Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2006-705(IT)G

ENTRE :

VIALINK INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Hubert Watt (2006‑841(IT)G) les 26 et 27 novembre 2007 et les 22 et 23 avril 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l'appelante :

Me Osborne G. Barnwell

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Nimanthika Kaneira et

Me Laurent Bartleman

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition ayant pris fin les 31 décembre 2001 et 2002 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2006-841(IT)G

ENTRE :

HUBERT WATT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Vialink Inc. (2006‑705(IT)G) les 26 et 27 novembre 2007 et les 22 et 23 avril 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l'appelant :

Me Osborne G. Barnwell

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Nimanthika Kaneira et

Me Laurent Bartleman

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 117

Date : 20090220

Dossiers : 2006-705(IT)G

2006-841(IT)G

ENTRE :

 

VIALINK INC.,

HUBERT WATT,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Campbell

 

[1]     Les présents appels ont été entendus sur preuve commune; ils se rapportent aux années d'imposition 2000, 2001 et 2002 dans le cas de Hubert Watt et aux années d'imposition qui ont pris fin les 31 décembre 2001 et 2002 dans le cas de Vialink Inc. (« Vialink »). Monsieur Watt est l'unique actionnaire et administrateur de Vialink, qui exploitait un café Internet sous le nom Telnet Entertainment. Vialink a été constituée en société en 1998 afin d'exploiter une entreprise de lignes de discussion de télémarketing 1‑900. Elle a mis fin à ses activités en 2002.

 

[2]     Une vérification a débuté au mois de mars 2003 à l'égard de Hubert Watt. Cette vérification a été déclenchée à la suite d'un incident qui était survenu au mois de février 2002, lorsque M. Watt, qui arrivait de l'Angleterre, avait été détenu par la GRC à l'aéroport, à Toronto, parce qu'il avait sur lui un montant de 39 000 £ en espèces. En fin de compte, cet argent a été retourné à l'appelant après qu'il eut été exonéré de tout tort, à la suite d'une enquête. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a employé la méthode de l'avoir net pour déterminer le revenu imposable de Hubert Watt et il a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre a conclu que l'appelant Hubert Watt avait omis de déclarer un revenu s'élevant en tout à 56 040,27 $, à 82 373,56 $ et à 239 309,97 $ pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 respectivement. Monsieur Watt avait produit sa déclaration de revenus en retard, soit le 5 juin 2001, pour l'année d'imposition 2000 et, à la suite de plusieurs demandes de la part de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), il a produit en retard, soit le 12 mai 2003, ses déclarations pour les années d'imposition 2001 et 2002. Le revenu de toutes provenances que M. Watt a déclaré pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 était composé d'un revenu de location s'élevant à 10 273 $, à 5 495 $ et à 4 729 $ respectivement.

 

[3]     Les déclarations de revenus de Vialink pour les années d'imposition qui ont pris fin les 31 décembre 2001 et 2002 ont également été produites en retard, le 12 mai 2003; pour chacune de ces années d'imposition, aucun revenu n'était déclaré. Vialink a produit des déclarations T2 modifiées après que la vérification eut débuté pour ces deux années d'imposition (ainsi que pour l'année d'imposition ayant pris fin le 31 décembre 2000) le 1er mars 2004, en déclarant un revenu d'entreprise brut de 64 995 $ et de 1 890 $ et une perte nette de 3 795 $ et de 5 564 $ respectivement pour chacune de ces années. Une cotisation selon l'avoir net a été établie à l'égard de Hubert Watt, mais la vérificatrice a utilisé une analyse des dépôts bancaires à l'égard de Vialink en déterminant qu'il y avait un revenu d'entreprise non déclaré de 187 192 $ et de 7 768 $ pour ces deux années d'imposition. Vialink a fait l'objet, le 15 juin 2004, d'une nouvelle cotisation par laquelle ces montants ont été inclus dans le revenu et des pénalités ont été imposées.

 

[4]     La vérificatrice n'a pu trouver aucune documentation lui permettant de vérifier les dépenses d'entreprise réelles, mais elle a admis un montant de 33 309 $ pour l'année d'imposition 2001, soit le montant qui figurait dans les documents comptables à titre de prêt d'actionnaire. Au cours de l'audience, l'avocat des appelants a soumis des documents additionnels et, à la suite d'un examen effectué par l'avocat de l'intimée, une somme additionnelle de 25 302,17 $ a été reconnue au titre des dépenses d'entreprise pour cette année d'imposition. Il importe de noter que l'avocat de l'intimée a reconnu le montant additionnel, mais qu'il a exprimé certaines préoccupations qu'il y avait double emploi au titre des dépenses.

 

[5]     Les questions en litige dans les présents appels sont les suivantes :

 

(1)     Le ministre a‑t‑il eu raison d'inclure certains montants au titre d'un revenu non déclaré pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 de Hubert Watt?

 

(2)     Le ministre a‑t‑il eu raison d'inclure certains montants au titre d'un revenu d'entreprise non déclaré dans le calcul du revenu de Vialink pour les années d'imposition qui ont pris fin les 31 décembre 2001 et 2002?

 

(3)     Vialink a‑t‑elle le droit de demander la déduction de dépenses d'entreprise additionnelles, en sus des montants de 33 309 $ et de 25 302,17 $ qui ont été admis ou reconnus à l'égard de l'année d'imposition qui a pris fin le 31 décembre 2001?

 

(4)     Des pénalités pour faute lourde ont‑elles à juste titre été imposées, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi, à l'égard de chaque appelant?

 

[6]     Les deux appels portaient principalement sur les sommes d'argent plus importantes qui passaient par le compte de Vialink au cours des années d'imposition pertinentes. L'appelant a répondu en bref que, même si de gros montants passaient par le compte d'entreprise, ils représentaient des cadeaux ou des prêts de membres de la famille et d'amis en faveur de M. Watt personnellement ainsi que des montants transmis à M. Watt par Gary Williams, en Angleterre, à des fins d'investissement possible dans un restaurant ou dans un bar au Canada. Le ministre a conclu qu'aucun document n'étayait les prétentions de l'appelant ou que les documents étaient inadéquats.

 

[7]     Les appelants ont cité les témoins suivants : M. Watt; la femme de celui‑ci, Sita Loretta Gardner; les exploitants d'un bureau de change, Sujatha Sivanathan et Sinnathurai Sivanathan; un gestionnaire supérieur de la ville de Whitby, Peter LeBel; ainsi que Jacqueline Gilling, qui a témoigné par visioconférence depuis l'Angleterre. L'intimée s'est fondée sur les témoignages de la vérificatrice, Theresa Abernathy, et de l'agent des appels, Colette Ouimet.

 

La preuve

 

Hubert Watt

 

[8]     Monsieur Watt a fait des études dans le domaine de la gestion hôtelière. Il est titulaire d'un certificat d'un collège en Jamaïque, ainsi que d'un diplôme du Collège George Brown et de Ryerson. Il a travaillé dans le secteur du transport aérien ainsi que dans divers établissements alimentaires et dans divers hôtels à titre de contrôleur des coûts d'aliments et de boissons, et à titre de vérificateur de nuit. Depuis 2004, il est agent immobilier autorisé.

 

[9]     Monsieur Watt a constitué Vialink en société en 1998 afin d'exploiter des lignes de discussion de fantasmes 1‑900, mais il a commencé ces activités au mois de janvier 2000 seulement. Chaque client devait payer pour chaque appel effectué, le montant étant imputé à son compte de téléphone. Après déduction des frais par Bell Canada, un relevé mensuel était remis à Vialink ainsi qu'un chèque pour le solde. Vialink avait un compte d'entreprise à la Banque Royale, mais M. Watt a témoigné que les chèques de Bell Canada avaient peut‑être parfois été encaissés ailleurs. Étant donné que l'entreprise fonctionnait 24 heures sur 24, Vialink employait un certain nombre de femmes de façon contractuelle pour répondre aux appels. Ces femmes étaient rémunérées deux fois par mois, en espèces. L'une des principales dépenses, les frais de publicité, était payée au moyen des cartes de crédit personnelles de M. Watt.

 

[10]    Monsieur Watt a témoigné qu'au cours de cette période, il avait continué à étudier les possibilités d'affaires dans le domaine des hôtels et des restaurants, et en particulier les franchises de restaurants. Son ami Gary Williams avait manifesté de l'intérêt à participer avec M. Watt à une entreprise de restauration au Canada. Monsieur Watt avait été présenté à M. Williams par une connaissance, Jackie Gilling, en 1998.

 

[11]    Monsieur Watt a témoigné avoir effectué un certain nombre de voyages en Angleterre afin de rencontrer M. Williams et, à partir de l'automne 2001, M. Williams lui avait viré de grosses sommes d'argent par l'entremise de Sindi Financial, un bureau de change. Ces virements ont eu lieu à différentes occasions afin de satisfaire aux engagements concernant les franchises et de payer les frais de demande. Monsieur Watt a témoigné que Vialink servait de [TRADUCTION] « facilitatrice » lorsqu'il s'était agi de faire passer ces sommes par le compte d'entreprise de Vialink. Toutefois, à un moment donné, la somme de 39 000 £ a été remise à M. Watt personnellement, pendant qu'il était en Angleterre, pour qu'il la rapporte au Canada, au lieu d'être virée.

 

[12]    Monsieur Watt a été détenu par les douanes et par la GRC à son arrivée au Canada, à l'aéroport de Toronto, au mois de février 2002. L'argent a été conservé pendant quelques mois avant de lui être finalement retourné. Lorsque cet événement est survenu, M. Williams a eu [TRADUCTION] « la frousse » et a demandé que tout son argent lui soit retourné. Monsieur Watt a témoigné avoir peu à peu retourné à M. Williams un montant s'élevant en tout à 120 000 $. C'était là tout l'argent que M. Williams lui avait fourni, sauf pour la somme de 39 000 £ détenue par la GRC. Lorsqu'il a été contre‑interrogé, M. Watt a précisé qu'en fait, un montant de 161 389 $ avait été retourné à M. Williams (transcription du 26 novembre 2007, page 152). Monsieur Williams est décédé au mois de juillet 2002. Il semble que M. Watt ne lui ait jamais retourné les 39 000 £.

 

[13]    Monsieur Watt a témoigné entretenir une relation de confiance avec M. Williams parce qu'il avait par le passé donné des conseils à M. Williams au sujet de son restaurant, en Angleterre. Monsieur Watt n'avait pas conservé de documents officiels au sujet de ces prêts ni d'accord écrit au sujet de cet argent ou du rôle que M. Williams aurait dans une entreprise commerciale possible au Canada. Toutefois, la pièce A‑2 renfermait des copies de chèques de Sindi Financial, payables à Telnet Communications, lesquels avaient été reçus entre le mois d'octobre 2001 et le début de l'année 2002. La pièce A‑1, onglet 1, renfermait les relevés de compte bancaire de Vialink, indiquant des dépôts dans le compte d'entreprise de 15 000 $ le 23 octobre 2001, de 18 280 $ le 23 octobre 2001, de 15 000 $ le 29 octobre 2001, de 17 569 $ le 5 novembre 2001, de 15 000 $ le 6 novembre 2001, de 30 000 $ le 13 novembre 2001, de 35 000 $ le 13 décembre 2001, et de 15 540 $ le 17 décembre 2001.

 

[14]    Monsieur Watt a témoigné que, pendant cette période, il envisageait trois entreprises commerciales possibles : Tim Hortons, Lick's Restaurant et le Pump House, à Whitby (Ontario). La pièce A‑1, onglet 2, renfermait un formulaire de demande de licence soumis à Tim Hortons, lequel avait été rempli, mais n'était pas signé. La pièce A‑1, onglet 4, renferme une lettre du groupe Tim Hortons, en date du 29 juin 2001, accusant réception d'un questionnaire complété concernant la franchise (pièce A‑1, onglet 5). Étant donné que les endroits qu'il proposait comme emplacements pour le Tim Hortons étaient déjà saturés, M. Watt s'est ensuite renseigné au sujet d'une franchise Lick's. Le seul document qui a été soumis à ce sujet était une lettre de Lick's, datée du 5 novembre 2001, laquelle ne comportait qu'une page (pièce A‑1, onglet 9) et renvoyait à des renseignements préliminaires au sujet de la franchise. Tout en poursuivant ses démarches à l'égard de la franchise Lick's, M. Watt a enquêté sur un emplacement possible pour un restaurant et un bar connu sous le nom de Pump House, à Whitby. Monsieur Watt a témoigné avoir obtenu des renseignements du service de l'aménagement du territoire de la ville de Whitby et avoir par la suite rencontré Peter LeBel avec sa femme pour discuter de l'aménagement de ce site.

 

[15]    Monsieur Watt a témoigné qu'en plus des montants élevés qu'il avait reçus de M. Williams, il avait reçu des cadeaux et des prêts de membres de sa famille et d'amis, en Jamaïque. Il a témoigné que sa femme et lui devaient détenir une part de 51 p. 100 de toute entreprise commerciale exploitée avec M. Williams. Pour obtenir la part de 51 p. 100 exigée par les franchiseurs, M. Watt avait l'intention d'utiliser les actifs de la famille, ainsi qu'un bar, en Jamaïque, dont son père lui avait fait don. Aux termes d'un accord conclu avec sa belle‑mère, M. Watt a vendu ce bar à cette dernière et a reçu un montant de 75 000 $ (au lieu du montant de 150 000 $ dont il avait initialement été convenu), lequel lui a été peu à peu versé. Étant donné qu'il n'avait pas obtenu le prix initial de 150 000 $, M. Watt a indiqué, pour le bar, une valeur de 90 000 $ dans la demande en vue de l'obtention d'une licence Tim Hortons, soit, comme il l'a lui‑même admis, 15 000 $ de plus que le montant qu'il avait témoigné avoir reçu. Monsieur Watt a déclaré avoir utilisé ces fonds pour réduire son hypothèque. Un relevé de la Banque de Montréal (pièce R‑3, onglet 1) indiquait que les versements hypothécaires s'élevaient à 20 000 $ en 2001 et à 20 000 $ en 2002. De plus, une lettre d'un avocat, en Jamaïque, a été produite en vue de confirmer que la belle‑mère de M. Watt avait acheté le bar afin de le garder dans la famille et que des paiements sous la forme de sommes globales avaient été effectués en faveur de M. Watt au cours de la période allant de l'année 2000 à l'année 2002 (pièce A‑3). Monsieur Watt, lorsqu'il a convenu d'accepter une somme moins élevée pour vendre le bar à sa belle‑mère, a demandé une avance additionnelle à M. Williams. Il s'est rendu en Angleterre pour obtenir l'argent de M. Williams et, le 24 février 2002, il a été détenu avec le montant de 39 000 £. Lorsque cela s'est produit, il a dit aux autorités qu'une somme de 19 000 £ lui appartenait personnellement et que 20 000 £ seulement appartenaient à M. Williams. Toutefois, dans les actes de procédure, M. Watt a admis avoir été tenu de rembourser le montant complet de 39 000 £ à M. Williams.

 

[16]    Lorsqu'il a été contre‑interrogé, M. Watt a confirmé qu'au cours des années d'imposition 2000, 2001 et 2002, il n'avait déclaré qu'un revenu de location et qu'il n'avait pas déclaré de revenu provenant de Vialink. Après avoir demandé des déductions se rattachant aux dépenses locatives et à une pension alimentaire, M. Watt a déclaré un revenu net de 6 373,80 $ en 2000, de 1 595,79 $ en 2001 et de 827,09 $ en 2002. En 2001 et en 2002, Vialink a déclaré n'avoir aucun revenu. Toutes ces déclarations ont été produites en retard. Monsieur Watt a témoigné avoir produit ces déclarations rapidement, sans trop y songer, après que l'ARC lui en eut fait la demande à la suite de l'incident survenu à l'aéroport. Les déclarations personnelles et de la société pour les années 2001 et 2002 ont été produites le 12 mai 2003. Après le début de la vérification, M. Watt a produit des déclarations T2 modifiées pour Vialink, indiquant une perte de 20 291 $ en 2000, une perte de 3 795 $ en 2001 et une perte de 5 564 $ en 2002. Les bilans accompagnant les déclarations modifiées pour les années d'imposition qui ont pris fin les 31 décembre 2000 et 2001 indiquent une dette de plus de 38 000 $ envers l'actionnaire. Selon la déclaration modifiée se rapportant à l'année d'imposition qui a pris fin le 31 décembre 2002, le montant dû à l'actionnaire s'élevait à plus de 40 000 $.

 

[17]    En parlant de la source des paiements effectués à l'égard de plusieurs cartes de crédit, M. Watt a déclaré avoir pu effectuer ces paiements parce qu'il avait viré des avances d'une carte de crédit à l'autre, qu'il avait utilisé les fonds obtenus de la famille ou qu'il avait utilisé les fonds provenant du remboursement de prêts qu'il avait consentis à des amis. Monsieur Watt a reconnu avoir viré à sa carte MBNA des montants s'élevant en tout à 44 572,75 $ en 2001 et à 18 059 $ en 2002, avoir viré à sa carte du Canada Trust un montant de 11 527,50 $ en 2000, de 7 273,58 $ en 2001 et de 7 000 $ en 2002, et avoir viré à sa carte Visa de la Banque Royale un montant de 9 258,22 $ en 2000, de 29 735,65 $ en 2001 et de 10 079,19 $ en 2002. Tous les paiements étaient de beaucoup supérieurs à son revenu net déclaré pour chaque année.

 

[18]    Avec le consentement des deux parties, un formulaire de demande de carte MBNA reçu par la banque au mois de janvier 2001 a été produit en preuve. Sur ce formulaire, qui n'était pas signé, figurait le nom de M. Watt et son adresse, et il était fait mention d'un revenu annuel de 100 000 $. De plus, deux formulaires qui avaient été remplis pour la franchise Tim Hortons indiquaient un salaire annuel de 45 000 $, ce qui, comme l'a admis M. Watt, était inexact.

 

[19]    Dans une lettre datée du 17 mars 2004 envoyée à Theresa Abernathy (pièce R‑1, onglet 22) visant à clarifier certaines questions, M. Watt fournissait des renseignements au sujet des fonds qui provenaient censément d'investisseurs et de prêteurs ainsi que de cadeaux de sa famille. Monsieur Watt a admis que le contenu de la lettre était, comme il l'a lui‑même dit, [TRADUCTION] « un embellissement », mais que l'histoire de sa famille et de son héritage en Jamaïque était si compliquée qu'il était tout simplement plus facile d'expliquer l'origine des fonds comme il l'avait fait. Monsieur Watt a également admis que le montant de 20 000 $ qu'il affirmait avoir reçu de sa mère, Vera Jones, était un autre [TRADUCTION] « embellissement » et que le montant en question s'élevait à 5 000 $ ou à 10 000 $. La lettre (pièce A‑1, onglet 15) de Vera Jones était également un [TRADUCTION] « embellissement » quant au montant déclaré.

 

[20]    Quant à l'argent qu'il a témoigné avoir retourné à M. Williams, M. Watt a affirmé avoir eu recours à un bureau de change que M. Williams lui avait recommandé et que des individus qu'il ne connaissait pas étaient allés chercher ces fonds, en argent, chez lui. Monsieur Watt a produit à l'appui des reçus rédigés à la main (pièce R‑6). Tous les reçus étaient signés par un certain R. Thompson ou par un certain R. Smith, mais le nom du bureau n'y figurait pas. Ces reçus n'ont jamais été fournis à la vérificatrice ou à l'agent des appels et ils ont uniquement été produits au cours de l'interrogatoire préalable. En examinant les relevés bancaires de Vialink, M. Watt a identifié les retraits se rapportant aux montants retournés à M. Williams en choisissant les montants qui, selon lui, pouvaient se rattacher à ces retraits. Toutefois, M. Watt a admis qu'il n'existait aucune corrélation apparente entre les reçus et les retraits.

 

Sita Gardner

 

[21]    La femme de l'appelant, Sita Gardner, a témoigné n'avoir jamais participé aux activités commerciales de Vialink, mais avoir eu l'intention d'occuper un poste de gestion s'ils avaient réussi à obtenir une franchise de restaurant.

 

[22]    Madame Gardner a témoigné qu'étant donné que les franchiseurs exigeaient au départ des frais de demande, son mari s'était adressé à des parents et à des amis, et notamment à M. Williams, pour obtenir des fonds. Toutefois, Mme Gardner n'a jamais réellement vu d'argent qui soit transféré par M. Williams, elle n'a jamais vu de comptes ou de relevés bancaires se rattachant à l'entreprise de son mari, et elle n'a jamais eu connaissance de renseignements, si ce n'est ce que son mari lui avait dit, ni de documents concernant le bien locatif. Madame Gardner a rempli les formulaires de demande de franchise de Tim Hortons et de Lick's en se fondant sur les renseignements financiers fournis par son mari. Elle a témoigné avoir assisté à une réunion avec Peter LeBel au sujet de l'exploitation possible d'un restaurant, à Whitby.

 

Sujatha Sivanathan et Sinnathurai Sivanathan

 

[23]    Ces individus sont copropriétaires de Sindi Financial, un bureau de change situé à Scarborough. Étant donné qu'ils conservent leurs documents pour une période de cinq ans seulement, ils n'ont pas pu fournir de documents au sujet des virements de fonds provenant de l'Angleterre pour la période visée par l'appel.

 

[24]    Sujatha Sivanathan a reconnu les chèques payables à Telnet Communications, pièce A‑2, comme étant les chèques représentant les fonds provenant de l'Angleterre, avec des instructions d'un cambiste de ce pays selon lesquelles il fallait communiquer avec M. Watt aux fins de l'identification et émettre ensuite des chèques. Madame Sivanathan a déclaré que, selon les instructions, les chèques devaient être émis en faveur de la société.

 

[25]    Sinnathurai Sivanathan a confirmé que c'était M. Watt qui était allé chercher les chèques à leur bureau. Il a confirmé qu'il se rappelait avoir reçu des instructions du cambiste, au Royaume‑Uni, au sujet de ces commandes.

 

Peter LeBel

 

[26]    Monsieur LeBel est gestionnaire supérieur à la ville de Whitby. Il a témoigné que la ville l'avait autorisé à aider à convertir en un restaurant un immeuble d'intérêt patrimonial, connu sous le nom de Pump House, et que des investisseurs éventuels pouvaient soumettre des offres. Au cours des huit ou neuf dernières années, une quinzaine d'intéressés ont demandé des renseignements. Monsieur LeBel avait en sa possession des documents confirmant les demandes et d'autres renseignements au sujet du Pump House datant de 1995 à 2005. Il a expliqué que toute personne désirant soumettre une demande devait suivre une procédure et devait au départ le consulter. Il a confirmé que le grand public avait accès à la documentation que l'appelant avait soumise à la Cour au sujet de la demande relative au Pump House, pièce A‑1, onglet 10, sans qu'il soit nécessaire de présenter une demande. Monsieur LeBel ne se souvenait pas que M. Watt ou sa femme eussent présenté une demande afin d'ouvrir un restaurant à l'emplacement du Pump House et ses dossiers ne renfermaient aucun document, entre les années 1995 et 2005, indiquant qu'il ait traité de quelque façon que ce soit avec M. Watt, ou qu'une réunion avait peut‑être eu lieu.

 

Jackie Gilling

 

[27]    Madame Gilling a déclaré connaître M. Watt depuis 1998, lorsqu'ils résidaient tous deux en Jamaïque. Elle a témoigné que M. Williams et M. Watt étaient associés en affaires et que M. Williams avait manifesté de l'intérêt à engager des fonds dans un restaurant au Canada. Elle a témoigné que M. Williams lui avait dit qu'il envoyait des fonds à M. Watt au Canada. Elle ne savait pas quels étaient les montants en cause. Elle a également déclaré que M. Watt leur avait une ou deux fois rendu visite en Angleterre. Elle ne savait pas si M. Watt avait retourné ces fonds à M. Williams, mais elle a affirmé que M. Williams avait demandé que ces fonds lui soient remis.

 

[28]    Au cours du contre‑interrogatoire, l'avocat de l'intimée a renvoyé Mme Gilling à un affidavit (pièce R‑5) qu'elle avait signé sous serment le 21 juillet 2006. Dans cet affidavit, Mme Gilling déclarait que, lorsque M. Watt allait en Angleterre, M. Williams remettait de l'argent à celui‑ci pour qu'il le rapporte au Canada. Contrairement à son témoignage oral, Mme Gilling déclarait, dans l'affidavit, qu'elle ne savait pas trop quel était le type d'entreprise commerciale pour laquelle M. Williams avançait des fonds à M. Watt. L'affidavit contredisait également le témoignage oral qu'elle avait présenté au sujet de la remise des fonds à M. Williams. Au paragraphe 10 de cet affidavit, Mme Gilling déclarait que l'argent avait en partie été retourné.

 

Theresa Abernathy

 

[29]    Madame Abernathy qui, au cours de la période ici en cause, était vérificatrice au sein de la Division des enquêtes spéciales de l'ARC, s'est vue confier le dossier en 2002 afin de procéder à l'établissement d'une cotisation de protection, après que M. Watt eut été détenu à l'aéroport de Toronto. Une fois la cotisation de protection établie, les 39 000 £ avaient été retournées à M. Watt par l'entremise de la GRC. Madame Abernathy a ensuite entamé une vérification, au mois de mars 2003, en utilisant l'analyse de l'avoir net, l'année 1999 étant choisie comme année de base. Madame Abernathy a employé une approche fondée sur l'avoir net parce qu'elle ne disposait pas d'un nombre suffisant de renseignements pour déterminer avec exactitude les montants qui auraient dû être indiqués dans les déclarations.

 

[30]    Madame Abernathy a procédé à son analyse de l'unité familiale à l'aide de relevés bancaires de fin d'année, de déclarations de revenus, d'un examen des biens possédés et de relevés d'impôts fonciers. Étant donné qu'elle n'avait pas réussi à obtenir de réponses de M. Watt et de l'avocat de celui‑ci à l'époque, Me Bruce Olmsted, une « demande de renseignements » a été délivrée à la banque de M. Watt. Madame Abernathy a utilisé les renseignements ainsi obtenus pour effectuer l'analyse de l'avoir net. Des données de Statistique Canada ont été utilisées tout le long de l'analyse et la vérificatrice a effectué des rajustements fondés sur les déclarations de revenus, puisque M. Watt n'avait pas répondu aux lettres concernant les rajustements à apporter aux chiffres proposés. Par conséquent, il existait des écarts importants entre le revenu déclaré (10 273 $ en 2000, 5 495 $ en 2001 et 4 729 $ en 2002) et les montants additionnels à inclure dans le revenu de M. Watt (56 040,27 $ en 2000, 82 373,56 $ en 2001 et 239 309,97 $ en 2002). Madame Abernathy a examiné le compte bancaire de Vialink afin d'établir s'il était possible d'expliquer certains écarts. Elle a facilement pu identifier les recettes de Bell Canada. Les dépôts non identifiés ont été attribués au revenu de Vialink. Pour l'année 2001, Mme Abernathy a admis un montant de 33 309 $, soit la valeur du prêt d'actionnaire, au titre de déduction relative aux dépenses d'entreprise, et ce, même s'il n'existait en fait aucune documentation à l'appui. Madame Abernathy a déclaré avoir simplement utilisé les dépenses de l'année antérieure afin de compenser le prêt d'actionnaire. Elle n'a admis aucune déduction au titre des dépenses d'entreprise de l'année 2002 étant donné qu'elle ne disposait d'aucun renseignement à ce sujet.

 

[31]    La vérificatrice a également procédé à une analyse des relevés de carte de crédit et elle a examiné les renseignements et documents qui avaient été soumis au sujet des investissements et des franchises au cours de la dernière rencontre qui avait eu lieu avec M. Watt. Elle a conclu que la documentation, au sujet de Tim Hortons, de Lick's et du Pump House, à Whitby, renfermait simplement des renseignements généraux auxquels le public avait accès et qu'il ne s'agissait pas réellement de demandes. Elle a donc rejeté les explications de M. Watt, à savoir que les montants non identifiés passant par le compte de Vialink se rapportaient aux frais de franchise. La vérificatrice n'a pas pu confirmer les prêts consentis par la famille ou par les amis ni confirmer les montants y afférents. Monsieur Watt affirmait que certains fonds provenaient de sommes gagnées au jeu parce qu'il avait joué en Europe et dans les Antilles, mais la chose n'a pas non plus pu être corroborée. La vérificatrice n'a pas établi de nouvelles cotisations à l'égard de Vialink à l'aide des déclarations T2 modifiées de cette dernière parce que, comme elle l'a dit : [TRADUCTION] « M. Watt avait en fait produit des déclarations T2 qu'il avait signées, indiquant aucun revenu pour toutes les années » (transcription du 22 avril 2008, pages 86 et 87), et parce que Vialink ne faisait pas l'objet d'une vérification. Les retraits du compte de Vialink ne pouvaient pas être étayés à l'aide de la documentation.

 

[32]    La vérificatrice a également procédé à une analyse du revenu et des dépenses déclarés en se fondant sur les déclarations T1 de M. Watt, à commencer par l'année 1992, lorsqu'il était arrivé au Canada, pour voir si certains montants non déclarés pouvaient provenir de placements d'années antérieures. Cette analyse (pièce R‑1, onglet 25) aidait à donner une idée générale, sur le plan financier, mais elle ne fournissait pas de renseignements additionnels au sujet de la provenance des montants en question. La vérificatrice a également effectué une analyse (pièce R‑1, onglet 26) des dépenses et du revenu de M. Watt sous forme de sommaires et de comptes détaillés mensuels, entre les années 1999 et 2002. Les écarts pour chaque année n'étaient pas justifiés par un revenu déclaré.

 

[33]    La conclusion tirée par la vérificatrice au sujet du nombre de retraits au cours de chacune des années d'imposition 2000, 2001 et 2002 était qu'il s'agissait de retraits pour utilisation personnelle et que M. Watt s'était en fait attribué ces fonds parce qu'il utilisait le compte bancaire de la société à des fins personnelles.

 

[34]    Lorsqu'elle a été contre‑interrogée, la vérificatrice a déclaré avoir examiné les documents comptables de Vialink afin de déterminer les montants que M. Watt aurait dû déclarer. Lorsqu'il y avait des pièces justificatives, elle a identifié les montants, dans son rapport, comme étant des montants de Bell Canada; sinon, les montants ont été identifiés comme étant [TRADUCTION] « autres » et ils ont été inclus dans le revenu de Vialink. La vérificatrice a confirmé qu'étant donné que la vérification avait été effectuée pour M. Watt, les chiffres concernant Vialink avaient été préparés après la vérification, en même temps que la détermination du revenu non déclaré de M. Watt.

 

[35]    La vérificatrice a confirmé qu'elle n'avait pas utilisé les déclarations T2 modifiées de Vialink parce qu'à son avis, la nouvelle cotisation de Vialink était secondaire par rapport à la vérification de M. Watt. Elle a témoigné ne pas avoir mené d'enquête détaillée au sujet de l'origine du revenu de Vialink parce que cette dernière faisait uniquement l'objet d'une nouvelle cotisation et que l'analyse de l'avoir net se rapportait à M. Watt.

 

[36]    La vérificatrice a confirmé que, dans son analyse des cartes de crédit personnelles, elle avait tenu compte du fait que M. Watt payait personnellement certaines dépenses de Vialink. Étant donné que M. Watt n'avait pas fourni suffisamment de documents, la vérificatrice a admis les dépenses de Vialink pour l'année 2001 jusqu'à concurrence du montant de l'avance de 33 309 $ de l'actionnaire ou jusqu'à concurrence de la valeur de l'avantage conféré à M. Watt. Elle ne savait pas pourquoi elle avait utilisé le paragraphe 15(1) plutôt que le paragraphe 15(2) en classant les montants inconnus dans le compte de Vialink et elle ne se rappelait pas pourquoi, en 2002, elle avait imputé le montant de 7 768 $ au titre de montant que M. Watt s'était attribué de Vialink.

 

[37]    Au cours du réinterrogatoire, la vérificatrice a précisé que le montant de 7 768 $ était composé des dépôts dans le compte de Vialink qu'elle ne pouvait pas identifier et que ces dépôts avaient donc été attribués au revenu de M. Watt.

 

Collette Ouimet

 

[38]    L'agent des appels, Mme Ouimet, a examiné les oppositions présentées par les deux appelants. Tous les chiffres, sauf les montants attribués de Vialink, étaient tirés des documents de travail de la vérificatrice. Madame Ouimet a révisé les montants attribués pour les années 2001 et 2002 parce que, en déterminant les montants attribués, la vérificatrice avait utilisé les montants déposés dans le compte de Vialink plutôt que le montant des retraits. Toutefois, Mme Ouimet a reconnu qu'elle n'avait pas rajusté le montant des pénalités associées aux montants attribués rajustés et que les pénalités devaient être rajustées, de façon à refléter les montants révisés appropriés pour l'année 2001.

 

[39]    Madame Ouimet a déclaré que la cotisation relative au revenu non déclaré de Vialink était fondée sur le fait qu'il n'y avait pas réellement de documentation justificative permettant de vérifier les rentrées et les sorties de fonds du compte de Vialink. Des explications ont été données, mais aucun élément de preuve n'étayait les explications données au sujet de l'origine des fonds. Lorsqu'elle a été contre‑interrogée, Mme Ouimet a témoigné que les documents concernant Lick's, Tim Hortons et le Pump House n'étaient pas tous antérieurs aux dépôts de Vialink, au cours de la période allant du mois d'octobre au mois de décembre 2001. L'agent des appels a également déclaré que la documentation qu'elle avait reçue de M. Watt n'était pas suffisante pour qu'il soit possible de vérifier les montants et les explications que celui‑ci avait fournis. Ainsi, elle a rejeté une lettre de Jacqueline Gilling au sujet des relations existant entre M. Watt et le défunt M. Williams parce que cette lettre était trop vague et générale quant aux dates et aux montants précis en cause. Étant donné qu'elle n'avait reçu aucune documentation lui permettant de vérifier les dépenses, elle a conclu que les retraits non identifiés du compte de Vialink ne se rapportaient pas aux activités commerciales et elle les a donc identifiés avec raison comme des montants que l'actionnaire s'était attribués, conformément au paragraphe 15(1).

 

Analyse

 

[40]    La méthode de l'avoir net a été décrite comme suit dans la décision Ramey c. La Reine, no 91‑547(IT), 20 avril 1993, 93 D.T.C. 791 (C.C.I.), page 793 :

 

[...] Une cotisation d'actif net repose sur une comparaison de l'actif net du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec son actif net à la fin de l'année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. [...]

 

Dans la décision Ramey, cette méthode a été décrite comme une méthode à employer en dernier ressort lorsqu'il n'existe aucune autre façon de procéder. Le ministre doit uniquement démontrer que l'avoir net du contribuable a augmenté entre deux dates. Dans la décision Bigayan c. Canada, no 97‑2699(IT)G, 10 novembre 1999, [1999] A.C.I. no 778, le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit ce qui suit au paragraphe 2 :

 

[...] On l'utilise souvent lorsqu'un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n'a pas conservé de documents. C'est un instrument imprécis, exact à l'intérieur d'un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l'on soustrait la valeur nette d'un contribuable en début d'année à sa valeur nette en fin d'année, si l'on ajoute les dépenses du contribuable durant l'année et si l'on soustrait les encaissements non imposables et les plus‑values d'actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l'année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C'est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c'est le seul moyen d'arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d'un contribuable.

 

[41]    Dans l'arrêt Hsu c. Canada, 2001 CAF 240, [2001] A.C.F. no 1174, le juge Desjardins a décrit comme suit, aux paragraphes 29 et 30, les cotisations selon l'avoir net :

 

29        [...] Cette méthode vise à libérer le ministre de l'obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l'existence d'une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d'autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l'augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu'il est démontré qu'il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables (Gentile c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 253, à la page 256 (C.F. 1re inst.)).

 

30        Par sa nature, une évaluation de la valeur nette est une estimation arbitraire et imprécise du revenu du contribuable. Toute iniquité perçue se rapportant à ce genre d'évaluation est réglée en reconnaissant que le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître son revenu imposable. Lorsque le fondement factuel de l'estimation du ministre est inexact, il devrait être simple pour le contribuable de corriger à la satisfaction de la Cour l'erreur que le ministre a commise.

 

[42]    Il incombe au contribuable de convaincre la Cour que la cotisation selon l'avoir net est erronée, à condition que le ministre ait effectué le travail de vérification d'une façon appropriée. Dans la décision Saikely c. M.R.N., no 88‑2032(IT), 25 août 1992, 93 D.T.C. 397, le juge Hamlyn a dit ce qui suit, à la page 401, au sujet de la façon dont le contribuable peut contester une telle cotisation :

 

[...] Il peut prouver qu'une part de l'augmentation de son avoir net est attribuable à des rentrées d'argent non imposables comme un héritage ou une somme gagnée au jeu; que son avoir net au début de la période a été sous-évalué ou que des éléments d'actif à la fin de la période ont été surévalués; que des éléments de passif existant à la fin de la période ont été omis ou sous-évalués; que l'argent avait été emprunté ou que les pertes de revenu étaient supérieures aux estimations. Quoi qu'il allègue, le contribuable doit le prouver; une simple déclaration ne suffit pas. De plus, il faut une preuve forte pour réfuter une cotisation fondée sur l'avoir net.

 

[43]    Presque toute la preuve était axée sur les présumées avances consenties par Gary Williams, lesquelles s'élevaient en tout à 160 000 $. De fait, c'était l'incident qui était survenu à l'aéroport, à Toronto, au mois de février 2002, qui avait donné lieu à l'examen de la situation de M. Watt. L'appelant a soutenu que ces sommes lui avaient été transmises personnellement afin de lui permettre d'investir des fonds dans une franchise et que ces fonds étaient simplement passés par le compte de Vialink pour plus de commodité tant qu'il ne serait pas en mesure de constituer une autre société possédant un compte distinct. Cela étant, ces sommes ne seraient généralement pas imposables. Toutefois, il se pose un problème : il existe peu de documents directs, sinon aucun, confirmant la transmission de fonds de M. Williams. Or, je dois être convaincue que l'appelant a produit un nombre suffisant d'éléments de preuve pour étayer la source de ces fonds.

 

[44]    En ce qui concerne la preuve documentaire et la preuve orale qui ont été présentées, j'ai à ma disposition des chèques s'élevant en tout à 143 109 $ (pièce A‑2) émis en faveur de la société par Sindi Financial entre les mois d'octobre et de décembre 2001. Ces fonds provenaient de l'Angleterre et ils avaient été transmis à Sindi Financial par son cambiste, au Royaume‑Uni. D'autre part, on m'a fourni des copies des reçus (pièce R‑6) qui, selon l'appelant, étayent sa position, à savoir qu'il a retourné les sommes en question à M. Williams. Ces reçus s'élèvent en tout à 143 080 $, de sorte qu'il y a un léger écart par rapport aux documents produits sous la cote A‑2. Les propriétaires de Sindi Financial n'ont pas conservé de documents et, compte tenu du temps qui s'était écoulé, ils n'ont pas pu fournir beaucoup de preuves, sauf pour dire qu'ils se rappelaient que l'argent provenait de leur cambiste, au Royaume‑Uni. Ils étaient des tiers désintéressés, mais ils ne pouvaient pas faire grand‑chose si ce n'est confirmer que les chèques produits sous la cote A‑2 venaient de l'Angleterre. Leur agence n'avait rien fait en ce qui concerne la présumée remise de fonds à M. Williams.

 

[45]    La preuve que Sita Gardner a présentée au sujet du virement de ces fonds ajoutait fort peu de choses parce que Mme Gardner n'avait jamais vu d'argent passer de Gary Williams à M. Watt et n'avait jamais vu les relevés ou les comptes bancaires de Vialink.

 

[46]    Madame Gilling n'avait aucune connaissance directe quant à la question de savoir si M. Williams avait réellement viré de l'argent à M. Watt. Elle a déclaré que de l'argent avait été donné à M. Watt lorsqu'il était en Angleterre, mais elle ne savait pas combien d'argent. Elle a déclaré que M. Williams lui avait dit que l'argent avait en partie été retourné, mais elle n'en connaissait pas le montant. Une grande partie de la preuve posait un problème en ce sens qu'il s'agissait de ouï‑dire fondé sur des renseignements que M. Williams avait censément communiqués à Mme Gilling. De plus, il y avait des incohérences entre le témoignage oral et l'affidavit de Mme Gilling.

 

[47]    Les reçus allant du mois de mars au mois de juin 2002, pièce R‑6, étaient rédigés à la main et ils étaient de nature générale; rien ne permettait d'identifier l'institution financière qui avait viré les fonds et aucune adresse n'était indiquée. Ces reçus étaient signés par un certain R. Williams et par un certain R. Smith, qui avaient obtenu l'argent de M. Watt, selon le témoignage de celui‑ci. Ces individus n'ont pas été cités à témoigner et, compte tenu des aveux de l'appelant, à savoir qu'il avait falsifié d'autres documents, je ne puis accorder aucun poids à ces reçus. De plus, je ne puis trouver de retraits de Vialink ni d'autres documents qui se rapportent aux montants indiqués dans ces reçus. En examinant les relevés bancaires, M. Watt a indiqué certains montants qui, selon lui, se rattachaient aux montants mentionnés dans les reçus. Toutefois, il n'y avait jamais de montant qui correspondait exactement au montant inscrit dans un reçu, parce que M. Watt a témoigné qu'il avait à diverses reprises retiré des montants moins élevés tant qu'il n'avait pas eu un montant plus élevé à retourner à M. Williams. Ces reçus posent, selon moi, un autre problème en ce sens qu'ils n'ont jamais été fournis à l'agent des appels ou à la vérificatrice, que ce soit volontairement ou en réponse aux nombreuses demandes qui avaient été faites à M. Watt pour qu'il fournisse des pièces justificatives. Les reçus ont finalement été soumis au cours de l'interrogatoire préalable.

 

[48]    Toutefois, le principal problème, en ce qui concerne ces virements, est le fait qu'il n'existe aucun lien ni aucun rapport entre les virements effectués par l'entremise de Sindi Financial, de membres de la famille ou d'amis et les dépôts bancaires de Vialink. Il n'existe aucune corrélation précise et, à cause des questions de crédibilité qui se posent dans les présents appels, il est selon moi essentiel qu'une telle corrélation satisfaisante existe ou soit fournie. Somme toute, il incombe à l'appelant de réfuter les hypothèses figurant dans la réponse à l'avis d'appel et, dans ces conditions, je ne crois pas qu'il soit déraisonnable de s'attendre à ce que l'appelant puisse fournir une preuve suffisante établissant un lien entre le dépôt et la source.

 

[49]    Quant à la documentation relative à la franchise, toutes les pièces se rapportant à l'investissement dans le Pump House étaient clairement des documents qui étaient mis à la disposition du grand public. De plus, Peter LeBel ne disposait d'aucun document concernant quelque réunion avec M. Watt ni d'aucun document indiquant que M. Watt avait présenté une demande au sujet de ce bien. Une pièce se rapportait au restaurant Lick's; elle confirmait uniquement que des renseignements au sujet de la franchise Lick's avaient été transmis à M. Watt. Rien ne montrait qu'il y ait été donné suite. Un plus grand nombre de renseignements ont été fournis au sujet de la franchise Tim Hortons, le document le plus important étant la demande de licence datée du 19 novembre 2001. Ce document étaye la prétention de l'appelant, lorsqu'il affirme qu'il cherchait activement, à la fin de l'année 2001, à investir des fonds dans une franchise, mais un salaire de 45 000 $ y est indiqué, chiffre que l'on a démontré être inexact lorsqu'il a été comparé au revenu indiqué dans les déclarations de revenus de M. Watt. J'hésite énormément à accorder trop de poids à de tels documents. Je ne crois pas que M. Watt ait donné par simple inadvertance les renseignements relatifs à son salaire puisqu'il a également rempli des formulaires de demande auprès de MBNA, lesquels indiquaient d'une façon inexacte que son salaire annuel s'élevait à 100 000 $. Pourtant, aucune des déclarations de revenus de M. Watt n'indiquait ces chiffres. Lorsqu'on lui a posé des questions à ce sujet, M. Watt a informé les représentants de l'ARC que cela ne les regardait pas. Monsieur Watt semble avoir tendance à fournir de faux renseignements afin d'en venir à ses fins et, dans un contexte plus large, cela laisse planer un doute non seulement sur la preuve documentaire qu'il a fournie, mais aussi sur sa preuve orale.

 

[50]    Une partie de la preuve présentée par M. Watt se rapportait à des cadeaux et à des prêts reçus de membres de sa famille et d'amis, notamment de l'argent reçu de sa belle‑mère à l'égard d'un bar, en Jamaïque, dont son père lui avait fait don. Toutefois, M. Watt a admis que la lettre (pièce R‑1, onglet 22) dans laquelle il fournissait les noms des personnes qui voulaient engager des fonds dans la franchise et indiquait les montants qui lui avaient été prêtés, ainsi que le montant des cadeaux qu'il avait reçus de sa famille, était entièrement falsifiée.

 

[51]    Le bar, en Jamaïque, devait être utilisé comme élément d'actif afin de démontrer que M. Watt était en mesure de financer sa part des investissements éventuels dans la franchise. Toutefois, M. Watt a indiqué la valeur du bar comme étant de 90 000 $, bien qu'il ait en fait reçu 75 000 $ seulement. Monsieur Watt a admis avoir antérieurement soumis de faux renseignements à ce sujet. De plus, il a admis, au cours du contre‑interrogatoire, que la lettre de sa belle‑mère, pièce A‑1, onglet 15, attestant la vente du bar et certains paiements que celle‑ci lui avait transmis, avait été falsifiée :

 

[TRADUCTION]

 

Avocat de l'intimée : [...] Dites‑vous également qu'elle n'a pas complètement dit la vérité dans cette lettre?

 

M. Watt : Comme je l'ai dit, le montant a été embelli.

 

(Transcription, 26 novembre 2007, page 149)

 

Monsieur Watt a admis qu'aucun de ces montants, dans cette pièce, n'était exact et qu'il s'agissait [TRADUCTION] d'« embellissements », comme il l'a dit, mais que sa belle‑mère lui avait de fait donné de l'argent, et il a ajouté ce qui suit : [TRADUCTION] « Le montant s'élevait peut‑être à 5 000 $, ou à 7 000 $, ou il était peut‑être de 10 000 $ » (transcription du 26 novembre 2007, page 147). La preuve ne montre pas clairement si Vera Jones, la belle‑mère, a rédigé ce document et l'a signé à la demande de M. Watt ou si c'est M. Watt qui l'a rédigé et qui y a apposé la signature de sa belle‑mère.

 

[52]    Quel que soit le cas, cela suscite un autre problème lorsqu'il s'agit d'accepter une autre lettre (pièce A‑3) d'un avocat, en Jamaïque, dans laquelle étaient censément confirmés les paiements effectués en faveur de M. Watt de 2000 à 2002 à l'égard de ce bar. Cette lettre ne renfermait aucune précision au sujet des montants qui avaient été payés ou des dates de paiement mais, ce qui est encore plus important, aucun élément de preuve indépendant n'a été produit pour authentifier ce document et l'avocat de l'intimée n'a pu procéder à aucun contre‑interrogatoire pour établir son authenticité. Dans des circonstances différentes, si je ne disposais d'aucune preuve de falsification d'autres documents, je serais portée à accorder à cette lettre un certain poids, mais les problèmes associés à certains documents connexes la rendent suspecte.

 

[53]    Au cours de l'audience, M. Watt a produit un sommaire (pièce A‑5) des dépenses pour les années 2000, 2001 et 2002 qu'il a pu trouver pour Vialink. Des reçus de Bell Canada ont été produits ainsi que des reçus concernant la publicité, mais il n'y avait aucun document concernant d'autres catégories de dépenses, comme les salaires ou les loyers. Indépendamment du caractère suffisant des pièces justificatives, les chiffres qui ont été soumis semblent comporter des erreurs. Ainsi, M. Watt a affirmé que les frais de publicité, selon les reçus eux‑mêmes, s'élevaient en tout à 24 667,15 $, alors qu'en fait, le total aurait dû être de 21 013 $. De plus, ce montant semble se rapporter à des dépenses se rattachant à Bell Canada plutôt qu'à des frais de publicité.

 

[54]    Dans d'autres circonstances, je n'aurais peut‑être fait aucun cas d'un tel écart, mais compte tenu des autres documents qui posent des problèmes, il s'agit au mieux d'un autre exemple de documents comptables tenus d'une façon négligente. Cela renforce mon manque de confiance en ce qui concerne les documents produits par l'appelant. Les cotisations selon l'avoir net sont en bonne partie fondées sur les faits et sur des questions de crédibilité. L'appelant a admis avoir soumis des renseignements inexacts, faux et trompeurs aux représentants de l'ARC ainsi que dans d'autres documents, notamment dans les formulaires de demande de carte de crédit MBNA et dans les demandes de franchise Tim Hortons. Le fait que M. Watt était prêt à donner des renseignements falsifiés et, comme il l'a dit, à [TRADUCTION] « embellir » la réalité, vicie toute sa preuve. Quels que soient les termes que l'on veut utiliser, il s'agit en somme tout simplement de fabrications multiples.

 

[55]    Monsieur Watt détient notamment des diplômes de plusieurs collèges en marketing et en gestion hôtelière. Il s'agit d'un homme d'affaires expérimenté qui a occupé des postes de gestion dans diverses entreprises. Cela ne ressemble pas au cas dans lequel le contribuable n'aurait aucune expérience et serait peu instruit. Compte tenu des antécédents de M. Watt, il n'est pas déraisonnable de s'attendre, au minimum, à ce qu'un grand livre soit tenu en vue de faire le suivi des recettes et des dépenses. Les documents se rapprochant le plus d'un grand livre qui ont été produits à l'audience étaient le sommaire des dépenses (pièce A‑5) et les états financiers non corroborés qui accompagnaient les déclarations T2 modifiées. Il ressort clairement de la preuve que les représentants de l'ARC ont demandé à maintes reprises à M. Watt de fournir des pièces justificatives. Certains documents ont été fournis, mais ils étaient inadéquats et, comme on l'a découvert une fois les documents soumis, certains d'entre eux avaient été falsifiés. En déterminant l'avoir net, l'unité familiale au complet a été prise en compte. Sita Gardner a témoigné, mais au cours de l'interrogatoire principal, elle n'a pas été interrogée au sujet de son actif et de son passif et au sujet de la façon dont ces chiffres pourraient avoir une incidence véritable sur l'avoir net. Les chiffres de Statistique Canada qui ont été utilisés dans la cotisation n'ont pas non plus été mis en question. Selon moi, il convient avec raison de conclure que l'analyse de l'avoir net était exacte sur ce point, parce qu'un examen additionnel sur l'un ou l'autre de ces points aurait eu des incidences défavorables pour l'appelant, puisque le montant de la cotisation selon l'avoir net aurait augmenté ou que cela n'aurait tout simplement peut‑être rien changé.

 

[56]    Lorsqu'il établit une cotisation selon l'avoir net, le ministre est libéré de son obligation habituelle d'identifier une source de revenu (Hsu c. Canada, précité). Il est uniquement tenu de démontrer que l'avoir net du contribuable a augmenté entre deux dates, en se fondant sur le fait que le contribuable a donné des renseignements insuffisants ou inexacts ou qu'il n'a pas du tout donné de renseignements. Les contribuables sont toujours mieux placés pour être au courant de leur propre situation. Il est logique qu'ils soient en mesure de fournir des renseignements adéquats en vue de contester une cotisation selon l'avoir net et de convaincre la cour, selon la prépondérance des probabilités, au sujet de la source du revenu non déclaré.

 

[57]    Le ministre s'est fondé sur le paragraphe 15(1) en vue d'identifier certains montants plus élevés provenant du compte de Vialink au titre de montants que l'actionnaire s'était attribués. Monsieur Watt est l'unique actionnaire et administrateur de Vialink, de sorte que c'est lui qui la dirige. Monsieur Watt a admis avoir mêlé les comptes personnels et les comptes d'entreprise. L'agent des appels a modifié la cotisation selon l'avoir net en vue de mettre uniquement l'accent sur les retraits provenant du compte de Vialink par opposition aux dépôts, comme la vérificatrice l'avait fait. Étant donné qu'aucun document ne donnait à entendre le contraire, le ministre a supposé que M. Watt s'était attribué, à des fins personnelles, ces montants provenant du compte de Vialink. Je crois que le libellé du paragraphe 15(1) a une portée suffisamment générale pour englober des retraits tels que ceux‑ci et que, si la preuve donne à entendre qu'un actionnaire s'est attribué certains montants « de quelque manière que ce soit », il est raisonnable pour le ministre, lorsqu'une cotisation selon l'avoir net est établie, d'émettre pareille hypothèse, en particulier lorsque le contribuable ne soumet aucune preuve contraire. Aux paragraphes 18 et 19 de la décision Penny c. Canada, no T‑1051‑91, 7 décembre 1994, [1994] A.C.F. no 1847, le juge Simpson a fait la remarque suivante au sujet du paragraphe 15(1) :

 

[...] Il me semble toutefois que, dans le cas où il y a eu attribution d'un bien de l'entreprise à un actionnaire, les attributs fiscaux qui en découlent pour lui sont dépourvus d'ambiguïté. Ils sont clairement énoncés à l'article 15 de la Loi. Puisqu'il en est ainsi, je suis convaincue que le Parlement a certainement voulu les attributs fiscaux découlant de l'application de cet article.

 

[...] Cet article s'applique s'il y a attribution d'un bien à l'actionnaire « de quelque manière que ce soit ». À mon sens, cette expression comprend une attribution de fait. Dans la mesure où l'actionnaire en tire un profit, la légalité de l'attribution est sans importance.

 

Si une telle hypothèse est émise, il me semble qu'il serait facile pour le contribuable de produire des documents, comme un grand livre ou des reçus véritables, susceptibles de réfuter facilement les hypothèses du ministre.

 

[58]    On m'a remis un grand nombre de documents, dont certains ont été falsifiés et renferment des renseignements inexacts ou erronés. Lorsqu'un appelant démontre avoir par le passé donné de faux renseignements, seule une preuve claire, concise, précise et non controversée pourra démolir les hypothèses du ministre. Or, malgré les renseignements par ailleurs trompeurs, aucune preuve de ce genre ne m'a été soumise en l'espèce. Je dispose de certains éléments de preuve de virements, mais je puis uniquement faire des conjectures au sujet du lien qu'ils ont avec les retraits provenant de Vialink. Je dispose également de reçus généraux rédigés à la main, de documents se rapportant censément aux demandes relatives à Lick's et au Pump House qui étaient simplement des demandes de renseignements ou des renseignements mis à la disposition du grand public, d'allégations d'une réunion qui aurait eu lieu avec M. LeBel au sujet de la demande concernant le Pump House, réunion dont M. LeBel ne se souvient pas et au sujet de laquelle il ne disposait d'aucun document confirmant que la réunion avait eu lieu ou que la demande avait été présentée, d'une demande de carte de crédit et d'une demande de franchise Tim Hortons dans lesquelles M. Watt a fourni des renseignements inexacts, et de lettres rédigées par M. Watt ou par sa belle‑mère, au sujet d'investisseurs et de sommes prêtées ou données en cadeau, lesquelles, comme M. Watt l'a admis, renfermaient des renseignements faux et trompeurs. Tous ces éléments étaient de nature générale et vague et ils étaient loin d'être suffisants pour satisfaire à l'obligation qui incombe à l'appelant quant à la preuve.

 

[59]    L'explication que M. Watt a donnée pour avoir produit en retard des déclarations indiquant que Vialink n'avait aucun revenu était qu'étant donné qu'on l'avait pris avec une somme de 39 000 £ à l'aéroport, il avait préparé les déclarations et les avait produites à la hâte. Toutefois, son témoignage renferme encore une fois une autre incohérence parce que les déclarations de Vialink ont été produites plus d'un an après l'incident survenu à l'aéroport. Le fait que l'appelant a par la suite produit des déclarations T2 modifiées n'a aucune incidence directe, si ce n'est qu'il s'agit d'une tentative pour corriger la situation dans laquelle il se trouvait. Il ressort de la preuve que la vérificatrice n'a pas tenu compte de ces déclarations T2 modifiées, mais je ne crois pas que la chose porte vraiment à conséquence, parce que la vérification était en cours. Si la vérificatrice se fondait sur les déclarations initiales qui avaient été produites, les demandes en vue d'obtenir des documents adéquats, s'il y avait été donné suite, auraient peut‑être mis fin à l'analyse de l'avoir net. Cependant, M. Watt a plutôt soumis de faux documents et des renseignements inexacts. Par conséquent, la méthode que le ministre a employée en dernier ressort a donné lieu à la cotisation selon l'avoir net, l'analyse des dépôts bancaires étant utilisée à l'égard de Vialink afin d'établir les recettes de cette dernière. En présentant son témoignage, la vérificatrice a déclaré ne pas avoir procédé à une vérification à l'égard de Vialink. Au cours du réinterrogatoire, la vérificatrice a précisé qu'elle voulait dire, dans son témoignage, qu'elle n'avait pas examiné d'une façon exhaustive tous les documents de Vialink. Une analyse des dépôts bancaires n'était peut‑être pas un moyen aussi exhaustif qu'une vérification de déterminer le revenu non déclaré de Vialink, mais une nouvelle cotisation a été établie à l'aide des hypothèses plaidées à l'appui de cette nouvelle cotisation. Cela ne change rien aux règles concernant la charge de la preuve.

 

[60]    En ce qui concerne l'année 2001, la vérificatrice a admis un montant de 33 309 $ au titre des dépenses d'entreprise parce qu'elle avait découvert un compte de prêt d'actionnaire pour ce montant pour l'année 2000. La vérificatrice a admis ce montant parce que Vialink avait sans aucun doute exploité une entreprise pour laquelle certaines dépenses étaient engagées, même si aucune documentation n'avait été fournie. La vérificatrice a expliqué que l'avance consentie en 2000 au titre d'un prêt d'actionnaire ne figurait pas pour l'année 2001, de sorte qu'elle a supposé qu'il s'agissait de dépenses et qu'elle [TRADUCTION] « l'a retranchée ». Il s'agissait d'un montant arbitraire qu'elle a choisi, mais je ne suis pas convaincue de son efficacité au point de vue comptable. En plus de ce montant, une somme additionnelle de 25 302,17 $ fondée sur quelques documents qui ont été produits au cours de l'audience à l'égard des dépenses, en 2001, a été reconnue, de sorte que les dépenses admissibles pour l'année 2001 s'élevaient en tout à 58 611,17 $. Aucun montant n'a été admis pour les dépenses en 2002 parce que Vialink avait mis fin à ses activités au début de l'année; les recettes de Vialink étaient minimes comparativement à celles des années antérieures; de plus, contrairement à l'année 2001, il n'y avait pas de compte de prêt d'actionnaire et il n'y avait pas de reçus. Je ne crois pas que des montants additionnels doivent être admis au titre des dépenses d'entreprise. Le montant de 33 309 $ a été admis au titre de déduction, et ce, sans pièce justificative. La documentation à l'appui du second montant de 25 302,17 $ était peu abondante et il y avait des questions légitimes au sujet de la possibilité d'un double emploi. La prétention de l'appelant selon laquelle la vérificatrice n'en avait pas fait assez pour établir le montant des dépenses, alors que c'est à lui qu'il incombe de soumettre des documents comportant les détails appropriés, et le fait que l'appelant a initialement produit des déclarations indiquant un revenu néant pour Vialink et que ses déclarations personnelles indiquaient des montants insignifiants au titre du revenu comparativement à son mode de vie doivent également être pris en compte.

 

[61]    Enfin, il y a la question des pénalités que le ministre a imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi. La charge de la preuve incombe au ministre en ce qui concerne les pénalités et celui‑ci doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu'une faute lourde a été commise. La disposition s'applique si le contribuable « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...] ou y participe, y consent ou y acquiesce ». Ce libellé donne également à entendre que le contribuable sait que ces déclarations renferment pareils énoncés erronés ou qu'il a l'état d'esprit nécessaire.

 

[62]    Compte tenu de l'ensemble des faits portés à ma connaissance, je conclus que l'intimée a satisfait à la charge de la preuve et qu'elle a suffisamment établi que l'appelant avait sciemment fait des énoncés faux et trompeurs justifiant l'imposition de pénalités pour faute lourde. L'appelant avait commis des actes intentionnels et s'était montré indifférent, ce qui donne lieu à une négligence plus grande qu'une simple omission de faire preuve de diligence raisonnable.

 

[63]    Monsieur Watt est un homme instruit détenant plusieurs diplômes collégiaux et possédant de l'expérience professionnelle auprès d'un certain nombre d'entreprises différentes. Il m'a semblé être un homme intelligent et compétent. Il était l'unique actionnaire et administrateur de Vialink et il exerçait une direction absolue sur les activités de l'entreprise. Il a mêlé le compte d'entreprise et ses affaires personnelles. Il a affirmé avoir déposé dans le compte de Vialink des montants qui lui avaient été remis par des membres de sa famille et par des amis, lesquels n'avaient rien à voir avec l'entreprise de Vialink. Toutefois, certaines pièces justificatives renfermaient, selon son propre aveu, des renseignements falsifiés, inexacts et erronés. On me demande de ne pas tenir compte de ces documents et de retenir les explications de l'appelant, lesquelles sont uniquement étayées par des documents et par des renseignements généraux, vagues et imprécis. De grosses sommes ont été déposées et bon nombre d'entre elles ne sont pas étayées par la preuve. Les déclarations de revenus de M. Watt ont été préparées par un spécialiste en déclarations, mais M. Watt était tenu de fournir les chiffres et il a signé les déclarations. Mis à part les reçus contenus dans une boîte qui ont été fournis à la vérificatrice, M. Watt n'établissait aucun document, et notamment il ne tenait aucun grand livre et n'établissait aucun compte de paie.

 

[64]    Je crois que M. Watt, en sa qualité d'unique personne responsable des activités de l'entreprise, aurait dû savoir que les retraits, en sus de son prêt d'actionnaire impayé, pourraient faire partie du revenu d'entreprise et que, si le montant en cause provenait d'une source non imposable, il fallait établir des documents appropriés à l'appui. De plus, les renseignements qui ont été fournis semblent l'avoir été d'une façon irrégulière, peu à peu, et d'une façon désordonnée. La preuve donne également à entendre que M. Watt a été récalcitrant lorsqu'il s'est agi de fournir des renseignements au cours de la vérification. Monsieur Watt a initialement refusé de donner les renseignements demandés au sujet de ces présumés prêts. Lorsqu'il a finalement fourni les noms des personnes qui lui avaient donné ou prêté de l'argent, ainsi que leurs numéros de téléphone, il n'a pas donné les dates exactes auxquelles il avait reçu ces fonds et n'a pas indiqué le lien existant avec les dépôts dans le compte de Vialink. Or, cela était susceptible d'étayer certaines de ses prétentions au sujet du compte de Vialink et de la façon dont il assurait son train de vie, malgré le faible revenu déclaré. Les représentants de l'ARC n'ont pas réussi à confirmer les numéros de téléphone des personnes qui avaient prêté de l'argent à M. Watt ni les autres renseignements que celui‑ci avait fournis. En fin de compte, M. Watt a admis avoir falsifié ce document au complet.

 

[65]    Quant au revenu personnel déclaré et au mode de vie de M. Watt, un revenu s'élevant en tout à 10 273 $, à 5 495 $ et à 4 729 $ a été déclaré pour les années 2000, 2001 et 2002 respectivement au titre du revenu de location. Au cours de cette période et compte tenu du revenu de location déclaré, M. Watt a constitué Vialink en société, il a prêté à celle‑ci un montant de 33 309 $ en 2000 et il a remboursé chaque année une bonne partie de l'hypothèque grevant le bien locatif. Monsieur Watt a témoigné avoir effectué de nombreux voyages en Angleterre et en Jamaïque. Même s'il est tenu compte du revenu de son épouse, les montants déclarés ne justifient pas le train de vie de M. Watt. Le montant de l'avantage conféré à l'actionnaire, de plus de 377 000 $, est élevé pour la période de trois ans. Les raisons pour lesquelles la vérificatrice a imposé des pénalités aux deux appelants sont clairement étayées par la preuve.

 

[66]    J'aimerais enfin féliciter l'avocat de l'appelant du superbe travail qu'il a accompli en contre‑interrogeant la vérificatrice et l'agent des appels. Selon moi, l'approche que ces dernières ont adoptée comportait certains problèmes, mais dans l'ensemble, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu des faits portés à ma connaissance, ces problèmes n'étaient pas suffisants en fin de compte pour discréditer la procédure de vérification qui a été suivie ou la cotisation selon l'avoir net, lesquelles étaient honnêtes et crédibles. Somme toute, par sa nature même, une analyse de l'avoir net constitue une tentative qui est en soi peu fiable lorsqu'il s'agit de reconstituer les activités commerciales et personnelles d'un contribuable, mais il reste que, parfois, comme dans les présents appels, le revenu approximatif du contribuable peut uniquement être établi de cette façon. La vérificatrice s'est fondée sur les meilleurs éléments de preuve qu'elle a pu trouver.

 

[67]    Bref, je conclus que la documentation et les explications qui ont été fournies sont insuffisantes pour satisfaire à l'obligation incombant au contribuable qui fait face à une cotisation selon l'avoir net. En plus du problème que pose la vérification de leur exactitude, certaines questions de crédibilité laissent planer énormément de doute sur une bonne partie de la preuve soumise par l'appelant.

 

[68]    Étant donné qu'au cours de l'audience, un montant additionnel de 25 302,17 $ a été admis au titre des dépenses, et puisqu'il a également été reconnu qu'il fallait rajuster les pénalités, les appels sont accueillis, de façon à admettre ce montant additionnel de 25 302,17 $, de sorte que les dépenses d'entreprise déductibles s'élèvent en tout à 58 611,17 $ pour l'année 2001. Madame Ouimet a admis avoir omis de rajuster de nouveau les pénalités lorsqu'elle a rajusté les montants que l'actionnaire s'était attribués en vertu du paragraphe 15(1) et lorsqu'elle a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt payable en 2001. Les pénalités pour l'année 2001 devraient donc être rajustées, de façon à refléter le montant payable au titre de l'impôt. Le montant de la pénalité relative à l'année 2002 demeurera le même parce que s'il était rajusté, cela aurait pour effet d'augmenter le montant de la cotisation de cette année‑là. De plus, les intérêts seront rajustés pour la période pendant laquelle l'ARC a tardé à traiter l'affaire (transcription du 23 avril 2008, page 87).

 

[69]    Les appels sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, de façon à tenir compte des concessions et rajustements susmentionnés.

 

[70]    Les parties pourront soumettre par écrit des observations dans les 60 jours qui suivront la date des présents motifs si elles n'arrivent pas à s'entendre sur la question des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2009 CCI 117

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2006-705(IT)G et 2006-841(IT)G

 

INTITULÉ :

Vialink Inc. et Hubert Watt c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 26 et 27 novembre 2007 et les 22 et 23 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Osborne G. Barnwell

 

Avocats de l'intimée :

Me Nimanthika Kaneira et

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelants :

 

Nom :

Osborne G. Barnwell

 

Cabinet :

Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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