenu des livrets, et il s’est alors adressé directement aux banques de Mme Chow pour obtenir les informations pertinentes quant aux dépôts bancaires.

 

[9]     Le processus de vérification a mené à l’établissement de nouvelles cotisations dans lesquelles on avait ajouté aux revenus de Mme Chow des sommes déposées dans plusieurs comptes bancaires de Mme Chow, dont certains étaient détenus conjointement avec son époux ou d’autres membres de sa famille.

 

[10]    Les sommes ajoutées aux revenus de Mme Chow étaient de 138 980 $ pour l’année d’imposition 2003, et de 29 000 $ pour l’année d’imposition 2004. Des pénalités pour faute lourde lui ont aussi été imposées compte tenu de l’ampleur des revenus qui n’avaient pas été déclarés.

 

[11]    Mme Chow a alors fait appel à son comptable, Gary Liang, pour l’aider dans cette affaire. M. Liang a aussi représenté Mme Chow à l’audience.

 

[12]    Avec l’aide de M. Liang, des observations détaillées ont été présentées à l’ARC à l’étape de l’opposition. Essentiellement, l’appelante y faisait valoir qu’aucune des sommes déposées ne provenait d’un revenu. La plupart de ces sommes seraient venues de membres de la famille de Mme Chow, surtout des personnes âgées, ou d’amis proches de la famille.

 

[13]    En réponse à ces observations, des nouvelles cotisations modifiées ont été établies. Dans ces nouvelles cotisations, certains des dépôts bancaires ont été déduits des revenus de Mme Chow. Quoique les témoignages à ce sujet n’aient pas été aussi clairs que je l’aurais souhaité, il semble que l’agent des appels ait exclu du revenu de l’appelante les sommes à l’égard desquelles il y avait des preuves suffisantes pour permettre de croire que les dépôts provenaient de parents ou d’amis.

 

[14]    Les modifications apportées étaient considérables. Dans les nouvelles cotisations modifiées, les sommes ajoutées aux revenus de Mme Chow ont été ramenées à 52 941 $ pour 2003 et à 19 000 $ pour 2004. Les pénalités pour faute lourde ont elles aussi été rajustées pour tenir compte de ces réductions.

 

[15]    La plupart des dépôts bancaires qui n’ont pas été exclus des revenus de Mme Chow avaient été faits en espèces, ce qui rendait leur provenance difficile à établir. Mme Chow a soutenu que beaucoup de ces dépôts bancaires provenaient de parents âgés ou d’amis de la famille qui avaient besoin ou auraient pu avoir besoin d’aide pour gérer leurs finances.

 

Analyse

 

[16]    Pour les motifs exposés ci‑après, j’ai conclu que l’appel doit être accueilli.

 

[17]    À mon avis, l’appelante a établi prima facie que les dépôts bancaires en cause dans le présent appel étaient soit des dons ou des prêts faits par des parents ou des amis proches, soit des sommes détenues en fiducie pour ces personnes‑là.

 

[18]    Lorsqu’un appelant établit une preuve prima facie de ses prétentions, le fardeau de la preuve passe à l’intimée, qui doit réfuter la preuve de l’appelant (voir Hickman Motors Ltd. v. The Queen, 97 DTC 5363 (C.S.C.), p. 5376). En l’espèce, l’intimée ne s’est pas déchargée de ce fardeau.

 

[19]    Les plaidoiries de l’intimée ont clairement démontré que celle‑ci n’affirmait pas que le témoignage de Mme Chow avait été trompeur. Si ce témoignage n’était pas trompeur, il est difficile de comprendre comment Mme Chow aurait pu toucher des revenus.

 

[20]    De deux choses l’une : soit le témoignage de Mme Chow était délibérément trompeur, soit les dépôts bancaires en cause ne constituaient pas des revenus. Je ne peux pas imaginer d’autre explication plausible.

 

[21]    Pour conclure que Mme Chow a établi prima facie que les dépôts bancaires ne constituaient pas des revenus, j’ai également tenu compte des facteurs suivants :

 

1)     Mme Chow a présenté une quantité importante d’éléments de preuve à l'appui de sa version des faits, y compris des documents montrant que des sommes lui ayant été données avaient été retirées d'autres comptes bancaires. Cette preuve n’était pas parfaite, mais elle permet de croire que Mme Chow a fait preuve de bonne foi dans ses efforts pour présenter des pièces justificatives à la Cour.

 

2)     L’appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle; il faut donc faire preuve d’une certaine indulgence pour les lacunes relevées dans la preuve.

 

3)     Mis à part les revenus provenant d’intérêts dont il a déjà été question, Mme Chow n’a aucune autre source de revenus évidente. Les faits de la présente espèce sont très différents de ceux qui sont habituellement en cause dans les affaires où il existe des sources de revenus évidentes, comme c’est le cas d’entreprises faisant des affaires au comptant. L’intimée a déposé en preuve un formulaire bancaire où il était indiqué que Mme Chow travaillait comme gardienne d’enfants. Lorsque Mme Chow a été contre‑interrogée, elle a affirmé ne pas du tout savoir d’où cette information provenait. On peut raisonnablement croire qu’il s’agit d’un malentendu survenu entre la banque et Mme Chow parce que cette dernière ne parle pas bien anglais.

 

4)     Mme Chow a fourni des explications vraisemblables quant à savoir pourquoi elle n’avait pas d’autres pièces justificatives provenant des membres de sa famille. Ces explications étaient compatibles avec l’ensemble de la preuve.

 

5)     À l’étape de l’opposition, les nouvelles cotisations ont été modifiées de façon à réduire de manière importante les sommes ajoutées aux revenus de l’appelante, car l’ARC avait été convaincue que la majorité des dépôts bancaires en cause provenaient de parents de Mme Chow.

 

[22]    Pour ces motifs, je conclus que Mme Chow s’est acquittée du fardeau d’établir une preuve prima facie de ses prétentions, et que l’intimée n’a pas su réfuter cette preuve.

 

[23]    En l’espèce, il se peut qu’une partie ou la totalité des sommes visées par les cotisations ait constitué des revenus entre les mains de Mme Chow.

 

[24]    Cependant, Mme Chow a présenté un nombre important de pièces justificatives à l’appui de sa position. Dans les circonstances, je suis d’avis qu’il est approprié d’exiger que l’intimée fournisse une preuve plus convaincante quant au fait que des revenus n’auraient pas été déclarés.

 

[25]    Pour ces motifs, l’appel est accueilli. Les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il établisse de nouvelles cotisations compte tenu du fait que, sous réserve des limites applicables aux mesures de redressement prévues par la procédure informelle, aucun des dépôts bancaires en cause ne doit être inclus dans les revenus de Mme Chow, et que les pénalités pour faute lourde doivent être annulées.

 

[26]    Mme Chow a aussi droit aux dépens, conformément au tarif.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de février 2009.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009CCI90

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-1145(IT)I

 

INTITULÉ :

Yim San Chow et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Judith Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Gary Liang

Avocate de l’intimée :

Me Selena Sit

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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