Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2006-2529(IT)G

 

 

ENTRE :

CONG T. NGUYEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Cong T. Nguyen 2006-2528(GST)G

les 31 octobre et 3 novembre 2008,

à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me David Everett

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 sont accueillis et les cotisations sont annulées selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Les dépens, au montant de 500 $, sont adjugés dans les appels interjetés par Cong T. Nguyen, 2006-2529(IT)G et 2006-2528(GST)G.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 18e jour de décembre 2008.

 

 

 

« D.W. Rowe »

D.W. Rowe, juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mai 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

 

Dossier : 2006-2528(GST)G

 

 

ENTRE :

CONG T. NGUYEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Cong T. Nguyen 2006-2529(IT)G

les 31 octobre et 3 novembre 2008,

à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me David Everett

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 27 avril 2005 et porte le numéro 11G00000949, est accueilli et la cotisation est annulée, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Les dépens, au montant de 500 $, sont adjugés dans les appels interjetés par Cong T. Nguyen, 2006‑2529(IT)G et 2006‑2528(GST)G.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 18e jour de décembre 2008.

 

 

 

« D.W. Rowe »

D.W. Rowe, juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mai 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2008CCI675

Date : 20081218

Dossiers : 2006-2529(IT)G

2006-2528(GST)G

ENTRE :

CONG T. NGUYEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelante, Cong Thi Nguyen (« Mme Nguyen »), par l'avis de cotisation daté du 27 avril 2005 au titre de la taxe nette se rapportant aux déclarations relatives à la taxe sur les produits et services (la « TPS »), pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, conformément à l’article 221 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Par la suite, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, en diminuant le montant à payer, mais il a maintenu que Mme Nguyen n’avait pas déclaré le bon montant au titre de la TPS à percevoir au cours de la période et qu’elle avait omis de verser le montant additionnel de 10 536,59 $, comme l’exige l’article 221 de la Loi. Le ministre a imposé une pénalité en vertu de l’article 285 de la Loi au motif que l’appelante, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l’exécution des obligations qui lui étaient imposées par la Loi, avait fait de faux énoncés ou des omissions dans les déclarations relatives à la TPS qui avaient été produites pour la période visée par la cotisation. Les montants en question sont les suivants :

 

Taxe nette :

15 416,16 $

Pénalité :

4 149,84 $

Intérêts :

630,16 $

 

[2]     Par une nouvelle cotisation datée du 1er juin 2006, le ministre a conclu que les fournitures taxables de l’appelante, y compris la TPS, à l’égard de l’entreprise de celle‑ci s’élevaient à 103 202,23 $, à 58 995,76 $ et à 78 516,66 $ pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 respectivement.

 

[3]     L’appelante a produit, pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003, des déclarations de revenus dans lesquelles elle indiquait au titre du revenu d’entreprise les montants de 9 572 $, de 6 240 $ et de 11 421 $ respectivement. Le ministre a initialement établi une cotisation à l’égard de l’appelante le 27 mai 2003 et il a inclus certains montants dans le revenu pour chacune de ces années d’imposition. Le 28 juin 2006, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour chacune de ces années et il a inclus les montants suivants dans le revenu d’entreprise de cette dernière :

 

2001 :

52 217,68 $

2002 :

44 041,22 $

2003 :

59 777,06 $

 

[4]     Conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), le ministre a imposé des pénalités pour faute lourde à l’égard de ces années d’imposition compte tenu du fait que l’appelante, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l’exécution des obligations qui lui étaient imposées par la LIR, avait fait de faux énoncés ou des omissions dans les déclarations de revenus qu’elle avait produites pour ces années‑là ou y avait participé, consenti ou acquiescé. Les pénalités en question s’élèvent aux montants suivants :

2001 :

4 994,54 $

2002 :

3 590,11 $

2003 :

5 649,57 $

 

[5]     L’appelante et l’avocat de l’intimée se sont entendus pour que les deux appels soient entendus sur preuve commune.

 

[6]     Mme Nguyen a rendu son témoignage en vietnamien; les questions et réponses ainsi que d’autres éléments de la présente instance ont été interprétés ou traduits de l’anglais au vietnamien et du vietnamien à l’anglais par M. Huu Lam, interprète judiciaire agréé. Mme Nguyen a déclaré souscrire aux hypothèses émises par le ministre, telles qu’elles sont énoncées dans les paragraphes suivants de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») :

 

          [traduction]

17.              En établissant ainsi la cotisation de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les hypothèses suivantes :

 

a)                  au cours des années d’imposition 2001, 2002 et 2003, l’appelante exploitait, dans le cadre d’une société de personnes, une entreprise de fabrication d’uniformes (l’« entreprise ») avec son époux, Hai Vinh Ho, la part de chacun dans la société de personnes s’élevant à 50 p. 100;

 

b)                  pendant la période pertinente, l’appelante avait passé un sous‑contrat avec Tex‑Pro Western Ltd. en vue de fournir des uniformes à divers hôpitaux, à Vancouver (Colombie‑Britannique) et dans les environs;

 

c)                  l’appelante confectionnait les uniformes et son époux livrait les uniformes aux clients de l’appelante;

            [...]

 

[7]     Mme Nguyen a déclaré qu’elle‑même et son ex-époux – Hai Vinh Ho (« M. Ho ») – étaient divorcés depuis bien des années avant l’année 2001, mais qu’ils avaient établi l’entreprise et qu’ils travaillaient ensemble au cours des années visées par les appels; cependant, ils ne cohabitaient pas comme mari et femme au cours de ces années, et ce, depuis plusieurs années. Toutefois, à l’heure actuelle, Mme Nguyen et son mari cohabitent en tant que conjoints de fait. En 1999, Mme Nguyen a acheté une maison au montant de 257 944,10 $; le montant requis aux fins du financement était de 202 125 $. Mme Nguyen et son ex-époux n’utilisaient pas d’appellation ou de nom commercial lorsqu’ils exploitaient l’entreprise de fabrication d’uniformes. Mme Nguyen a confirmé que, pour les années 2001, 2002 et 2003, elle avait déclaré un revenu selon les montants mentionnés dans la réponse. Mme Nguyen a déclaré comprendre que la question en litige se rapportait à l’écart entre les montants qu’elle avait indiqués au titre du revenu d’entreprise – qu’elle partageait à parts égales avec M. Ho – et les montants dont elle aurait eu besoin, selon les calculs du ministre, pour subvenir à ses besoins au cours des années en question, tels qu’ils sont indiqués dans les diverses annexes jointes à la réponse pertinente déposée à l’égard des appels qu’elle avait interjetés des cotisations établies en vertu de la Loi – pour la TPS – et de la LIR. Mme Nguyen a déclaré que sa mère vit au Vietnam et qu’elle avait vendu une parcelle de terre de grande valeur près de Ho Chi Minh‑Ville (autrefois Saïgon). En 2001, Mme Nguyen et son ex-mari – M. Ho – sont allés au Vietnam à deux reprises et ils ont chaque fois reçu de la mère de Mme Nguyen de l’argent en devises américaines, qu’ils ont rapporté à Vancouver. Mme Nguyen a produit sous la cote A‑1 des photocopies de billets d’avion établis à son nom et au nom de M. Ho relativement à leurs séjours au Vietnam aux mois de février et d’octobre 2001, et d’un séjour de M. Ho au Vietnam au mois de janvier 2003. Leur fille – Hai‑Yen Francis (« Hai‑Yen ») et son mari – Andrew Francis – sont allés au Vietnam au mois d’août ou de septembre 2002. Mme Nguyen a déclaré que le montant, en dollars américains, qu’il était possible de sortir du Vietnam était limité, mais que sur le produit de la vente de la propriété par sa mère, le 15 décembre 2000, elle avait pu apporter en tout près de 70 000 $US au Canada. Elle a ajouté qu’il reste au Vietnam un montant de 50 000 $ que sa mère détient pour elle en fiducie. Mme Nguyen a déclaré que sa fille et son gendre étaient également allés ensemble au Vietnam, qu’ils avaient rendu visite à sa mère et qu’ils avaient rapporté de l’argent au Canada. Mme Nguyen a déclaré que l’argent arrivait par tranches, de façon conforme aux règlements vietnamiens concernant l’exportation de devises. Mme Nguyen a déclaré qu’elle n’avait pas besoin de tout l’argent à la fois parce qu’elle ne savait pas trop si elle allait rester au Canada, et ce, bien qu’elle soit citoyenne canadienne. Elle utilisait l’argent de temps en temps pour ses frais de subsistance et elle convertissait les devises américaines dans divers bureaux de change de la région de Vancouver parce qu’il était commode de le faire et qu’elle pouvait choisir les bureaux qui offraient un meilleur taux de change que la Banque Royale du Canada (la « Banque Royale »), où elle avait ses comptes. Mme Nguyen a relaté que le montant habituellement changé en devises canadiennes était d’environ 500 $US. Elle ne conservait pas de reçus se rapportant à ces opérations. La société – Tex‑Pro Western Ltd. (« Tex‑Pro ») – la rémunérait par chèque sur livraison et tous les chèques étaient déposés à la Banque Royale dans un compte d’affaires dont elle était la seule signataire autorisée. Mme Nguyen avait demandé à Tex‑Pro de lui verser sur livraison la somme due pour chaque fourniture d’uniformes en émettant un chèque distinct à son nom et au nom de M. Ho, chaque chèque représentant 50 p. 100 du total qui était dû. Mme Nguyen a déclaré qu’elle ne conservait pas de documents comptables, mais qu’elle conservait les talons des chèques que Tex‑Pro émettait à son nom au cours de chacune des années en cause. À la fin de l’année, les montants indiqués sur chaque talon étaient additionnés par sa comptable, qui préparait la déclaration relative à la TPS et la déclaration de revenus, pour chaque année d’imposition. Les uniformes étaient confectionnés chez Mme Nguyen avec les tissus fournis par Tex‑Pro, les machines utilisées appartenant à Mme Nguyen. Au cours des années en cause, Mme Nguyen n’avait pas acheté d’équipement ou de grosses fournitures et sa seule source de revenu provenait de la fabrication d’uniformes pour Tex‑Pro. Certaines dépenses étaient attribuables à l’entreprise, en particulier celles qui se rattachaient à l’utilisation d’un véhicule – une Honda Odyssey – pour la livraison des uniformes; ces dépenses étaient calculées par sa comptable – Tina Nguyen (« Tina ») (qui n’a avec elle aucun lien de parenté) – et elles étaient déduites du revenu d’entreprise lorsque la déclaration de revenus était préparée chaque année. En 2001, le revenu global généré par la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro était de 35 305 $. Le revenu net était de 24 142 $, ce montant étant partagé moitié‑moitié entre Mme Nguyen et M. Ho avant que celle‑ci effectue d’autres déductions personnelles. En 2002, le revenu global de la société de personnes exploitée par Mme Nguyen et par M. Ho était de 17 335 $ et en 2003, il était de 26 030 $. Mme Nguyen a déclaré être au courant des calculs sur lesquels le ministre s’était fondé dans les diverses annexes, mais qu’elle ne les avait pas étudiés en détail parce qu’elle n’avait pas le temps de le faire. Elle a signalé qu’elle ne payait pas de primes d’assurance maladie – contrairement à l’hypothèse émise par le ministre – parce que son faible revenu lui permettait de recevoir un crédit, mais elle a convenu que les montants estimés pour le logement et les repas étaient exacts parce que deux de ses enfants habitaient avec elle en 2002 et en 2003 et qu’ils avaient contribué aux dépenses du ménage. Au cours des années visées par les appels, la fille de Mme Nguyen – née en 1978 – travaillait comme infirmière et son fils – né en 1980 – travaillait dans une pizzeria. À une certaine époque, sa fille – Hai‑Yen – habitait avec elle. Mme Nguyen a déclaré qu’elle ne comprenait pas très bien les calculs sur lesquels le ministre s’était fondé pour soutenir qu’elle n'avait pas déclaré le plein montant de la TPS ainsi que son revenu d’entreprise en 2001, en 2002 et en 2003, et elle a affirmé ne pas avoir d’autre revenu, sa seule source de revenu provenant de la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro. Elle a affirmé que l’écart entre son revenu net et le montant qu’elle avait dépensé au cours de chaque année visée par les appels était attribuable au montant d’environ 70 000 $US qu’elle avait apporté du Vietnam au Canada entre les années 2001 et 2003 ainsi qu’aux montants que ses enfants et son gendre contribuaient au ménage.

 

[8]     Mme Nguyen a été contre‑interrogée par l’avocat de l’intimée. L’appelante avait reçu tous les documents dans une reliure – onglets 1 à 24 inclusivement – et elle a convenu qu’ils devaient être produits sous la cote R‑1. Mme Nguyen a déclaré croire que la propriété de sa mère avait été vendue pour un montant d’environ 4,2 millions de dongs, soit d’environ 300 000 $US, à la fin de l’année 2000. Mme Nguyen a relaté qu’elle s’était présentée à un interrogatoire préalable (l’« interrogatoire préalable ») le 1er octobre 2007 et que, par une déclaration solennelle, elle avait juré de dire la vérité. L’avocat de l’intimée a renvoyé l’appelante à une transcription – page 56 – selon laquelle cette dernière estimait que sa part du produit de la vente était d’environ 100 000 $US et que le prix de vente de la propriété de sa mère, située dans un lieu de villégiature appelé Vung Tau, était d’environ 800 000 $US. Mme Nguyen a répondu qu’elle avait simplement estimé du mieux qu’elle le pouvait le prix de vente en se fondant sur des renseignements fournis par sa mère, et que ses frères et sœurs, dont certains habitaient encore au Vietnam, avaient reçu une part plus petite du produit de la vente parce qu’ils possédaient leurs propres maisons et leurs propres propriétés et qu’ils avaient déjà bénéficié de la propriété que la famille de leur mère possédait depuis plusieurs générations. L’avocat de l'intimée a signalé à Mme Nguyen que, lors de l’interrogatoire préalable, elle avait déclaré – page 55, question 412 – que le produit de la vente avait été divisé en huit parts égales. Il a renvoyé Mme Nguyen au témoignage que celle‑ci avait rendu lors de l’interrogatoire préalable – page 62, questions 466 à 469 inclusivement – dans lequel elle déclarait que lorsque M. Ho et elle‑même rapportaient de l’argent au Canada, le montant n’était que de 9 000 $US pour chacun parce que s’ils avaient rapporté 10 000 $US, il aurait fallu déclarer ce montant aux agents des douanes. Mme Nguyen a déclaré que les agents des douanes canadiennes ne lui avaient pas demandé si elle apportait de l’argent au Canada. Mme Nguyen a convenu que, selon les copies des billets d’avion – pièce A‑1 – M. Ho, sa fille, son gendre et elle‑même avaient effectué ensemble sept voyages‑personnes au Vietnam entre le 15 février 2001 et le 27 février 2003 et que l’argent rapporté au Canada n’avait pas été déposé dans un compte, dans une institution financière, mais qu’une partie de l’argent – soit des montants d’environ 500 $ – avait été déposée après avoir été convertie en devises canadiennes. Mme Nguyen a déclaré ne pas avoir déposé l’argent dans un compte parce qu’elle en avait régulièrement besoin et qu’afin de gagner des intérêts, il aurait fallu qu’elle laisse l’argent intact pendant un certain temps et que tout retrait aurait entraîné des frais de service. Mme Nguyen a identifié les documents suivants, produits sous la cote R‑1 :

 

·        Onglet 1 – État des résultats des activités de l’entreprise pour l’année 2001;

 

·        Onglet 3 – État des résultats des activités de l’entreprise pour l’année 2002;

 

·        Onglet 4 – Reconstitution de relevés du compte personnel de Mme Nguyen à la Banque Royale pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002;

 

·        Onglet 5 – Relevé de compte se rapportant au compte d’affaires au nom de Cong Thi Nguyen pour la période allant du 6 décembre 2000 au 5 janvier 2001;

 

·        Onglet 6 – États de compte Visa établis par la Banque Royale du 12 janvier 2001 au 1er mai 2003;

 

·        Onglet 7 – Rapport d’une succursale de la Banque Royale concernant un prêt consenti à Mme Nguyen;

 

·        Onglet 8 – Rapport de la Banque Royale concernant une ligne de crédit à la Banque Royale au nom de Mme Nguyen;

 

·        Onglet 9 – États de compte d’un prêt hypothécaire consenti par la Banque Royale sur la résidence de Mme Nguyen pour les années 2001 et 2002;

 

·        Onglet 10 – États d’un compte REER à la Banque Royale;

 

·        Onglet 11 – Certificat de divorce délivré par la Cour du Banc de la Reine, Manitoba, attestant la dissolution, le 28 décembre 1990, du mariage de Mme Nguyen et de M. Ho, contracté le 26 mars 1975;

 

·        Onglet 12 – Copie d’un contrat d’achat, établi conjointement aux noms de Mme Nguyen et de sa fille, Tran Ho (« Tran Ho »), pour une Volkswagen 2001 coûtant 23 300 $, financée à 100 p. 100.

 

[9]     Mme Nguyen a déclaré que sa fille lui remettait de l’argent pour effectuer les versements relatifs à la Volkswagen, en plus d’un montant mensuel de 500 $ pour le logement et les repas, et que les montants se rapportant aux versements à effectuer pour la voiture et la contribution aux dépenses du ménage étaient déposés lorsqu’il était commode de le faire. Mme Nguyen a déclaré qu’il était difficile pour sa fille de témoigner devant la Cour parce qu’elle habite Surrey et qu’elle doit bientôt accoucher. Mme Nguyen a affirmé ne pas se souvenir de l’entrevue téléphonique qu’elle avait eue avec Baljeet Chahal (« Mme Chahal ») – vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») – le 6 juillet 2004. Mme Nguyen se souvenait d’une entrevue avec Mme Chahal et un autre vérificateur – Gurwinder Hundle (« M. Hundle ») – et que sa propre comptable – Tina – avait assisté à toute l’entrevue. Mme Chahal a préparé des notes dactylographiées – onglet 13 – et l’avocat a renvoyé Mme Nguyen à des questions que Mme Chahal lui avait posées – page C‑7 – au sujet de la source de fonds non imposables et aux réponses négatives qu’elle avait données lorsque Mme Chahal lui avait demandé si elle avait reçu de l’argent en héritage, à la loterie, en cadeau, au jeu ou de toute autre source non imposable. Mme Nguyen a déclaré comprendre que pour hériter, il fallait que le donateur décède et que sa mère était vivante. L’avocat de l'intimée a renvoyé Mme Nguyen à la page C‑9 des notes – dans lesquelles Mme Chahal avait noté que Mme Nguyen avait répondu qu’elle avait reçu « 10K » – soit 10 000 $ – en 1999, par suite de la vente d’une propriété au Vietnam. Mme Nguyen a nié avoir fait cette déclaration, mais elle a convenu qu’elle n’avait pas par ailleurs indiqué la source de fonds non imposables. En ce qui concerne les contributions monétaires au ménage au cours des années visées par les appels, Mme Nguyen a déclaré que sa fille aînée – Hai‑Yen – avait habité chez elle du mois de septembre 2002 au mois d’octobre 2003 seulement et qu’elle lui remettait chaque mois de l’argent lorsqu’elle habitait chez elle. Mme Nguyen a affirmé avoir demandé à ses autres enfants – Tien Ho (« Tien ») et Tran Ho – de photocopier des relevés bancaires de leurs propres comptes pour établir les retraits mensuels qu’ils effectuaient afin de payer le logement et les repas, mais qu’ils avaient refusé de le faire à cause des frais que leurs institutions financières exigeaient pour ce service. Mme Nguyen a déclaré que certains dépôts figuraient dans le relevé – onglet 4 – aux montants de 500 $ ou de 1 000 $, et que ces montants pouvaient être attribués à la pension versée par l’un ou l’autre de ses enfants. En 2001, son fils – Tien – avait 19 ans; son revenu brut s’élevait à environ 14 000 $, mais en 2002 il avait gagné 8 698 $ seulement. L’avocat de l'intimée a signalé que si Tien lui remettait chaque mois 500 $ en 2002 – soit 6 000 $ pour cette année‑là – il lui serait resté fort peu d’argent pour ses autres dépenses. Mme Nguyen a déclaré que si Tien n’avait pas l’argent nécessaire, il ne payait pas chaque mois, particulièrement lorsqu’il étudiait à plein temps en 2003. Mme Nguyen a déclaré qu’elle croyait comprendre que la catégorie [traduction] « Paiement Internet » dans le tableau – onglet 2 – représentait divers paiements dans leur ensemble plutôt qu’une seule opération. Mme Nguyen a déclaré avoir examiné les chiffres que sa comptable avait utilisés en préparant les déclarations relatives à la TPS, dans la déclaration de revenus soumise pour chaque année visée par les appels, et qu’elle était convaincue que les renseignements qui y figuraient étaient exacts lorsqu’elle avait apposé sa signature sur l’original de chaque document. L’appelante a identifié les documents à l’onglet 21 – soit toutes les déclarations relatives à la TPS pour la période pertinente qu’elle avait signées, à l’onglet 22 – soit une copie non signée de sa déclaration générale T‑1 pour l’année 2001, à l’onglet 23 – soit une copie non signée de sa déclaration T‑1 pour l’année 2002, et à l’onglet 24 – soit une copie non signée de sa déclaration T‑1 pour l’année 2003.

 

[10]    M. Ho a témoigné être travailleur autonome et habiter Surrey (Colombie‑Britannique). Il a déclaré que lors de trois séjours au Vietnam, la mère de Mme Nguyen lui avait remis 10 000 $US en espèces, soit le montant maximal qu’une personne peut sortir de ce pays. La plupart des billets étaient des billets de cent dollars, mais il y avait également des billets de vingt dollars. M. Ho est allé trois fois au Vietnam comme le montrent les billets d’avion produits sous la cote A‑1. Il a chaque fois quitté le Vietnam avec 10 000 $US, mais il a dépensé une partie de l’argent au cours d’escales à Taipei et à Hong Kong. Lors d’un voyage qu’il a fait seul, il a gardé l’argent dans sa poche et, à son retour à Vancouver, il a remis le reste – une fois payées certaines dépenses de voyage – à Mme Nguyen. M. Ho avait conseillé à Mme Nguyen de conserver l’argent chez elle et de le changer de temps en temps étant donné que la valeur du dollar américain allait en augmentant par rapport à l’argent canadien. M. Ho savait que Mme Nguyen changeait l’argent américain contre de l’argent canadien au fur et à mesure que les taux augmentaient. À son avis, le nombre d’opérations nécessaires chaque mois pour que Mme Nguyen retire de l’argent provenant d’un compte bancaire en dollars américains aurait coûté trop cher et les frais bancaires à payer pour un tel compte auraient été supérieurs au faible montant des intérêts payés sur tout solde. M. Ho a déclaré que même si Mme Nguyen ne parlait pas beaucoup l’anglais, elle était en mesure d’effectuer des opérations bancaires et de s’occuper de questions financières. Il estimait qu’un montant d’environ 70 000 $US avait été apporté au Canada – depuis le Vietnam – par lui‑même ainsi que par Mme Nguyen, par sa fille et par son gendre, lors de sept voyages en tout effectués par le groupe. M. Ho est arrivé au Canada à titre de réfugié en 1982; il savait que la propriété que la mère de Mme Nguyen possédait près de Ho Chi Minh‑Ville (autrefois Saïgon), était une ancienne terre agricole et que cette propriété avait augmenté de valeur au cours des dernières années. Il n’a pas assisté à la réunion entre Mme Nguyen et sa comptable d’une part et les deux vérificateurs de l’ARC d’autre part, mais à son avis, l’argent reçu par Mme Nguyen ou pour le compte de celle‑ci n’était pas un cadeau, au sens qu’une personne attribuerait normalement à ce terme pour des effets personnels ou des articles de luxe donnés en cadeau. Il a identifié le certificat de divorce – pièce A‑2 – qui attestait que Mme Nguyen et lui avaient divorcé le 28 décembre 1990. Lorsqu’il travaillait avec Mme Nguyen dans l’entreprise de fabrication d’uniformes au cours des années visées par les appels, Tex‑Pro était leur seul client. M. Ho avait conservé les talons des chèques de paie que Tex‑Pro avait émis à son nom pour sa part de 50 p. 100 du prix du produit fourni. Il conservait les bordereaux Visa pour enregistrer les dépenses liées à l’entreprise et il les remettait chaque année à son comptable pour que celui‑ci prépare sa déclaration de revenus personnelle. M. Ho a déclaré avoir travaillé avec Mme Nguyen jusqu’en 2004 et qu’à l’heure actuelle, ils cohabitent [traduction] « en quelque sorte ».

 

[11]    M. Ho a été contre‑interrogé par l’avocat de l’intimée. Il a confirmé que la totalité de son revenu pour les années 2001 à 2003 inclusivement provenait de Tex‑Pro. Au cours de cette période, il avait son propre compte de banque et il participait fort peu aux activités du ménage Nguyen. Il savait que Mme Nguyen utilisait l’argent rapporté du Vietnam au Canada afin de payer ses dépenses. Il a déclaré qu’il fallait que Mme Nguyen, sa fille et son gendre, et lui‑même aillent personnellement au Vietnam afin de rapporter le montant maximum en dollars américains auquel une personne a droit par voyage; en effet, pour qu’un transfert électronique puisse être effectué depuis le Vietnam, il faut avoir une entreprise enregistrée, exploitée dans ce pays, dont l’objet légitime est d’envoyer de l’argent dans un autre pays. M. Ho a déclaré que même si Mme Nguyen et lui avaient divorcé en 1990, ils travaillaient ensemble pour l’entreprise, ils voyageaient ensemble et il restait parfois chez Mme Nguyen parce que leurs enfants habitaient également chez elle à divers moments au cours de la période en question.

 

[12]    Mme Chahal a déclaré travailler à l’ARC comme vérificatrice depuis sept ans. Elle a effectué la vérification dans les dossiers ici en cause et elle a procédé à l’entrevue avec Mme Nguyen et préparé les notes figurant à l’onglet 13 de la pièce R‑1. Mme Chahal a déclaré qu’un autre vérificateur – M. Hundle – était présent et que la comptable de Mme Nguyen – Tina – avait pris part aux discussions. Mme Chahal a déclaré que Tina parle couramment l’anglais, qu’elle agissait comme interprète pour sa cliente – Mme Nguyen – et qu’elle était parfaitement au courant de l’objet de l’enquête, qui se rapportait à l’écart entre le revenu déclaré de Mme Nguyen pour les années 2001, 2002 et 2003, et le montant que Mme Nguyen avait dépensé au cours de cette période. Mme Chahal a déclaré avoir demandé à Mme Nguyen si elle avait reçu de l’argent de sources non imposables, par exemple en héritage, à la loterie, au jeu ou en cadeau. Mme Chahal a noté la déclaration de Mme Nguyen, selon laquelle cette dernière recevait chaque mois 500 $ de chacun de ses trois enfants et qu’en 1999, sa sœur lui avait prêté 20 000 $ – montant qui n’avait pas été remboursé – et qu’elle avait vendu une propriété de 10 000 $ au Vietnam cette année‑là. Mme Chahal a dit que Mme Nguyen n’avait pas déclaré, directement ou par l’entremise de sa comptable, qu’elle avait apporté de l’argent au Canada depuis le Vietnam au cours des années visées par la vérification. Mme Chahal a déclaré que Mme Nguyen comprenait – parfois – les questions et qu’elle répondait en anglais avant que Tina ait la possibilité de les traduire. Mme Chahal a déclaré qu’après cette entrevue, aucun renseignement ne lui avait été fourni au sujet de l’importation de fonds du Vietnam. Mme Chahal a déclaré qu’il ressortait des lettres échangées avec Tina que cette dernière comprenait la procédure de détermination de l’actif net et l’objet de la vérification et qu’elle savait qu’il incombait à Mme Nguyen de divulguer la source des fonds non imposables reçus au cours de cette période.

 

[13]    L’appelante n’a pas procédé à un contre‑interrogatoire.

 

[14]    Le témoin Thelma Weisser (« Mme Weisser ») a déclaré travailler à l’ARC à titre de vérificatrice interne. Elle a occupé le poste d’agente des appels du mois de janvier 2004 au mois de juillet 2006 et, antérieurement au cours de sa carrière, elle avait agi en cette qualité. Elle était l’agente des appels affectée au dossier Nguyen et elle avait examiné les documents de travail de la vérificatrice. Mme Weisser a déclaré avoir effectué un calcul distinct de l’actif net et avoir effectué divers rajustements, comme le montrent ses documents de travail produits sous la cote R‑1, onglet 18. Le 14 décembre 2005, Mme Weisser a envoyé à Mme Nguyen une lettre de six pages – onglet 16 – dans laquelle elle donnait une description détaillée des rajustements qu’elle était prête à apporter aux tableaux indiquant l’actif net, en ce qui concerne la cotisation d’impôt sur le revenu et les cotisations relatives à la TPS. Dans cette lettre, Mme Weisser informait Mme Nguyen que le dossier serait ouvert jusqu’au 9 janvier 2006 et que Mme Nguyen pouvait faire des observations additionnelles, notamment en téléphonant à son bureau. Mme Weisser a rédigé une lettre de quatre pages – en date du 5 avril 2006 – dans laquelle elle informait Mme Nguyen que des rajustements additionnels seraient faits en vue de diminuer les montants d’actif net calculés aux fins de l’établissement des deux cotisations – à savoir celle se rapportant à l’impôt sur le revenu et celle se rapportant à la TPS – par suite des observations que l’ex-mari de Mme Nguyen, M. Ho, avait faites. Mme Weisser a dit qu’elle n'admettait pas que Mme Nguyen avait reçu de l’argent de ses enfants pour le logement et les repas – ni les sommes alléguées ni toute autre somme – au cours de la période de cotisation. Mme Weisser mentionnait – à la deuxième page de la lettre envoyée à Mme Nguyen – onglet 17 – les observations que M. Ho avait faites au sujet des voyages au Vietnam et la prétention selon laquelle chaque personne rapportait un montant de 10 000 $US à son retour. Dans cette lettre, Mme Weisser disait qu’elle envisageait de réduire le montant des cotisations si elle pouvait vérifier que les fonds provenant du Vietnam avaient été déposés dans le compte bancaire de Mme Nguyen aux dates auxquelles elle‑même, M. Ho ou d’autres membres de la famille étaient revenus au Canada ou environ à ces dates. Mme Weisser a déclaré avoir examiné les relevés bancaires de Mme Nguyen et ne pas avoir pu trouver de dépôts importants susceptibles d’être rattachés aux fonds rapportés du Vietnam. Mme Weisser a déclaré avoir dressé les tableaux de l’actif net en supposant que la valeur initiale des actifs de Mme Nguyen en l’an 2000 était de 10 000 $, et avoir procédé à un rajustement de 18 500 $ parce que M. Ho avait viré cette somme au compte de Mme Nguyen en 2001. Elle a également tenu compte d’un emprunt contracté en 2001 – au montant de 3 500 $ – qui avait été remboursé en 2003. Mme Weisser a dit que la procédure de détermination de l’actif net était limitée au revenu et aux dépenses de Mme Nguyen, indépendamment de ceux de M. Ho. Mme Weisser a déclaré avoir utilisé les dépenses réelles qui étaient documentées pour calculer les frais de subsistance au cours de la période visée par l’examen au lieu de se fonder sur des estimations ou sur des moyennes calculées par Statistique Canada. Elle a déduit les versements effectués pour la voiture des calculs de la vérificatrice parce qu’il y avait une diminution correspondante de la dette à l’égard du montant emprunté à cet égard. Pendant toute la durée de l’examen du dossier, Mme Weisser a effectué des rajustements additionnels, comme elle l’expliquait dans les lettres envoyées à Mme Nguyen. Elle n’avait pas reçu d’observations de Mme Nguyen ou de la comptable de cette dernière au sujet de l’imposition possible de pénalités pour faute lourde à l’égard des cotisations relatives à l’impôt sur le revenu ou à la TPS. Mme Weisser a reconnu que la vérificatrice n’avait pas trouvé d’autres sources de revenu d’entreprise, que les montants que Mme Nguyen avait reçus de Tex‑Pro pouvaient facilement être vérifiés et qu’il n’y avait pas lieu de mettre en question l’exactitude et la fiabilité de ces montants. Par conséquent, les cotisations établies par le ministre étaient basées sur les hypothèses selon lesquelles l’argent additionnel, de l’année 2001 à l’année 2003 inclusivement, devait provenir d’une source imposable autre que l’entreprise de fabrication de vêtements. Mme Weisser a déclaré que le ministre ne connaissait pas la source du revenu additionnel, mais qu’il s’était fondé sur le fait que l’écart entre le revenu déclaré et les dépenses, en l’absence de toute explication satisfaisante, devait être attribuable à une déclaration en moins du revenu et de la TPS provenant d’une autre source imposable. Mme Weisser a convenu que, dans la vallée du bas Fraser, il n’était pas inhabituel que de l’argent soit apporté au Canada depuis d'autres pays de l’Asie ou de l’Asie du Sud. Le problème auquel elle faisait face était que l’argent apporté au Canada n’avait pas été déclaré aux douanes canadiennes et qu’il n’existait absolument aucun document démontrant que les montants, qu’il s’agisse des montants allégués ou d’autres montants, avaient été apportés.

 

[15]    L’appelante n’a pas procédé à un contre‑interrogatoire.

 

[16]    L’appelante a affirmé ne pas savoir qu’elle était obligée de révéler la source des fonds rapportés du Vietnam et qu’elle n’avait pas considéré ces fonds comme un cadeau étant donné qu’ils découlaient de la disposition d’une propriété qui avait appartenu à la famille pendant plusieurs générations. Les fonds ne constituaient pas un héritage étant donné que sa mère était vivante et qu’elle continuait à agir comme fiduciaire à l’égard du solde de sa part du produit de la vente, qui était resté au Vietnam sous le contrôle de sa mère. À son avis, il n’était pas inhabituel de conclure des opérations en espèces ou de garder l’argent chez elle.

 

[17]    L’avocat de l’intimée a fait valoir que les cotisations étaient fondées sur des calculs de l’actif net qui avaient été effectués correctement conformément à la méthode générale applicable aux cotisations d’actif net, à savoir qu’il est reconnu que de l’argent est dépensé aux fins de l’acquisition d’actifs, de la réduction des dettes et pour les dépenses personnelles. L’avocat de l'intimée a convenu que le ministre ne soutenait que le revenu reçu par Mme Nguyen de la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro n’avait pas été déclaré au complet. Le ministre avait plutôt supposé qu’il y avait un revenu imposable additionnel provenant d’une autre source au cours des années visées par les cotisations. Il se demandait pourquoi les enfants de Mme Nguyen n’avaient pas témoigné sur certaines questions telles que le montant et l’étendue de leurs contributions monétaires au ménage et il a souligné que chaque fois qu’une explication raisonnable – avec documentation à l’appui – avait été fournie, Mme Weisser avait été disposée à effectuer un rajustement. L’avocat de l'intimée a signalé la contradiction entre l’explication donnée par Mme Nguyen lors de l’interrogatoire préalable et à l'audience au sujet du montant du produit de la vente de la propriété au Vietnam et il a soutenu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que Mme Nguyen ait eu des détails précis au sujet de cette opération et du gros montant d’argent – par rapport à son revenu net annuel – qu’elle avait reçu pour sa part. L’avocat de l'intimée a soutenu qu’il était justifié d’imposer des pénalités pour faute lourde dans les deux cas étant donné l’écart de 450 p. 100 entre le revenu déclaré et les montants établis au moyen de la procédure de détermination de l’actif net et qu'il ressortait de la preuve démontrait que chaque cotisation portée en appel devait être ratifiée à tous les égards.

 

[18]    La norme de preuve nécessaire pour réfuter les hypothèses du ministre lorsqu’une cotisation d’actif net est établie est celle de la preuve prima facie. Dans la décision Michael S. Chomica v. Her Majesty the Queen, 2003 DTC 535, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a examiné le droit pertinent; il a évoqué l’évolution récente de la jurisprudence relative à la charge de la preuve dans les appels concernant les cotisations d’actif net. Aux paragraphes 17 et 18 de son jugement, le juge Bowman fait les observations suivantes :

 

[17]   La règle de base en matière d’appels fiscaux est que le contribuable a le fardeau de démontrer que les hypothèses de fait sur lesquelles repose la cotisation sont erronées ou n’appuient pas la cotisation. Cette règle est bien établie et je n’ai pas besoin de répéter la jurisprudence qui est habituellement citée pour l’appuyer. Toutefois, la norme de la preuve est de nature civile et une preuve prima facie suffit pour que le contribuable ait gain de cause, si on ne la réfute pas.

 

[18]   On a approfondi le droit quelque peu depuis l’affaire Johnston c. M.N.R., [1948] R.C.S. 486, notamment dans l’affaire Hickman Motors Limited c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, 148 D.L.R. (4th) 1, 97 D.T.C. 5363, où le juge L’Heureux‑Dubé affirme aux pages 378‑381 (D.T.C. : aux pages 5376‑7) :

 

K. Le fardeau de preuve

 

Comme je l’ai signalé, l’appelante a produit une preuve claire et non contredite, alors que l’intimée n’a produit absolument aucune preuve. À mon avis, le droit sur ce point est bien établi et l’intimée ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve pour les raisons suivantes.

 

Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l’intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l’espèce, l’appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions suivantes : a) la présomption de l’existence de « deux entreprises », en produisant une preuve claire de l’existence d’une seule entreprise; b) la présomption qu’il n’y a « aucun revenu », en produisant une preuve claire de l’existence d’un revenu. Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l’ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l’appelante en l’espèce n’a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions sur l’existence de « deux entreprises » et sur le fait qu’il n’y a « aucun revenu ».

 

Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [. . .] passe [. . .] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions : Maglib Development Corp. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe « deux entreprises » et il n’y a « aucun revenu ».

 

Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui‑ci ne produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause : voir par exemple MacIsaac, précité, où la Cour d’appel fédérale a infirmé le jugement de la Division de première instance (à la p. 6381) pour le motif que le « témoignage n’a été ni contesté ni contredit, et aucune objection ne lui a été opposée ». Voir aussi Waxstein c. M.R.N., 80 D.T.C. 1348 (C.R.I.); Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271 (C.R.I.). Se reporter également à Zink, précité, à la p. 653, où, même si la preuve « échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie », l’appel du contribuable a été accueilli parce que le ministre n’a présenté aucune preuve quant à la source de revenu. Dans la présente affaire, je remarque que la preuve ne contient aucune « lacune » de ce genre. Par conséquent, puisque le ministre n’a produit absolument aucune preuve et que personne n’a soulevé le moindre doute quant à la crédibilité, l’appelante est fondée à obtenir gain de cause.

 

Dans la présente affaire, sans qu’aucune preuve ne leur ait été présentée, le juge de première instance et la Cour d’appel ont tous deux voulu transformer les présomptions non fondées et non vérifiées en « conclusions de fait », commettant ainsi des erreurs de droit sur la charge de la preuve. Mon collègue le juge Iacobucci exerce de la retenue à l’égard de ces soi‑disant « conclusions concordantes » des cours d’instance inférieure, mais, bien que je sois tout à fait d’accord de façon générale avec le principe de retenue judiciaire, dans la présente affaire, deux décisions incorrectes ne sauraient en faire une bonne. Même si nous sommes en présence de « conclusions concordantes », la preuve non contestée et non contredite réfute positivement les présomptions du ministre : MacIsaac, précité. Comme le juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt l’a noté dans Gelber c. M.R.N., 91 D.T.C. 1030, à la p. 1033, « [le ministre] n’est pas l’arbitre de ce qui est fondé ou non en matière de droit fiscal ». Le juge Brulé de la Cour canadienne de l’impôt dans Kamin, précité, a observé à la p. 64 :

 

[...]

 

le ministre devrait pouvoir réfuter cette preuve [prima facie] et présenter des arguments à l’appui de ses présomptions.

 

[...]

 

Le ministre n’a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui conviennent. À l’interrogatoire principal, on s’attend qu’il puisse produire des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les arguments de l’appelant.

 

[Je souligne.]

 

À mon avis, ces affirmations sont applicables à la présente affaire : l’intimée, dont les opinions ont été contestées par la preuve principale, n’a rien présenté de plus concret que de simples présomptions et n’a avancé aucun fondement. Elle a choisi de ne réfuter aucun des éléments de preuve de l’appelante. Par conséquent, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

Je remarque que, en confirmant les présomptions non prouvées du ministre, mon collègue le juge Iacobucci peut paraître renverser le courant jurisprudentiel ci‑dessus mentionné sans fournir explicitement de justification à cette fin. En toute déférence pour l’opinion contraire, je suis d’avis que les modifications dans la jurisprudence relative à la charge de la preuve en droit fiscal devraient être remises à plus tard. De plus, vu les faits de la présente affaire, sanctionner l’absence totale de preuve de l’intimée pourrait sembler déraisonnable et peut‑être même injuste étant donné que l’appelante s’est conformée à une jurisprudence bien établie pour ce qui est de son fardeau de preuve.

 

 

[19]    En ce qui concerne l’appréciation de la crédibilité des témoins et la nécessité d’examiner la preuve dans son ensemble afin de décider si une preuve prima facie établie par l’appelant avait été réfutée, le juge Bowman fait les observations suivantes au paragraphe 19 :

 

[19]   En l’espèce, nous avons le témoignage de l’appelant qu’il n’avait pas gagné 134 712 $ américains en commissions de la Hi‑Tech Trading Corporation et qu’il n’a pas gagné plus qu’environ 20 000 $ pour son travail, qui n’était pas lié à la vente. Il est vrai qu’il a été contre‑interrogé et je ne crois donc pas que l’avocate de l’intimée soit précluse de mettre en doute sa crédibilité lors de ses observations en raison de l’affaire Browne v. Dunn, (1893) 6 R. 67 (H.L.) aux pages 70‑71, dont on discute longuement dans l’ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada, deuxième édition (Sopinka, Lederman et Bryant) aux pages 954‑957. Je ne pense pas toutefois, que le contre‑interrogatoire a détruit la preuve prima facie produite par l’appelant lors de son interrogatoire principal. Il est possible que j’aie des doutes qui subsistent au sujet de la crédibilité de l’appelant comme témoin, mais il me faudrait avoir plus que des soupçons pour affirmer qu’il a menti lors de son témoignage sous serment. Comme je l’ai dit dans l’affaire 1084767 Ontario Inc. s/n Celluland c. M.R.N., no 2001‑3945(EI), 2 mai 2002, [2002] A.C.I. no 227 :

 

8. La preuve de chacun des deux témoins est radicalement opposée à celle de l’autre. J’ai pris le jugement en délibéré puisque je ne crois pas approprié de tirer à la légère des conclusions relatives à la crédibilité ou, de façon générale, de rendre ces conclusions oralement à l’audience. Le pouvoir et l’obligation d’établir des conclusions relatives à la crédibilité est l’une des plus lourdes responsabilités d’un juge de première instance. Le juge doit exercer cette responsabilité avec soin et après mûre réflexion puisqu’une conclusion défavorable de la crédibilité suppose que l’une des parties ment sous la foi du serment. Vouloir mettre un terme rapidement à une affaire ne peut être une excuse justifiant le mauvais usage de ce pouvoir. La responsabilité qui repose sur le juge d’un procès qui doit tirer des conclusions relatives à la crédibilité doit être particulièrement rigoureuse si l’on considère que l’on ne peut pratiquement pas en appeler de telles conclusions.

 

[20]    Dans l’affaire Anthony A. Ramey v. Her Majesty the Queen, 93 DTC 791, le juge Bowman était saisi de l'appel interjeté par un contribuable qui contestait une cotisation d’actif net dont son défunt père avait fait l’objet. À la page 793, le juge Bowman fait les observations suivantes :

 

Je ne sous‑estime pas les difficultés énormes, sinon pratiquement insurmontables, auxquelles l’appelant et son avocat se heurtent dans leur tentative de contester les cotisations d’actif net établies à l’égard d’un contribuable décédé. Estimer le revenu annuel d’un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise. C’est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort. Une cotisation d’actif net repose sur une comparaison de l’actif net du contribuable, à savoir la valeur de l’actif moins le passif au début d’une année, avec son actif net à la fin de l’année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu’il a engagées pendant l’année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu’à preuve de leur inexactitude. Il est quasi impossible de les contester à la pièce. La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l’année. Un contribuable dont les registres comptables et le mode de déclaration de revenus sont dans un tel fouillis que la cotisation d’actif net s’impose est souvent l’artisan de son propre malheur. M. Boudreau a déclaré que les registres de M. Allan Ramey étaient inadéquats, qu’avant 1981 ses cotisations avaient fréquemment été établies selon la méthode de l’actif net, et que son entreprise de machines automatiques, telles des machines à boules et des machines à sous de types divers, fonctionnait en espèces et était donc difficile à vérifier. Le ministre n’avait donc d’autre choix que de procéder comme il l’a fait. Malgré la sympathie que je puis éprouver à l’endroit de quelqu’un comme l’appelant dont la responsabilité à l’égard de l’impôt de son père est subsidiaire, je ne vois rien qui puisse justifier le rajustement des cotisations établies à l’égard de ce dernier au‑delà de ce que l’intimée a déjà consenti.

 

[21]    En l'espèce, ne sont pas en jeu une déclaration inexistante ou une déclaration faite sans soin – au point de constituer de la négligence, qu’il s’agisse de négligence ordinaire ou d’une faute lourde – étant donné que le ministre a conclu que le revenu gagné par l’appelante, à savoir la part de 50 p. 100 des recettes provenant de la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro, avait été comptabilisé avec exactitude et indiqué dans les déclarations de revenus de l’appelante pour les années en cause. Le ministre ne conteste pas les dépenses qui été déduites, il n’allègue pas que l’appelante a obtenu un revenu additionnel de Tex‑Pro et il ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de l’hypothèse selon laquelle l’écart entre le revenu de Mme Nguyen et ses dépenses était attribuable à une autre source imposable de revenu. Les faits de la présente affaire se distinguait de ceux d’autres affaires d’actif net dans lesquelles l’entreprise du contribuable faisait des affaires au comptant ou était en mesure d’établir un deuxième jeu de factures à payer à une autre entité ou dans lesquelles le montant reçu était déposé ailleurs dans une institution financière ou dans plusieurs institutions financières. Même si les cartes de crédit et les cartes prépayées sont omniprésentes depuis quelques années, et bien qu’il soit possible de se procurer sur Internet toute une panoplie de marchandises et de services, certains types d’entreprises font encore des affaires plus ou moins au comptant et certaines entreprises ont peut‑être même accès à certains logiciels complexes permettant de falsifier le total des tickets de caisse. En pareil cas, il est de toute évidence difficile pour l’appelant de démontrer l’inexactitude de la méthode employée par le ministre à l'appui de la cotisation, en particulier si le contribuable n’établit aucun document comptable, ou fort peu, ou si les documents qui sont produits pour examen sont, pour diverses raisons, peu dignes de foi.

 

[22]    En l'espèce, je garde à l'esprit que Mme Nguyen a nié, devant la vérificatrice, avoir apporté une somme d’argent considérable  au Canada entre les années 2001 et 2003.

 

[23]    Toutefois, ce renseignement a été transmis à l’agente des appels, qui – d’une façon bien compréhensible – exigeait un élément de preuve autre qu’une simple affirmation à ce sujet de la part de M. Ho, l’ancien associé et l’ancien époux de l’appelante. Selon le témoignage rendu par Mme Nguyen, Tex‑Pro était sa seule source de revenu au cours des années visées par les appels; cela n’a pas été contesté par le ministre, pas plus que le témoignage rendu par M. Ho, qui a déclaré ne pas avoir d’autre revenu et que le montant reçu de Tex‑Pro constituait la totalité des recettes de l’entreprise. Il y avait un écart important entre le revenu déclaré et les dépenses de Mme Nguyen au cours des trois années visées par les cotisations d’actif net. Selon les calculs sur lesquels le ministre s’est fondé, Mme Nguyen doit avoir eu accès à 156 035,96 $ au cours de cette période afin de dépenser l’argent que la vérificatrice et Mme Weisser – l’agente des appels – ont pu retracer à l’aide de la preuve tangible, composée de certaines pièces ou de certains documents financiers. Mme Nguyen et M. Ho ont témoigné avoir chacun effectué deux voyages au Vietnam et M. Ho y était allé une fois seul. Ils arrivaient chaque fois à Vancouver avec près de 10 000 $US, étant donné qu’ils avaient dépensé une partie de l’argent pendant leur voyage de retour, et leur fille et leur gendre étaient chacun revenus du Vietnam au Canada avec une somme similaire. Selon les témoignages de Mme Nguyen et de M. Ho, il est raisonnable de conclure qu’un montant d’environ 67 000 $ obtenu de la mère de Mme Nguyen au Vietnam a été rapporté au Canada puisque les dépenses effectuées en espèces au retour étaient modestes selon le témoignage de M. Ho. Aucun élément de preuve n’a été produit au sujet des taux de change du dollar américain et du dollar canadien, mais il est possible d’en prendre connaissance d’office : le dollar canadien valait beaucoup moins que le dollar américain au cours de la période pertinente. Une recherche effectuée dans Google m’a permis de trouver un site Web intitulé : « Canada/US Foreign Exchange Rates[1] » du Board of Governors du Federal Reserve System, où étaient cotés les cours acheteurs, à midi, à New York pour les transferts électroniques payables en devises étrangères. Selon les renseignements donnés par cette source, le dollar américain valait 1,52 $CA le 1er février 2001 et le taux, le 1er décembre 2001, était de 1,57 $CA. Le taux de change moyen pour cette période de onze mois était de 1,55 $CA. Le 1er janvier 2002, le taux était de 1,59 $CA – soit le taux le plus élevé de l’année – et le 1er décembre 2002, il était de 1,55 $CA. Le taux de change moyen cette année‑là était de 1,57 $CA. Le 1er janvier 2003, le taux était de 1,54 $CA – soit le taux le plus élevé de l’année – et le 1er décembre 2003, il était de 1,31 $CA. Le taux de change moyen pour l’année 2003 était de 1,40 $CA. Le taux de change moyen pour cette période de trois ans – moins un mois – était de 1,50 $CA. L’appelante changeait régulièrement de l’argent par montants peu élevés, elle surveillait le taux de change et elle se fondait, dans une certaine mesure, sur les conseils de M. Ho au sujet de la méthode la plus efficace à employer pour l’argent qui était apporté au Canada au cours d’une période de plus de deux ans. Bien qu’il soit nécessaire de faire certaines conjectures, il est selon moi raisonnable de conclure que l’appelante a reçu environ 1,48 $CA – après avoir payé les commissions de change – pour chaque dollar américain qu’elle a converti en devises canadiennes au cours de la période pertinente. Par conséquent, entre le 7 avril 2001 – soit la date à laquelle Mme Nguyen et M. Ho sont revenus au Canada – et le 27 février 2003 – soit la date à laquelle M. Ho est revenu du Vietnam – et compte tenu de l’argent accumulé dépensé sur une base continue jusqu’à épuisement éventuel, Mme Nguyen aurait eu à sa disposition entre 99 000 et 101 000 $CA.

 

[24]    Compte tenu du témoignage rendu par Mme Nguyen et de l’examen de certains de ses états bancaires, je conclus qu’au moins deux des enfants de Mme Nguyen – et parfois trois – ont chacun versé à celle‑ci un montant mensuel de 500 $ sur une base passablement régulière au cours d’une bonne partie de cette période de trois ans et que Mme Nguyen disposait de ces fonds pour les frais du ménage ou pour les dépenses personnelles.

 

[25]    Afin de conclure que l’écart entre le revenu déclaré et les dépenses doit être attribuable à une source imposable, il faudrait que je rejette intégralement les témoignages de Mme Nguyen et de M. Ho et que je rejette les déclarations concernant l’objet principal des sept séjours effectués au Vietnam par ceux‑ci ainsi que par leur fille et leur gendre. Je ne tire aucune conséquence défavorable à l’encontre de l’appelante du fait qu’elle n’a pas cité ses enfants à témoigner. Mme Nguyen a donné une explication et, bien qu’il semble que ses enfants ne se soient pas rendu compte de la gravité du litige, Mme Nguyen ne s’en est pas rendu compte non plus tant qu’elle n’a pas interjeté appel devant la Cour de la cotisation d’impôt sur le revenu et de la cotisation relative à la TPS. Le ministre a convenu que l’argent supplémentaire ne provenait pas de la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro. La vérificatrice de l’ARC savait que Mme Nguyen n’avait pas de stocks et que c’était Tex‑Pro qui fournissait tout ce qu’il fallait pour produire les uniformes, sauf les machines à coudre et certains autres instruments de travail qui étaient dans l’atelier, chez Mme Nguyen. Les achats qui faisaient l’objet de crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») étaient principalement composés de fil et de tissu. Les notes de Mme Chahal (pièce R‑1, onglet 13, page C‑11) indiquent que, lorsque les vérificateurs – Mme Chahal et M. Hundle – ont visité les locaux de l’appelante au mois de juillet 2004, il n’y avait pas d’annonces, de listes de prix, de rubans de caisse, de factures et ainsi de suite et il n’y avait pas de stocks. Mme Chahal a noté qu’il y avait chez Mme Nguyen trois postes de travail avec des machines à coudre, dans une petite pièce d’environ 140 pieds carrés.

 

[26]    La question cruciale est de savoir d’où provenait tout cet argent supplémentaire. Selon les hypothèses avancées par le ministre, les recettes d’entreprise de l’appelante étaient celles qui étaient indiquées à l’annexe G, jointe à la réponse à l’avis d’appel concernant la TPS. Selon les calculs résultant de l’analyse indépendante de tous les éléments et renseignements pertinents à laquelle Mme Weisser a procédé, Mme Nguyen – personnellement – a effectué des fournitures taxables aux montants de 144 000,15 $, de 78 566,93 $ et de 75 047,86 $ au cours des années d’imposition 2001, 2002 et 2003 respectivement. Étant donné que le ministre admet que Mme Nguyen exploitait l’entreprise de fabrication d’uniformes dans le cadre d’une société de personnes exploitée à parts égales avec M. Ho, ces montants élevés représentent uniquement la part de Mme Nguyen des fournitures taxables au cours de cette période. Il n’existe absolument aucun élément de preuve à l’appui d’une telle hypothèse et le ministre a conclu que l’argent gagné au moyen de la fourniture d’uniformes à Tex‑Pro a été déclaré avec exactitude et – comme il importe de le réitérer – il n’avait pas la moindre idée de la source de tout présumé revenu imposable additionnel.

 

[27]    Il est souvent difficile pour le contribuable de s’acquitter de l’obligation qui lui incombe d’établir une preuve prima facie et il est presque impossible de prouver l’inexistence d’un fait; il ne peut que témoigner qu’il n’y avait aucune source supplémentaire de revenu au cours de la période pertinente et que donner une explication qui sert à justifier – dans une mesure plus ou moins grande, selon les circonstances de chaque affaire – l’écart entre le revenu – imposable et non imposable – et le total des dépenses. Compte tenu de l’ensemble de la preuve ainsi que de la nature de l’entreprise et de la situation personnelle de Mme Nguyen et de ses antécédents, il n’est pas raisonnable de supposer que Mme Nguyen était en mesure de gagner ces montants élevés. Par contre, il est raisonnable de supposer qu’en l’absence de l’aide financière de ses enfants et de l’argent reçu de sa mère au Vietnam, Mme Nguyen n’aurait pas pu subvenir à ses besoins. Il ressort de la preuve montre que Mme Nguyen n’avait pas une connaissance suffisante de l’anglais pour exploiter elle‑même une entreprise à une échelle relativement grande et qu’elle avait besoin de l’aide de M. Ho – son ex-époux – pour traiter directement avec Tex‑Pro et pour livrer les uniformes.

 

[28]    L’agente des appels – Mme Weisser – a procédé à un examen fort équitable des questions et chaque fois qu’elle était en mesure de le faire – sur la base d’éléments de preuve dignes de foi – elle a effectué des rajustements en faveur de l’appelante. Dans une large mesure, l’appelante a été l’artisan de son malheur. La méthode qu’elle a choisie pour organiser ses affaires financières était telle que le secret entourant l’importation de l’argent au Canada à plusieurs reprises – en espèces –, les nombreuses opérations de change qu’elle a conclues pour convertir ces fonds en devises canadiennes et l’étendue de ses dépenses personnelles ont amené l’ARC à procéder à un examen approfondi.

 

[29]    Même si, comme il a été noté dans la décision Chomica, précitée, laquelle renvoie à la jurisprudence Zink, la preuve produite par l’appelante en l'espèce « échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie », le ministre n’a pas pu prouver l’existence d’une autre source de revenu et il n’a pas pu réfuter la preuve prima facie que l’appelante avait rapportée, à savoir que les montants qu’elle gagnait en confectionnant des uniformes et en les fournissant à Tex‑Pro constituaient sa seule source de revenu tiré d’une entreprise.

 

[30]    Pour ces motifs et conformément à la jurisprudence bien fixée, je conclus que ni l’une ni l’autre des cotisations ne peuvent être maintenues et, par conséquent, les deux appels sont accueillis. La cotisation relative à la TPS, qui a été établie conformément à la Loi au moyen de l’avis numéroté mentionné au deuxième paragraphe de la réponse, est annulée. La cotisation établie conformément à la LIR est également annulée.

 

[31]    L’appelante s'est representée elle-même et, puisque la même méthode d’établissement d’une cotisation d’actif net était en cause dans les deux appels, les dépens au montant de 500 $ sont adjugés à l’appelante.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 18e jour de décembre 2008.

 

 

« D.W. Rowe »

D.W. Rowe, juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mai 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI675

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-2529(IT)G; 2006-2528(GST)G

 

INTITULÉ :                                       CONG T. NGUYEN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 31 octobre et 3 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 18 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me David Everett

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] http://research.stlouisfed.org/fred2/data/Excaus.txt

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