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Dossier : 2006-421(IT)G

ENTRE :

HUSKY OIL LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 29 et 30 septembre et les 1er et 2 octobre 2008,

à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Barry R. Crump

Me Michel Bourque

 

 

Avocat de l’intimée :

MDonald G. Gibson

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1998 est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2009.

 

 

« Robert J. Hogan »Juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de juin 2008.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

Référence : 2009 CCI 118

Date : 20090224

Dossier : 2006-421(IT)G

ENTRE :

 

HUSKY OIL LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Introduction

 

[1]              L’appelante et Balaclava Enterprises Ltd. (« Balaclava »), un actionnaire important de Mohawk Canada Limited (« Mohawk Canada »), ont uni leurs efforts afin d’acquérir Mohawk Canada. Balaclava a transféré la participation qu’elle avait dans Mohawk Canada à une société, HB Acquisition Inc. (« HB Acquisition »), que l’appelante et Balaclava avaient créée afin de mener l’acquisition à bonne fin. Balaclava a reçu des titres de HB Acquisition en échange des actions de Mohawk Canada qu’elle détenait et une somme d’argent beaucoup moins élevée que celle qui était offerte aux autres actionnaires de Mohawk Canada.

 

[2]              Balaclava et l’appelante se sont entendues pour permettre à Balaclava d’acquérir les actifs résiduels (définis ci‑dessous) de Mohawk Canada au moyen de la fusion de sa filiale, Mohawk Lubricants Ltd. (la propriétaire des actifs résiduels) (« Mohawk Lubricants »), et d’une filiale de Balaclava. Les parties ne s’entendent pas sur l’effet de la fusion. L’appelante soutient que Mohawk Canada a disposé des actions de Mohawk Lubricants dans le cadre d’un transfert libre d’impôt selon le paragraphe 87(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »). De son côté, l’intimée soutient que Mohawk Canada a repris des actions sans valeur de la personne morale fusionnée, dans le cadre d’un plan visant le report de l’impôt sur les gains en capital pour une période de 25 ans. Ce plan a également été suivi par Balaclava, qui aurait reçu des actions sans valeur de HB Acquisition. L’intimée soutient que, par suite de ces promesses mutuelles d’accepter des actions sans valeur, Mohawk Canada est imposable à l’égard de la disposition des actions de Mohawk Lubricants, et ce, pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

 

a)  Mohawk Canada a donné la valeur des actions de Mohawk Lubricants qu’elle détenait au profit de sa société mère, HB Acquisition, ou Mohawk Canada a reçu une contrepartie autre qu’en actions lors de la fusion dans laquelle Mohawk Lubricants était en cause, en violation de l’interdiction énoncée au paragraphe 87(4) de la Loi;

b)  HB Acquisition s’est attribuée la valeur des actions de Mohawk Lubricants à son profit, en violation de l’interdiction énoncée au paragraphe 69(4) de la Loi;

c)  La fusion entre dans les prévisions du paragraphe 56(2).

 

II.      Les faits

 

[3]              Au début de la procédure, les parties m’ont remis un exposé conjoint des faits (l’« exposé conjoint des faits ») ainsi que des documents justificatifs contenus dans un recueil conjoint de pièces (le « recueil conjoint des pièces »). L’appelante a cité trois témoins : M. Thomas Lindsay, vice‑président principal de Balaclava et l’un des administrateurs de Mohawk Canada; M. Robert Kopstein, qui était associé fiscaliste chez Ladner Downs, à Vancouver, au moment où les opérations ont été conclues; et M. Ian McNair, qui était l’administrateur fiscal chez Husky Oil Limited (« Husky » ou l’« appelante »). L’intimée a cité deux témoins : Mme Sandra Pereversoff, vérificatrice de l’évitement de l’impôt à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), et M. Michael Weevers, l’agent des appels qui a examiné l’avis d’opposition de l’appelante. Je reproduis certains passages de l’exposé conjoint des faits avant de résumer les dépositions des témoins et d’examiner la preuve documentaire pertinente :

 

[traduction]

 

A. Les parties

 

1. L’appelante, Husky Oil Limited (« Husky »), est une société constituée en vertu des lois canadiennes et résidant au Canada aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »). Le 1er janvier 1999, Husky Oil Limited a fusionné avec Mohawk Canada Limited. Avant le 25 août 2000, Husky a été prorogée en Alberta. Le 25 août 2000, Husky, Husky Oil Operations Limited et Renaissance Energy Ltd. ont fusionné pour former une nouvelle société, Husky Oil Operations Limited.

 

2. Husky Mohawk Long Term Ltd. (« HMLT ») est une société qui a été constituée en vertu des lois canadiennes le 17 octobre 1996. Husky a toujours détenu toutes les actions émises et en circulation avec droit de vote de HMLT. Les stipulations relatives aux actions ordinaires et aux actions privilégiées de HMLT figurent dans les clauses modificatrices de HMLT. [...]

 

3. HB Acquisition Inc. (« HB Acquisition ») était une société qui avait été constituée le 1er avril 1998 ou vers cette date en vertu des lois canadiennes. Le capital‑actions initial de HB Acquisition était composé d’actions ordinaires. Les caractéristiques des actions ordinaires sont énoncées dans les clauses modificatrices de HB Acquisition datées du 29 juin 1998 et du 18 septembre 1998. [...]

 

4. Balaclava Enterprises Ltd. (« Balaclava »), maintenant connue sous le nom de Belkin Enterprises Ltd., est une société constituée en vertu des lois de la Colombie‑Britannique, résidant au Canada pour l’application de la Loi.

 

5. BEL Acquisition Inc. (« BAI ») est une société constituée en vertu des lois canadiennes, résidant au Canada aux fins de la Loi. BAI est une filiale à cent pour cent de Balaclava.

 

6. 3470750 Canada Inc. (« 347 ») est une société qui a été constituée en vertu des lois canadiennes le 11 juin 1998 ou vers cette date; elle est résidente du Canada pour l’application de la Loi. Pendant la période pertinente, 347 était une filiale à cent pour cent de BAI.

 

7. Mohawk Canada Limited (« Mohawk Canada ») était une société publique constituée en vertu des lois canadiennes; elle était résidente du Canada aux fins de la Loi. Mohawk Canada s’occupait de vente au détail de carburant pour automobiles (l’« entreprise de détail ») et ses actions ordinaires étaient cotées à la Bourse de Toronto.

 

8. Mohawk Lubricants Ltd. (« Mohawk Lubricants ») était une société qui avait été constituée en vertu des lois de la Colombie‑Britannique le 19 octobre 1981 et qui a été prorogée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions le 2 juillet 1998; elle était résidente du Canada aux fins de la Loi. Mohawk Lubricants, une filiale à cent pour cent de Mohawk Canada, se livrait à la régénération et à la distribution d’huile recyclée. Mohawk Lubricants possédait également certains autres actifs (des actions de Pound‑maker Agventures Ltd. (les « actions de Pound‑maker »), une redevance d’une certaine société appelée Jade et un inventaire de Jade) (l’« investissement Jade »); son entreprise de recyclage d’huile et ses autres actifs sont collectivement désignés comme étant les « actifs résiduels ».

 

9. Pendant la période pertinente aux fins du présent appel, Husky et HB Acquisition n’étaient pas liées à Balaclava, à BAI et à 347, et Balaclava, BAI et 347 n’étaient pas liées à Mohawk Canada et à Mohawk Lubricants.

 

10. Avant le 8 juillet 1998, Husky et HM Acquisition n’étaient pas liées à Mohawk Canada et à Mohawk Lubricants.

 

11. Les parties conviennent que, lorsque le mot « lié » figure dans le présent exposé, ce mot est employé dans le sens qui lui est attribué aux paragraphes 251(1) et 251(2) de la Loi et pour l’application de ces dispositions.

 

12. Lorsque HB Acquisition a présenté son avis en vue d’acquérir et de payer les actions de Mohawk Canada offertes dans l’offre conjointe, le 6 juillet 1998, comme il en est fait mention d’une façon plus précise au paragraphe 35 du présent exposé, Husky et HB Acquisition sont devenues liées à Mohawk Canada et à Mohawk Lubricants.

 

B. Faits se rapportant à Mohawk et événements ayant abouti à la conclusion de l’opération

 

13. Pendant la période pertinente, avant le 8 juillet 1998, un bloc de contrôle comprenant 42 % des actions ordinaires de Mohawk Canada était détenu directement ou indirectement par un actionnaire, Hugh B. Sutherland (« M. Sutherland »), alors que 23 % des actions ordinaires de Mohawk Canada (ou des débentures convertibles en actions ordinaires de Mohawk Canada) appartenaient à Balaclava. Quant aux 35 % restants des actions ordinaires de Mohawk Canada, ces actions étaient en bonne partie détenues par des investisseurs du grand public, et notamment par des employés de Mohawk Canada, directement ou indirectement.

 

14. Au mois de juin 1997, le conseil d’administration de Mohawk Canada (le « conseil de Mohawk ») a créé un comité spécial du conseil de Mohawk (le « comité spécial ») chargé de l’aider à élaborer et à évaluer certaines stratégies de rechange que Mohawk Canada pourrait suivre en vue d’accroître la valeur pour les actionnaires.

 

15. Après avoir étudié un certain nombre de solutions de rechange, le conseil de Mohawk a accepté la recommandation du comité spécial, à savoir que les services de conseillers financiers soient retenus pour qu’ils étudient la vente, la fusion ou le regroupement d’entreprises relativement à l’entreprise de détail de Mohawk Canada. CIBC Wood Gundy Securities Inc. (« Wood Gundy ») a été nommée conseiller financier du comité spécial, et Mohawk Canada a annoncé ses intentions, quant à la stratégie, dans un communiqué de presse adressé au public le 23 septembre 1997 ou vers cette date.

 

16. Du mois de septembre 1997 au mois de janvier 1998, Wood Gundy a activement sollicité des offres aux fins de l’acquisition de l’entreprise de détail de Mohawk Canada. Au début du mois de décembre 1997, Wood Gundy avait reçu des lettres indiquant un intérêt de la part de sept parties sans engagement de leur part, et notamment de Husky, qui avaient examiné un mémorandum de renseignements confidentiels concernant l’entreprise de détail de Mohawk Canada. Le 9 décembre 1997, le conseil de Mohawk a accordé à plusieurs de ces parties, et notamment à Husky, l’accès aux salles de données de sorte qu'elles puissent effectuer un examen raisonnable de la situation de l’entreprise de détail avant que celles‑ci soient invitées à soumettre une offre finale d’acquisition.

 

17. Une fois l’examen mentionné au [...] paragraphe 16 achevé, le conseil de Mohawk a invité trois parties, dont Husky, à soumettre des offres aux fins de l’acquisition de l’entreprise de détail. Au 11 février 1998, le conseil de Mohawk, sur consultation et par suite des recommandations de Wood Gundy et d’un conseiller juridique, a décidé d’entamer des négociations exclusives avec Husky, ainsi qu’avec Balaclava, dans le but de mettre en œuvre un projet d’arrangement en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, par lequel Husky devait acquérir l’entreprise de détail.

 

18. Pendant la période pertinente, Husky a clairement fait savoir qu’elle ne participerait à aucune opération qui donnerait lieu à l’acquisition des actifs résiduels. Toutefois, Balaclava était disposée à envisager l'acquisition des actifs résiduels étant donné qu’elle exploitait une entreprise connexe à l’entreprise de régénération de Mohawk Lubricants qui comprenait la majeure partie des actifs résiduels.

 

19. Le 11 février 1998, le conseil de Mohawk a créé un comité indépendant (le « comité indépendant ») chargé d’examiner toute offre d’acquisition des actifs résiduels et de faire des recommandations au conseil de Mohawk à cet égard. Le comité indépendant a retenu les services de RBC Dominion Securities Inc. (« RBC Dominion ») pour l’aider dans sa mission et donner une opinion concernant l’équité de toute offre d’acquisition des actifs résiduels.

 

20. Initialement, Husky était uniquement disposée à verser 90 millions de dollars pour l’entreprise de détail de Mohawk Canada, mais elle a par la suite porté le montant à 103 millions de dollars.

 

21. Par suite des négociations entre le conseil de Mohawk, et notamment le comité indépendant et le comité spécial et leurs conseillers financiers, d’une part et Balaclava d’autre part, un montage financier (le « montage ») a été fait, par laquelle :

 

a) Husky devait acquérir l’entreprise de détail au prix d’acquisition énoncé (un prix ferme) de 103 millions de dollars;

 

b) Balaclava devait acquérir les actifs résiduels;

 

c) Husky et Balaclava devaient participer à une offre conjointe concernant les actions ordinaires de Mohawk Canada, au prix d’acquisition de Husky de 103 millions de dollars.

 

22. À la fin du mois d’avril 1998, Husky a informé le comité spécial qu’elle était disposée à étudier la possibilité d’une acquisition conjointe de toutes les actions ordinaires de Mohawk Canada au moyen d’une offre d’achat conjointe visant à la mainmise, avec Balaclava. Le conseil de Mohawk a ensuite étendu la portée de la mission du comité indépendant, et l'a chargé d'examiner toute offre d’achat conjointe soumise par Husky et par Balaclava (l’« offre conjointe ») et de faire des recommandations à cet égard. Wood Gundy, dont les services avaient également été retenus pour donner, sur le plan financier, son opinion professionnelle aux actionnaires de Mohawk Canada au sujet d’une offre conjointe, aidait le comité indépendant à évaluer l’offre conjointe.

 

C. L’offre conjointe

 

23. Au début du mois de juin 1998 :

 

a) Husky et Balaclava ont conclu une entente concernant l’offre conjointe (l’« entente concernant l’offre conjointe ») en vue de soumettre une offre d’achat de toutes les actions ordinaires en circulation de Mohawk Canada qui n’appartenaient pas à Balaclava, à BAI ou à HB Acquisition, au prix, en numéraire, de 7,25 $ l’action. BAI ne pouvait pas se prévaloir de l’offre de 7,25 $ en numéraire (l’« offre ») en sa qualité de pollicitant. Selon une condition de l’offre, 90 % des actions ordinaires de Mohawk Canada devaient être déposées dans le cadre de l’offre. [...]

 

b) M. Sutherland, HB Acquisition, en sa qualité de pollicitant aux termes de l’entente concernant l’offre conjointe, et Husky ont signé une convention (la « convention de dépôt ») aux termes de laquelle M. Sutherland s’engageait à déposer, ou à faire en sorte que soient déposées, dans le cadre de l’offre, toutes les actions ordinaires (ou débentures convertibles en actions ordinaires) qu’il détenait dans Mohawk Canada. [...]

 

c) HB Acquisition, Husky, Balaclava, BAI et Mohawk Canada ont signé une convention (la « convention de soutien ») aux termes de laquelle HB Acquisition s’engageait à soumettre l’offre et Mohawk Canada s’engageait à recommander à ses actionnaires d’accepter l’offre. [...]

 

d) le comité indépendant a reçu de Wood Gundy l'opinion professionnelle (l’« opinion professionnelle de Wood Gundy »), selon laquelle l’offre envisagée dans l’entente concernant l’offre conjointe était équitable, sur le plan financier, envers les actionnaires de Mohawk Canada [...]

 

e) le comité indépendant a reçu de RBC Dominion l'opinion professionnelle (l’« opinion professionnelle de RBC Dominion »), selon laquelle l’acquisition projetée des actifs résiduels par Balaclava, et plus précisément le prix que Balaclava offrait pour acquérir les actifs résiduels, était équitable, sur le plan financier, envers les actionnaires de Mohawk Canada. [...]

 

24. Si un nombre suffisant d’actions ordinaires de Mohawk Canada étaient déposées aux termes de l’offre, Balaclava acceptait, et elle était tenue, de convertir toutes les débentures qu’elle détenait en actions ordinaires de Mohawk Canada et de transférer à HB Acquisition 2 854 267 actions ordinaires de Mohawk Canada. Ces actions, à l’égard desquelles le prix offert était de 7,25 $ l’action, devaient être transférées comme suit en échange d’effets d’une valeur globale de 20 693 436 $ :

 

a) 9 565 402 actions de HB Acquisition, au prix de un dollar l’action;

 

b) un paiement en numéraire de 5 193 436 $, correspondant au montant de 1,82 $ pour chaque action ordinaire de Mohawk Canada détenue par Balaclava;

 

c) un billet émis par HB Acquisition, payable à BAI, au montant de 5 934 598 $.

 

25. Aux termes de l’entente concernant l’offre conjointe, Mohawk Canada, Balaclava et BAI ont négocié une convention d’option de vente (la « convention d’option de vente »), en vertu de laquelle Mohawk Canada accordait à BAI une option d’acquisition des actions de Mohawk Lubricants, qui possédait les actifs résiduels, moyennant une contrepartie comprenant un billet ne portant pas intérêt au montant de 9 595 402 $, venant à échéance en 2023. De plus, aux termes de cette convention, BAI accordait à Mohawk Canada une option de vente en vertu de laquelle BAI pouvait être obligée d’acheter les actions ordinaires de Mohawk Lubricants moyennant une contrepartie s’élevant au même montant. [...]

 

26. Husky n’était pas actionnaire de Mohawk Canada lorsque la convention d’option de vente a été négociée.

 

27. La convention d’option de vente a été modifiée au moyen d’une convention datée du 7 juillet 1998 que Mohawk Canada, Balaclava, BAI et Husky avaient signée entre elles (la « convention modifiée d’option de vente »), laquelle modifiait la convention d’option de vente comme suit :

 

a) au lieu de recevoir un billet ne portant pas intérêt pour les actifs résiduels acquis par Balaclava, Mohawk Canada recevrait plutôt des actions privilégiées émises à la suite de la fusion de Mohawk Lubricants et de 347;

 

b) BAI recevrait des actions privilégiées de HB Acquisition qui étaient rachetables en échange d’un billet ne portant pas intérêt venant à échéance en 2023, en tant que partie de la contrepartie versée pour le transfert en faveur de HB Acquisition des actions qu’elle détenait dans Mohawk Canada, au lieu de recevoir directement un billet assorti de conditions identiques.

 

[...]

 

28. La convention modifiée d’option de vente a été signée après que Husky et HB Acquisition eurent signé la convention de soutien et après qu’elles eurent mis à la poste leur offre d’achat visant à la mainmise.

 

29. Aux termes de la convention d’option de vente et de la convention modifiée d’option de vente, BAI s’engageait à ne pas exiger, avant le 1er juin 2023, le paiement du principal du billet au montant de 5 934 598 $ qu’elle avait reçu de HB Acquisition, à moins que la fusion de Mohawk Lubricants n’ait pas encore eu lieu le 30 septembre 1998 et à moins que Balaclava ne donne avis du rachat de ses 9 565 402 actions ordinaires au prix de un dollar l’action.

 

D. Opérations préalables

 

30. Le 20 mai 1998 ou vers cette date, Balaclava a transféré 2 286 086 actions ordinaires de Mohawk Canada et des débentures convertibles d’une valeur de 2,5 millions de dollars que Mohawk Canada avait émises en faveur de BAI en échange de 100 actions ordinaires de BAI.

 

31. Balaclava et BAI ont conjointement opté de faire appliquer au transfert mentionné au paragraphe 30 les dispositions du paragraphe 85(1) de la Loi. Le montant convenu s’élevait à 11 128 034 $, ce montant étant égal au prix de base rajusté (le « PBR ») des actions ordinaires de Balaclava.

 

32. Le 3 juillet 1998, Mohawk Canada a transféré à Mohawk Lubricants toutes les actions de Pound‑maker Agventures Ltd. qu’elle possédait ainsi que la redevance de Jade et l’inventaire de Jade, en échange de 2 538 740 actions privilégiées autodétenues émises par Mohawk Lubricants.

 

33. Le 5 juillet 1998, Mohawk Lubricants a déclaré 48 dividendes distincts, au montant de 100 000 $ chacun. Les dividendes ont été versés au moyen de 4 800 000 actions privilégiées autodétenues émises par Mohawk Lubricants. Étant donné que les actions émises et en circulation de Mohawk Lubricants comportaient un « revenu protégé » égal au montant des dividendes déclarés ou supérieur aux dividendes déclarés, les dispositions du paragraphe 55(2) de la Loi ne s’appliquaient pas.

 

34. Au 5 juillet 1998, Mohawk Canada possédait une action ordinaire et 7 338 740 actions privilégiées de Mohawk Lubricants, dont les PBR s’élevaient à 2 552 441 $ et à 7 338 740 $ respectivement.

 

E. Opérations de clôture

 

35. Le 6 juillet 1998, 9 420 050 actions ordinaires de Mohawk Canada (à l’exclusion des actions ordinaires de Mohawk Canada détenues par BAI) (les « actions offertes ») ont été déposées d’une façon valide conformément à l’offre. En tout, 98,2 p. 100 des actions ordinaires en circulation de Mohawk Canada (lesquelles étaient détenues par BAI, par M. Sutherland et par le public investisseur) ont été déposées conformément à l’offre.

 

36. Le 6 juillet 1998, Husky, par l’entremise d’une filiale à cent pour cent indirecte, Husky Mohawk Holdings Ltd., a souscrit à 103 000 000 actions ordinaires de HB Acquisition pour la somme de 103 000 000 $ (la « souscription de Husky »). Sur les 103 000 000 $, HB Acquisition a utilisé 73 559 202 $ en vue d’acquérir les actions offertes.

 

37. Le 7 juillet 1998, BAI a vendu à HB Acquisition 2 854 267 actions ordinaires de Mohawk Canada en échange d’un montant de 5 193 536 $ en numéraire (qui était disponible par suite de la souscription de Husky), d’un billet à vue ne portant pas intérêt, au montant de 5 934 598 $, (le « billet de BAI ») et de 9 565 402 actions ordinaires autodétenues émises par HB Acquisition, d’une valeur de un dollar l’action. Les 9 565 402 actions ordinaires représentaient 8,5 p. 100 des actions émises et en circulation de HB Acquisition. [...]

 

38. BAI et HB Acquisition ont conjointement choisi de faire appliquer les dispositions du paragraphe 85(1) de la Loi à la disposition définie au paragraphe 37. Le montant convenu s’élevait à 11 128 034 $, ce montant étant égal au prix de base rajusté pour BAI (le « PRB ») des actions ordinaires de Mohawk Canada.

 

39. Le 7 juillet 1998 :

 

a) Husky, Husky Mohawk Holdings Ltd., Balaclava, BAI et HB Acquisition ont conclu une convention d’actionnaires, aux termes de laquelle les parties s’engageaient à ne pas transférer d’actions ordinaires de HB Acquisition autrement que de la manière prévue dans la convention des actionnaires et dans la convention modifiée d’option de vente. [...]

 

b) Husky, Balaclava, BAI et Mohawk Canada ont signé la convention modifiée d’option de vente [...] aux termes de laquelle BAI se voyait accorder une option d’acquisition de toutes les actions ordinaires de Mohawk Lubricants à la suite de la fusion de Mohawk Lubricants et de 347. Aux termes de la convention modifiée d’option de vente, BAI pouvait céder son option à toute personne affiliée ou associée à BAI.

 

40. Le 8 juillet 1998 :

 

a) BAI a levé l’option qui lui était accordée aux termes de la convention modifiée d’option de vente en vue d’acquérir les actions de Mohawk Lubricants au moyen d’une fusion (la « fusion »);

 

b) 347, Mohawk Lubricants, Mohawk Canada, Husky et Balaclava ont signé une convention de fusion (la « convention de fusion ») prévoyant que 347 et Mohawk Lubes fusionneraient en vue de former Mohawk Lubricants Ltd. (« Lubes Amalco »);

 

c) lors de la fusion, Mohawk Canada a reçu 7 338 740 actions privilégiées de catégorie A de Lubes Amalco en échange des actions privilégiées qu’elle détenait dans Mohawk Lubricants, ainsi que 8 161 260 actions privilégiées de catégorie B et une action privilégiée de catégorie C de Lubes Amalco en échange des actions ordinaires qu’elle détenait dans Mohawk Lubricants;

 

d) lors de la fusion, BAI a reçu une action ordinaire de Lubes Amalco en échange de l’action ordinaire qu’elle détenait dans 347;

 

e) le capital‑actions de Lubes Amalco est décrit dans le certificat et dans les statuts de fusion en date du 1er août 1998. [...]

 

41. À la suite de la fusion, les actions de Lubes Amalco étaient détenues comme suit :

 

Actionnaire

Act. ordinaires

Act. priv. cat. A

Act. priv. cat. B

Act. priv. cat. C

 

 

 

 

 

Mohawk Canada

néant

7 338 740

8 161 260

1

 

 

 

 

 

BAI

1

néant

néant

néant

 

F. Opérations postérieures à la clôture

 

42. Le 29 septembre 1998, BAI a transféré à HMLT 9 565 403 actions ordinaires de HB Acquisition en échange de 9 565 403 actions privilégiées autodétenues de HMLT. BAI et HMLT ont conjointement opté de faire appliquer au transfert les dispositions du paragraphe 85(1) de la Loi.

 

43. Les conditions applicables aux actions privilégiées de HMLT mentionnées au paragraphe 42 sont énoncées dans les clauses modificatrices de HMLT. [...]

 

44. Le 30 septembre 1998, HMLT a transféré à Husky 9 565 403 actions ordinaires de HB Acquisition en échange de 9 565 403 actions privilégiées autodétenues de Husky. HMLT et Husky ont conjointement opté de faire appliquer au transfert les dispositions du paragraphe 85(1) de la Loi.

 

45. Le 30 novembre 1998 :

 

a) Lubes Amalco a donné avis qu’elle rachèterait, et elle a en effet racheté, 7 338 740 actions privilégiées de catégorie A appartenant à Mohawk Canada. Le prix de rachat a été payé au moyen de l’émission par Lubes Amalco d’un billet ne portant pas intérêt qui était dû en 2023, au montant de 7 338 740 $ (le « billet de Mohawk »). [...]

 

b) HB Acquisition et Mohawk Canada ont signé une convention de cession et de prise en charge aux termes de laquelle Mohawk Canada s’engageait à payer le billet de BAI, en échange de quoi HB Acquisition devait donner à Mohawk Canada une promesse de verser sur demande un montant de 5 934 598 $ à Mohawk Canada. [...]

 

c) BAI et Lubes Amalco ont conclu une entente aux termes de laquelle BAI cédait à Lubes Amalco les droits qu’elle possédait en vertu du billet de BAI, en contrepartie de la remise en sa faveur par Lubes Amalco d’un billet ne portant pas intérêt, dû en 2023, au montant de 5 934 598 $ (le « billet de cession »). [...]

 

d) Mohawk Canada et Lubes Amalco ont convenu de compenser et d’annuler le billet de BAI et le billet de Mohawk, Lubes Amalco émettant en faveur de Mohawk Canada un nouveau billet ne portant pas intérêt, dû en 2023, au montant de 1 404 142 $ (le « billet compensatoire »). [...]

 

 

G. Autres dispositions

 

[...]

 

H. Cotisations, nouvelles cotisations et oppositions ayant donné lieu à l’appel

 

47. La cotisation visée par l’appel a été établie au moyen d’un avis de nouvelle cotisation délivré en vertu de la Loi, en date du 26 février 2004, à l’égard de l’année d’imposition de l’appelante qui a pris fin le 31 décembre 1998. L’appelante a présenté un avis d’opposition dans les délais. Le ministre a ratifié la cotisation visée par l’appel au moyen d’un avis de ratification en date du 10 novembre 2005.

 

[4]              Dans mes motifs de jugement, j’emploierai, sauf indication contraire, les termes définis de l’exposé conjoint des faits.

 

Le témoignage de M. Lindsay

 

[5]              M. Thomas Lindsay a été cité comme témoin pour donner à la Cour un aperçu des circonstances qui ont donné lieu à l’acquisition de Mohawk Canada.

 

[6]              M. Lindsay a témoigné que les membres du conseil de Mohawk Canada (le « conseil ») s’étaient réunis pour discuter de la faible demande que connaissaient les actions de Mohawk Canada au printemps 1997. Le volume des opérations sur ces actions à la Bourse de Toronto était faible et le conseil croyait que le cours ne correspondait pas à la valeur inhérente de Mohawk Canada.

 

[7]              M. Lindsay a expliqué que le cours peu élevé des actions voulait dire que le coût du capital de Mohawk Canada était plus élevé que celui de ses concurrents, de sorte qu’il était plus coûteux pour Mohawk de réunir des fonds afin de remettre en état ses 360 stations‑service.

 

[8]              Un comité spécial (le « comité spécial ») du conseil a été créé pour examiner les stratégies possibles et pour faire des recommandations au conseil au sujet de la façon de maximiser la valeur pour les actionnaires. Parmi les solutions envisagées par le comité spécial, il y avait une réorganisation de la structure du capital de Mohawk Canada et la vente ou la fusion de l’entreprise de détail de Mohawk Canada.

 

[9]              M. Lindsay a témoigné que le conseil avait passé trois mois à passer en revue les stratégies de rechange possibles. Le comité spécial a finalement soumis au conseil une recommandation selon laquelle Mohawk Canada devait retenir les services de conseillers financiers pour la guider dans le processus de vente. On a retenu les services de CIBC Wood Gundy et de First Capital afin d’aider le conseil. Les conseillers financiers ont préparé un livre portant sur Mohawk Canada, lequel a été remis aux personnes intéressées qui semblaient manifester de l’intérêt. Husky a été identifiée comme étant une personne intéressée étant donné qu’elle avait par le passé fait des ouvertures en vue d’acquérir Mohawk Canada.

 

[10]         M. Lindsay a expliqué que Mohawk était bien établie dans l’Ouest du Canada, avec 360 stations‑service, et que le conseil était certain que le processus allait aboutir à une offre de beaucoup supérieure à la fourchette des cours de Mohawk Canada, qui était de 3,50 à 4,50 $ l’action.

 

[11]         Toutefois, la tâche de vendre Mohawk Canada comportait ses propres défis. Une analyse préliminaire avait indiqué que tous les acheteurs possibles voudraient faire des offres pour la totalité ou pour une partie de l’entreprise de détail de Mohawk Canada. Ils ne voulaient pas des actifs résiduels.

 

[12]         Au mois de janvier 1998, les conseillers financiers de Mohawk Canada ont fait au conseil une recommandation selon laquelle Mohawk Canada devait entamer, avec Husky, des négociations exclusives. Husky avait soumis une offre initiale de 90 millions de dollars en vue d’acquérir l’entreprise de détail dans le cadre d’une opération reposant sur les actifs. Il s’agissait de la meilleure offre qui avait été reçue.

 

[13]         M. Lindsay a témoigné avoir œuvré sur à plusieurs projets en ce qui concerne les actifs résiduels, et entre autres, sur un projet voulant que Mohawk Canada conserve ces actifs une fois les actifs de détail vendus ou un projet voulant que les actifs soient transférés à une nouvelle société qui serait transférée aux actionnaires de Mohawk Canada en tant que dividende en nature, ce qui préparerait la voie à la vente des actions de Mohawk Canada. Cette dernière solution était préférée étant donné qu’elle aurait donné lieu au montant d’impôt sur les sociétés le plus avantageux. Il est vite devenu évident qu’aucune des deux solutions n’était viable. Il ne pouvait pas être satisfait au désir de M. Sutherland, qui voulait que l’opération soit entièrement conclue en numéraire, au prix d’environ 7,50 $ l’action. De plus, les spécialistes de services de banque d’investissement ont informé le conseil que la nouvelle société publique serait trop petite pour attirer l’intérêt des investisseurs dans le grand public.

 

[14]         M. Lindsay a conçu le projet définitif, selon lequel Balaclava serait en fin de compte propriétaire de Mohawk Lubricants (soit l’actif principal), de l’inventaire de Jade et des actions de Pound‑maker (antérieurement définis comme étant les actifs résiduels). Husky devait acheter Mohawk Canada, qui continuerait à posséder l’entreprise de détail, l’usine d’éthanol Minnedosa et une police d’assurance. Selon ce projet, les actions de M. Sutherland et des membres du public seraient entièrement payées en numéraire, alors que Balaclava recevrait un paiement en numéraire beaucoup moins élevé ainsi que les actifs résiduels pour sa participation dans Mohawk Canada. Étant donné que Balaclava était un actionnaire important de Mohawk Canada, un comité indépendant du conseil a été constitué pour évaluer l’équité de l’opération, RBC agissant à titre de conseiller financier en vue de donner une opinion professionnelle au sujet de l’opération conclue entre des personnes liées.

 

[15]         M. Lindsay a témoigné que même si Balaclava s’occupait de recyclage de déchets solides, elle n'avait pas d’expérience en matière d’exploitation d’une usine de recyclage d’huile. Balaclava était prête à acquérir les actifs résiduels afin de rendre possible la conclusion de l’opération plus générale. M. Lindsay a expliqué que cette solution de rechange était préférable à une opération manquée dans laquelle Balaclava continuerait à avoir une participation importante dans une société dont les actions ne connaissaient pas une forte demande et dont les prix étaient de beaucoup inférieurs à ce qui, selon M. Lindsay, était la valeur inhérente de Mohawk Canada.

 

[16]         M. Lindsay a témoigné qu’en sa qualité de membre du conseil, il était parfaitement au courant de ses obligations fiduciaires, lorsqu’il s’agissait de maximiser la valeur pour tous les actionnaires. Cela étant, il a délégué la tâche de négocier l’opération concernant Balaclava au directeur financier de Balaclava, M. Gordon Pow. Il prévoyait que M. Pow le consulterait uniquement s’il avait des problèmes à négocier les modalités de l’opération avec le comité indépendant et ses conseillers. Il n’a pas pris part à l’élaboration du montage ou des détails qui ont abouti à la mise en œuvre de celui-ci. Son directeur financier s’est adressé au conseiller juridique de Balaclava, Ladner Downs, pour obtenir des conseils en matière commerciale et fiscale. KPMG, les vérificateurs de Balaclava, a également joué un rôle dans l’opération.

 

Le témoignage de M. Kopstein

 

[17]         M. Kopstein a témoigné que M. Pow s'était adressé à son cabinet pour que celui-ci conseille Balaclava au sujet de la manière de monter une offre conjointe entre Balaclava et Husky qui permettrait à Husky d’acquérir l’entreprise de détail et à Balaclava d’obtenir les actifs résiduels.

 

[18]         M. Kopstein a témoigné que l’offre initiale que Husky avait soumise en vue d’acquérir l’entreprise de détail au moyen de l’achat des actifs était inacceptable pour le conseil de Mohawk. Une opération reposant sur les actifs aurait donné lieu à un impact fiscal important, ce qui aurait donc imposé une lourde dette fiscale à Mohawk Canada. Le modèle financier et fiscal montrait qu'avec un tel montage, les actionnaires de Mohawk Canada obtiendraient en fin de compte un prix d’achat net en numéraire beaucoup moins élevé que le prix que M. Sutherland désirait obtenir, soit 7,25 $ l’action.

 

[19]         M. Kopstein a expliqué que Balaclava ne voulait pas renoncer à une partie de ses droits dans Mohawk Canada pour les actifs résiduels, puisque cela donnerait lieu à un impôt sur les gains en capital. Étant donné que Balaclava devait recevoir beaucoup moins d’argent comptant que le public et que M. Sutherland, on a demandé à M. Kopstein de concevoir un montage qui permettrait à Balaclava de reporter son gain.

 

[20]         Aux termes de la première partie du montage (l’« opération initiale »), Balaclava devait vendre sa participation dans Mohawk Canada moyennant le paiement de la contrepartie décrite au paragraphe 24 de l’exposé conjoint des faits, laquelle était composée de 9 565 402 actions ordinaires de HB Acquisition, de 5 193 436 $ en numéraire et d’un billet ne portant pas intérêt émis par HB Acquisition, au montant de 5 934 598 $ (le « billet de HB Acquisition »). Aux termes de la deuxième étape du montage, Balaclava ou une filiale autorisée de Balaclava devait acquérir Mohawk Lubricants et les autres actifs résiduels, au prix de 15,5 millions de dollars, payables au moyen de l’émission de deux billets ne portant pas intérêt aux montants de 9 565 403 $ (le « premier billet ») et de 5 934 598 $ (le « second billet ») respectivement, payables au bout de 25 ans. L’opération, à cette étape, serait uniquement conclue une fois menée à bonne fin l’offre d’achat visant à la mainmise. Le billet de HB Acquisition et le second billet seraient compensés et ils seraient annulés, de sorte que Balaclava (ou sa filiale) détiendrait 9 565 402 actions ordinaires de HB Acquisition et que Mohawk Canada détiendrait le premier billet. Afin de mener l’opération à bonne fin, Balaclava échangerait les actions ordinaires de HB Acquisition contre des actions privilégies d’une société affiliée à Husky. Les actions privilégiées étaient rachetables au gré du porteur, mais Husky pouvait amener Balaclava (ou sa filiale) à accepter le premier billet au complet ainsi que le paiement final du prix de rachat.

 

[21]         M. Kopstein a témoigné qu’à ce moment‑là, il croyait avoir achevé sa mission fiscale principale. Selon le montage initial de l’opération, Husky aurait versé 103 millions de dollars pour la totalité de l’intérêt dans les actions ordinaires de Mohawk Canada. Balaclava posséderait les actifs résiduels ainsi que 9 565 402 actions privilégiées d’une filiale de Husky. Le gain en capital afférent aux droits de Balaclava dans Mohawk Canada serait reporté tant que Balaclava ne demanderait pas le rachat des actions privilégiées et tant que HB Acquisition et Mohawk Canada ne pourraient pas fusionner avec Husky. La vente des actifs résiduels à Balaclava aurait lieu dans le cadre d’une opération imposable, mais on a dit à M. Kopstein que Mohawk Canada bénéficierait d’un abri fiscal suffisant pour compenser le gain.

 

[22]         Le montage initial de l’opération était reflétée dans l’entente concernant l’offre conjointe que Husky et Balaclava avaient signée ainsi que dans la convention d’achat‑vente et dans la convention d’option de vente, qui étaient toutes deux jointes à titre d’annexes à l’entente concernant l’offre conjointe. La convention d’option de vente ainsi que la convention d’achat‑vente devaient être signées par Mohawk Canada une fois l’achat visant à la mainmise mené à bonne fin, étant donné que le conseil n’était pas chargé de superviser les opérations éventuelles postérieures à la clôture. Ces opérations seraient approuvées par le nouveau conseil d’administration contrôlé par Husky. Dans l’entente concernant l’offre conjointe, Husky Oil et Balaclava s’engageaient à donner effet à chacune des ententes susmentionnées.

 

[23]         M. McNair a appelé M. Kopstein au début du mois de juillet, après que le prospectus eut été envoyé par la poste aux actionnaires de Mohawk Canada, pour lui dire que Mohawk Canada était plus rentable que prévu et que Mohawk Canada serait imposé sur la vente des actifs résiduels. M. Kopstein a témoigné que le fait que Mohawk Canada aurait à payer de l’impôt à l’égard de la vente, un résultat que Husky n'avait pas prévu, mécontentait M. McNair. M. Kopstein a dit à M. McNair qu’il était possible d’éviter le gain en capital en substituant simplement les actions privilégiées aux billets que Mohawk Canada devait recevoir selon le montage initial de l’opération. Toutefois, M. Kopstein a expliqué qu’il lui fallait l’autorisation de son client pour commencer à s'attaquer à un nouveau projet. M. Kopstein a appelé M. Pow, chez Balaclava, qui a autorisé la nouvelle initiative, à condition qu’elle ne nuise pas à la position de Balaclava.

 

[24]         M. Kopstein, de concert avec ses associés spécialisés en droit des sociétés et en droit des valeurs mobilières, a élaboré les détails du nouveau projet. Après avoir achevé leur analyse sous l’angle du droit fiscal, du droit des sociétés et du droit des valeurs mobilières, un montage révisé a été proposé (le « montage révisé ») selon laquelle Mohawk Lubricants, qui était propriétaire des actifs résiduels, fusionnerait avec 347, une filiale indirecte de Balaclava. Mohawk Canada recevrait des actions privilégiées de Lubes Amalco comme il en est fait mention au paragraphe 41 de l’exposé conjoint des faits. Le montage révisé appelait le rachat des 7 338 740 actions privilégiées de catégorie A reçues par Mohawk Canada en échange d’un billet ne portant pas intérêt au montant de 7 338 740 $, payable le 1er juin 2023. À la suite de ce rachat, Mohawk Canada détiendrait encore 8 161 260 actions privilégiées de catégorie B et une action privilégiée de catégorie C de Lubes Amalco. Le montage révisé était reflété dans la convention modifiée d’option de vente signée après la conclusion de la vente de Mohawk Canada et elle a été pleinement mise en oeuvre une fois menée à bonne fin la fusion projetée.

 

Le témoignage de M. McNair

 

[25]         M. McNair a témoigné qu’il faisait partie de l’équipe de Husky qui s’occupait de l’opération Mohawk Canada. Il était principalement chargé de l’examen d'impact fiscal et des plans d'acquisition de Mohawk Canada et de la disposition des actifs résiduels de cette société. Il ne s’était pas occupé de la planification fiscale, étant donné qu’il incombait à M. Kopstein de le faire. Initialement, son examen d'impact fiscal montrait que Mohawk Canada ne serait pas imposable par suite de la vente des actifs résiduels, compte tenu des renseignements obtenus des conseillers fiscaux de Mohawk Canada, Ernst and Young.

 

[26]         Au début du mois de juin, comme il en faisait mention dans son mémorandum du 3 juin 1998[1], M. McNair a découvert que Mohawk Canada était plus rentable que ce qui avait été prévu et qu’elle verserait environ 1,5 million de dollars au titre de l’impôt par suite de la vente des actifs résiduels. M. McNair a corroboré le témoignage de M. Kopstein en ce qui concerne les circonstances ayant abouti au montage révisé. Selon sa vision du montage révisé, Mohawk Canada et BAI seraient toutes deux en mesure de reporter l’impôt tant que les actions privilégiées qu’elles détenaient ne seraient pas rachetées. Cet événement se produirait probablement en 2023 seulement, soit la période maximale de report prévue dans les conditions dont les actions privilégiées étaient assorties.

 

Le témoignage de Mme Pereversoff

 

[27]         Mme Pereversoff a témoigné que le vérificateur des grandes entreprises, à l’ARC, qui avait été affecté à la vérification de Husky lui avait demandé d’examiner l’opération Mohawk Canada. Selon elle, il était étrange que deux personnes non liées puissent éviter l’impôt sur les gains en capital en reprenant des actions privilégiées similaires. Elle a conclu que la fusion allait à l’encontre de l’exception prévue au paragraphe 87(4) de la Loi (l’« exception prévue au paragraphe 87(4) »).

 

[28]         L’avocat de l’appelante, Me Crump, a contesté l’admissibilité du témoignage de Mme Pereversoff au motif que celle-ci n’avait pas les compétences voulues pour exprimer une opinion au sujet de la juste valeur marchande des actions de Mohawk Lubricants et de Lubes Amalco. Mme Pereversoff a reconnu qu’elle n’avait pas les compétences voulues à cet égard, mais elle a souligné, au cours de son témoignage, que la valeur qu’elle avait attribuée aux actions de Mohawk Lubricants était celle que les parties à l’opération avaient utilisée.

 

Le témoignage de M. Weevers

 

[29]         M. Weevers a témoigné ne pas être d’accord Mme Pereversoff pour ce qui de la raison pour laquelle elle avait refusé d’accorder à Mohawk Canada le transfert libre l’impôt aux fins du paragraphe 87(4) de la Loi. Il était d'avis que Mme Pereversoff avait conclu à tort qu’un « avantage » avait été conféré à HB Acquisition, au sens de l’exception prévue au paragraphe 87(4), parce qu’elle estimait que HB Acquisition avait été libérée de l’obligation de payer en numéraire les actions dont BAI avait disposé. Apparemment, c’est ce qu’elle avait dit dans une lettre qui n’a pas été produite en preuve. M. Weevers était d'avis que le transfert libre d’impôt devait être refusé au motif que Mohawk Canada recevait une contrepartie autre qu’en actions au moment de la fusion. Au cours du contre‑interrogatoire, M. Weevers a eu de la difficulté à expliquer sa position sur ce point. Il a finalement convenu que la contrepartie autre qu’en actions qu’il avait identifiée en examinant le dossier était l’entente par laquelle BAI acceptait des actions ordinaires de HB Acquisition que BAI avait par la suite échangées contre des actions privilégiées de HMLT.

 

[30]         M. Weevers a décidé d’ajouter les paragraphes 56(2) et 69(4) comme motifs subsidiaires à l’appui de la confirmation de la nouvelle cotisation parce qu’il avait reçu des directives en ce sens d’un service de l’ARC, à Ottawa.

 

 

III.     Les questions en litige

 

[31]         Les questions en litige dans le présent appel ont été énoncées comme suit dans les actes de procédure :

 

[traduction]

 

(i)                     La JVM des actions de Lubes Amalco que Mohawk Canada a reçues lors de la fusion de Mohawk Lubricants et de 347 était‑elle inférieure à la JVM des actions de Mohawk Lubricants avant que Mohawk Canada en dispose et est‑il raisonnable de considérer tout ou partie de l’excédent [...] comme un avantage que Mohawk Canada voulait conférer à HB Acquisition, de sorte que, vu l’exception prévue au paragraphe 87(4) de la Loi, on peut refuser le transfert libre d’impôt?

 

(ii)                Mohawk Canada a‑t‑elle reçu une contrepartie autre qu’en actions pour les actions de Mohawk Lubricants dont elle a disposé lors de la fusion de Mohawk Lubricants et de 347, de sorte que la disposition relative au transfert libre d’impôt figurant au paragraphe 87(4) de la Loi ne joue pas?

 

(iii)               Les biens appartenant à Mohawk Canada qui étaient représentés par les actions que cette dernière détenait dans Mohawk Lubricants ont‑ils été attribués au profit de HB Acquisition, Mohawk Canada recevant une contrepartie sous la forme d’actions privilégiées de Lubes Amalco dont la JVM était inférieure à celle des actions de Mohawk Lubricants? Le paragraphe 69(4) de la Loi joue-t-il donc?

 

(iv)            Mohawk Canada avait‑elle l’intention de conférer un avantage à HB Acquisition lorsque les actions de Mohawk Canada que BAI détenait ont été transférées à HB Acquisition? Le paragraphe 56(2) de la Loi joue-t-il donc?

 

IV.     Thèses des parties

 

Thèse de l’appelante

 

Objections se rapportant à la preuve

 

[32]         L’appelante s’oppose aux témoignages de M. Weevers et de Mme Pereversoff au motif qu’ils sont inadmissibles parce qu’il a été demandé aux deux témoins de se livrer à une expertise quant à la juste valeur marchande des actions de Mohawk Canada et de Lubes Amalco. L’appelante fait également valoir qu'il était demandé à M. Weevers et à Mme Pereversoff, des profanes, d’exprimer des opinions au sujet de l’application de la loi aux faits ici en cause,  alors qu'il s'agissait d'une question sur laquelle il revenait aux parties d'avancer leurs arguments, et à la cour de se prononcer. Enfin, l’appelante fait valoir que ces témoignages allaient à l’encontre de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, dans la mesure où, vu les éléments exposés par les témoins, ceux-ci invitaient la Cour à conclure que Mohawk Canada et Balaclava avaient mutuellement promis d’échanger des actions sans valeur en vue d’être en mesure de reporter leurs gains en capital imposables respectifs pour une période de 25 ans. Me Crump soutient que les ententes donnant effet aux opérations n’étaient pas ambiguës et que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n'autorise pas les témoins à déduire que des soi‑disant promesses mutuelles avaient été faites.

 

L’exception prévue au paragraphe 87(4)

 

[33]         Me Crump soutient que, pour conclure que l’exception prévue au paragraphe 87(4) s’applique aux faits de l’espèce, je dois constater que toutes les conditions suivantes sont réunies, ce que l’appelante conteste :

 

a)    La juste valeur marchande des actions que Mohawk Canada détenait dans Mohawk Lubricants excédait la juste valeur marchande des actions que Mohawk Canada détenait dans Lubes Amalco. Sur ce point, l’appelante fait valoir que le témoignage de M. Lindsay lors de l’interrogatoire principal et lors du contre‑interrogatoire est suffisant pour établir prima facie que l’hypothèse de l’intimée selon laquelle les actions de Lubes Amalco valaient moins de 15,5 millions de dollars est erronée. Étant donné que l’intimée n’a pas cité d'expert à témoigner, je dois conclure, selon Me Crump, qu’elle n’a pas établi le bien-fondé de sa thèse sur ce point;

b)    Il est raisonnable de conclure que Mohawk Canada avait l’intention de conférer un avantage à HB Acquisition, comme l’alléguait l’intimée dans ses actes de procédure. Sur ce point, il est soutenu que Mme Pereversoff a défini l’avantage comme étant la suppression de l’obligation de HB Acquisition de verser en numéraire à BAI un montant de 7,25 $ l’action. Il est soutenu que la preuve documentaire contredit l’analyse de Mme Pereversoff sur ce point puisque cette preuve établit clairement qu’il n’existait aucune obligation de ce genre;

c)    Mohawk Canada était liée à HB Acquisition au moment où l’avantage a été conféré. L’argument de l’appelante sur ce point est que l’avantage a été conféré lorsque Mohawk Canada a signé la convention de soutien le 1er juin 1998, étant donné que cette convention mettait en branle les opérations qui ont donné lieu à la fusion. À ce moment‑là, HB Acquisition et Mohawk Canada n’étaient pas liées.

 

Seule une contrepartie en actions a été reçue

 

[34]         L’appelante soutient que l’allégation de l’intimée selon laquelle Mohawk Canada a reçu une contrepartie autre qu’en actions lors de la fusion est résumée comme suit dans la preuve tirée de l’interrogatoire préalable de M. Weevers qui a été versée au dossier :

 

[traduction]

 

La contrepartie autre qu’en actions que Mohawk Canada Limited a reçue dans le cadre de la disposition des actions de Mohawk Lubricants Ltd. était la promesse de BEL Acquisition Inc. d’accepter de HB Acquisition Inc. 9 565 402 actions ordinaires et un billet d’une valeur nominale de 5 934 598 $ dans le cadre de la disposition par BEL Acquisition Inc. des actions de Mohawk Canada Limited. [2]

 

[35]         En outre, Me Crump signale qu’au cours du contre‑interrogatoire, M. Weevers a admis que la contrepartie autre qu’en actions qu’il avait identifiée avait été fournie aux termes d’une entente ayant pris effet le 7 juillet 1998, selon laquelle BAI transférait à HB Acquisition les actions qu’elle détenait dans Mohawk Canada. Cette entente est antérieure à la date de signature de la fusion, soit le 8 juillet, laquelle a pris effet le 1er août. Il est soutenu que Mohawk Canada a uniquement reçu des actions de Lubes Amalco le 1er août et que la contrepartie passée, le cas échéant, ne peut pas être considérée comme une contrepartie reçue lors de la fusion. En outre, Me Crump soutient que, vu le libellé clair du paragraphe 87(4), il est impératif que la contrepartie autre qu’en actions soit reçue de la société issue de la fusion et non d’un tiers.

 

Absence d’attribution en vertu du paragraphe 69(4)

 

[36]         L’appelante soutient que le paragraphe 69(4) ne joue pas en l’espèce parce que, dans ses actes de procédure, l’intimée n’a pas identifié le bénéficiaire de l’attribution et que Mme Pereversoff a conclu à tort que l’avantage reçu par HB Acquisition était constitué par la suppression de l’obligation de verser en numéraire à BAI un montant de 7,25 $ pour chacune des actions de Mohawk Canada que celle‑ci détenait.

 

Non-application du paragraphe 56(2)

 

[37]         L’avocat souligne que, pour les motifs susmentionnés, le ministre n’a pas établi que HB Acquisition avait reçu un avantage, soit une condition essentielle à l’application du paragraphe 56(2).

 

Thèse de l’intimée

 

Objections se rapportant à la preuve

 

[38]         L’avocat de l’intimée, Me Gibson, rejette l’argument de l’appelante selon lequel les témoignages de Mme Pereversoff et de M. Weevers sont inadmissibles. Ces témoins ont été cités afin d’expliquer pourquoi l’ARC avait refusé le transfert libre d’impôt et avait établi une nouvelle cotisation à l’égard de Husky en ce qui concerne la disposition par Mohawk Canada des actions de Mohawk Lubricants. Il est également soutenu que la règle visant l’exclusion de la preuve extrinsèque ne s’applique pas aux tiers tels que l’intimée qui ne sont pas parties aux ententes signées par les parties à l’opération. La règle visant l’exclusion de la preuve extrinsèque vise à empêcher une partie à un contrat consigné par écrit de produire une preuve autre que le contrat écrit qui est incompatible avec le libellé de ce contrat écrit.

 

L’exception prévue au paragraphe 87(4)

 

[39]         Me Gibson soutient que l’appelante pouvait uniquement réfuter une hypothèse technique quant à la juste valeur marchande des actions de Mohawk Lubricants et de Lubes Amalco en citant un expert reconnu en matière d’évaluation. Or, les témoins de l’appelante n’avaient pas les compétences voulues pour prétendre au titre d’expert, comme c’était également le cas pour les témoins de l’intimée. Par conséquent, l’hypothèse que le ministre a émise dans les actes de procédure au sujet de la juste valeur marchande des actions doit être retenue. Deuxièmement, Me Gibson soutient que Mme Pereversoff a utilisé la valeur dont les parties avaient convenu pour les actions de Mohawk Lubricants, comme en fait foi la mention, dans le prospectus, du fait que les actifs résiduels devaient être achetés au prix de 15,5 millions de dollars.

 

[40]         Me Gibson conteste également l’allégation selon laquelle Mme Pereversoff a conclu que l’avantage conféré à HB Acquisition était constitué par la suppression de l’obligation de verser 7,50 $ l’action. Lors de son interrogatoire principal, Mme Pereversoff n’a pas témoigné sur ce point. De plus, l’avocat de l’intimée n’a pas contre‑interrogé Mme Pereversoff à ce sujet. L’avocat de l’intimée s’est contenté de lire un passage de l’interrogatoire préalable de M. Weevers établissant ce que celui‑ci croyait que Mme Pereversoff avait identifié comme étant l’avantage visé par l’exception prévue au paragraphe 87(4). M. Weevers a conclu que Mohawk Canada pouvait faire l’objet d’une nouvelle cotisation sur une base différente : il croyait que Mohawk Canada avait reçu une contrepartie autre qu’en actions en échange des actions de Mohawk Lubricants qu’elle avait remises.

 

Contrepartie autre qu’en actions

 

[41]         Me Gibson soutient que des promesses mutuelles ont été échangées entre BAI d’une part et Mohawk Canada d’autre part: il s'agissait d'échanger des actions contre des actions sans valeur, et que ces promesses mutuelles constituent une contrepartie autre qu’en actions reçue par Mohawk Canada lors de la fusion de Mohawk Lubricants.

 

Le paragraphe 69(4)

 

[42]         Me Gibson soutient que Husky, du fait qu’elle contrôlait HB Acquisition, a fait en sorte que HB Acquisition demande à Mohawk Canada de procéder à la fusion afin de remplir une promesse qui avait été faite à Balaclava, selon laquelle cette dernière serait en fin de compte propriétaire des actifs résiduels lorsque les opérations auraient finalement été conclues. Il soutient que Mohawk Canada n'avait aucun avantage à tirer de la fusion; Mohawk Canada renonçait à des actions de Mohawk Lubricants valant 15,5 millions de dollars en échange d’actions privilégiées sans valeur de Lubes Amalco. Cela constituait une attribution par HB Acquisition, ou en fait par Husky Oil, de biens appartenant à sa filiale, à peu près de la même façon que l’appelant, dans l’affaire Boardman v. R., 1985 CarswellNat 452, s’était attribué un bien, même si ce bien ne lui avait pas été transféré.

 

Le paragraphe 56(2)

 

[43]         L'intimée fait valoir que les actions qui font jouer le paragraphe 69(4) de la Loi sont les mêmes actions que celles qui font jouer le paragraphe 56(2).

 

V.      Analyse

 

Objections se rapportant à la preuve

 

[44]         J’ai autorisé Mme Pereversoff et M. Weevers à témoigner, sous réserve de l’admissibilité de leurs témoignages et du poids, le cas échéant, à accorder à ces témoignages, avant de me pencher sur les questions de fond en litige.

 

[45]         Lors du contre‑interrogatoire, les deux témoins ont admis ne pas avoir les compétences voulues pour donner une expertise au sujet de la juste valeur marchande des actions de Mohawk Lubricants et de Lubes Amalco. Toutefois, cela ne veut pas pour autant dire que je dois rejeter leurs témoignages au complet. Mme Pereversoff a dit croire que les actions de Mohawk Lubricants valaient 15,5 millions de dollars, compte tenu de la valeur que les parties avaient utilisée dans les documents relatifs à l’opération. Elle a également dit avoir supposé que les actions privilégiées de Lubes Amalco que Mohawk Canada avait obtenues n’avaient aucune valeur compte tenu des conditions qui s’y rattachaient. De plus, Mme Pereversoff estimait que Mohawk Canada voulait conférer un avantage à HB Acquisition en acceptant des actions sans valeur. Ces conclusions sont les faits présumés qui sont énoncés aux alinéas 17bbb), ccc) et ddd) de la réponse à l’avis d’appel de l’intimée. Ce sont les faits qui ont amené Mme Pereversoff à établir la nouvelle cotisation en se fondant sur le fait que la fusion n'était pas visée par l’exception prévue au paragraphe 87(4).

 

[46]         J’admets les témoignages des témoins uniquement afin d’établir les faits qu’il incombait initialement à l’appelante de réfuter au moyen d’une preuve prima facie contraire. Je conclus également qu’en ratifiant la nouvelle cotisation, M. Weevers croyait que Mohawk Canada avait reçu une contrepartie autre qu’en actions pour la disposition de l’intérêt qu’elle avait dans Mohawk Lubricants et que les biens de Mohawk Canada, à savoir les actions qu’elle détenait dans Mohawk Lubricants, avaient été attribués au profit de HB Acquisition.

 

[47]         Je rejette la prétention de Me Crump, qui affirme que la règle visant l’exclusion de la preuve extrinsèque interdit à l’intimée d’alléguer que Balaclava et Husky s’étaient fait des promesses mutuelles de transférer des biens en échange d’actions d’une valeur de beaucoup inférieure dans le cadre d’un stratagème leur permettant d’éviter l’impôt sur les gains en capital. Le juge Hugessen, qui a rendu la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Urichuk v. Canada, [1993] 1 C.T.C. 226, rejette l’application de cette règle en ces termes :

 

[...] Nous rejetons aussi l’invocation faite par l’appelant de la règle visant l’exclusion de la preuve extrinsèque pour s’opposer à l’administration de la preuve des circonstances de l’accord; le ministre, n’étant pas partie à cet accord, a le droit de produire toute preuve disponible à l’appui de sa qualification des paiements en cause, qui est différente de celle adoptée par les anciens conjoints dans l’accord lui‑même. À notre avis, le juge de première instance a correctement examiné l’accord ainsi que les circonstances y afférentes, et il y a appliqué les critères idoines. [...]                                                 

[Non souligné dans l’original.]

 

[48]         Me Crump soutient qu'il y a eu renversement de la charge de la preuve en ce qui concerne la question de la valeur des actions. Il se fonde sur le témoignage de M. Lindsay et sur son analyse de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336.

 

[49]         Qu’est‑ce que M. Lindsay a dit exactement au cours de l’interrogatoire principal et du contre‑interrogatoire? M. Lindsay a dit qu’initialement, Husky n'était intéressé que par les actifs de détail de Mohawk Canada. Balaclava avait identifié cinq actifs dont Husky ne voulait pas. De son côté, M. Sutherland voulait que l’offre ne comporte que du numéraire. Après de longues négociations, Husky a accepté de prendre deux des actifs résiduels, à savoir l’usine d’éthanol Minnedosa et une police d’assurance‑vie, et elle a porté le montant de l’offre initiale de 90 millions à 103 millions de dollars. Après la fusion de Mohawk Lubricants, Balaclava aurait été en fin de compte propriétaire des actifs résiduels, composés des actions de Pound‑maker, de l’inventaire de Jade et de la raffinerie de pétrole, en Colombie‑Britannique. Lors du contre‑interrogatoire, M. Lindsay a fait les déclarations suivantes :

 

[traduction]

Q.  Me GIBSON : Donc, pour ce qui est du chiffre de 15,5 millions dont il a été question et au sujet duquel le juge Hogan vous a auparavant posé des questions, comment ce chiffre a‑t‑il été calculé?

R.   De quels 15,5 millions parlez-vous?

Q. Des 15,5 millions. La valeur des actifs résiduels, d’une partie des actifs résiduels.

R.   S’agit‑il de tous les actifs résiduels? Le chiffre serait beaucoup plus élevé.

LE JUGE HOGAN : J’ai dit que c’était 103, plus 15,5, soit le montant résiduel, moins la dette, et que cela donne la pleine valeur des actions, parce que dans les 103 millions, Husky prenait les autres actifs résiduels.

R.   Oui, ils avaient déjà pris Minnedosa, soit le deuxième actif qui avait le plus de valeur après...

LE JUGE HOGAN : Plus la police d’assurance.

R.   Oui. Ce que je veux dire, ce chiffre, comme vous le savez [...]

Q.  Me GIBSON : La Couronne croit que Mohawk Lubes valait 15,5 millions.

R.   Je ne sais pas trop si cela est exact ou si cela comprenait Jade et Pound‑maker. En êtes‑vous sûr? Il faudrait que quelqu’un me donne la ventilation. Je crois, et veuillez me corriger si je me trompe, que cela ne serait pas plus de 13 millions et deux millions et demi.

LE JUGE HOGAN : Les 15,5 millions se rapportaient à tous les actifs résiduels qu’ils ont achetés [...]

R.   Les trois. Eh bien, je crois que les montants s’élevaient à environ 13, 2,2 et un million ou dans ces eaux-là, afin d’obtenir le chiffre de 15,5, mais je fais en quelque sorte des suppositions à partir de ce dont je me souviens, au sujet de ce chiffre de 15,5. [3]

 

[50]         Étant donné que Mohawk Lubricants était propriétaire de tous les actifs résiduels que BAI avait indirectement acquis lors de la fusion de Mohawk Lubricants, la valeur de ses actions devrait s’élever à 15,5 millions de dollars selon ce dont se rappelle M. Lindsay. Il serait difficile pour M. Lindsay de se rappeler le contraire. Dans l’offre d’achat qui a été envoyée par la poste aux actionnaires de Mohawk Canada, les parties déclarent que le prix d’achat des actions de Mohawk Lubricants doit être de 15,5 millions de dollars[4] :

 

[traduction]

 

Convention d’option

 

[...]

 

            Aux termes de la convention d’option, BAI se voit accorder une option (l’« option ») d’achat à l’égard de toutes les actions émises et en circulation de Lubricants (les « actions de Lubricants »). BAI ou l’une de ses sociétés affiliées ou associées aura le droit de lever l’option n’importe quand au cours de la période de 20 jours (la « période de l’option ») qui suivra la date de la convention d’option. Au cours de la période d’option, Mohawk aura le droit d’exiger que BAI lève l’option. Si l’option est levée, le prix d’achat des actions de Lubricants sera de 15,5 millions de dollars, sous réserve d’un rajustement du fonds de roulement. Le prix d’achat des actions de Lubricants sera constaté au moyen de l’émission, par l’acheteur, d’un billet, et BAI sera tenue de remettre ses actions ordinaires au pollicitant en échange d’actions privilégiées sans droit de vote de celui‑ci.

 

[51]         Me Crump avance un nouvel argument. Il affirme qu’une personne raisonnable qui serait au courant de la conclusion de la convention modifiée d’option de vente fixerait à zéro la valeur des actions de Mohawk Lubricants. Je ne puis retenir cet argument. Mohawk Canada était actionnaire de Mohawk Lubricants. Le fait qu’elle a conclu la convention modifiée d’option de vente n'a aucun impact sur la valeur des actions de sa filiale, Mohawk Lubricants. Mohawk Canada pouvait être contrainte à donner effet à la convention ou s'exposait à une action en dommages‑intérêts; dans les deux cas, il était possible d'agir à son encontre plutôt qu’à l’encontre de sa filiale, Mohawk Lubricants. Je remarque que la convention modifiée d’option de vente peut influer sur la valeur des actions de Mohawk Canada étant donné que celle-ci renonce à Mohawk Lubricants, qui vaut selon l’intimée 15,5 millions de dollars, afin d’accepter des actions de Lubes Amalco, qui n’ont aucune valeur selon l’intimée. Toutefois, cela n’influe pas sur la valeur de Mohawk Lubricants.

 

[52]         Si je retenais l’argument de Me Crump sur ce point, les gels successoraux effectuées de bonne foi n’auraient plus à être effectués avec la protection de clauses valides de rajustement du prix. Ainsi, selon cet argument, un père pourrait faire en sorte que sa société de portefeuille accorde à son fils, à long terme, une option d’achat des actifs de la société à leur prix courant ou à un prix inférieur. Au moment du décès du père, la succession pourrait soutenir que la valeur de la société de portefeuille est moindre à cause de l’option, ce qui permettrait à l’actionnaire et à l’entité d’éviter de payer des impôts sur des actions dont la valeur a depuis lors augmenté.

 

[53]         J’ai examiné les objections que l’appelante a formulées au sujet de la preuve, et je conclus que l’hypothèse émise par le ministre, à savoir que les actions de Mohawk Lubricants valent 15,5 millions de dollars, doit être retenue. De plus, l’appelante n’a fait état d'arguments réfutant prima facie l’hypothèse du ministre selon laquelle les actions privilégiées de Lubes Amalco ne valaient rien. Pour réfuter cette hypothèse, il aurait fallu que l’appelante cite un témoin expert qui aurait pu éclairer la Cour au sujet de la juste valeur marchande des actions privilégiées de Lubes Amalco.

 

 

Analyse des questions de fond

 

L’exception prévue au paragraphe 87(4)

 

[54]         Un transfert libre d’impôt peut être refusé en vertu de l’exception prévue au paragraphe 87(4), qui est libellé comme suit :

 

[...] toutefois, lorsque la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion est supérieure à la juste valeur marchande des nouvelles actions immédiatement après la fusion et qu’il est raisonnable de considérer une partie quelconque de cet excédent (appelée la « partie donnée » au présent paragraphe) comme un avantage que l’actionnaire désirait voir conféré à une personne à laquelle il est lié, les règles suivantes s’appliquent : [...]

 

[55]         Selon cette exception, l’actionnaire de la société remplacée est réputé avoir disposé des actions (les « anciennes actions ») de la société remplacée pour un produit égal au moindre (i) du total du prix de base rajusté des anciennes actions et de la partie donnée, définie dans cette disposition comme étant le montant par lequel la valeur des anciennes actions est supérieure à la valeur des nouvelles actions, et (ii) de la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion.

 

[56]         L’exception prévue au paragraphe 87(4) ne peut jouer en l’espèce que si je conclus que toutes les conditions suivantes sont réunies :

 

a)     la juste valeur marchande des actions que Mohawk Canada détenait dans Mohawk Lubricants était supérieure à la juste valeur marchande des actions que Mohawk Canada détenait dans Lubes Amalco;

b)    il est raisonnable de considérer toute partie de l’excédent comme un avantage que Mohawk Canada désirait conférer à HB Acquisition;

c)     Mohawk Canada était liée à HB Acquisition au moment où l’avantage a été conféré.

 

[57]         Les actions privilégiées que Mohawk Canada détenait dans Lubes Amalco ne donnent pas droit à des dividendes. Lubes Amalco peut payer le prix de rachat des actions en émettant un billet ne portant pas intérêt, venant à échéance le 1er juin 2003. La personne sans lien de dépendance qui achèterait les actions privilégiées imputerait incontestablement un escompte élevé sur le principal du billet. Or, l’appelante n’a pas produit d'éléments de preuve à ce sujet. Par conséquent, l’hypothèse du ministre, à savoir que les actions privilégiées de Lubes Amalco n’avaient aucune valeur, doit être retenue.

 

[58]         Pourquoi Mohawk Canada a‑t‑elle convenu d’accepter les actions privilégiées qu’elle détenait dans Lubes Amalco en échange des actions de Mohawk Lubricants auxquelles elle a renoncé? On peut répondre brièvement à cette question en disant que Mohawk Canada n’avait pas son mot à dire dans l’affaire. La preuve montre que Husky voulait l’entreprise de détail. Elle n’était pas disposée à acheter les actifs résiduels. Balaclava voulait liquider sa position dans Mohawk Canada et elle était prête à accepter les actifs résiduels à la place d’un paiement additionnel en numéraire de 15,5 millions de dollars, à condition que les actifs résiduels puissent être acquis sur la base avant impôt. Mohawk Canada se voyait obligée de donner effet à la fusion et d’échanger les actions qu’elle détenait dans Mohawk Lubricants contre les actions privilégiées de Lubes Amalco parce que la fusion était le moyen par lequel les actifs résiduels pouvaient être transférés à Balaclava, censément sur une base libre d’impôt. La fusion était une condition sine qua non qui ouvrait la voie à l’acquisition de Mohawk Canada par HMLT et par Husky. Ces deux entités se sont engagées envers Balaclava à faire en sorte que Mohawk Lubricants fusionne avec 347 et Mohawk Canada a donné effet à cette promesse au profit de HB Acquisition et de Husky. À mon avis, l’exception prévue au paragraphe 87(4) est conçue pour exclure ce résultat même: elle dispose que l’actionnaire de la société remplacée doit agir dans son propre intérêt plutôt qu’au profit d’une personne liée, comme un actionnaire majoritaire.

 

[59]         Il importe également de noter que HB Acquisition et Husky tiraient profit de la fusion d’une autre manière. Aux termes de la convention modifiée d’option de vente, HB Acquisition aurait pu être contrainte à acquérir les titres qu’elle avait émis en faveur de BAI pour un montant de 15,5 millions de dollars si les actifs résiduels n’étaient pas transférés à Balaclava par la voie de la fusion, au plus tard le 29 septembre 1998. L’obligation de HB Acquisition de payer ce montant était assortie d’une garantie donnée par Husky. Ces deux obligations éventuelles s'éteignaient au moment où la fusion avait lieu. Après la fusion, BAI était obligée d’échanger les actions ordinaires qu’elle détenait dans HB Acquisition contre des actions privilégiées de HMLT, dont les conditions étaient semblables à celles des titres que Husky détenait dans Lubes Amalco. Je déduis du fait que BAI a échangé les actions qu’elle possédait dans HB Acquisition contre des actions privilégiées de HMLT qui ne lui donnaient aucun rendement annuel que BAI estimait bien qu’elle avait reçu la valeur de 15,5 millions de dollars attribuable aux actifs résiduels grâce à la fusion.

 

[60]         Me Crump soutient que M. Weevers n’a pas bien cerné l’avantage faisant jouer l’exception prévue au paragraphe 87(4). Il le souligne d’une façon détournée en me renvoyant au témoignage de M. Weevers lors de l’interrogatoire préalable. M. Weevers a témoigné que Mme Pereversoff avait invoqué l’exception prévue au paragraphe 87(4) parce qu’elle avait conclu à tort que HB Acquisition était libérée de l’obligation de verser 7,50 $ l’action en numéraire uniquement à l’égard des actions dont BAI avait disposé en faveur de HB Acquisition. Il ressort de la preuve que HB Acquisition n’avait pas l’obligation immédiate d’effectuer un paiement additionnel en numéraire de 15,5 millions de dollars en faveur de BAI. Cette obligation prenait naissance uniquement si HB Acquisition omettait de faire en sorte que Mohawk Canada procède à la fusion au plus tard le 29 septembre 1998. Je ne sais pas trop si Mme Pereversoff saisissait cette distinction. La question ne lui a pas été posée lorsqu’elle a témoigné. Quoi qu’il en soit, peu importe ce que Mme Pereversoff pensait, vu mon examen de la preuve, je conclus que Mohawk Canada avait renoncé à des actions d’une valeur de 15,5 millions de dollars en échange d’actions privilégiées sans valeur parce que ses actionnaires, HB Acquisition et Husky, s’étaient entendues sur ces conditions dans le cadre du marché qu’elles avaient conclu avec Balaclava. Par conséquent, un avantage a été conféré à HB Acquisition et, indirectement, à Husky.

 

[61]         Cela dit, le fait que les parties ont en fin de compte échangé entre elles des actions permettant le report, pour une période de 25 ans, de l’impôt sur les gains en capital éventuel, n’est, à mon avis, aucunement scandaleux. Toutefois, Mohawk Canada ne pouvait pas tirer parti d’un transfert libre d’impôt en vertu du paragraphe 87(4) parce qu’elle n’était pas visée par l’exception prévue au paragraphe 87(4).

 

[62]         Je soupçonne que M. Kopstein a fait face à de grosses difficultés lorsqu’il a élaboré les conditions dont étaient assorties les actions privilégiées que Lubes Amalco avait émises en faveur de Mohawk Canada. Sa cliente, Balaclava, lui avait dit qu’elles étaient préparées en vue de répondre au désir de Husky, à savoir que Mohawk Canada ne paie pas d’impôt à l’égard de la disposition des actifs résiduels, à condition qu’il ne soit pas porté atteinte aux objectifs commerciaux de Balaclava. Pour que la planification fiscale soit plus solide sur le plan d’un transfert libre d’impôt, les actions privilégiées auraient pu être rachetables moyennant le versement d’une contrepartie égale à leur juste valeur marchande. Un droit à un dividende annuel aurait pu être ajouté aux actions. Ces éléments auraient été compatibles avec ce que l’ARC exige généralement en cas de gel successoral. Je suppose que le premier élément était incompatible avec la volonté de Balaclava, qui voulait bénéficier d’un report pour une période de 25 ans. Si les actions de Lubes Amalco avaient été rachetables moyennant le versement d’une contrepartie égale à leur juste valeur marchande, Husky aurait pu demander le rachat immédiat de ces actions. Cela voulait dire que BAI aurait été obligée de faire la même chose pour les actions qu’elle détenait dans HMLT, à défaut de quoi elle aurait assumé le risque associé à un placement continu dans HMLT, placement qui en outre n’aurait généré aucun rendement. Je suppose que cette considération a amené M. Kopstein à élaborer les conditions afférentes aux actions privilégiées de Lubes Amalco, de sorte que Husky conserve son placement aussi longtemps que BAI désirait bénéficier d’un transfert libre d’impôt. Je déduis de la preuve que l’on a atteint cet objectif en prévoyant que le prix de rachat serait payé au moyen de l’émission d’un billet ne portant pas intérêt, venant à échéance au mois de juin 2023. Je soupçonne que l’élément du dividende annuel a également été rejeté parce que Lubes Amalco aurait été assujettie à l’impôt de la partie VI.1 si elle avait versé un dividende à Husky. HMLT aurait été assujettie au même impôt si elle avait versé un dividende correspondant à BAI. Il semble que les considérations commerciales légitimes de Balaclava l’aient emporté sur le désir de Husky de bénéficier d’un transfert libre d’impôt. Il s’agit d’un résultat compréhensible eu égard aux circonstances.

 

[63]         L’appelante soutient que l'expression « raisonnable de considérer » figurant dans l’exception prévue au paragraphe 87(4) appelle un examen objectif de la preuve. J'abonde dans son sens et il me semble que c’est ce que j’ai fait. Toutefois, je ne peux retenir le deuxième argument avancé par Me Crump, à savoir que je dois tenir compte de l’effet global de toutes les opérations que les parties ont conclues. C’est ce que Me Crump m’invite à faire lorsqu’il soutient que M. Lindsay a témoigné que, d’un point de vue général, chaque partie est finalement devenue propriétaire de ce à quoi elle s’attendait.

 

[64]         L’exception prévue au paragraphe 87(4) est conçue pour empêcher des parties liées d’échanger entre elles des titres, comme le prévoit l’alinéa 85(1)e.3) dans le cas d’un transfert libre d’impôt de biens en échange d’actions ainsi que les paragraphes 86(2) et 51(2) dans le cas de l’échange de titres d’un émetteur en échange de nouvelles actions du même émetteur. En l’absence de ces dispositions, il serait facile pour des parties liées d’éviter un impôt personnel ou un impôt sur les sociétés en demandant à l’actionnaire d’une société fusionnante de recevoir des titres d’une valeur inférieure. Une opération papillon structurée au regard du paragraphe 55(2) ou une opération de rajustement à la hausse structurée au regard de l’alinéa 88(1)c) peut donner lieu à un évitement d’impôt par la personne morale, mais ni l’une ni l’autre de ces dispositions n’aurait pu jouer en l’espèce. À mon avis, l’exception prévue au paragraphe 87(4) ne doit être apprécié qu'au niveau de Mohawk Canada et non par rapport au résultat global de toutes les opérations, comme le soutient Me Crump. Le libellé de l’exception prévue au paragraphe 87(4) limite notre recherche, lorsqu’il s’agit de cerner l’avantage conféré, au niveau de l’actionnaire qui procède à la disposition. C’est ce qui ressort clairement de la mention, dans cette disposition, de la juste valeur marchande des actions avant et après la fusion.

 

[65]         L’appelante avance en dernier lieu que l’avantage est le résultat d’ententes conclues à un moment où HB Acquisition (et en fait Husky) et Mohawk Canada n’étaient pas liées. Par conséquent, l’exception prévue au paragraphe 87(4) ne peut pas jouer. Je ne puis rien trouver dans l’entente qui aille dans ce sens. L’entente concernant l’offre conjointe a été conclue par Husky et par Balaclava. La convention d’option de vente est jointe en annexe à l’entente concernant l’offre conjointe. Husky et Balaclava s’étaient engagées à signer la convention d’option de vente une fois que l’achat visant à la mainmise aurait eu lieu. Mohawk Canada, qui faisait l’objet de l’entente concernant l’offre conjointe, n’était pas obligée de donner effet à la convention d’option de vente. Mohawk Canada a de fait signé la convention de soutien, mais il n’y a rien dans cette convention qui porte sur le transfert des actifs résiduels en faveur de Balaclava. Le conseil de Mohawk Canada ne pouvait pas consentir au transfert des actifs résiduels sans savoir si ses actionnaires accepteraient de remettre leurs actions conformément à l’offre de HB Acquisition. Le nouveau conseil a signé la convention modifiée d’option de vente après que l’achat visant à la mainmise eut été conclu et à un moment où HB Acquisition, Husky et Mohawk Canada étaient liées. Cela reflète ce qui se passe normalement après qu’un achat visant à la mainmise a été conclu. Un nouveau conseil est désigné en vue de permettre aux nouveaux propriétaires de la société de donner suite à leurs projets à l’égard de l’entité cible, et notamment aux réorganisations postérieures à la clôture. Je conclus donc que l’exception prévue au paragraphe 87(4) s’applique à la disposition par Mohawk Canada des actions que celle‑ci détenait dans Mohawk Lubricants qui a eu lieu lors de la fusion.

 

Contrepartie autre qu’en actions

 

[66]         Comme il en a été fait mention ci‑dessus, M. Weevers a contesté le motif sur lequel Mme Pereversoff s’était fondée pour conclure que, vu l’exception prévue au paragraphe 87(4), on devait refuser de traiter l’opération comme un transfert libre d’impôt. Il a recommandé un motif subsidiaire à l’appui de la nouvelle cotisation, en vertu du paragraphe 87(4) de la Loi. M. Weevers a conclu que Mohawk Canada avait reçu une contrepartie autre qu’en actions, ce qui allait à l’encontre de l’interdiction énoncée au début de cette disposition. Le paragraphe 87(4) exclut également le traitement d’une opération comme un transfert libre d’impôt si l’actionnaire de la société remplacée reçoit une contrepartie autre qu’en actions en échange des actions de la société remplacée.

 

[67]         Je ne peux retenir l’analyse de M. Weevers. Mohawk Canada a uniquement reçu des actions privilégiées de Lubes Amalco lors de la fusion. Balaclava a reçu plus que les titres de HB Acquisition lorsqu’elle a accepté de transférer à cette entité les actions de Mohawk Canada. Balaclava a obtenu de Husky et de HB Acquisition l’engagement selon lequel ces dernières feraient en sorte que Mohawk Canada procède à la fusion. Cela peut constituer une contrepartie en ce qui concerne Balaclava. Toutefois, il ne s’agit pas d’une contrepartie reçue par Mohawk Canada. Mohawk Canada a simplement donné effet à la fusion, ce qui a épargné à HB Acquisition le risque d’avoir à payer en numéraire les titres que BAI détenait dans HB Acquisition, et ce qui libérait Husky de la garantie qu’elle avait donnée à l’égard de cette obligation. La fusion éliminait également le risque, pour les deux parties, que BAI intente une action en dommage‑intérêts si, contrairement à ce qui avait été convenu, la fusion n’avait pas eu lieu.

 

Le paragraphe 69(4)

 

[68]         L’intimée soutient également que la fusion fait jouer paragraphe 69(4) de la Loi; en voici le texte :

 

69(4) Attribution à un actionnaire – Lorsque le bien d’une société est attribué de quelque manière que ce soit à un actionnaire de la société, ou à son profit, à titre gratuit ou pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande, et que la vente du bien à sa juste valeur marchande aurait augmenté le revenu de la société, ou réduit sa perte, la société est réputée avoir disposé du bien au moment de son attribution et en avoir reçu un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce moment.

[Non souligné dans l’original.]

 

[69]         Cette disposition a une portée beaucoup plus générale que celle de l’exception prévue au paragraphe 87(4). Il y a beaucoup de façons d’acquérir des biens, en plus d’un transfert libre d’impôt. Ainsi, un actionnaire pourrait faire en sorte que les biens d’une société lui soient transférés moyennant le versement d’une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande. Un actionnaire majoritaire pourrait faire en sorte qu’une société transfère des biens à quelqu’un d’autre afin de libérer cette société d’une obligation ou, dans ce cas‑ci, afin d’éviter à HB Acquisition, ou en fait à Husky, le risque d’avoir à verser de l’argent comptant à BAI pour les titres émis par HB Acquisition.

 

[70]         Les opérations que Husky, HB Acquisition, Balaclava et BAI ont conclues entre elles en l’espèce constituent une version plus complexe du plan de base suivant, qui est ici présenté en vue d’illustrer l’application du paragraphe 69(4) :

 

a)  le vendeur A possède une filiale (la société cible) qu’il veut vendre;

b)  l’acheteur B veut acquérir la société cible;

c)  les deux parties veulent réduire leurs obligations fiscales respectives;

d)  le vendeur A accepte de réduire le prix d’achat qu’il veut recevoir pour la société cible, à condition que l’acheteur B fasse en sorte que la société cible lui transfère un actif moyennant un escompte égal à la réduction convenue du prix d’achat pour la société cible;

e)  le vendeur A paie moins d’impôt, l’acheteur B conserve le numéraire et la société cible paie moins d’impôt.

 

[71]         En l’espèce, un résultat similaire est atteint selon un plan plus complexe. HB Acquisition a convenu de faire en sorte que Mohawk Canada (la société cible) transfère Mohawk Lubricants, moyennant le versement d’une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande, des actions de Mohawk Lubricants. Par conséquent, HB Acquisition conserve le numéraire. Après la fusion, HB Acquisition ne pouvait plus être contrainte à racheter, au prix de 15,5 millions de dollars, les titres qu’elle avait émis en faveur de BAI. Pour mener l’opération à bonne fin, BAI, qui avait obtenu la pleine valeur actuelle des actifs résiduels, a transféré les actions qu’elle détenait dans HB Acquisition en échange d’actions privilégiées de HMLT dont la valeur était elle aussi moindre. Je suis d’avis qu’en l’espèce, le plan de M. Kopstein visait le report de l’impôt, alors que le plan susmentionné vise l'évitement de l’impôt. Le paragraphe 69(4) fait obstacle aux deux plans car il prévoit que la société cible doit payer l’impôt sur la pleine valeur qui a été attribuée au profit de son actionnaire, HB Acquisition.

 

[72]         L’appelante soutient que l’intimée n’a pas identifié de la façon appropriée le bénéficiaire de l’attribution dans la réponse à l’avis d’appel. La preuve documentaire qui m’a été produite dans le recueil conjoint de documents m’a permis de conclure que les bénéficiaires de l’attribution étaient HB Acquisition et Husky, soit les parties qui ont demandé à Mohawk Canada de procéder à la fusion à leur profit. Les opérations qui ont donné lieu à l’application du paragraphe 69(4) sont les mêmes que celles qui ont donné lieu à l’application de l’exception prévue au paragraphe 87(4).

 

Le paragraphe 56(2)

 

[73]         L’intimée invoque le paragraphe 56(2) comme motif subsidiaire justifiant l’établissement de la nouvelle cotisation. Cette disposition est rédigée comme suit :

 

56(2) Paiements indirects – Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l’accord d’un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d’avantage que le contribuable désirait voir accorder à l’autre personne – sauf la cession d’une partie d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d’un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi ou d’un régime provincial de pensions visé par règlement – doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

[Non souligné dans l’original.]

 

[74]         Dans l’arrêt Neuman c. M.R.N.[5], la Cour suprême du Canada a réduit comme suit l’application du paragraphe 56(2) à ses caractéristiques essentielles :

 

(1) le paiement [le transfert de bien] doit être fait à une autre personne que le contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

 

(2) la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l’accord du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

 

(3) le paiement [le transfert de bien] doit être fait au profit du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d’avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne;

 

(4) le paiement [le transfert de bien] aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l’avait reçu lui‑même.

 

 

[75]         M. Weevers a témoigné que quelqu’un, à l’administration centrale, avait proposé d’invoquer entre autres le paragraphe 56(2), au cas où la Cour conclurait que la fusion pouvait être considérée comme un transfert libre d’impôt en vertu du paragraphe 87(4) et que le paragraphe 69(4) ne jouait pas. Les quatre conditions énumérées ci‑dessus exigent que la personne autre que l’auteur du transfert demande que le transfert ait lieu, de sorte que cette personne est imposable, à condition d’être par ailleurs imposable dans le cas d’un transfert directement effectué en sa faveur. Le paragraphe 56(2) aurait pu s’appliquer à HB Acquisition, la partie qui a bénéficié de la fusion, à peu près de la même façon que le paragraphe 15(1). La fusion n’a pas été effectuée au profit de Mohawk Canada puisque celle-ci renonçait à des actions dont la valeur était supérieure à celle des actions de Lubes Amalco qu’elle recevait. Enfin, le paragraphe 56(2) ne peut pas s’appliquer au propriétaire du bien transféré, Mohawk Canada, parce que celle-ci n’aurait pas été assujettie à un impôt sur des biens dont elle était déjà propriétaire et, par conséquent, il n’est pas satisfait à la quatrième condition. Pour ces motifs, le paragraphe 56(2) ne s’applique pas aux opérations ici en cause.

 

[76]         Par ces motifs, l’appel est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2009.

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de juin 2008.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 118

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-421(IT)G

 

INTITULÉ :                                       HUSKY OIL LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 29 et 30 septembre et les

1er et 2 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 24 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Barry R. Crump

Me Michel Bourque

Avocat de l’intimée :

Me Donald G. Gibson

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Barry R. Crump

                                                          Michel Bourque

 

                   Cabinet :                         Burnet, Duckworth & Palmer LLP

                                                          Calgary (Alberta)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]       Onglet 25, recueil conjoint des pièces.

[2] Transcription de l’interrogatoire préalable de M. Weevers, page 90, lignes 5 à 12.

[3]       Volume 2, transcription, page 315, ligne 19, page 316, ligne 23.

[4]       Offre d’achat de HB Acquisition en date du 3 juin 1998, page 19.

[5] [1998] 1 R.C.S. 770, page 782.

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