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Dossier : 2008-2676(IT)I

ENTRE :

 

ROBERT SHINDLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 février 2009, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Warren McCann

Avocat de l’intimée :

Me Michael Alder

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2005 est accueilli avec dépens et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que, pour la détermination de la déduction pour impôt étranger dont l’appelant peut se prévaloir en vertu du paragraphe 126(1) de la Loi, il faudrait majorer de 1 672 $CAN (1 380 $US) le montant de l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé au gouvernement d’un pays étranger en 2005.

 

Le droit de dépôt de 100 $ doit être remboursé à l’appelant.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 12e jour de mars 2009.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

 

Référence : 2009CCI133

Date : 20090312

Dossier : 2008-2676(IT)I

ENTRE :

 

ROBERT SHINDLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Webb

 

[1]         Il s’agit de savoir dans le présent appel si certains montants qui ont été prélevés sur la paye de l’appelant et versés à divers États et à diverses villes aux États-Unis doivent être inclus dans la détermination du montant de l’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé en 2005, en vue de l’application de l’article 126 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]         En 2005, l’appelant a travaillé comme ingénieur du son dans le cadre de la tournée de la comédie musicale Hairspray aux États-Unis. Cette tournée a débuté à Seattle et s’est ensuite déplacée dans diverses villes situées sur tout le territoire des États-Unis. Lorsqu’il travaillait dans des États ou des villes qui perçoivent un impôt sur le revenu, des montants étaient prélevés sur son chèque de paye et désignés soit comme de l’impôt sur le revenu de l’État, soit comme de l’impôt sur le revenu local (en plus des montants retenus au titre de l’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis).

 

[3]         L’appelant a produit une déclaration de revenus fédérale aux États-Unis en 2005, de même qu’une déclaration pour l’État du Wisconsin. Le montant total que l’appelant a déclaré en tant qu’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’il a payé en 2005 était de 16 959 $US. Sur cette somme, 15 033 $US est le montant d’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis, et 525 $US le montant payé à l’État du Wisconsin. Ces sommes ont été acceptées par l’intimée à titre d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé. L’intimée a toutefois rejeté le solde de 1 401 $US (1 697 $CAN) à titre d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise. Les montants que représente ce solde ont été payés à un nombre total de 11 villes et États différents, et le montant payé à un État ou à une ville en particulier variait d’un minimum de 20 $ payé à Kansas City, à un maximum de 261 $ à l’État de l’Ohio.

 

[4]         Quand l’appelant a produit sa déclaration de revenus destinée à l’État du Wisconsin, le montant d’impôt qu’il devait à cet État était supérieur au montant prélevé, soit 525 $US et 507 $US, respectivement.

 

[5]         Le paragraphe 10 de la réponse expose les hypothèses que le ministre a faites en établissant sa nouvelle cotisation. Le texte de ce paragraphe est le suivant :

 

[Traduction]

 

10.              Pour déterminer la dette fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 2005, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)                  l’appelant a gagné un revenu étranger ne provenant pas d’une entreprise aux États-Unis en travaillant comme ingénieur du son durant l’année d’imposition 2005;

 

b)                  dans sa déclaration de revenus, l’appelant a déclaré un montant d’impôt étranger payé de 20 548,07 $ et un revenu étranger ne provenant pas d’une entreprise d’un montant de 93 317,61 $;

 

c)                  à l’appui de sa demande de crédits pour impôt étranger, l’appelant a produit le formulaire 1040 NR (U.S. Non-resident Alien Income Tax Return), faisant état d’un montant d’impôt de 15 033 $U.S., ainsi que le formulaire 1NRP (Non‑resident & Part-year resident Wisconsin Income Tax Return), faisant état d’un montant d’impôt à payer de 525 $U.S.;

 

d)                  le ministre a accordé les crédits d’impôt étranger en se fondant sur les impôts étrangers payés par l’appelant, soit 18 850 $CAN (15 033 $ + 525 $) x le taux de change de 1,2116324);

 

e)                  l’appelant n’a pas fourni de preuve que les impôts étrangers refusés qu’il avait payés avaient donné lieu à un règlement concernant sa dette fiscale étrangère;

 

f)                    le ministre n’a pas a été en mesure de déterminer si les montants retenus sur le formulaire W-2 (« Form W-2 Wage and Tax Statements ») que l’appelant a reçu pour avoir travaillé aux États-Unis a donné lieu à un règlement concernant la dette fiscale étrangère, ou si le montant donnerait lieu à un remboursement à l’appelant;

 

[6]         L’intimée n’a pas présumé que les montants versés aux États et aux villes en question n’étaient pas des montants d’impôt sur le revenu. Il est implicite dans les hypothèses qui ont été faites que les montants versés étaient de tels montants. L’hypothèse énoncée à l’alinéa e) est que [Traduction] « l’appelant n’a pas fourni de preuve que les impôts étrangers refusés qu’il avait payés avaient donné lieu à un règlement concernant sa dette fiscale étrangère ».

 

[7]         L’hypothèse formulée à l’alinéa f) est inappropriée, car il ne faudrait pas que l’appelant ait le fardeau de prouver ce que le ministre a été capable ou incapable de déterminer.

 

[8]         Il me semble, après avoir lu l’alinéa e), que le ministre a fondé la nouvelle cotisation sur l’hypothèse selon laquelle les impôts étrangers refusés qui avaient été payés n’avaient pas donné lieu à un règlement de la dette fiscale étrangère de l’appelant. Tel est le fait qui a été vraisemblablement présumé. La mention selon laquelle l’appelant n’a pas fourni de preuve à cet effet n’aurait pas dû être incluse. La question ne devrait pas être celle de savoir si l’appelant n’a pas fourni de preuve, mais plutôt si les montants payés étaient un impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé au gouvernement d’un pays étranger.

 

[9]         Il n’y aurait règlement de la dette fiscale étrangère de l’appelant à l’égard d’une administration particulière que si la dette fiscale réelle à l’égard de cette administration était égale ou inférieure au montant qui a été retenu et versé. Il ressort clairement de la déclaration de revenus que l’appelant a produite pour l’État du Wisconsin que le montant retenu n’a pas réglé sa dette fiscale, car cette dernière était supérieure au montant retenu. Si seuls les montants donnant lieu au règlement d’une dette fiscale étrangère non liée à une entreprise étaient inclus dans le montant d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qui avait été payé, cela signifie que si l’appelant n’avait pas payé le solde de 18 $US à l’État du Wisconsin, il n’aurait pas le droit d’inclure la somme de 507 $US dans le montant d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’il a payé à l’État du Wisconsin, car la somme de 507 $US qui a été payée n’a pas donné lieu au règlement de sa dette fiscale étrangère à l’égard de cet État. Il ne me semble pas qu’il s’agisse là du bon résultat. La question n’est pas de savoir si sa dette fiscale étrangère a été réglée ou pas, mais bien quel montant l’appelant a payé à titre d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise.

 

[10]    Le paragraphe 126(1) de la Loi indique, en partie, ceci :

 

126. (1) Le contribuable qui résidait au Canada à un moment donné d’une année d’imposition peut déduire de l’impôt payable par ailleurs par lui pour l’année en vertu de la présente partie une somme égale à :

 

a) la partie de tout impôt sur le revenu ne provenant pas d’entreprises qu’il a payé pour l’année au gouvernement d’un pays étranger […] dont il peut demander la déduction;

 

[11]    La définition d’un « impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise », au paragraphe 126(7) de la Loi, est en partie la suivante :

 

« impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise » S’agissant de l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise payé par un contribuable pour une année d’imposition au gouvernement d’un pays étranger, s’entend, sous réserve des paragraphes (4.1) et (4.2), de la fraction de l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices qu’il a payé pour l’année au gouvernement de ce pays […]

 

[12]    Aux termes du paragraphe 126(6) de la Loi :

 

(6) Les règles suivantes s’appliquent dans le cadre du présent article :

 

a) le gouvernement d’un pays étranger comprend le gouvernement d’un État, d’une province ou d’une autre subdivision politique du pays;

 

[13]    La définition d’un « impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise » ne prévoit pas que le montant payé doit donner lieu au règlement de la dette fiscale, mais seulement que le montant payé doit être l’impôt sur le revenu qu’un contribuable a versé au gouvernement d’un pays étranger. Par conséquent, pour ce qui est du montant payé à l’État du Wisconsin, si l’appelant n’avait payé que 507 $US alors que sa dette fiscale véritable était de 525 $US, le montant de 507 $US serait tout de même un montant d’impôt sur le revenu que l’appelant a payé à l’État du Wisconsin et ce montant aurait tout de même été inclus dans l’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’il avait payé, même si le paiement de 507 $US ne donnait pas lieu à un règlement de sa dette relative à l’impôt sur le revenu envers l’État du Wisconsin.

 

[14]    Si la somme qui est retenue et versée à un État ou à une ville en particulier est inférieure au montant d’impôt que le contribuable doit à cet État ou à cette ville, il s’ensuit que la somme retenue est un paiement d’impôt même s’il ne s’agit pas d’un règlement de sa dette fiscale dans cette administration. Si la somme qui est retenue et versée à un État ou à une ville en particulier est égale au montant d’impôt que le contribuable doit à cet État ou à cette ville, il s’ensuit que la somme retenue est un paiement d’impôt et qu’il donnerait lieu à un règlement de sa dette fiscale dans ce ressort. Si la somme retenue et versée à un État ou à une ville en particulier excède le montant d’impôt à payer à cet État ou à cette ville, il s’ensuit que l’excédent n’est pas un impôt.

 

[15]    Dans la décision Meyer c. La Reine, 2004 CCI 199, le particulier avait omis de se prévaloir d’une exemption prévue par un traité, mais il souhaitait quand même déduire le montant des impôts payés aux États-Unis à titre de crédit pour impôt étranger. Dans cette affaire, le juge Hershfield a fait les commentaires suivants :

 

[20] Bien que j’éprouve certaines réticences à accepter l’idée voulant que l’ADRC puisse décider si un impôt payé à l’étranger constitue un paiement volontaire, et donc pas un « impôt », j’admets en l’espèce, compte tenu des faits dont je suis saisi et des précédents invoqués par l’intimée, que la somme en litige n’était pas un « impôt » payé au pays étranger en cause. Par contre, cela ne signifie pas qu’aucun paiement volontaire ne peut être assimilé à un « impôt ». À titre d’exemple, le fait qu’une personne ne se soit pas prévalue des déductions discrétionnaires et ait ainsi volontairement augmenté l’impôt à payer dans un pays étranger n’autoriserait pas l’ADRC à refuser un crédit pour cette seule raison. De même, l’ADRC ne devrait pas dicter aux contribuables résidents la teneur de la déclaration de revenus qu’ils produisent à l’étranger. Cependant, lorsqu’un contribuable résident produit une déclaration de revenus à l’étranger sans veiller à fournir les renseignements nécessaires pour établir l’impôt payable, par exemple en omettant de produire des formulaires requis ou de donner les renseignements qui lui auraient permis de se prévaloir d’un avantage au titre du Traité, et qu’il refuse de corriger l’erreur ou de prouver qu’il n’était pas dans l’erreur, le paiement en trop qui en résulte peut être considéré comme une somme payée autrement qu’à titre d’« impôt ».

 

[…]

 

[22] Cela étant dit, je souhaite insister sur le fait qu’il est toujours loisible au contribuable de présenter des éléments de preuve établissant que le paiement de l’impôt à l’étranger était nécessaire et justifié par les lois de l’État étranger concerné. La Cour a compétence pour trancher cette question, mais le fardeau de la preuve incombe au contribuable. L’appelant a choisi de ne pas tenir compte de cette obligation; il souhaitait simplement que l’ADRC règle le problème avec le Trésor américain ou le Internal Revenue Service et qu’on ne le mêle pas à l’affaire. À mon avis, cette position est inacceptable. En effet, même si, tout bien pesé, le libellé de l’article 126 ne permet pas à l’ADRC de refuser un crédit parce qu’elle a des motifs de croire que l’impôt étranger, contrairement aux lois de l’État étranger en cause, a été mal calculé ou que le crédit est restreint par des dispositions du Traité fiscal intervenu entre ce pays et le Canada, rien ne l’empêche de soutenir cette thèse et de faire porter au contribuable le fardeau de prouver que cette croyance n’est pas fondée. Quoi qu’il en soit, l’alinéa 2a) de l’article XVIII prévoit expressément que les États-Unis ne peuvent exiger un impôt de plus de 15 pour 100 relativement aux pensions provenant des États‑Unis que reçoit un résident canadien. En outre, le paragraphe 3 de l’article XXIX précise que cette limite s’applique aux citoyens des États‑Unis. Une somme payée en trop ne constitue donc pas un « impôt ».

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[16]    Même si le juge Hershfield, au début du paragraphe 22, indique que le fardeau de la preuve incombe au contribuable, il confirme que cette situation survient lorsque l’intimée est d’avis que le montant payé par un contribuable excède sa dette fiscale. Dans la présente affaire, le ministre n’a pas présumé que les montants retenus excédaient la dette fiscale de l’appelant dans l’un ou l’autre des ressorts concernés.

 

[17]    Dans del Valle v. Minister of National Revenue, [1986] 1 C.T.C. 2288, 86 DTC 1235, le juge Sarchuk a formulé les propos suivants :

 

 

11     L’arrêt Johnston (précité) a été étudié dans la cause de Hillsdale Shopping Centre Limited c. M.R.N. 81 D.T.C. 5261; à la page 5266, le juge Urie a fait les commentaires suivants :

 

Si un contribuable, après avoir examiné une nouvelle cotisation établie par le Ministre, la réponse du Ministre, son opposition et les moyens invoqués par le Ministre au cours de l’appel, n’a pas été informé de la base sur laquelle on cherche à l’imposer, le fardeau de prouver la responsabilité du contribuable dans une procédure semblable à celle de l’espèce incomberait au Ministre. Ce défaut peut résulter d’un certain nombre de motifs tels qu’un manque de clarté dans l’exposé du Ministre sur le fondement allégué de la responsabilité fiscale, ce qui pourrait comprendre une tentative du Ministre de rattacher cette responsabilité à l’un de deux ou plusieurs fondements possibles, ne permettant pas au contribuable de voir clairement l’hypothèse sur laquelle il s’appuie.

 

12     J’estime que ces commentaires s’appliquent en l’espèce. À mon avis, l’intimé n’a pas allégué les faits qui constituent un élément essentiel à la validité de la nouvelle cotisation. L’appelante n’est pas tenue de réfuter un fait inexistant ou une hypothèse que l’intimé n’a pas formulée.

 

13     L’intimé aurait pu alléguer d’autres faits; cependant, il a décidé de s’en tenir aux faits qu’il avait présumés lorsqu’il a préparé les nouvelles cotisations. Je tiens à préciser que, si l’intimé avait allégué d’autres faits, il aurait alors été tenu de les démontrer (voir M.N.R. v. Pillsbury Holdings Limited, [1965] 1 Ex. C.R. 678).

 

14     Les faits invoqués ne démontrent pas le bien-fondé des nouvelles cotisations. En conséquence, l’appel est accueilli et le cas est déféré à l’intimé pour nouvelles cotisations, compte tenu du fait que l’ajout de la somme de 5 100 $ dans le revenu de l’appelante pour ses années d’imposition 1980 et 1981 n’était pas bien fondé.

 

[18]    Dans la décision Pollock v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 3, 94 DTC 6050, le juge Hugessen, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit :

 

Selon la règle générale, il est évident que chaque partie à un procès devant cette Cour doit plaider les faits qu'elle invoque en sa faveur de telle manière à informer loyalement son adversaire des arguments qu'elle lui oppose. Si ses plaidoiries sont tellement inadéquates qu'elles ne révèlent aucun argument, elle risque de voir le tribunal les radier et de perdre ainsi son procès. Cette règle n'est absolument pas pertinente en l'espèce. Dans cette affaire, il n'est nullement question du fait que les plaidoiries du ministre étaient inadéquates ou que l'appelant ne savait pas clairement et au-delà de tout doute possible le fondement des nouvelles cotisations. Ce fondement a été et demeure encore le fait que les opérations de l'appelant concernant les actions des sociétés en question constituaient pour lui un risque de caractère commercial de sorte que les bénéfices qui en découlaient étaient un revenu imposable.

 

Le cas spécial des suppositions faites par le ministre en matières fiscales est complètement différent. Il se fonde sur la nature même d'un système d'autodéclaration et d'autocalcul de la cotisation, un système dans lequel les autorités sont obligées de se fier aux déclarations du contribuable concernant les faits et les choses dont il a particulièrement connaissance. En établissant la cotisation, le ministre peut avoir à supposer certaines choses qui diffèrent de ce que le contribuable a déclaré ou qui le complètent. Dans ce cas, il le fait généralement dans ses plaidoiries, mais ce n'est pas toujours ainsi et nous avons vu, en l'espèce, un exemple où le contribuable s'est efforcé de démolir une supposition que le ministre n'a pas plaidée. Toutefois, lorsqu'une supposition est plaidée, elle a pour effet d'inverser le fardeau de la preuve et d'imposer au contribuable l'obligation de réfuter ce que le ministre a supposé. Naturellement, les suppositions qui n'ont pas été plaidées ne peuvent produire un tel effet et, à mon avis, ne nous concernent pas en l'espèce..

 

Le fardeau de la preuve que les suppositions plaidées ont mis sur les épaules du contribuable n'est nullement injuste : le contribuable, en tant que demandeur, conteste une cotisation qui a été établie concernant ses propres affaires, et il est la personne la mieux placée pour produire des éléments de preuve pertinents pour établir les faits réels.

 

Cependant, lorsque le ministre n'a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu'il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s'il le peut, le bien-fondé de la cotisation qu'il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux-ci n'aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C'est une question de droit qui a fait l'objet d'une jurisprudence constante.

 

[19]    Le juge Rothstein, dans l’arrêt The Queen v. Anchor Pointe Energy Ltd. 2003 DTC 5512, a déclaré ceci :

 

[23] Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver.

 

[20]    Dans l’arrêt Loewen 2004 CAF 146, la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les commentaires qui suivent :

 

[11] Les contraintes imposées au ministre lorsqu'il invoque des hypothèses n'empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d'appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4).

 

[21]    L’autorisation de porter en appel la décision de la Cour d’appel fédérale dans Loewen devant la Cour suprême du Canada a été refusée (338 N.R. 195 (note)).

 

[22]    Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1997] A.C.S. no 62, la juge L’Heureux-Dubé, de la Cour suprême du Canada, a déclaré ce qui suit au sujet du fardeau qu’a un appelant de « démolir » les hypothèses du ministre :

 

92     Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l’intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de «démolir» les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[23]    Il est donc fort important que les hypothèses qui sont faites énoncent de manière claire et exacte les faits que le ministre a présumés, car le fardeau initial de l’appelant « consiste seulement à “démolir” les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus ». En l’espèce, la seule hypothèse liée au montant payé à titre d’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise était que l’appelant n’avait pas prouvé que les montants retenus et versés avaient donné lieu à un règlement de sa dette fiscale à l’égard des États et des villes en question. Cependant, cette hypothèse n’énonce pas les faits pertinents qu’il est nécessaire d’établir avant de pouvoir décider si les montants retenus doivent être inclus dans la détermination du montant de l’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé en 2005.

 

[24]    La question n’est pas de savoir si les paiements faits par l’appelant aux diverses administrations a donné lieu à un règlement du montant d’impôt sur le revenu qui leur était dû, mais plutôt si les montants payés par l’appelant étaient un impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’il a payé aux États et aux villes en question. Dans la mesure où les montants retenus et versés à une administration particulière étaient inférieurs ou égaux au montant d’impôt sur le revenu qui lui était dû, il s’ensuit que ces paiements seraient considérés comme un impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qui a été payé. Dans la mesure où les montants retenus et versés à une administration particulière excédaient le montant d’impôt sur le revenu qui lui était dû, ce montant excédentaire ne serait pas considéré comme un impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qui a été payé. Aucune hypothèse n’a été formulée quant à l’identité des administrations ayant reçu plus que le montant d’impôt sur le revenu qui leur était dû ou quant au montant du ou des paiements excédentaires. Il incombe donc à l’intimée de fournir une preuve en rapport avec ces faits.

 

[25]    Le représentant de l’appelant était son comptable. L’intimée n’a pas été avisée que le représentant témoignerait à titre d’expert. Comme l’indique le paragraphe 7 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle) :

 

7. (1) Une partie qui désire produire un témoin expert à l’audition d’un appel doit déposer au greffe et signifier à chacune des autres parties un rapport, au moins 10 jours avant la date de l’audition de l’appel. Ce rapport, signé par l’expert, doit indiquer les nom, adresse, titres et compétences de ce dernier et exposer l’essentiel du témoignage que l’expert rendra à l’audience.

 

(2) Sauf avec la permission du juge, un témoin expert ne peut témoigner si le paragraphe (1) n’a pas été satisfait.

 

[26]    Comme le montant des impôts étrangers qui est en litige est inférieur à 1 700 $CAN, j’ai accepté que le comptable témoigne à titre d’expert. L’avocat de l’intimée n’a pas contesté ses titres de compétence. Le comptable a le titre de comptable agréé. Il a déjà travaillé à Toronto au sein d’un gros cabinet comptable faisant affaire avec des dirigeants canadiens qui travaillaient aux États-Unis. En 1989, il a fondé son propre cabinet, qui se spécialise dans les clients œuvrant dans les domaines des arts et du divertissement. Il a une vaste expérience de la production de déclarations d’impôt fédéral des États-Unis. Il a produit des déclarations dans 30 États différents aux Etats-Unis, et il en a produit dans tous les ressorts dont il est question en l’espèce, à l’exception d’Akron (Ohio).

 

[27]    Le comptable a déclaré que l’appelant avait produit les formulaires qu’il fallait pour les montants à prélever sur ses chèques de paye et que, selon son expérience, les montants retenus seraient en général égaux, ou à peu près, à l’impôt réel que l’appelant aurait à payer aux États et aux villes en question. S’il avait produit une déclaration dans chaque ressort, il aurait, dans le cas de certains d’entre eux, un léger remboursement. Dans le cas des autres, le montant retenu serait inférieur ou égal au montant d’impôt que devrait l’appelant. S’il manquait une somme, celle-ci serait minime. Aucune preuve ne donnait à croire que l’appelant aurait droit au remboursement intégral de l’un quelconque des montants retenus et versés.

 

[28]    J’accepte le témoignage du comptable selon lequel les montants retenus et versés seraient à peu près égaux au montant d’impôt sur le revenu que devrait l’appelant aux États et aux villes en question. Cependant, comme il a reconnu que l’appelant aurait droit à un léger remboursement de la part de certaines de ces administrations, il y aurait lieu de déduire un montant pour ce remboursement car, comme il a été mentionné plus tôt, le montant excédentaire qui est payé dans un ressort particulier n’est pas un impôt.

[29]    La seule preuve dont on dispose à propos de la différence qu’il peut y avoir entre le montant qui est retenu et le montant réel d’impôt sur le revenu qui est à payer à une ville ou à un État est celle qui se rapporte à l’État du Wisconsin. Dans ce cas-là, le montant qui a été retenu s’élevait à 507 $, et le montant à payer était de 525 $. C’est donc dire que le montant retenu représentait 97 % de la dette fiscale réelle du contribuable. En extrapolant ce pourcentage aux autres administrations et en présumant que les montants retenus se situaient dans la même fourchette de pourcentages, cela voudrait dire que le montant d’impôt que l’appelant a payé en trop ou en moins serait de 3 %. Étant donné que le montant en litige est de 1 697 $CAN (1 401 $US) et que l’appelant n’aurait pas droit à un remboursement dans chacun des ressorts, il faudrait réduire le montant réclamé de la moitié de 3 % de 1 697 $CAN, soit 25 $CAN (21 $US).


 

[30]    En conséquence, l’appel est accueilli avec dépens et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que, pour la détermination de la déduction pour impôt étranger dont l’appelant peut se prévaloir en vertu du paragraphe 126(1) de la Loi, il faudrait majorer de 1 672 $CAN (1 380 $US) le montant de l’impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise que l’appelant a payé au gouvernement d’un pays étranger en 2005.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 12e jour de mars 2009.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI133

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :      2008-2676(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Robert Shindle et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 mars 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Warren McCann

Avocat de l’intimée :

Me Michael Alder

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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