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Dossier : 2006-884(IT)G

ENTRE :

RICHARD HÉBERT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 10 décembre 2007, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Robillard

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

 

 

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000 est accueilli, selon les motifs du jugement ci-joints, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que :

 

a)    le revenu additionnel indiqué dans les cotisations doit être réduit de :

 

 

1998

1999

2000

 

 

 

 

Dépôts Banque Nationale

4 892,00 $

1 903 $

1 971 $

Caisse populaire ***1

724,80 $

Caisse populaire ***4

4 712 $

 

 

 

 

Réduction totale du revenu additionnel

 

5 616,80 $

 

1 903 $

 

6 683 $

 

b)    les montants assujettis à la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) sont de :

 

1998

1999

2000

 

 

 

10 894 $

12 381 $

26 680 $

 

c)    les dépenses de l’appelant doivent être augmentées de :

 

 

1998

1999

2000

 

 

 

 

Téléphone cellulaire

422,93 $

435,22 $

354,54 $

Deuxième ligne — maison

397,35 $

353,00 $

350,10 $

 

 

 

 

Augmentation totale des dépenses

 

820,28 $

 

788,22 $

 

704,64 $

 

          Le ministre aura deux tiers de ses frais.

         

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 2009.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 


 

 

 

Référence : 2009 CCI 124

Date : 20090226

Dossier : 2006-884(IT)G

ENTRE :

RICHARD HÉBERT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

[1]              L’appelant appelle de nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000. L’appelant est notaire. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’endroit de l’appelant, a inclus des revenus que le ministre prétend être des revenus non déclarés, a refusé certaines dépenses réclamées et a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

 

[2]              En ce qui concerne les revenus bruts, le ministre a décidé de mener une vérification en utilisant la méthode de l’analyse des dépôts bancaires. Cette méthode suppose que les dépôts sont des revenus à moins qu’il y ait une autre explication.

 

[3]              La cotisation a été modifiée de façon importante au cours de la vérification et de l’opposition. Le tableau ci-dessous résume les montants des dépôts que le ministre considère être un revenu, les comptes où les dépôts ont été faits ainsi que les montants des dépenses refusées et leur nature. Ce tableau tient compte des rajustements faits au stade de l’opposition.

 

1998

1999

2000

 

 

 

 

Honoraires professionnels non déclarés

 

 

 

 

 

 

 

Banque Nationale

    4 892 $ (*)

   1 903 $ (*)

    1 971 $ (*)

Caisse populaire ***6

    9 890 $ (*)

   9 450 $ (*)

    8 696 $ (*)

Caisse populaire ***1

  14 229 $ (*)

   2 931 $ (*)

    1 158 $ (*)

Caisse populaire ***4

 

 

  21 538 $ (*)

 

 

 

 

Dépenses refusées

 

 

 

 

 

 

 

Frais de repas

       201 $

      189 $

       419 $

Frais d’automobile

    3 760 $

   2 606 $

    2 392 $

Services publics

    2 303 $

   2 243 $

    1 322 $

Autres dépenses

    3 528 $

   2 745 $

    3 768 $

 

 

 

 

Amortissement

    2 763 $

   3 673 $

    4 831 $

 

 

 

 

Total des redressements

  41 566 $

25 740 $

   46 095 $

 

 

 

 

(*) montant assujetti à la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la LIR

 

Tel qu’il est indiqué au tableau, le ministre a imposé une pénalité sur les revenus additionnels en litige. Aucune pénalité n’a été imposée relativement aux dépenses refusées.

 

[4]              Les comptes nos ***6 et ***4 de la caisse populaire sont des comptes différents à la Caisse populaire de Pointe-aux-Trembles. Le compte no ***4 est en dollars américains. Le compte no ***1 de la caisse populaire est à la Caisse populaire de Tétreauville. Ci-dessous il y aura mention d’un chèque tiré sur un autre compte à la Caisse populaire Ste-Claire.

 

Les faits

 

[5]              Je vais examiner un à un les faits et motifs invoqués par l’appelant à l’encontre des cotisations.

 

Les dépôts de 21 538 $CAN (14 714 $US) effectués le 13 avril 2000

 

[6]              Les montants les plus importants ajoutés au revenu sont des montants totalisant 21 538 $CAN (14 714 $US) déposés au compte no ***4, un compte en dollars américains.

 

[7]              Ces montants étaient en dollars américains un dépôt de 4 500 $, un dépôt de 54 $ et un virement de 10 160 $ provenant du compte en fiducie de l’appelant[1].

 

[8]              Selon l’appelant, M. Serge Gibeau, qu’il connaissait depuis longtemps, est venu le voir. L’appelant a témoigné ce qui suit[2] :

 

[…] Il me dit, écoute, il dit, j'ai fait une petite transaction dans les Bahamas et je veux investir davantage. Là il me conte son histoire et il me dit, j'ai des fonds canadiens pour le moment à envoyer là-bas. J'ai dit, il n'y a pas de problème.

 

Sauf que là, à un moment donné, vu que ça datait pas tellement longtemps en avant, j'ai dit, écoute, il n'y a pas de problème, j'ai encore un compte en devises américaines. Ça fait que là il a fait un dépôt dans mon compte en fidéicommis général en canadiens de... bien là, l'équivalent, là, je ne pourrais pas vous le dire, là, mettons 14 000 quelques dollars canadiens. Et il dit, est-ce qu'on pourrait transférer ça tout de suite à, je pense, St. Moritz Club, une affaire comme ça.

 

Bien là j'ai dit, écoute, aujourd'hui ça ne m'adonne pas parce que j'avais du bureau toute la journée. On a reporté ça dans les jours suivants ouvrables, là, et entre-temps, lui il avait collecté des fonds de ses enfants, ses deux fils, sa femme, son beau-frère, ses amis, c'était... ça devait être une opportunité, là, d'une rentabilité effrayante, ça fait que j'ai dit, écoute, si tu veux, viens me rejoindre à la Caisse, mettons, bien, le jour ce n'est pas mêlant, c'est le treize (13) avril 2000, puis j'ai dit on complétera ça.

 

Entre-temps, quand il est arrivé le matin même, il avait réussi à ramasser encore d'autres fonds. Cette fois-là, par exemple, il avait été plus prévenant, qui étaient en devises américaines, et lui a... bien, c'est-à-dire, il m'a remis des chèques qui ont été déposés dans mon compte, plus moi j'ai fait le transfert de ce qu'il m'avait remis du compte en fidéicommis général à ce compte-là pour finalement faire un transfert de fonds de 14 500 $ à, je peux vous le dire, c'est St. Moritz Holdings Limited avec SUB... la Banque UBS, Stamford (inaudible) Connecticut. Probablement que le transfert se faisait par là.

 

Alors ça, ça a été fait dans le cours de mes activités de notaire. Ça touche la comptabilité in trust qui à ce moment-là... en fidéicommis qui n'est pas rattachée à ma comptabilité personnelle donc je ne vois absolument pas le lien là-dedans. Et d'ailleurs j'ai soumis un affidavit de monsieur Gibeau qui vient carrément dire que ce sont des fonds qu'il m'a demandé de faire transférer pour lui à un club de placement à l'extérieur.

 

[9]              À l’appui de son témoignage, l’appelant a présenté une déclaration assermentée de M. Gibeau en date du 18 novembre 2004[3]. M. Gibeau n’a pas témoigné. La déclaration du 18 novembre 2004 dit :

 

-     En 2000, j’ai conjointement avec mon épouse effectué un placement suite aux conseils d’amis et connaissances du Québec, le tout dans des effets bancaires.

-     Ce placement était pour une somme de $14,500.00 en devises américaines (plus $55.00US de frais de transfert bancaire), soit une somme approximative de $21,000.00 en fonds canadiens.

-     Lorsque j’ai fait part de mes intentions d’investir cette somme de $14,500.00 US, on m’a alors informé que ces fonds devaient être transférés aux Bahamas, à la demande expresse des conseillers rattachés à ce projet d’investissement.

-     Me Richard Hébert étant alors mon notaire depuis plus de trente ans, je lui ai demandé s’il pouvait m’aider à effectuer ce transfert de fonds pour les Bahamas, n’ayant pas, ni moi ou mon épouse, de compte de banque en fonds américains.

-     Ce service fut demandé à Me Hébert suite au fait que nous nous connaissions depuis 1970 alors que je travaillais pour la ville de Pointe-aux-Trembles et qu’il s’occupait de toutes mes transactions et documents personnels.

-     Aucun honoraire ne fut réclamé par Me Hébert pour le service ainsi rendu.

-     Le 13 avril 2000, j’ai alors rencontré en personne Me Hébert à la Caisse Populaire de Pointe-aux-Trembles, sise au coin de la rue Notre-Dame est et du Boulevard St-Jean-Baptiste et, après avoir obtenu le taux de conversion alors en vigueur, je lui ai remis une somme en fonds canadien [sic] équivalant à $14,500.00 US, tel que j’avais convenu de transférer à Nassau, aux Bahamas, pour effectuer le placement prévu.

-     J’ai assisté au déroulement de toute la transaction en présence de Me Hébert, et à ma demande ces fonds ont été transférés à Nassau, aux Bahamas, à l’ordre de St-Moritz Holdings Ltd.

-     Ce transfert de fonds a été effectué à ma demande et ce dans le but de faire un placement personnel avec mon épouse.

 

[10]         Le dépôt de 4 500 $ provient de deux traites bancaires de 2 000 $US et de 2 500 $US de la Banque Nationale du Canada[4].

 

[11]         La page 1 de la pièce A-4 est une demande de transfert de fonds en date du 13 avril 2000 pour un montant de 14 500 $US. L’expéditeur indiqué est l’appelant. L’institution bancaire où l’argent est expédié est UBS (Bahamas) Ltd. à Stamford, au Connecticut. Le bénéficiaire du paiement est St-Moritz Holdings Ltd. Le nom de M. Gibeau n’apparaît pas sur ce document.

 

[12]         Le vérificateur a confirmé que le transfert provenait du compte en fidéicommis. Par contre, il n’y a aucune preuve documentaire relative au compte en fidéicommis et à l’origine du montant de 10 160 $US.

 

[13]         Je n’accepte pas la preuve de l’appelant relative à ce dépôt, car il est impossible de réconcilier son témoignage et la déclaration de M. Gibeau. D’une part, la déclaration ne parle que d’une seule rencontre, celle du 13 avril 2000 où M. Gibeau a remis tous les fonds à l’appelant, et non de deux rencontres comme l’appelant a témoigné. D’autre part, la déclaration indique uniquement une somme en dollars canadiens et non une partie des fonds en dollars américains, comme l’a témoigné l’appelant.

 

[14]         En contre-interrogatoire, on a demandé à l’appelant comment il expliquait cette divergence. Sa réponse était que M. Gibeau n’avait plus les documents au moment où il a signé la déclaration sous serment.

 

[15]         Bien que je puisse comprendre que M. Gibeau oublie certains détails, je n’accepte pas qu’il aurait oublié le fait qu’il a apporté environ 15 000 $CAN à son notaire un jour et quelque 4 700 $US (environ 6 500 $CAN) un autre jour plutôt qu’environ 21 500 $CAN le jour où les fonds ont été transmis.

 

[16]         Toutefois, avant de quitter cette transaction, il y a un changement qu’il faut apporter. Le vérificateur, M. Gélinas, a témoigné que la partie du dépôt qui consiste en un virement de 10 160 $US au compte en dollars américains provient d’un virement de 10 160 $CAN du compte en fidéicommis, en raison d’une erreur de la part de l’institution financière[5]. Cette erreur représente un gain de 4 712 $. Ce gain de 4 712 $ n’est pas un revenu. En conséquence, le montant de 21 538 $ doit être réduit de 4 712 $.

 

Le chèque de 12 500 $ en date du 18 novembre 1998

 

[17]         L’appelant a déposé un chèque de 12 500 $ en date du 18 novembre 1998 au compte no ***1 de la Caisse populaire de Tétreauville[6]. Ce chèque était pour l’achat d’une BMW.

 

[18]         Cette BMW appartenait à la société 104493 Canada ltée, société dont l’appelant est actionnaire. L’intimée a inclus ce montant de 12 500 $ au motif qu’il s’agissait d’une appropriation par un actionnaire.

 

[19]         Selon l’appelant, la société, qui avait été constituée longtemps avant les années d’imposition en question, n’avait jamais été exploitée. Toutefois, l’appelant a décidé, au lieu d’acheter ses voitures lui-même, que la société achèterait les voitures dont il se servait. Il a dit qu’il avait payé le prix d’achat de ses voitures et qu’il a utilisé les 12 500 $ pour payer, en partie, l’achat par la société d’une nouvelle voiture le 22 février 1999.

 

[20]         Je n’accepte pas cette preuve. La société n’a jamais produit de déclaration de revenus et, au procès, aucun document comptable et aucun document de la société 104493 Canada ltée n’ont été produits. Bien qu’un contrat d’achat conclu par M.G.B. Auto inc. et la société le 22 février 1999 ait été produit[7], le seul document produit relativement à la source et au mode de paiement du solde du prix après déduction de la valeur de la voiture échangée est un chèque de 6 000 $ provenant de la Caisse populaire Ste-Claire, une caisse populaire autre que celle où le montant de 12 500 $ fut déposé[8]. Le reste du montant à payer selon le contrat est venu d’un chèque de 8 953,25 $ tiré sur le compte à la Banque Nationale[9].

 

[21]         Même en supposant que l’appelant ait payé à l’origine pour la BMW et que le montant de 12 500 $ ait servi à payer une partie du prix d’achat de la nouvelle voiture le 22 février 1999, cela n’aide pas l’appelant.

 

[22]         Il y a des moyens qui permettraient à un actionnaire de faire une contribution de capital et, à certaines conditions, à une société de rembourser cette contribution, mais il n’y a rien dans la preuve qui démontre que cela ait été fait relativement au montant de 12 500 $ provenant de la vente de la BMW en 1998.

 

[23]         De plus, rien dans la preuve ne démontre que la société ait demandé à l’appelant de garder les fonds afin de les affecter à l’achat d’une nouvelle voiture pour la société.

 

[24]         En conséquence, il ne peut s’agir que d’une appropriation.

 

Les dépôts au compte no ***6, le chèque de 4 000 $ de Denise Legault et la dette de 5 000 $ envers M. Bastien

 

[25]         L’appelant a fait des dépôts en argent comptant de 9 890 $, de 9 450 $ et de 8 696,18 $, selon le vérificateur[10]. En établissant les cotisations, le ministre a supposé qu’il s’agissait de revenus non déclarés.

 

[26]         L’appelant prétend que ces dépôts s’expliquent par des retraits de fonds de comptes à la Banque Nationale et à une autre caisse populaire, par un don de 4 000 $ de Denise Legault-Hébert, par un prêt de 5 000 $ de M. Bastien, tel qu’il apparaît à la pièce A-2.

 

[27]         Denise Legault a témoigné. Elle était mariée à l’appelant et lui a fait un don de 4 000 $ par chèque daté du 25 mai 1999. Une copie des deux côtés du chèque a été déposée en preuve et il apparaît que ce montant a été déposé au compte de l’appelant à la Banque Nationale. Mme Legault a fait ce chèque après avoir hérité de son père.

 

[28]         J’accepte le témoignage de Mme Legault et le fait que l’appelant a reçu ce chèque. Je reviendrai à ce montant de 4 000 $.

 

[29]         Selon l’appelant, M. Bastien, un résident de la Floride, lui aurait fait un prêt de 5 000 $CAN tel qu’il apparaît dans la reconnaissance de dette signée par l’appelant le 23 mars 1998. À ce sujet, nous n’avons aucun document signé par M. Bastien et ce dernier n’a pas témoigné.

 

[30]         Le montant de 5 000 $ n’a pas été déposé au compte no ***6 de la caisse populaire[11].

 

[31]         L’appelant n’a pas donné d’explication quant à la façon dont ce montant se serait rendu dans le compte no ***6. Il n’a pas témoigné s’il s’agissait d’un chèque qu’il a reçu de M. Bastien, et, si tel était le cas, où ce montant aurait été déposé, ou s’il s’agissait d’argent comptant, et, dans ce cas, où ce montant aurait été déposé.

 

[32]         Je n’accepte pas la preuve de l’appelant au sujet de ce montant.

 

[33]         Il y a une autre raison pour laquelle je ne peux l’accepter. Puisqu’on ne voit pas un tel dépôt au compte no ***6, il faudrait que l’appelant ait déposé ce montant dans un ou plusieurs autres comptes. Dans la liste à la pièce A-2, ce montant est ajouté à différents montants retirés d’autres comptes. Cela revient à compter le même montant à deux reprises, une fois quand il est déposé dans un compte et une autre fois quand il est retiré.

 

[34]         Pour la même raison, bien que j’accepte que l’appelant a reçu 4 000 $ de Denise Legault, je ne peux accepter qu’on l’ajoute aux montants retirés d’autres comptes qui, selon l’appelant, seraient la source des dépôts au compte no ***6. Puisque le montant de 4 000 $ a été déposé à la Banque Nationale, il s’agirait encore une fois de compter le montant deux fois.

 

[35]         Il reste les autres montants énumérés à la pièce A-2. L’appelant n’a fourni aucune explication quant à la réconciliation des retraits et des dépôts. Il n’a pas prouvé qu’il avait d’autres sources d’argent comptant pour payer des petites dépenses quotidiennes.

 

[36]         Les montants déposés au compte no ***6 varient de 140 $ à 926,18 $. La plupart sont de 800 $ ou de 900 $. Il y a treize dépôts en 1998 et douze dépôts aux deux autres années. Les retraits énumérés à la pièce A-2 sont de 7 047,53 $ en 1998, de 13 383,11 $ en 1999 et de 7 628,62 $ en 2000. Il y a en tout neuf retraits, douze retraits et cinq retraits durant ces mêmes années à des dates et pour des montants qui ne peuvent être réconciliés avec ceux des dépôts. Pour ne donner qu’un exemple, bien qu’il y ait un dépôt presque tous les mois à la pièce A-2, il n’y a aucun retrait entre le 14 octobre 1999 quand l’appelant a retiré 1 600 $ et le 6 septembre 2000 quand l’appelant a retiré 4 845,62 $.

 

[37]         Je n’accepte pas la preuve de l’appelant relative aux dépôts faits au compte no ***6. Par contre, je vais revenir plus tard au montant de 4 000 $.

 

Les chèques sans provision et le compte de la Banque Nationale

 

[38]         L’appelant a déposé une liste de chèques sans provision, excluant certains chèques qui ont remplacé les chèques sans provision. Cette liste est la pièce A-3. Elle énumère des chèques sans provision d’un montant total de 2 574 $ en 1998, de 1 822,61 $ en 1999 et de 1 958,29 $ en 2000.

 

[39]         Si je comprends bien la position de l’intimée, cette dernière accepte que ces chèques étaient sans provision, mais n’en a pas tenu compte, parce qu’elle voulait d’une part une preuve qu’ils ont été déposés et d’autre part une preuve qu’ils étaient réellement irrécouvrables[12].

 

[40]         J’ai de la difficulté à comprendre la première demande, puisque les relevés de compte[13] démontrent que pour chaque chèque impayé, la banque a débité le compte. La banque ne peut débiter le compte que si, à l’origine, le compte a été crédité du montant du chèque.

 

[41]         Quant à la deuxième raison, je note qu’il s’agit d’une cotisation qui, relativement aux revenus bruts, est basée sur une méthode qui suppose que des dépôts inexpliqués sont des revenus. C’est une estimation qui, pour les revenus, produit un résultat reflétant une comptabilité de caisse. Je ne crois pas qu’on puisse, en utilisant cette méthode, faire fi du fait que certains chèques étaient sans provision. Il s’agit bien d’une explication justifiant pourquoi certains montants déposés ne peuvent être considérés comme des revenus.

 

[42]         De plus, même si on pouvait mêler une estimation de revenus bruts en utilisant la méthode des dépôts non identifiés et certains principes de comptabilité modifiés par la LIR, qui reflètent une comptabilité autre qu’une comptabilité de caisse, dans les circonstances de cette cause, les montants nets des chèques sans provision sont au moins des créances douteuses si ce n’est pas des créances irrécouvrables.

 

[43]         En conséquence, j’accepte que les revenus indiqués dans les cotisations doivent être réduits de 2 574 $ en 1998, de 1 822,61 $ en 1999 et de 1 958,29 $ en 2000.

 

[44]         Si on déduit ces montants des revenus que le ministre a ajoutés relativement à des dépôts à la Banque Nationale, il reste une différence de seulement 2 318 $ en 1998, de 80,39 $ en 1999 et de 12,71 $ en 2000.

 

[45]         Les montants en 1999 et en 2000 représentent des différences minimes. Il y a eu également le dépôt du chèque de 4 000 $ de Denise Legault dans le compte en 1999. Puisque la méthode des dépôts est une méthode d’estimation qui utilise une comptabilité de caisse, il peut très bien y avoir des différences de synchronisation entre les revenus professionnels de l’appelant aux états financiers et les montants déposés dans son compte commercial à la Banque Nationale. Tenant compte de cela, je conclus qu’il n’y a pas de différence importante entre les revenus déclarés par l’appelant et les dépôts au compte de la Banque Nationale. Il faut donc considérer qu’il n’y a pas de revenu additionnel de 2 318 $, de 80,39 $ et de 12,71 $ respectivement déposé au compte de la Banque Nationale.

 

[46]         En conséquence, je conclus qu’il n’y a pas de revenu additionnel déposé au compte de la Banque Nationale.

 

Divers chèques totalisant 724,80 $

 

[47]         Au cours du procès, l’appelant a témoigné au sujet de deux groupes de chèques totalisant 720,44 $ et 724,80 $ qui auraient été déposés le 30 octobre 1998 et le 4 novembre 1998 respectivement, au compte no ***1. Le montant de 720,44 $ a déjà été accordé au stade de l’opposition.

 

[48]         Quant au montant de 724,80 $ provenant de chèques de 0,14 $, de 594,31 $, de 99,50 $, de 0,85 $ et de 30 $ respectivement, j’accepte la preuve de l’appelant[14].

 

[49]         En conséquence, le montant de revenu additionnel au compte no ***1 doit être réduit de 724,80 $ en 1998.

 

Le montant de 2 000 $ déposé au compte no ***1 le 20 mai 1999

 

[50]         Selon l’appelant, ce montant était lié à du travail que l’appelant devait faire pour un client. Ce client avait été facturé en 1995 ou en 1996. L’appelant avait demandé à son fils, récemment reçu comme avocat, de faire le travail et il avait donné les honoraires à son fils. Après un certain temps, il se serait aperçu que son fils n’avait pas fait le travail et il aurait fait le travail lui-même et demandé à son fils de lui remettre les honoraires. Son fils lui a remis les 2 000 $, qui provenaient du compte en fidéicommis du fils.

 

[51]         Je ne peux conclure que ce montant de 2 000 $ n’est pas un revenu. Aucune preuve documentaire quant au compte du client et quant à la façon dont ce compte a été traité dans les états financiers de l’appelant n’a été fournie. De plus, si en 1995 ou en 1996 l’appelant a facturé son client et a payé son fils pour faire le travail, l’appelant a peut-être déduit comme dépense payée au fils ce même montant. Dans un tel cas, si ce montant vient du fils en 1999 pour les raisons décrites, il y aurait lieu d’inclure le montant dans les revenus bruts pour contre-passer la déduction antérieure.

 

Les dépenses

 

[52]         En 1998, en 1999 et en 2000, l’appelant a réclamé respectivement 931 $, 1 145 $ et 1 283 $ en frais de repas. Après l’étape de l’opposition, les montants refusés étaient de 201 $, de 189 $ et de 419 $. Le ministre a fait une répartition en supposant que les repas en semaine étaient des repas d’affaires, mais non les repas en fin de semaine.

 

[53]         Il n’y a rien dans la preuve de l’appelant qui me mène à conclure que la répartition devrait être différente.

 

[54]         Quant aux frais d’automobile, les montants en question ont été réclamés comme frais d’amortissement, d’assurance et d’immatriculation.

 

[55]         L’appelant n’a pas contesté le refus de l’amortissement, car il est clair que seul le propriétaire peut réclamer de l’amortissement.

 

[56]         Quant à l’assurance et à l’immatriculation, puisqu’en fin de compte l’appelant n’a pas contesté ces deux dépenses, je ferai simplement l’observation que je ne vois pas comment de telles dépenses seraient déductibles par l’appelant. L’immatriculation incombe à la société. Le bénéficiaire de l’assurance est la société. Nous ne sommes pas dans une situation où il y a un contrat de location entre la société et l’appelant obligeant l’appelant à faire certains paiements en contrepartie de la location de la voiture.

 

[57]         Un autre type de dépenses refusées était les dépenses de téléphone cellulaire facturées au nom de Denise Legault. Selon cette dernière, son mari, l’appelant, se servait du téléphone, et elle avait un autre téléphone cellulaire dont elle ne se servait pas.

 

[58]         L’appelant a témoigné qu’il utilisait le téléphone. Il a également témoigné que le téléphone était au nom de son épouse parce qu’il pouvait obtenir un contrat relativement peu coûteux grâce à un ami qui pouvait s’arranger pour que le contrat fasse partie d’un contrat général avec General Electric. Selon l’appelant, « […] à ce moment-là évidemment une fois arrivé à un notaire ça ne correspondait pas trop, trop, et c'est pour ça qu'il avait été mis comme contrat d'utilisation au nom de Denise Hébert, point final[15] ».

 

[59]         L’appelant n’a pas réclamé de dépenses relatives à un téléphone cellulaire dont il se servait, à part celles liées au téléphone cellulaire au nom de Denise Legault.

 

[60]         L’appelant a également réclamé les coûts d’une deuxième ligne téléphonique à la maison. Il a témoigné qu’il avait installé une deuxième ligne au moment où il tentait de faire des affaires avec le Vietnam et qu’avec le décalage horaire de douze heures, cela lui permettait d’établir des communications à partir de sa résidence. Il a utilisé cette deuxième ligne pour un télécopieur et l’ordinateur.

 

[61]         En interrogatoire direct, quand on a demandé à Denise Legault qui se servait de la deuxième ligne téléphonique, elle a répondu que son mari et son fils s’en servaient pour l’ordinateur et l’Internet, mais qu’elle ne s’en servait pas. À part cela, elle ne pouvait pas dire à quelles fins l’ordinateur était utilisé.

 

[62]         Quant au téléphone cellulaire, j’accepte la preuve de l’appelant. La conséquence est que des montants de 422,93 $, de 435,22 $ et de 354,54 $ sont déductibles en 1998, en 1999 et en 2000 respectivement.

 

[63]         Quant à la deuxième ligne téléphonique, je conclus que l’appelant s’en servait pour ses affaires et que son fils s’en servait également. En conséquence, la moitié de cette dépense sera déductible, c’est-à-dire 397,35 $ en 1998, 353 $ en 1999 et 350,10 $ en 2000.

 

Les pénalités en vertu du paragraphe 163(2)

 

[64]         Par rapport à l’application de pénalités, il s’agit de déterminer si l’appelant a « [...] sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...] » selon le paragraphe 163(2) de la LIR.

 

[65]         Je dois considérer ce que le juge Strayer a dit dans l’arrêt Venne c. La Reine, no T-815-82, 9 avril 1984, 84 DTC 6247 (C.F. 1re inst.) : « La "faute lourde" doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. »

 

[66]         Je dois également considérer ce que le juge Nadon a dit en rendant sa décision dans Panini c. Canada, 2006 CAF 224, au paragraphe 43 : « […] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable ».

 

[67]         L’appelant a déclaré des revenus bruts d’environ 79 000 $ en 1998, 86 000 $ en 1999 et 85 000 $ en 2000 ainsi que des revenus nets d’environ 25 000 $, 33 000 $ et 19 000 $ au cours des mêmes années.

 

[68]         Les montants additionnels de revenu non déclaré, après avoir tenu compte des changements devant être faits à la cotisation, sont de 10 894 $ en 1998 (sans tenir compte du chèque de 12 500 $), de 12 381 $ en 1999 et de 26 680 $ en 2000.

 

[69]         Il s’agit de montants importants en valeur absolue et en valeur relative comparativement aux revenus bruts et nets déclarés — environ 45 000 $ au total pendant les trois années en litige ou environ 18 % du revenu brut déclaré.

 

[70]         Pendant les années en question, l’appelant n’avait pas d’employés, sauf l’aide occasionnelle de son épouse comme secrétaire. Il s’occupait des finances et des tâches administratives et il avait certainement une bonne idée des circonstances financières de sa pratique notariale.

 

[71]         Dans ces circonstances, il y a faute lourde quant aux dépôts représentant des revenus non déclarés de 10 894 $ en 1998, de 12 381 $ en 1999 et de 26 680 $ en 2000.

 

[72]         Par contre, la situation est différente pour l’appropriation du montant de 12 500 $ du produit de la vente de la voiture et il n’y a pas de faute lourde quant à ce montant.

 

Sommaire

 

[73]         L’appel est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que :

 

a)    le revenu additionnel indiqué dans les cotisations doit être réduit de :

 

 

1998

1999

2000

 

 

 

 

Dépôts Banque Nationale

4 892,00 $

1 903 $

1 971 $

Caisse populaire ***1

724,80 $

Caisse populaire ***4

4 712 $

 

 

 

 

Réduction totale du revenu additionnel

 

5 616,80 $

 

1 903 $

 

6 683 $

 

b)    les montants assujettis à la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) sont de :

 

1998

1999

2000

 

 

 

10 894 $

12 381 $

26 680 $

 

c)    les dépenses de l’appelant doivent être augmentées de :

 

 

1998

1999

2000

 

 

 

 

Téléphone cellulaire

422,93 $

435,22 $

354,54 $

Deuxième ligne — maison

397,35 $

353,00 $

350,10 $

 

 

 

 

Augmentation totale des dépenses

 

820,28 $

 

788,22 $

 

704,64 $

 

[74]         L’appelant ayant eu un succès modeste par rapport à la position du ministre après le stade de l’opposition, et le ministre ayant eu largement raison, le ministre aura deux tiers de ses frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 2009.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 124

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-884(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              RICHARD HÉBERT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Robillard

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                     Nom :                            Me Pierre Robillard

 

                 Cabinet :                           Brunet & Robillard, avocats

                                                          Laval (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]       Pièce I-2, pages 67 et 68.

[2]       Transcription, question 197.

[3]       Pièce A-4, page 5.

[4]       Pièce A-4, page 2.

[5]       Transcription, questions 702 à 706.

[6]       Pièce I-2, page 61.

[7]       Pièce A-1, page 3.

[8]       Pièce I-1, onglet 17, page 30.

[9]       Pièce I-1, onglet 17, page 3, article 4 ― lettre de l’appelant.

[10]     Pièce I-2, pages 56 à 58.

[11]     Pièce I-2, page 56.

[12]     Transcription, question 786.

[13]     Pièce I-1, onglet 15.

[14]     Pièce I-1, onglet 17, pages 31 et 32; transcription, questions 133 à 147; pièce I-2, page 59.

[15]     Transcription, questions 206 et 207.

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