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Dossier : 2008-1601(EI)

ENTRE :

MARK SHEPPARD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Mark Sheppard (2008-1602(CPP))

le 18 décembre 2008, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L’appel est accueilli, conformément aux motifs de jugement ci‑joints, et la décision du ministre du Revenu national en date du 28 avril 2008 est modifiée, de façon qu’il soit conclu que :

 

Mark Sheppard exerçait un emploi assurable auprès de Positive Dyslexia Ltd. du 1er septembre 2006 au 17 janvier 2007.


 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de février 2009.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2008.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Dossier : 2008-1602(CPP)

ENTRE :

MARK SHEPPARD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Mark Sheppard (2008-1601(EI))

le 18 décembre 2008, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L’appel est accueilli, conformément aux motifs de jugement ci‑joints, et la décision du ministre du Revenu national en date du 28 avril 2008 est modifiée, de façon qu’il soit conclu que :

 

Mark Sheppard occupait un emploi ouvrant droit à pension auprès de Positive Dyslexia Ltd. du 1er septembre 2006 au 17 janvier 2007.


 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de février 2009.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2008.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2009CCI97

Date : 20090219

Dossiers : 2008-1601(EI)

2008-1602(CPP)

ENTRE :

MARK SHEPPARD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelant, Mark Sheppard (« M. Sheppard »), a interjeté appel de deux décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 28 avril 2008 conformément à la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et au Régime de pensions du Canada (le « Régime »), portant que l’emploi exercé par M. Sheppard auprès de Positive Dyslexia Ltd. (« PDL ») du 1er septembre 2006 au 17 janvier 2007 n’était pas un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension exercé aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[2]     L’appelant et l’avocate de l’intimé ont accepté que les deux appels soient entendus ensemble.

 

[3]     La position prise par le ministre, telle qu’elle est énoncée dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), est que M. Sheppard et Susan Hall (« Mme Hall ») ainsi que Tyler Norton (« M. Norton ») étaient associés à parts égales dans l’exploitation d’une entreprise connue sous le nom de Trident Learning Centre (« Trident ») et que M. Sheppard n’était pas un employé de PDL.

 

[4]     Mark Sheppard a témoigné résider à Vancouver et enseigner depuis 20 ans. Il est titulaire d’une maîtrise en éducation et il est agréé par le British Columbia College of Teachers (le « BCCT ») pour enseigner en Colombie‑Britannique. M. Sheppard a déclaré que, selon lui, Trident était une école, étant donné qu’un centre d’apprentissage est exploité en dehors des heures de classe habituelles et que l’appellation exacte de Trident était Trident Learning Community (« TCL »). Les professeurs à plein temps, à TCL, étaient Mme Hall et lui‑même, qui travaillaient à l’installation d’enseignement située dans des locaux connus sous le nom de Klee Wyck House, chemin Keith, à West Vancouver, ainsi que M. Norton, qui travaillait à temps partiel à titre de moniteur des activités de plein air. PDL était une société appartenant à cent pour cent à Mme Hall; la plupart des chèques de paie émis en faveur de M. Sheppard étaient signés par Mme Hall et tirés sur un compte de PDL, à la Coast Capital Savings, mais M. Sheppard a reçu au moins un autre paiement provenant d’un autre compte appartenant à un organisme appelé The Whole Dyslexic Society (« TWDS » ou la « société »). Quatre enfants seulement fréquentaient TLC; M. Sheppard était le seul enseignant agréé par le BCCT. M. Sheppard a déclaré que Mme Hall lui donnait des instructions par courriel, souvent chaque jour; que le bureau de cette dernière était situé à proximité de la salle de classe et qu’elle pouvait entendre le contenu des cours qu’il donnait aux enfants, qui s’étaient tous vu attribuer un rang correspondant à la quatrième année. M. Sheppard a déclaré que TLC était doté d’un directeur, Peter Tongue (« M. Tongue »), qui s’était présenté à l’école et l’avait observé à deux reprises pendant qu’il donnait ses cours et qui avait par la suite déclaré être satisfait des méthodes qu’il employait. M. Sheppard s’était blessé dans un accident de motocyclette le 1er octobre 2006, mais il était allé travailler le lendemain et, même s’il avait dû prendre des analgésiques pendant un certain temps par la suite, il ne s’était jamais absenté au cours de la période pertinente. Initialement, TCL était financée par un particulier qui avait fait un apport important, mais ce soutien avait été retiré au mois de janvier 2007. M. Sheppard a déclaré que Mme Hall l’avait informé que d’autres bailleurs de fonds étaient en mesure de financer l’école sur une base continue. Il a affirmé ne pas avoir mis ce renseignement en question, parce qu’au cours de sa carrière, il avait déjà demandé à un riche homme d’affaires un montant mensuel de 4 000 $ pour enseigner chaque jour à l’enfant de celui‑ci pendant la moitié de la journée. M. Sheppard s’est référé à une lettre – pièce A‑1 – de Mme Hall en date du 5 janvier 2007, portant sur diverses questions se rattachant à ses méthodes d’enseignement et sur d’autres questions connexes touchant l’exploitation de l’école. M. Sheppard a déclaré connaître Mme Hall depuis bien des années et savoir que celle‑ci n’était pas inscrite auprès du BCCT, mais qu’elle était agréée par un établissement basé en Californie à titre de facilitatrice pour la méthode Davis Dyslexia Correction Method. Au fil des ans, il avait discuté avec Mme Hall de sa vision au sujet d’une école et de la fusion d’une théorie de l’enseignement connue sous le nom de méthode Waldorf et de la méthode Davis intéressait Mme Hall. M. Sheppard a obtenu son baccalauréat en éducation de l’université Mount Allison; en 1998, il s’est installé à Vancouver où il a commencé à enseigner la deuxième année; il est resté avec ce groupe d’élèves jusqu’à ce que ceux‑ci terminent leur septième année. M. Sheppard a déclaré qu’il existe des écoles Waldorf partout dans le monde, lesquelles sont composées de plus de mille écoles indépendantes et de 1 400 maternelles, dans 60 pays. Le fondateur était Rudolf Steiner; la théorie d’enseignement est fondée sur la notion d’apprentissage interdisciplinaire, dans lequel sont intégrés des éléments pratiques, artistiques et conceptuels, qui comprennent des composantes créatives ainsi qu’analytiques. Une école – Aspengrove – à Nanaïmo (Colombie‑Britannique) avait eu besoin d’un enseignant agréé à l’égard de la méthode Waldorf et avait embauché M. Sheppard en tant que membre du personnel pour l’année scolaire 2005‑2006, mais le contrat n’avait pas été renouvelé. M. Sheppard a déclaré avoir rencontré Mme Hall pendant qu’il voyageait sur le traversier entre Horsehoe Bay et Nanaïmo; ils s’étaient mis à discuter de l’idée de l’école, qui est par la suite devenue TLC. Au mois d’août, ils ont continué à discuter de la nouvelle entreprise; M. Sheppard a déclaré que Mme Hall et lui voulaient s’associer, mais qu’aucune documentation formelle n’avait pas la suite été préparée à ce sujet. M. Sheppard a déclaré qu’en discutant de la nouvelle école avec Mme Hall, il avait informé celle‑ci qu’il lui fallait un salaire annuel de 65 000 $ et que Mme Hall avait fait une contre‑offre de 60 000 $ qu’il avait acceptée, à condition que son salaire soit majoré jusqu’à concurrence du montant initial demandé, au moyen de sommes d’argent ou de certains avantages, une fois que TWDS, une société sans but lucratif, prendrait en charge l’exploitation de la nouvelle école. M. Sheppard et Mme Hall envisageaient la réintégration des élèves dans les classes du système régulier d’enseignement provincial. M. Sheppard savait que des normes et des règles différentes s’appliquent lorsqu’une entité telle que TCL compte plus de dix élèves. Il a affirmé ne pas avoir envisagé d’autre méthode de rétribution que celle d’un salaire mensuel. Il a déclaré savoir, par expérience, qu’il était fort important d’être embauché avant Pâques, au cours d’une année scolaire particulière, à défaut de quoi il était difficile de trouver un poste d’enseignant pour le mois de septembre. En ce qui concerne ses chèques de paie mensuels de 5 000 $, M. Sheppard a déclaré savoir qu’aucune des retenues à la source habituelles n’avait été effectuée, mais qu’il ne s’était pas renseigné au sujet de cette omission et qu’il avait simplement encaissé les chèques pendant trois mois. Il estimait que les dispositions qui avaient été prises au sujet de la rémunération constituaient une mesure provisoire, tant que TWDS – par l’entremise de ses membres sûrs au point de vue financier – ne prendrait pas en charge l’exploitation continue de TLC. Le chèque du mois de décembre lui avait été remis en retard, mais au 10 janvier 2007, il supposait encore que TWDS lui verserait toute sa rémunération. M. Sheppard a reçu une lettre – pièce A‑4 – datée du 24 janvier 2007, signée par un administrateur de TWDS pour le compte du conseil d’administration (le « conseil ») de la société, dans laquelle on l’informait que, bien que TLC eût ouvert ses portes au mois de septembre 2006, le conseil avait, à ce moment‑là, [traduction] « clairement fait savoir qu’il ne voulait pas exploiter TLC sous l’égide de TWDS, de sorte que c’était Positive Dyslexia Ltd. qui avait assumé l’exploitation de TLC, et non TWDS, et que le conseil qui était en place avait été élu dans le but de confier finalement à TWDS l’exploitation de TLC, mais que, malheureusement, TLC avait soudainement cessé d’être financée avant que le nouveau conseil puisse étudier la prise en charge du projet ou voter à ce sujet ». La lettre se poursuivait comme suit : [traduction] « À ce jour, le conseil n’a pas approuvé ce transfert et n’assume donc aucune responsabilité ni aucune obligation à l’égard des activités de TLC, qui continue à être exploitée par Positive Dyslexia Ltd.; nous vous recommandons de communiquer avec Sue Hall. » M. Sheppard a reçu, sur du papier à en‑tête de PDL, une lettre datée du 31 janvier 2007 – pièce A‑5 – dans laquelle Mme Hall l’informait que deux familles avaient retiré leurs enfants de TCL et que M. Norton avait démissionné le 15 janvier 2007. Dans cette lettre, Mme Hall déclarait que TCL avait cessé d’être exploitée le 17 janvier 2007; elle joignait un chèque – au montant de 1 250 $ – tiré sur le compte de PDL; elle ajoutait que TWDS enverrait probablement à M. Sheppard un chèque de 2 500 $ représentant le reste du salaire à verser. Mme Hall informait également M. Sheppard que PDL reprendrait ses activités antérieures en offrant les programmes de la méthode Davis Dyslexia Correction et elle exprimait son regret au sujet de l’échec de l’entreprise de TLC. M. Sheppard a déclaré avoir par la suite été rémunéré au complet pour les services fournis à la suite d’une décision rendue en sa faveur par la Employment Standards Branch de la Colombie‑Britannique, compte tenu de son statut d’employé. Il a déclaré qu’il avait remis des références à Mme Hall avant de commencer à travailler comme enseignant et que Mme Hall, M. Norton et lui‑même n’avaient pris aucune mesure en vue de donner suite à leur idée initiale de former une société de personnes afin d’exploiter TLC. Comme Mme Hall l’avait demandé, M. Sheppard soumettait des factures à PDL, par l’entremise de Mme Hall, au montant de 5 000 $ par mois. M. Norton travaillait un jour par semaine pendant trois semaines et ensuite, pendant une semaine complète, au cours de laquelle l’enseignement était donné à l’extérieur et comprenait des activités telles que la voile. Les horaires d’enseignement étaient préparés par Mme Hall; ils sont inclus dans la liasse de documents produits par l’appelant sous la cote A‑6. Certains élèves, à TLC, n’avaient jamais été inscrits dans une école faisant partie du système éducatif provincial. M. Sheppard a affirmé qu’il n’aurait pas été pratique pour lui de travailler ailleurs lorsqu’il enseignait à TLC parce qu’il donnait des cours tous les jours et qu’il préparait ses cours le soir. Il exécutait également d’autres tâches; ainsi, il s’occupait de la location d’un dériveur d’une école de voile, que M. Norton et les élèves utilisaient. M. Sheppard s’est référé à des courriels – pièce A‑7 – que Mme Hall et lui‑même avaient échangés, qu’il a décrits comme étant des plaintes formulées par certains parents au sujet de ses méthodes et d’un présumé manque de compétences en communication. Il a signalé une ligne, au bas de la page 2, dans laquelle Mme Hall résumait l’opinion qu’elle avait exprimée au cours d’une rencontre qu’elle avait eue avec les parents et où elle avait déclaré : [traduction] « Aucune des erreurs n’était suffisamment grave pour justifier un renvoi immédiat. »

 

[5]     L’avocate de l’intimé a contre‑interrogé M. Sheppard. Avec le consentement de l’appelant, elle a produit sous la cote R‑1 un relieur contenant des documents, onglets 1 à 35 inclusivement. M. Sheppard a reconnu avoir envoyé à Mme Hall, le 19 mai 2006, un courriel, onglet 1, dans lequel il manifestait son enthousiasme au sujet des possibilités qu’offrait l’année scolaire à venir dans le contexte de l’idée de la nouvelle école dont ils avaient discuté. Dans un autre courriel, onglet 2, en date du 28 mai 2006, M. Sheppard faisait mention du travail [traduction] « commun dans l’avenir » qu’il accomplirait avec Mme Hall. Le 7 octobre 2006, M. Sheppard a envoyé à Mme Hall un long courriel, onglet 5, dans lequel il parlait de diverses questions et notamment du manque d’expérience de Mme Hall lorsqu’il s’agissait de s’occuper de plus d’un élève à la fois, ainsi que de questions concernant le comportement des élèves, l’organisation de rencontres et les exigences du programme. M. Sheppard a affirmé que son rôle était celui d’enseignant et que seule Mme Hall s’occupait de l’administration. Il a admis qu’au départ, il ne savait pas trop quelle était la nature de la relation existant entre Mme Hall et la société de celle‑ci, PDL, d’une part, et lui‑même d’autre part, mais il estimait qu’au début de l’année scolaire, en septembre, cette relation avait évolué pour devenir une relation employeur‑employé. Pendant plusieurs années, Mme Hall avait exploité PDL à titre d’entité en vue d’assurer la formation d’élèves dyslexiques. M. Sheppard a déclaré que lorsqu’il avait rédigé un article, onglet 3, au sujet de TLC et de la nature triple de l’établissement, lequel incorporait la méthode Davis, la méthode Waldorf et un programme éducatif extérieur, il l’avait fait en sa qualité d’enseignant et que le fait que le mot [traduction] « nous » était employé, au deuxième paragraphe de la page 2, ne visait pas à indiquer qu’il était propriétaire, mais qu’il voulait plutôt dire que d’autres personnes en cause dans TLC et lui‑même cherchaient en particulier à fournir aux élèves un type d’enseignement différent. M. Sheppard a déclaré que c’était Mme Hall la spécialiste en ce qui concerne la méthode Davis et qu’il voulait bien recevoir des instructions de celle‑ci à ce sujet même s’il possédait 20 années d’expérience en enseignement dans d’autres domaines. Il avait enseigné au fils de Mme Hall à l’école Waldorf de Vancouver et il estimait que Mme Hall l’avait embauché parce qu’il pouvait adapter à la méthode Davis la théorie d’enseignement de la méthode Waldorf. L’avocate a renvoyé M. Sheppard à la réponse qu’il avait donnée, au haut de la page, à un courriel, onglet 22, que Mme Hall lui avait envoyé le 14 janvier 2007; selon l’avocate, la réponse n’était pas celle que donnerait quelqu’un qui reçoit des instructions. M. Sheppard a signalé que la note manuscrite figurant sur la copie du courriel était la sienne et qu’elle avait été rédigée lorsqu’il correspondait avec l’agent des décisions de l’ARC. M. Sheppard a affirmé que, selon lui, M. Tongue, qui avait des antécédents dans l’enseignement traditionnel, n’avait pas suivi les méthodes d’observation appropriées lorsqu’il avait visité sa salle de classe, comparativement aux méthodes employées à l’école Waldorf de Vancouver, où il avait fait l’objet d’évaluations indépendantes. M. Sheppard a affirmé qu’il avait avant tout essayé d’enseigner conformément à la méthode Waldorf lorsqu’il avait travaillé à TLC. Une série de courriels échangés, onglet 7, entre les 3 et 5 novembre 2006 (lesquels doivent être lus dans l’ordre inverse à partir de la fin de l’onglet) se rapportaient à la nécessité pour M. Sheppard de rédiger sa propre description de travail et d’inclure ses commentaires au sujet de l’incapacité de satisfaire aux exigences du programme provincial, ainsi qu’au sujet d’autres questions. Dans le cadre d’un autre échange de courriels, onglet 17, avec Mme Hall, le 5 janvier 2007, M. Sheppard, au quatrième paragraphe de la première page du courriel, mentionnait les problèmes financiers auxquels TLC faisait face ainsi que la raison pour laquelle l’accord avait été conclu, à savoir qu’il [traduction] « serait le seul employé réel à plein temps de TLC et qu’il était reconnu qu’il lui serait presque impossible d’accepter un travail externe si l’horaire n’était pas en grande partie réorganisé d’une façon ou d’une autre ». M. Sheppard s’est référé a un courriel, onglet 12, envoyé à Mme Hall, dans lequel il parlait de la rétribution qu’il touchait lorsqu’il enseignait à Aspengrove, du montant qu’il pourrait toucher en travaillant dans le système éducatif public et du fait qu’il avait accepté de TLC un montant moindre. M. Sheppard a affirmé savoir que Mme Hall pouvait gagner, en enseignant, jusqu’à 3 000 $ par semaine, par l’entremise de PDL; il croyait qu’elle pourrait être en mesure de renoncer à retirer de l’argent de TLC tant qu’un financement approprié ne pourrait pas être obtenu d’un riche bienfaiteur et d’autres parents. Il y avait trois élèves en septembre et quatre élèves en octobre, mais M. Sheppard ne s’inquiétait pas de la viabilité de TLC parce qu’il croyait comprendre que les locaux à Klee Wyck House avaient été loués pour au moins un an par le père d’un élève et qu’il croyait que l’école pouvait occuper la résidence principale qui se trouvait sur les lieux sans payer de loyer. M. Sheppard estimait que son rôle consistait à agir à titre d’enseignant qualifié responsable de l’aspect éducatif de l’entité qui ne faisait que démarrer. Il reconnaissait que certains parents avaient exprimé des préoccupations au sujet de ses méthodes d’enseignement et, même s’il était loin de se souvenir de certaines parties de la période qui avait suivi son accident de motocyclette, au mois d’octobre 2006, il savait qu’un des parents s’inquiétait à certains égards de son comportement. M. Sheppard a déclaré que le directeur de TLC, M. Tongue, l’avait appuyé en déclarant, au cours d’une rencontre que celui‑ci avait eue avec les parents des quatre élèves, qu’il était un enseignant qualifié expérimenté. M. Sheppard a affirmé avoir appris qu’un des parents était mécontent le 17 décembre seulement, mais qu’il avait subi une opération au genou et qu’il éprouvait un malaise continu à cause de sa blessure au cou. Il a reconnu que certaines invalidités combinées avaient peut‑être influé dans une certaine mesure sur son comportement dans la salle de classe. Dans un courriel adressé à Mme Hall, onglet 13, en date du 18 décembre 2006, M. Sheppard avait déclaré ne pas souscrire à l’idée de Mme Hall de rencontrer les parents de trois des quatre élèves et avait proposé à celle‑ci de consulter M. Tongue avant d’aller de l’avant. M. Sheppard a déclaré être accoutumé aux procédures suivies dans le cadre de la méthode Waldorf, selon lesquelles un enseignant n’était pas exclu d’une rencontre avec les parents et avec l’administration de l’école. M. Sheppard a convenu qu’il savait fort bien qu’il n’obtiendrait pas les avantages habituels associés à un poste d’enseignant et il acceptait la condition selon laquelle, pour obtenir son paiement mensuel, il devait soumettre une facture à PDL. M. Sheppard a préparé les factures, onglet 25, et, à un moment donné, au début de l’année 2007, il a reçu un chèque tiré sur un compte au nom de TWDS, ce qui l’a amené à croire que TWDS avait pris en charge les activités de TLC. M. Sheppard a affirmé que la perte de son poste d’enseignant à TLC l’avait ébranlé et qu’il avait plaidé auprès de TWDS qu’il avait été employé aux termes d’un contrat et qu’il ne devrait pas faire l’objet d’un congédiement. Pour appuyer sa position, M. Sheppard s’était présenté dans la salle de classe, à Klee Wyck House, afin de montrer qu’il était prêt et disposé à fournir ses services d’enseignant conformément à son contrat et qu’il était en mesure de le faire. M. Sheppard a affirmé qu’il se rendait bien compte qu’il n’avait pas eu de relations avec TWDS et que c’était avec Mme Hall et sa société, PDL, qu’il avait conduit toutes les négociations et conclu toutes les ententes. M. Sheppard a déclaré que sa seule expérience en tant qu’entrepreneur avait été acquise lorsqu’il avait fourni des services privés à titre d’enseignant ou de tuteur dans son pays d’origine, les Bermudes, avant de s’installer à Vancouver. Lorsqu’il enseignait à Aspengrove, des déductions avaient été effectuées sur son salaire, mais non sur le montant de son premier chèque; c’était ce retard à effectuer les retenues qui l’avait amené à croire que la paie serait régularisée une fois que TWDS s’occuperait de l’exploitation de TLC. Dans l’intervalle, M. Sheppard était satisfait de la méthode utilisée, selon laquelle c’était PDL qui le rémunérait. M. Sheppard a admis qu’il n’avait pas le sens des affaires et que les questions d’argent ne l’intéressaient pas; il estimait faire partie d’un monde s’intéressant davantage aux activités culturelles. 

 

[6]     L’appelant a clos sa preuve.

 

[7]     L’avocate de l’intimé a procédé à l’interrogatoire principal de Susan Hall. Mme Hall a témoigné résider à North Vancouver et avoir immigré au Canada depuis l’Angleterre en 1999, après avoir obtenu son agrément de facilitatrice Davis de Davis Dyslexia Association International. Mme Hall travaille à son propre compte auprès d’enfants et d’adultes dyslexiques. Elle a rencontré M. Sheppard lorsque son fils fréquentait l’école Waldorf de Vancouver; elle avait cru comprendre que M. Sheppard suivait une formation relativement à la méthode Davis et que deux de ses propres enfants avaient bénéficié de ce programme. Elle a rencontré M. Sheppard et son fils sur le traversier qui allait à Nanaïmo et elle s’est mise à discuter avec M. Sheppard de l’ouverture d’une nouvelle école afin de répondre aux besoins d’une mère qui avait communiqué avec elle pour parler d’une question d’éducation. Cette mère ne souscrivait pas à l’avis qu’elle avait reçu, à savoir qu’elle devrait scolariser son enfant à la maison; elle avait discuté de la question avec son mari, qui était prêt à fournir du financement pour assurer à leur enfant un autre genre d’éducation. Mme Hall a déclaré qu’elle voulait combiner les programmes Waldorf et Davis en y ajoutant une composante d’enseignement en plein air qui serait assurée par M. Norton. Le 6 août 2006, Mme Hall a rencontré MM. Sheppard, Norton et Tongue afin de discuter de l’idée de la nouvelle école. M. Tongue a refusé de participer à l’entreprise en tant que membre fondateur, de sorte que Mme Hall et MM. Sheppard et Norton ont commencé à exploiter TLC au mois de septembre. Mme Hall croyait que M. Sheppard avait les aptitudes voulues pour appliquer les méthodes d’enseignement Waldorf; il était clair à ses yeux qu’ils exploiteraient l’école en tant qu’associés à parts égales puisqu’elle était une mère célibataire et qu’elle n’était pas en mesure, sur le plan financier, d’agir à titre d’employeur. La résidence principale, sur la propriété Klee Wyck, était disponible parce qu’elle l’avait antérieurement louée de la municipalité de West Vancouver dans le cadre de l’exploitation de son entreprise par l’entremise de PDL. Il s’agissait d’une location mensuelle, et la municipalité de West Vancouver facturait TWDS au taux horaire de 15 $ pour l’utilisation des locaux, compte tenu du fait que l’école était ouverte chaque mois quatre jours par semaine pendant trois semaines, la dernière semaine étant réservée à l’enseignement en plein air. Mme Hall a déclaré savoir que M. Sheppard avait besoin d’un montant de 60 000 $ par année et qu’elle avait besoin d’un montant équivalent pour satisfaire à ses propres besoins financiers. Mme Hall pouvait gagner de l’argent au cours de la quatrième semaine de chaque mois, lorsque les élèves de TLC participaient à la composante extérieure de leur éducation. Elle a déclaré avoir discuté avec M. Sheppard des répercussions d’un travail autonome parce qu’elle croyait comprendre que ce dernier avait été un employé pendant toute sa carrière d’enseignant. M. Norton facturait ses services au taux quotidien de 200 $; il adressait ses factures à PDL, dont Mme Hall était l’unique actionnaire et administratrice. De son côté, PDL soumettait à TLC des factures, onglet 27, même si Mme Hall savait que TLC n’était pas une personne juridique et elle rédigeait au bas de chaque facture une note indiquant que le paiement devait être effectué par chèque en faveur de Sue Hall. Mme Hall a affirmé que, selon elle, le rôle de M. Sheppard était celui d’un enseignant prêt à aider M. Norton à s’occuper de la partie du programme se rattachant aux activités extérieures. Elle rencontrait MM. Sheppard et Norton le lundi après‑midi. Selon son interprétation de l’accord auquel ils étaient arrivés, ils étaient tous trois associés et M. Tongue, qui avait refusé de participer sur cette base, fournissait ses services, en sa qualité de directeur, à titre de conseiller indépendant. Aucune documentation n’avait été préparée en vue d’officialiser quelque entente que ce soit. Les frais de scolarité mensuels de chaque élève s’élevaient à 900 $, et Mme Hall prévoyait qu’elle remédierait à toute insuffisance au moyen de dons reçus d’un riche bienfaiteur et de deux autres bailleurs de fonds et que des élèves additionnels [traduction] « se présenteraient en masse » une fois que les parents d’enfants éprouvant des difficultés d’apprentissage précises connaîtraient l’existence de TLC. Aucune publicité n’avait été faite et aucun programme de marketing n’avait été mis sur pied et, même si Mme Hall ainsi que MM. Sheppard et Norton avaient parlé de la possibilité d’ouvrir d’autres écoles similaires, ils se contentaient du bouche‑à‑oreille pour attirer d’autres élèves. Mme Hall croyait comprendre qu’elle devait être responsable de la partie du programme d’éducation axée sur la méthode Davis. Elle croyait que M. Sheppard se fonderait sur l’expérience qui était tentée par TLC pour rédiger sa thèse de doctorat. Mme Hall a confirmé que l’onglet 3 était la lettre préparée par M. Sheppard qui devait être insérée dans le bulletin de l’école Waldorf de Vancouver, et comme elle n’était pas agréée pour enseigner en Colombie‑Britannique, elle avait accepté que M. Sheppard exerce un contrôle complet sur les méthodes d’enseignement. Lorsque l’avocate l’a renvoyée au courriel, onglet 22, qu’elle avait adressé à M. Sheppard, Mme Hall a affirmé que ce courriel renfermait des suggestions au sujet de certaines méthodes d’enseignement plutôt que des instructions. Mme Hall a affirmé avoir initialement cru qu’elle et MM. Norton et Sheppard seraient associés dans la nouvelle entreprise, mais sa société, PDL, avait un compte bancaire qu’elle avait utilisé pour payer les frais associés à l’établissement de TLC et à ses activités subséquentes. M. Tongue s’était distingué au cours d’une longue carrière, à titre de directeur d’une division de la St. Michael’s University School, à Victoria, et il avait accepté de se présenter dans les locaux de TLC une fois par mois afin d’exercer ses fonctions de directeur, mais il n’était pas prévu qu’il aurait autorité sur M. Sheppard. M. Tongue avait envoyé à PDL une facture, onglet 27, datée du 19 septembre 2006 au montant de 550 $, comprenant des frais de déplacement de 150 $. L’école était ouverte de 9 h 15 à 15 h, mais Mme Hall et M. Sheppard effectuaient un plus grand nombre d’heures et M. Sheppard n’avait pas voulu se présenter plus tôt au travail parce qu’il devait amener ses propres enfants à leur école. Mme Hall a décrit la méthode employée à TLC, c’est‑à‑dire que M. Sheppard mettait au point son propre programme, alors qu’elle utilisait ses propres méthodes afin d’enseigner aux élèves dans l’après‑midi. Mme Hall a affirmé qu’elle espérait que TWDS prenne en charge l’exploitation de l’école étant donné qu’il s’agissait d’une société sans but lucratif – possédant le statut d’organisme de bienfaisance – qu’elle avait formée et au sein de laquelle elle avait continué d’agir à titre de membre du conseil d’administration pendant que l’expérience TLC était tentée. À son avis, TLC faisait partie de l’objectif quadruple de la société, qui possédait environ 10 000 $ dans un compte. Mme Hall a affirmé qu’elle s’attendait à recevoir une somme additionnelle de 15 000 $ d’un des parents et qu’elle prévoyait que les fonds nécessaires à l’exploitation continue de l’école proviendraient d’autres parents ou d’autres sources, notamment de dons de bienfaisance. Malheureusement, la majorité des membres du conseil d’administration avaient voté à l’encontre de la prise en charge de l’école de TLC par TWDS en tant que projet, de sorte que TLC se trouvait dans une situation où, avec quatre élèves seulement, ses recettes mensuelles étaient de 3 600 $, alors que le loyer mensuel exigé pour les locaux s’élevait à 1 600 $. Mme Hall avait cru que TLC pourrait attirer 16 élèves qui, en payant chacun des frais de scolarité de 900 $, produiraient des recettes suffisantes pour couvrir tous les frais d’exploitation, et notamment sa rétribution ainsi que celle de MM. Norton et Sheppard. M. Sheppard fournissait les articles nécessaires pour enseigner dans sa propre classe, et les parents des enfants auxquels il avait enseigné à l’école Waldorf de Vancouver qualifiaient son style de [traduction] « plus grand que nature », de [traduction] « dramatique » et de [traduction] « séduisant ». Mme Hall avait rencontré les parents de trois élèves le 18 décembre 2006 et M. Sheppard avait rencontré ces parents sur une base individuelle le lendemain, avant le congé de Noël. Le 31 décembre, Mme Hall, M. Norton et M. Sheppard s’étaient réunis et avaient décidé de tenir une autre réunion le 5 janvier 2007. Une réunion avec les parents a eu lieu le 3 janvier 2007; l’un d’eux a rédigé le procès‑verbal, onglet 18; M. Sheppard et le fils de Mme Hall étaient également présents. Il était devenu évident que M. Norton ne voulait pas travailler avec M. Sheppard. Il avait fait savoir que le comportement et le style de celui‑ci n’étaient pas compatibles avec le segment « enseignement en plein air » et il voulait que Mme Hall congédie M. Sheppard. Mme Hall a déclaré avoir répondu à M. Norton en l’informant qu’elle n’était pas l’employeur de M. Sheppard, mais elle a convenu qu’elle avait rédigé le commentaire, onglet 23, deuxième page du courriel, selon lequel, même si M. Sheppard avait commis certaines erreurs, celles‑ci n’étaient pas suffisamment graves pour [traduction] « justifier un renvoi immédiat ». Mme Hall a déclaré qu’elle était partie avant la fin de la réunion et qu’on lui avait clairement fait savoir que l’une des mères, Kelly Taylor, et son mari qui, selon ses attentes, devaient contribuer fortement au financement continu de l’exploitation, ne fourniraient plus de fonds. L’argent se trouvant dans le compte de PDL qui avait été déboursé provenait des frais de scolarité et de dons. Mme Hall a déclaré qu’elle n’avait pas retiré la somme de 9 500 $ nécessaire aux fins du remboursement de ses services et que l’on devait de l’argent à M. Tongue pour ses services, mais que M. Norton avait été rémunéré au complet. Mme Hall savait que M. Sheppard avait besoin d’une somme mensuelle de 5 000 $ et elle savait que celui‑ci avait été rémunéré au complet, par la suite, même s’il avait été nécessaire que TWDS émette des chèques sur son compte en sa faveur ainsi qu’en faveur de M. Norton et de M. Sheppard. Mme Hall a affirmé avoir cru comprendre que TWDS voulait émettre un chèque en faveur de PDL et que des chèques distincts auraient été émis en sa faveur ainsi qu’en faveur de M. Norton et de M. Sheppard. Elle a reconnu que M. Sheppard ne s’occupait pas des questions financières découlant de l’exploitation de TLC et qu’il voulait simplement recevoir son paiement mensuel de 5 000 $.

 

[8]     Mme Hall a été contre‑interrogée par l’appelant. Elle a déclaré que M. Norton avait soumis, pour ses services, des factures sous le nom de TN Research, dont un échantillon figure à l’onglet 27, au taux quotidien de 200 $. Dans la facture, le client était identifié comme étant le Trinity Learning Center; au bas de la facture, M. Norton demandait que le paiement soit effectué sous la forme d’un chèque émis au nom de TN Research. Mme Hall a déclaré que la fusion du programme Waldorf et de la méthode Davis lui convenait. Elle estimait qu’elle et MM. Sheppard et Norton avaient lancé l’entreprise en tant qu’associés, mais si TWDS avait pris en charge l’exploitation continue de TLC, M. Sheppard aurait pu fournir ses services en tant qu’employé ou en tant qu’entrepreneur indépendant. Mme Hall a affirmé que le rôle de M. Tongue, en sa qualité de directeur, consistait à agir comme intermédiaire, de façon que les parents puissent faire connaître leurs préoccupations. Mme Hall a relaté que M. Sheppard lui avait fait savoir qu’il ne voulait pas que M. Tongue se présente dans sa classe pour observer ses méthodes d’enseignement à moins que la procédure suivie ne soit conforme à la méthode Waldorf. La première plainte d’un des parents a été reçue au mois d’octobre 2006; M. Tongue a par la suite assisté à un cours donné par M. Sheppard et a subséquemment informé les parents que M. Sheppard était titulaire d’une maîtrise en éducation et qu’il avait les compétences voulues pour enseigner. On a renvoyé Mme Hall à une liasse de trois documents, pièce A‑6, intitulés, en ordre, [traduction] « Calendrier quotidien », [traduction] « Calendrier 2006‑2007 », et [traduction] « Horaire quotidien de TLC ». Mme Hall a confirmé que ces documents étaient des horaires et des calendriers qu’elle avait préparés après avoir consulté MM. Sheppard et Norton.

 

[9]     L’avocate de l’intimé a réinterrogé Mme Hall et n’a présenté aucune autre preuve.

 

[10]    L’appelant a soutenu qu’il s’occupait avant tout d’éducation, qu’il ne possédait aucune expérience en affaires et qu’il avait accepté de participer à une entreprise avec Mme Hall et avec M. Norton afin de créer une nouvelle école qui serait plus qu’une école au sens traditionnel du terme. À son avis, aucune mesure n’avait été prise afin de régulariser la relation et d’établir une structure, si ce n’est que Mme Hall devait se charger de l’administration, par l’entremise de PDL, soit la société qu’elle possédait à cent pour cent. Pendant toute la période pertinente, il avait été traité comme un employé même si aucune retenue à la source n’avait été effectuée sur son salaire mensuel.

 

[11]    L’avocate de l’intimé a soutenu qu’il existait une preuve d’intention indiquant que M. Sheppard, Mme Hall et M. Norton devaient agir comme des associés dans l’espoir que l’école prospérerait et que d’autres centres similaires seraient établis en vue de répondre à la demande, au fur et à mesure que les parents dont les enfants étaient dyslexiques ou qui voulaient se prévaloir d’un autre type d’éducation, conformément à la théorie Waldorf, seraient mis au courant de l’existence des services qu’ils offraient. Selon la façon dont l’avocate interprétait la preuve, il était évident que M. Sheppard risquait fortement de subir une perte en choisissant de fournir ses services à une école expérimentale qui ne faisait que démarrer au lieu de chercher un emploi dans le système public ou dans une école privée établie. Le contenu des courriels que Mme Hall avait envoyés à M. Sheppard au sujet des méthodes d’enseignement de celui‑ci était considéré comme des conseils donnés à un collègue plutôt que comme des instructions données par l’employeur à un employé. L’avocate a soutenu qu’au cas où la Cour hésiterait à conclure que M. Sheppard était membre d’une société de personnes, la preuve révélait qu’il n’était pas un employé de PDL, mais qu’il avait fourni ses services à titre d’entrepreneur indépendant. L’avocate a souligné que M. Sheppard envoyait une facture mensuelle à PDL et elle a affirmé que c’était simplement parce que PDL possédait un compte bancaire qu’il était pratique pour Mme Hall d’utiliser ce compte afin de gérer les finances de TLC.

 

[12]    La première question à examiner se rapporte à la présumée société de personnes. En effet, M. Sheppard, s’il fournissait ses services dans le cadre de cette structure commerciale, ne pouvait pas être un employé exerçant un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension auprès de PDL, et ce, même si, en théorie, c’était PDL qui était membre de la société de personnes plutôt que Mme Hall en sa qualité personnelle.

 

[13]    Les articles 2 et 4 de la Partnership Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 348, prévoient ce qui suit :

 

[traduction]

2. L'expression « partnership » (société de personnes) désigne la relation qui existe entre des personnes exploitant une entreprise en commun en vue de réaliser un profit.

 

[...]

 

4. Lorsqu'il s'agit de déterminer si une société de personnes existe ou non, il faut tenir compte des règles suivantes :

 

a) en soi, la tenance conjointe, la tenance commune, la propriété conjointe, la propriété commune ou la propriété partiaire ne créent pas une société de personnes à l'égard d'un bien que l'on détient ainsi ou dont on est ainsi propriétaire, que les tenants ou propriétaires partagent ou non quelques bénéfices réalisés grâce à l'utilisation du bien;

 

b) en soi, le partage de recettes brutes ne crée pas une société de personnes, que les personnes partageant les recettes aient ou non un droit ou intérêt conjoint ou commun sur le bien duquel ou de l'utilisation duquel les recettes sont tirées;

 

c) en l'absence de preuve du contraire, le fait de recevoir une part des bénéfices d'une entreprise prouve qu'une personne est associée dans l'entreprise, mais, en soi, le fait de recevoir une part des bénéfices d'une entreprise, un paiement subordonné à la réalisation de tels bénéfices ou un paiement variant selon les bénéfices réalisés ne fait pas d'une personne un associé dans l'entreprise, et notamment :

 

(i) la réception par une personne du paiement d’une créance ou d’une autre somme déterminée, sous forme de versements ou autrement, sur les bénéfices que réalise une entreprise ne fait pas, en soi, de cette personne un associé dans cette entreprise et ne lui impose à ce titre aucune responsabilité,

 

(ii) un contrat prévoyant la rémunération d’un employé ou d’un mandataire d’une personne qui exploite une entreprise, par une quote‑part des bénéfices réalisés par cette entreprise ne fait pas, en soi, de cet employé ou de ce mandataire un associé dans cette entreprise et ne lui impose à ce titre aucune responsabilité,

 

(iii) l’époux ou l’enfant d’un associé décédé qui reçoit sous forme de rente une fraction des bénéfices provenant de l’entreprise dans laquelle la personne décédée était associée n’est pas, de ce seul fait, un associé dans cette entreprise et n’a à ce titre aucune responsabilité,

 

(iv) le fait que des fonds soient avancés sous forme de prêt à une personne qui exploite ou s’apprête à exploiter une entreprise suivant un contrat passé avec cette personne et prévoyant que le prêteur touchera un taux d’intérêt variant en fonction des bénéfices, ou recevra une quote‑part des bénéfices provenant de l’entreprise, ne fait pas, en soi, du prêteur un associé de la personne qui exploite cette entreprise et ne lui impose à ce titre aucune responsabilité, à condition qu’il s’agisse d’un contrat écrit et signé par toutes les parties au contrat ou pour leur compte,

 

(v) la personne qui reçoit, sous forme de rente ou autrement, une fraction des bénéfices d’une entreprise à titre de contrepartie pour la vente par elle de l’achalandage de l’entreprise n’est pas, de ce seul fait, un associé dans cette entreprise et n’a à ce titre aucune responsabilité.

 

[14]    Dans les arrêts Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367 et Spire Freezers Ltd. c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 391, la Cour suprême du Canada a énoncé, dans le contexte d’appels de nature fiscale, l’approche qu’il convient d’adopter pour déterminer l’existence d’une société de personnes. Dans l’arrêt Backman, précité, paragraphe 17, les juges Iacobucci et Bastarache ont conclu qu’il existe  une société de personnes s’il est satisfait aux éléments essentiels prévus par la loi provinciale pertinente.

 

[15]    L’article 2 de la Partnership Act de la Colombie‑Britannique définit la société de personnes (la société en nom collectif) comme étant « la relation qui existe entre des personnes exploitant une entreprise en commun en vue de réaliser un profit ». Par conséquent, les décisions rendues par la Cour suprême dans les affaires Continental Bank, paragraphe 22, Backman et Spire Freezers, précitées, confirmaient que les trois éléments essentiels d’une société de personnes sont les suivants : (1) une entreprise, (2) exploitée en commun, (3) en vue de réaliser un bénéfice.

 

[16]    Aux paragraphes 25 et 26 de l’arrêt Backman, précité, les juges Iacobucci et Bastarache ont énoncé l’analyse que les tribunaux doivent effectuer pour déterminer l’existence d’une société de personnes :

 

25        Conformément à l’observation suivante, énoncée dans Lindley &  Banks on Partnership, op. cit., p. 73, et adoptée dans Continental Bank, précité, par. 23 :  [traduction] « pour déterminer l’existence d’une société en nom collectif [. . .] il faut tenir compte du contrat et de l’intention véritables des parties ressortant de l’ensemble des faits de l’affaire ».  En d’autres termes, pour statuer sur l’existence d’une société de personnes, les tribunaux doivent se demander si la preuve documentaire objective et les circonstances de l’affaire, notamment les actes concrets des parties, sont compatibles avec l’existence d’une intention subjective d’exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice.

 

26        Les tribunaux doivent se montrer pragmatiques dans l’examen des trois éléments essentiels d’une société de personnes.  Pour déterminer si une telle société a été établie dans une affaire donnée, il faut analyser et soupeser les facteurs pertinents eu égard à toutes les circonstances.  Le fait que l'existence de la prétendue société de personnes doive être examinée au regard de l’ensemble des circonstances est incompatible avec l’application mécanique d’une liste de contrôle ou d’un critère comportant des paramètres définis de façon plus précise.

 

[17]    La Partnership Act de la Colombie‑Britannique, à l’article 6, définit le mot [traduction] « entreprise » comme s’entendant notamment d’un commerce, d’une occupation ou d’une profession.

 

[18]    Dans l’arrêt Backman, précité, la Cour suprême du Canada a expliqué, au paragraphe 20, ce qu’il faut pour satisfaire aux exigences d’une « entreprise » :

 

20                L’existence d’une société de personnes valable ne dépend pas de la création d’une nouvelle entreprise, car il suffit qu’une entreprise qui existait déjà ait été maintenue.  Une telle société peut être formée lorsque deux parties conviennent d’exploiter ensemble l’entreprise que l’une d’elles possède déjà.  Il n’est pas nécessaire d’établir que les associés ont exploité une entreprise pendant une longue période.  Une société de personnes peut être créée en vue d’une seule opération.  Comme l’a souligné notre Cour dans l’arrêt Continental Bank, précité,  par. 48, « [t]ant que les parties ne créent pas l’équivalent d’une coquille vide qui n’exploite dans les faits aucune entreprise, le fait que la société en nom collectif ait été créée pour une seule opération est sans conséquence. »  En outre, pour établir qu’il y avait exploitation d’une entreprise, il n’est pas nécessaire de démontrer que les parties tenaient des réunions, faisaient de nouvelles opérations ou prenaient des décisions :  Continental Bank, précité, par. 31-33.  On peut établir une entreprise même dans des circonstances où l’unique activité de celle-ci consiste à accepter passivement des revenus de location, [...]                                                [Non souligné dans l’original.]

 

[19]    Quant à l’exigence voulant que l’entreprise soit exploitée « en commun », la Cour suprême, dans l’arrêt Backman, précité, a donné les explications suivantes :

 

21        Pour déterminer si une entreprise est exploitée « en commun », il faut se rappeler qu’une société de personnes naît d’un contrat.  L’objectif commun nécessaire à l’établissement d’une société de personnes sera habituellement présent lorsque les parties auront conclu un contrat de société valide énonçant leurs droits et obligations respectifs en tant qu’associés.  Comme il a été souligné dans l’arrêt Continental Bank, précité, par. 34-35, la reconnaissance du pouvoir de tout associé de lier la société est certes pertinente, mais le fait que la gestion de celle-ci ait été confiée à un seul associé n’oblige pas à conclure que l’entreprise n’était pas exploitée en commun.  Cette constatation est confirmée dans Lindley & Banks on Partnership (17e éd. 1995), p. 9, où l'on mentionne qu’une ou plusieurs parties peuvent, dans les faits, gérer l’entreprise pour leur propre compte et celui des autres parties sans pour autant menacer le statut juridique de l’arrangement.  Ce fait peut être pertinent si les parties se sont présentées à des tiers comme étant des associés, tout comme peut l’être le fait pour les parties de ne pas se présenter comme tel. Parmi les autres éléments de preuve qui sont compatibles avec l’intention d’exploiter l’entreprise en commun, mentionnons les suivants :  apport à l’entreprise commune sous forme d’habiletés, de connaissances ou de biens, propriété conjointe de l’objet de l’entreprise, partage des profits et des pertes, production de déclarations de revenus à titre de société de personnes, existence d’états financiers et de comptes bancaires conjoints et échange de correspondance avec des tiers :  voir Continental Bank, précité, par. 24 et 36.

 

[20]    En ce qui concerne l’exigence voulant qu’un bénéfice soit réalisé, la Cour suprême, dans l’arrêt Backman, précité, a conclu qu’il faut examiner l’intention des parties en cause :

 

22        Pour déterminer si une entreprise est exploitée « en vue de réaliser un bénéfice », il faut se demander quelles étaient les intentions des parties lorsqu’elles auraient formé la société de personnes.  Il importe au départ de distinguer la motivation de l’intention.  La motivation est ce qui pousse la personne à agir, alors que l’intention est l’objectif ou la fin que vise l’acte qui a été accompli.  À maintes reprises, notre Cour a jugé qu’une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’opérations faites à des fins fiscales [...]. De même, une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’une société de personnes lorsque les éléments essentiels d’une telle société sont réunis [...]. À ce stade‑ci, la question est de savoir si le contribuable peut établir qu’il avait l’intention de réaliser un bénéfice, peu importe s’il était motivé par des considérations fiscales.  [Non souligné dans l’original.]

 

[21]    De plus, la Cour a conclu qu’il suffit pour un contribuable de démontrer l’existence d’un « objectif accessoire visant la réalisation d’un bénéfice » :

 

24        Un objectif accessoire est, par définition, un objectif subordonné ou de moindre importance.  Les tribunaux appelés à décider s’il y avait intention de réaliser un bénéfice ne doivent pas adopter ou utiliser une analyse purement quantitative.  Le montant du bénéfice escompté n’est qu’un des divers facteurs à considérer.  Le droit relatif aux sociétés de personnes n’exige pas la réalisation d’un gain net pendant une période déterminée afin d’établir qu’une activité est exercée dans le but de réaliser un bénéfice. Par exemple, une société de personnes peut subir des pertes lors du démarrage de son entreprise. Cela ne signifie pas que la relation qui existe n’est pas une société de personnes, pourvu toujours que l’entreprise soit exploitée dans le but de réaliser un bénéfice dans le futur. En conséquence, lorsque le motif prédominant de la création d’une société de personnes est l’acquisition d’une perte fiscale, le contribuable n’a pas à établir qu’il avait l’intention de réaliser un bénéfice suffisant pour effacer les pertes acquises ou produire un gain net.                      [Non souligné dans l’original.]

 

[22]    Il n’existait aucun élément de preuve indépendant digne de foi révélant que Mme Hall, M. Sheppard et M. Norton avaient l’intention d’agir à titre d’associés au cours de la période pertinente. Sauf pour le témoignage de Mme Hall, la preuve ne permet pas de conclure que M. Norton agissait comme s’il était membre d’une société de personnes plutôt que comme s’il participait volontairement à une entreprise. M. Norton fournissait ses services à temps partiel, il facturait PDL au taux quotidien de 200 $ en utilisant le nom TN Research et il était rémunéré par PDL. Compte tenu des faits dans leur ensemble, il est évident que M. Sheppard voulait participer à l’entreprise en tant que collègue dans le cadre d’une nouvelle expérience éducative lui permettant de combiner ses compétences d’enseignant connaissant bien la méthode Waldorf et celles de Mme Hall, qui était agréée pour la méthode Davis. La preuve montre clairement que M. Sheppard n’avait pas songé à former une société de personnes étant donné qu’il voulait absolument toucher initialement un salaire annuel de 60 000 $, à condition de recevoir, en argent ou au moyen de certains avantages, un montant additionnel de 5 000 $ au cours de l’année suivante. M. Sheppard ne s’occupait aucunement des finances, mais il savait qu’au mois d’octobre 2006, l’école ne comptait que quatre élèves et que le montant combiné de leurs frais de scolarité n’était que de 3 600 $ par mois. Mme Hall estimait que M. Sheppard pourrait devenir un employé ou un entrepreneur indépendant une fois que TWDS s’occuperait de l’exploitation de TLC, mais la seule personne qui avait un rôle, pour ce qui est de la gestion financière et du paiement des dépenses, et notamment du loyer afférent à Klee Wyck House et des factures soumises par M. Sheppard et par M. Norton, était Mme Hall par l’entremise de PDL, la société que celle‑ci possédait à cent pour cent. Rien ne montre que Mme Hall, M. Sheppard et M. Norton se soient présentés comme étant des associés au sens juridique du terme; il n’y avait aucune documentation, sous la forme d’un contrat de société de personnes valide, ni aucune preuve orale qui soit compatible avec l’intention d’exploiter l’entreprise en tant que société de personnes. Rien n’indique qu’au cours des réunions qui ont eu lieu avec les parents, Mme Hall ait divulgué que M. Sheppard était un associé. Il a plutôt été question d’agréer les demandes des parents, qui voulaient que M. Sheppard soit congédié à cause du comportement qu’il avait affiché en classe. Or, Mme Hall ne croyait pas que la conduite reprochée était suffisante pour justifier [traduction] « un renvoi immédiat ». Le sens des courriels échangés, au cours de la période pertinente, entre Mme Hall et M. Sheppard ainsi qu’entre Mme Hall et d’autres personnes n’est pas compatible avec le comportement de personnes associées dans une entreprise commerciale, et ce, malgré certaines tentatives faites après coup par M. Norton et par Mme Hall, au moyen de lettres ou de courriels, pour qu’il en soit ainsi. Il n’existe aucune preuve d’intention de la part de M. Sheppard ou de M. Norton ni de mesures compatibles avec pareille intention, à savoir que ces derniers soient rétribués à l’égard des services fournis en touchant une partie des bénéfices réalisés par TLC, qui n’existait que nominalement pour décrire l’expérience qui était faite sur le plan de l’éducation et qui n’était pas une personne juridique.

 

[23]    L’examen de la preuve révèle qu’il n’existait aucune possibilité de tirer un bénéfice de l’entreprise, telle qu’elle était structurée; il n’y avait pas non plus de plan d’entreprise susceptible de générer des bénéfices dans l’avenir. Mme Hall avait l’intention de négocier l’acquisition de TLC par TWDS, une société sans but lucratif qu’elle avait fondée et dans laquelle elle était encore membre du conseil d’administration. Une fois l’entreprise incorporée dans la société, qui bénéficiait du statut d’organisme de bienfaisance, la possibilité de réaliser un bénéfice n’existerait pas en soi, mais TWDS pourrait embaucher Mme Hall ainsi que MM. Sheppard et Norton afin de fournir leurs services, à titre d’employés, comme dans le cas de M. Sheppard, ou bien rémunérer Mme Hall et M. Norton pour leurs services par l’entremise de PDL et de TN Research, respectivement. Le compte de TWDS ne renfermait pas de fonds adéquats afin de financer l’exploitation continue de TLC et les vœux et espoirs qu’un chevalier blanc bien nanti puisse sauver l’entreprise expérimentale était tout à fait irréaliste, comme le démontrait le fait qu’au moins l’un des parents des quatre élèves inscrits à l’école avait cessé de fournir un financement provisoire.

 

[24]    Les discussions qui ont eu lieu entre Mme Hall et M. Sheppard sur le traversier ainsi que les rencontres ultérieures que ceux‑ci ont eues avec M. Norton démontrent qu’il y avait au mieux un consensus selon lequel ils devaient prendre d’autres dispositions leur permettant de poursuivre leur but commun, à savoir offrir aux parents, en matière d’éducation, une solution de rechange pour leurs enfants. Leur conduite subséquente, entre le 1er septembre 2006 et le 17 janvier 2007, n’indiquait pas qu’ils avaient l’intention de transformer leur relation, dans le cadre de laquelle ils partageaient leurs théories éducatives, en une relation comportant les conséquences juridiques découlant de l’existence d’une société de personnes valide. Au 2 février 2007, Mme Hall avait préparé une lettre, onglet 28, dans laquelle elle annonçait que PDL avait mis fin à ses activités le 31 janvier 2007. Dans une lettre en date du 31 janvier 2007 adressée à M. Sheppard, onglet 24, Mme Hall déclarait ce qui suit, dans la deuxième phrase du premier paragraphe :

 

[traduction] [...] Nous nous sommes tous deux, avec Tyler Norton, (le corps enseignant) lancés dans l’inconnu à titre d’associés nominaux (puisque l’accord ne prévoyait pas de mises de fonds) et j’ai accepté de diriger TLC sous l’égide de mon entreprise existante, Positive Dyslexia Ltd., tant que The Whole Dyslexic Society ne serait pas en mesure d’assumer l’exploitation de TLC.

 

[25]    Selon mon appréciation de la preuve, cette déclaration dépeint avec exactitude les événements qui se sont produits, parce que l’inconnu est demeuré tel et que Mme Hall a continué à exploiter l’entreprise de PDL qui, au 1er septembre 2006, incluait également TLC.

 

[26]    Le témoignage de M. Sheppard révèle que la façon dont celui‑ci envisageait les dispositions prises avec Mme Hall et avec M. Norton est compatible avec deux des définitions du mot « partner » (associé) figurant dans le Canadian Oxford Paperback Dictionary, Oxford University Press Canada, 2000 :

 

[traduction]

associé : 1a personne, organisation, pays, etc. qui prend part, avec une autre personne ou avec d’autres personnes, à une activité. (partenaires commerciaux du Canada) b personne qui est associée à une autre personne ou à d’autres personnes dans l’exploitation d’une entreprise et en partage les risques et les bénéfices. 2 collègue ou collaborateur.

 

[27]    De toute évidence, M. Sheppard se considérait simplement comme un enseignant qualifié fournissant ses services en échange d’un paiement mensuel et il n’avait pas l’intention de participer à titre d’associé à une entreprise dans le cadre de laquelle les risques et les bénéfices seraient partagés.

 

[28]    Je conclus qu’au cours de la période pertinente, TLC n’était pas une société de personnes et que, contrairement à ce que le ministre a supposé et à ce qui est énoncé dans la réponse, l’appelant, Mme Hall et M. Norton ne s’étaient pas établis à titre d’associés, à parts égales ou autrement, dans l’entreprise de TLC.

 

[29]    Cela ne met pas pour autant fin à l’affaire. Dans les arrêts Canada c. Succession Schnurer (C.A.), [1997] 2 C.F. 545 et Schnurer c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1997] A.C.F. no 121, dossier du greffe : A‑315‑96, la Cour d’appel fédérale a traité de l’obligation d’un juge de la Cour de l’impôt, dans le cadre de l’appel d’une décision fondée sur l’article 70 de la Loi sur l’assurance‑chômage, lequel a été remplacé par l’article 103 de la Loi. Le juge en chef Isaac, au nom de la Cour, a dit ce qui suit, au paragraphe 16 :

 

[…]

 

Avec respect, je suis d'avis que le juge suppléant de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit en concluant que la requérante ne pouvait s'appuyer à la fois sur l'alinéa 3(1)a) et sur l'alinéa 3(2)c) pour répondre à l'appel formé à l'encontre du règlement de la question par le ministre. La jurisprudence établie par la présente Cour démontre clairement que, dans le cadre d'un appel fondé sur l'article 70, la Cour de l'impôt doit s'attacher à la validité du règlement du ministre et non pas à la validité des motifs précis invoqués par le ministre, ou aux paragraphes de la Loi sur l'assurance-chômage sur lesquels il s'appuie pour régler la question. Comme l'a indiqué le juge Desjardins dans Procureur général du Canada c. Barrette, « Ce qui importe est la conclusion à laquelle en arrive le ministre et non les articles de la Loi sur lesquels il s'appuie ». De même, dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Doucet, le juge Marceau déclare ce qui suit :

 

C'est la détermination du ministre qui était mise en cause devant le juge, et cette détermination était strictement à l'effet que l'emploi n'était pas assurable. Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après, le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit, et ainsi le veulent d'ailleurs les principes de révision judiciaire et d'appel qui exigent de ne pas confondre le dispositif d'une décision qui seul est directement remis en question et les motifs invoqués à son soutien.

 

[30]    Le ministre n’a pas envisagé la chose en rendant sa décision et la question n’a pas été directement traitée dans la réponse, mais la réponse renferme certaines hypothèses se rapportant à la question de savoir si M. Sheppard fournissait ses services à PDL à titre d’employé ou s’il le faisait à titre d’entrepreneur indépendant. Il s’agit des hypothèses suivantes :

 

[traduction]

 

11.       [...]

 

f)                    le payeur n’exerçait pas de contrôle sur les services fournis par l’appelant;

 

g)                  l’appelant décidait de ses heures de travail;

 

h)                  l’appelant a négocié sa rémunération globale avec le payeur;

 

i)                    l’appelant facturait ses services au payeur;

 

j)                    le payeur n’effectuait pas de retenues sur la paie de l’appelant;

 

k)                  au cours de la période en cause, l’appelant était libre d’enseigner ailleurs;

 

l)                    l’appelant n’a pas reçu de formation du payeur;

 

m)                l’appelant n’était pas supervisé;

 

n)                  l’appelant décidait du programme, du contenu, des heures et des méthodes disciplinaires employées et c’est lui qui avait le dernier mot à l’égard des élèves.

 

[31]    Dans plusieurs affaires récentes, et notamment dans Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet v. The Minister of National Revenue – M.N.R., 2006 DTC 6323 (« Royal Winnipeg Ballet »), Vida Wellness Corp. (Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570 et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, la question ne se posait pas puisque les parties avaient clairement exprimé leur intention mutuelle, à savoir que le fournisseur de services agirait à titre d’entrepreneur indépendant plutôt qu’à titre d’employé. Or, ce n’est pas ici le cas puisque M. Sheppard et Mme Hall ne se sont pas penchés sur la question, si ce n’est que Mme Hall prévoyait que M. Sheppard aurait la possibilité de fournir ses services à titre d’employé ou à titre d’entrepreneur indépendant une fois que TWDS assumerait le contrôle de l’exploitation de TLC.

 

[32]    Dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 – (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire de responsabilité du fait d’autrui; en examinant diverses questions pertinentes, la cour s’est également vue obligée de se demander ce qu’est un entrepreneur indépendant. Les motifs de jugement de la cour ont été rendus par le juge Major, qui a examiné l’évolution de la jurisprudence dans le contexte de l’importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, telle qu’elle se rapportait à la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après s’être référé aux motifs rendus par le juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1986] 2 C.T.C. 200, et à la mention du critère d’organisation qui y était faite, ce critère ayant été énoncé par lord Denning, ainsi qu’à la synthèse effectuée par le juge Cooke dans l’arrêt Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major a dit ce qui suit aux paragraphes 47 et 48 :

 

47        Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante.  La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.  Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur.  Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48                Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer.  Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[33]    J’examinerai les faits de la présente affaire par rapport aux indices que le juge Major a énoncés dans l’arrêt Sagaz, précité.

 

Le degré de contrôle

 

[34]    M. Sheppard était un enseignant qualifié comptant 20 années d’expérience, notamment à l’école Waldorf de Vancouver, et Mme Hall n’avait pas les qualifications voulues pour être agréée par le BCCT, mais elle était agréée par l’organisation compétente à titre de facilitatrice à l’égard de la méthode Davis. Il ressort de l’ensemble de la preuve, et notamment des courriels, que Mme Hall agissait à titre d’administratrice de TLC et qu’en cette qualité, elle n’hésitait pas à exprimer son opinion au sujet de certaines des méthodes d’enseignement de M. Sheppard. Mme Hall avait pris des dispositions pour que M. Tongue, le conseiller qui fournissait ses services à titre de directeur de TLC, observe M. Sheppard dans la salle de classe. La déclaration de Mme Hall selon laquelle M. Tongue devait agir uniquement à titre d’intermédiaire entre le corps enseignant composé de trois personnes et les parents des quatre élèves ne me semble pas raisonnable. Le comportement de Mme Hall, lors de la rencontre des parents, le 14 janvier 2007, comme le révèle son courriel, onglet 23, n’est pas compatible avec le cas dans lequel un associé discute de la conduite d’un autre associé, mais indique plutôt un supérieur qui examine les plaintes formulées au sujet de la conduite d’un subalterne et qui les soupèse ensuite afin de décider si cette personne doit être renvoyée. M. Sheppard estimait qu’une fois qu’il avait commencé à enseigner à TLC, au mois de septembre et par la suite, il était assujetti au contrôle de Mme Hall, qui émettait chaque mois en sa faveur des chèques de paie tirés sur le compte de PDL.

 

La fourniture de matériel ou d’assistants

 

[35]    M. Sheppard utilisait son propre matériel dans la salle de classe, mais dans la preuve il n’a pas été fait mention du coût ni de la mesure dans laquelle il le faisait. Étant donné que M. Sheppard avait enseigné pendant bien des années en employant la méthode Waldorf, il est raisonnable de supposer qu’il avait déjà en sa possession une bonne partie du matériel qu’il utilisait. M. Sheppard n’avait pas à engager d’assistants ou à fournir de matériel.

 

L’étendue des risques financiers et la responsabilité quant aux mises de fonds et à la gestion

 

[36]    M. Sheppard n’avait pas investi d’argent dans l’entreprise de TLC. Il savait qu’il enseignerait dans une nouvelle école privée comportant une composante expérimentale, mais il n’a pas porté énormément d’attention à la sécurité ce poste jusqu’au mois de décembre, lorsque ses services n’ont pas été payés au complet. À la fin du mois de janvier 2007, M. Sheppard regrettait probablement de ne pas avoir obtenu d’emploi dans une école privée établie ou dans une école publique de la région métropolitaine de Vancouver, mais Mme Hall lui avait assuré qu’elle étudiait diverses possibilités afin de garantir la stabilité financière future de TLC. M. Sheppard n’était pas tenu de gérer de membres du personnel, mais il participait aux réunions avec Mme Hall et avec M. Norton, lorsqu’il s’agissait de discuter de l’établissement des horaires, des activités de classe, de la communication avec les parents et d’autres questions se rattachant à l’exploitation de TLC.

 

La possibilité de réaliser un bénéfice dans le cadre de l’exécution des tâches

 

[37]    M. Sheppard n’avait aucune possibilité de tirer profit de l’exécution de sa tâche d’enseignant, à TLC. Il voulait absolument toucher une rétribution annuelle d’au moins 60 000 $, qu’il s’est efforcé à plusieurs reprises de qualifier de salaire, au taux mensuel de 5 000 $. M. Sheppard n’aurait eu aucune possibilité de réaliser un bénéfice si la société avait pris en charge l’exploitation continue de TLC; toutefois, si la société avait eu suffisamment d’argent ou les moyens de se procurer des fonds, cela lui aurait assuré une certaine sécurité jusqu’à la fin de l’année scolaire. Malheureusement, la société ne possédait pas suffisamment de fonds et avait en outre refusé de participer à l’exploitation de TLC. Cela mis à part, M. Sheppard n’avait pris avec Mme  Hall et avec M. Norton aucune véritable disposition lui permettant de faire un profit, même dans le cas où Mme Hall aurait réussi à répéter l’expérience de TLC ailleurs et à obtenir un avantage financier grâce à quelque accord de franchise ou à quelque entente sur des redevances.

 

[38]    Mme Hall a décidé d’utiliser PDL comme véhicule par lequel les services d’enseignant de M. Sheppard pouvaient être obtenus, et retenus, pour les besoins de l’entreprise de TLC. Au départ, il n’existait aucune intention selon laquelle M. Sheppard devait fournir ses services d’enseignant à titre d’entrepreneur indépendant, et une analyse des indices pertinents mentionnés dans l’arrêt Sagaz, précité, permet de conclure à l’existence d’une relation employeur‑employé entre PDL et M. Sheppard.

 

[39]    Je conclus qu’au cours de la période pertinente, M. Sheppard était un employé de PDL et que les appels doivent être accueillis. Les deux décisions du ministre sont modifiées, de façon qu’il soit conclu que :

 

M. Sheppard exerçait un emploi assurable et un emploi ouvrant droit à pension auprès de Positive Dyslexia Ltd. du 1er septembre 2006 au 17 janvier 2007.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de février 2009.

 

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2008.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI97

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2008-1601(EI); 2008‑1602(CPP)

 

INTITULÉ :                                       MARK SHEPPARD c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 18 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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