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Dossier : 2008‑2736(IT)I

ENTRE :

 

CHEEMA CLEANING SERVICES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appels entendus le 25 février 2009 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Arshad Qayyum

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels relatifs aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 31 janvier 2004 et le 31 janvier 2005 sont accueillis, avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

 

a)     dans son année d’imposition 2004, l’appelant n’a pas eu un revenu non déclaré de 40 935 $;

 

b)    dans son année d’imposition 2005, l’appelante n’a pas eu un revenu non déclaré de 42 339 $;

 

c)     le Tahoe n’est pas une voiture de tourisme et n’est donc pas inclus dans la catégorie 10.1 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu, et de ce fait :

 

                                                              i.      le montant que l’appelante est en droit d’utiliser à titre de déduction pour amortissement dans le calcul de ses revenus pour son année d’imposition 2004 est majoré de 4 424 $;

 

                                                            ii.      le montant que l’appelante est en droit d’utiliser à titre de déduction pour amortissement dans le calcul de ses revenus pour son année d’imposition 2005 est majoré de 3 097 $.

 

          Le droit de dépôt de 100 $ doit être remboursé à l’appelante.

 

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de mars 2009.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009CCI145

Date : 20090312

Dossier : 2008‑2736(IT)I

ENTRE :

CHEEMA CLEANING SERVICES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]              L’appelante a été l’objet d’une nouvelle cotisation en vue d’inclure des revenus non déclarés dans ses années d’imposition se terminant le 31 janvier 2004 (son année d’imposition 2004) et le 31 janvier 2005 (son année d’imposition 2005) et de refuser diverses dépenses (dont une partie de la déduction pour amortissement) qu’elle avait déduites dans le calcul de son revenu pour ces années‑là. Dans son avis d’appel, l’appelante a déclaré qu’elle interjetait appel de l’inclusion des montants qualifiés de revenus non déclarés et du refus des déductions réclamées à titre de dépenses liées à une automobile personnelle, de déduction pour amortissement et de frais de déplacement. Au début de l’audience, le représentant de l’appelante a déclaré que cette dernière ne contestait plus le refus de la déduction à titre de dépenses relatives à une automobile personnelle et que, par conséquent, les seules questions en litige restantes avaient trait aux rajustements suivants qui ont été apportés aux revenus de l’appelante :

 

Élément

Année d’imposition se terminant le 31 janvier 2004

Année d’imposition se terminant le 31 janvier 2005

Revenus non déclarés

40 935 $

42 339 $

DPA refusée

4 424 $

3 097 $

Frais de déplacement refusés

7 475 $

3 220 $

 

Les revenus non déclarés

 

[2]         Au début de l’audience, l’avocat de l’intimée a reconnu que certains montants qui avaient été inclus dans les revenus non déclarés pour l’année financière se terminant le 31 janvier 2005 n’auraient pas dû l’être dans cette année‑là. Ces montants se rapportent à deux dépôts qui ont été faits le 28 janvier 2004, ce qui signifie que, d’après la position de l’intimée en l’espèce, ils auraient dû être inclus à titre de revenus non déclarés pour l’année se terminant le 31 janvier 2004. Ces deux dépôts totalisaient 19 000 $. Il convient donc de réduire les revenus non déclarés pour l’année d’imposition 2005 de l’appelante de 42 339 $ à 23 339 $.

 

[3]         L’avocat de l’intimée a fait valoir que les deux montants qu’il n’aurait pas fallu inclure à titre de revenus non déclarés pour l’année se terminant le 31 janvier 2005 devraient être pris en compte pour déterminer si la cotisation applicable à l’année se terminant le 31 janvier 2004 est exacte. Cependant, la nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2004 de l’appelante n’a pas été fondée sur le fait que ces deux montants, totalisant 19 000 $, étaient inclus dans les revenus non déclarés pour l’année d’imposition 2004 de l’appelante. Si l’intimée voulait inclure ces montants dans les revenus de l’appelante pour son année d’imposition 2004, la bonne façon de procéder aurait été d’établir une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelante en vue d’ajouter ces montants à ses revenus. L’intimée aurait alors à déterminer si la nouvelle cotisation se situerait après la période normale de nouvelle cotisation de l’appelante. Dans l’affirmative, les restrictions contenues au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») s’appliqueraient. En laissant entendre que ces montants, qui n’ont pas été inclus dans la nouvelle cotisation concernant l’année se terminant le 31 janvier 2004, auraient dû être pris en compte pour déterminer si la cotisation relative à cette année‑là est exacte, l’intimée tente en pratique d’établir une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelante et de contourner les dispositions du paragraphe 152(4) de la Loi qui s’appliqueraient si la nouvelle cotisation en question serait postérieure à la période normale de nouvelle cotisation de l’appelante.

 

[4]         Le paragraphe 152(9) a été ajouté à la Loi pour permettre à l’intimée d’invoquer un argument subsidiaire à l’appui d’une nouvelle cotisation établie après la période normale prévue à cet effet. Le texte de cette disposition est le suivant :

 

152(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[5]         Dans l’arrêt Walsh c. La Reine, 2007 CAF 222, [2007] 4 C.T.C. 73, 2007 DTC 5441, le juge Richard de la Cour d’appel fédérale a fait les remarques suivantes au sujet du paragraphe 152(9) de la Loi :

 

[18]      Les conditions suivantes sont applicables lorsque le ministre veut invoquer le paragraphe 152(9) de la Loi :

 

1)         Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

 

2)         Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

 

3)         Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée. 

 

[6]         Étant donné que les dépôts totalisant 19 000 $ n’étaient pas des transactions qui ont été incluses dans la détermination de la nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2004 de l’appelante, les dispositions du paragraphe 152(9) de la Loi ne permettent pas à l’intimée de les inclure à l’appui de cette nouvelle cotisation.

 

[7]         Les montants de revenu non déclaré ont été déterminés en examinant les dépôts faits dans le compte bancaire personnel de Jasbir Cheema. Ce dernier possède 50 % des actions de l’appelante, et c’est son épouse qui en détient le reste. L’appelante exploite une entreprise d’entretien ménager. Jasbir Cheema a lancé l’entreprise en 1986 et a constitué l’appelante en société en 1992. Lors des années visées par l’appel, l’appelante comptait de 150 à 200 clients dans la région du Grand Toronto (« RGT »). Le nombre de ces clients est aujourd’hui de 600.

 

[8]         Les revenus bruts de l’appelante pour les années d’imposition visées par l’appel étaient les suivants :

 

Année d’imposition 2004

Année d’imposition 2005

932 886 $

1 314 261 $

 

[9]         Entre ses années d’imposition 2004 et 2005, l’appelante a vu ses revenus bruts augmenter de 41 %. Ils sont aujourd’hui près de 4 millions de dollars. Cette hausse marquée dénote que l’entreprise a connu ces dernières années une expansion considérable.

 

[10]    En examinant les renseignements relatifs au compte bancaire de Jasbir Cheema, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a relevé divers dépôts qu’elle a mis en doute. Selon l’explication de Jasbir Cheema, ces dépôts représentaient des remboursements de prêts qu’il avait faits à des parents et à des amis. Il a indiqué qu’il n’avait pas perçu d’intérêts sur ces prêts. Lors de la vérification, il a produit les affidavits de quatre des personnes auxquelles il disait avoir prêté de l’argent. Dans ces affidavits, les personnes ont déclaré que Jasbir Cheema leur avait avancé des fonds, et les affidavits indiquent les dates auxquelles des paiements de remboursement ont été faits, ainsi que leur montant.

 

[11]    À l’audience, trois des quatre personnes qui ont fourni un affidavit ont témoigné. La quatrième personne se trouvait en Inde et n’était donc pas disponible pour témoigner.

 

[12]    Dans chaque cas, les personnes ont confirmé à l’audience que Jasbir Cheema leur avait avancé des sommes d’argent considérables et qu’il n’avait pas perçu d’intérêts sur ces dernières. Elles ont également confirmé qu’elles lui avaient fait divers paiements en espèces au cours des années visées par l’appel, ainsi qu’il est indiqué dans leurs affidavits respectifs. L’agente d’appel de l’ARC a elle aussi témoigné. Celle‑ci a déclaré qu’elle avait inclus les dépôts en question dans les revenus de l’appelante parce qu’il lui avait été impossible de faire correspondre les paiements que ces personnes disaient avoir faits à Jasbir Cheema et les dépôts en question.

 

[13]    Le tableau suivant montre les paiements que les personnes ont dit avoir faits, de même que les dépôts en question (exception faite des dépôts analysés séparément ci‑après et du virement de 5 000 $ du compte des enfants le 28 janvier 2004, lequel fait partie des 19 000 $ soustraits des revenus non déclarés de l’appelante pour son année d’imposition 2005, comme il a été mentionné plus tôt).

 

2003

 

Date

Swaranjit Gill

Harmeet Gill

Lakhwinder Dhaliwal

Simarjeet Cheema

Paiements CDA disponibles pour dépôt

Dépôts

Janvier 2003

 

 

 

1 940,00 $

 

 

30 janvier 2003

1 154,84 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11 février 2003

 

 

1 900,00 $

 

 

 

25 février 2003

 

2 000,00 $

 

 

6 994,84 $

 

25 février 2003

 

 

 

 

 

5 489,07 $

 

 

 

 

 

 

 

Mars 2003

 

 

 

1 740,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

25 avril 2003

 

2 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mai 2003

 

 

 

3 460,00 $

 

 

30 mai 2003

3 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Juin 2003

 

 

 

1 330,00 $

 

 

2 juin 2003

 

 

3 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 juillet 2003

1 133,18 $

 

 

 

 

 

16 juillet 2003

 

 

2 600,00 $

 

 

 

25 juillet 2003

 

2 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

19 août 2003

 

 

3 900,00 $

 

25 668,95 $

 

29 août 2003

 

 

 

 

 

2 444,53 $

 

 

 

 

 

 

 

Septembre 2003

 

 

 

1 280,00 $

24 504,42 $

 

9 sept. 2003

 

 

 

 

 

3 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

9 octobre  2003

 

 

1 200,00 $

 

22 704,42 $

 

23 octobre 2003

 

 

 

 

 

4 000,00 $

24 octobre 2003

1 142,77 $

 

 

 

19 847,19 $

 

30 octobre 2003

 

 

 

 

 

1 695,00 $

 

 

 

 

 

 

 

Novembre 2003

 

 

 

940,00 $

19 092,19 $

 

19 nov. 2003

 

 

 

 

 

1 846,40 $

 

 

 

 

 

 

 

Décembre 2003

 

 

 

1 380,00 $

 

 

4 déc. 2003

 

 

200,00 $

 

 

 

8 déc. 2003

 

5 000,00 $

 

 

23 825,79 $

 

11 déc. 2003

 

 

 

 

 

4 000,00 $

23 déc. 2003

 

 

300,00 $

 

 

 

Montant à la fin de l’année :

 

 

 

 

20 125,79 $

 

 

2004

 

Date

Swaranjit Gill

Harmeet Gill

Lakhwinder Dhaliwal

Simarjeet Cheema

Paiements CDA disponibles pour dépôt

Dépôts

Montant reporté de 2003 :

 

 

 

 

20 125,79 $

 

26 janvier 2004

 

16 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

9 février 2004

 

3 400,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

39 525,79 $

 

Mars 2004

 

 

 

 

 

400,00 $

 

 

 

 

 

 

 

5 avril 2004

 

 

200,00 $

 

 

 

12 avril 2004

 

 

200,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

31 mai 2004

4 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

43 525,79 $

 

Juillet 2004

 

 

 

 

 

3 453,24 $

 

 

 

 

 

 

 

16 août 2004

 

 

400,00 $

 

40 472,55 $

 

Août 2004

 

 

 

 

 

3 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

15 sept. 2004

 

 

1 000,00 $

 

38 472,55 $

 

Septembre 2004

 

 

 

 

 

7 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

15 nov.2004

 

 

1 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 déc. 2004

 

 

1 100,00 $

 

33 572,55 $

 

Décembre 2004

 

 

 

 

 

4 000,00 $

Décembre 2004

 

 

 

 

 

2 000,00 $

Décembre 2004

 

 

 

 

 

5 000,00 $

Montant à la fin de l’année :

 

 

 

 

22 572,55 $

 

 

[14]    La colonne « Paiements CDA (cumul de l’année) disponibles pour dépôt » montre tous les paiements qui ont été faits depuis le début de l’année 2003 moins les dépôts effectués à la date de chaque dépôt douteux que l’ARC a relevé. Il ressort de ce tableau que, pour chaque dépôt, le total des remboursements de prêt que les personnes ont faits avant le dépôt en question excède le montant des dépôts précédents et que, par conséquent, ces paiements auraient pu financer le dépôt en question. Le vérificateur de l’ARC n’a pas accepté cela parce que le montant des dépôts n’était pas tout à fait égal aux paiements faits par les diverses personnes. Cependant, comme les paiements ont été faits en espèces, Jasbir Cheema aurait pu facilement conserver une part du montant qui a été déposé.

 

[15]    Un dépôt de 725 $ en 2003 et deux dépôts distincts de 725 $ chacun en 2004 ont été inclus à titre de revenus non déclarés de l’appelante. Ces montants ne sont pas inclus dans les tableaux qui précèdent. Jasbir Cheema a déclaré qu’il avait reçu ces montants comme loyer pour le sous‑sol de sa maison. L’agente d’appel de l’ARC a inclus ces montants à titre de revenus non déclarés de l’appelante parce que Jasbir Cheema n’avait inclus aucun revenu de location dans ses revenus de 2004 ou de 2005 pour l’application de la Loi. Jasbir Cheema avait inclus un revenu de location dans sa déclaration de revenus pour 2001. Le montant de 725 $ semble être un montant qui pourrait s’appliquer au loyer relatif au sous‑sol de la maison de Jasbir Cheema, et j’accepte ce que ce dernier a déclaré, à savoir qu’il s’agissait de paiements liés à la location du sous‑sol de sa maison. Le fait qu’un actionnaire n’inclue pas un revenu de location dans ses revenus ne justifie pas l’inclusion de ce montant dans le revenu de l’appelante. Si Jasbir Cheema a omis d’inclure dans sa déclaration de revenus un revenu lié à la location du sous‑sol de sa maison, c’est lui, et non l’appelante, qui aurait dû faire l’objet d’une nouvelle cotisation en vue d’inclure le montant en question.

 

[16]    Même si le dépôt de 14 000 $ qui a été fait dans le compte bancaire de Jasbir Cheema le 28 janvier 2004 a été, au début de l’audience, soustrait des revenus non déclarés pour l’année d’imposition 2005 de l’appelante, cette dernière a quand même produit une preuve concernant ce montant. Il s’agissait d’un chèque provenant d’un cabinet d’avocats. Tom Kontaxis a témoigné et il a confirmé qu’il avait emprunté de l’argent à Jasbir Cheema et qu’il le lui avait remboursé au moment de la vente de sa maison. Le chèque de 14 000 $ provenait de ses avocats. J’accepte son témoignage et, par conséquent, en tout état de cause, le dépôt de 14 000 $ n’aurait pas dû être inclus à titre de revenu non déclaré de l’appelante pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 2005. Ni le dépôt de 14 000 $ ni le paiement de 14 000 $ ne sont inclus dans les tableaux qui précèdent.

 

[17]    L’avocat de l’intimée a également présenté des sommaires de ce qui a été qualifié de dépôts douteux dans les comptes bancaires des personnes qui faisaient des paiements à Jasbir Cheema. La théorie de l’avocat de l’intimée était que ces personnes recevaient des paiements des clients de l’appelante pour des services d’entretien ménager fournis par l’appelante, qu’elles déposaient cet argent dans leur propre compte bancaire et qu’elles effectuaient ensuite des paiements à Jasbir Cheema. La plupart des [Traduction] « dépôts suspects » étaient de simples multiples de 100 $. Rien ne laisse croire que l’appelante ne percevait pas la TPS relativement aux services d’entretien ménager fournis, et il semble donc relativement aux services d’entretien ménager serait un simple multiple de 100 $. L’explication la plus logique du fait que les dépôts avaient été effectués peu après un paiement était que ces personnes devaient de l’argent à Jasbir Cheema et qu’elles lui faisaient des paiements quand elles recevaient de l’argent comptant pour du travail qu’elles avaient fait. Il n’y avait aucune preuve que l’intimée aurait dû produire à l’appui de cette théorie du complot car l’appelante a présenté une preuve prima facie selon laquelle les dépôts étaient des remboursements de fonds avancés.

 

[18]    Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1997] A.C.S. no 62, la juge L’Heureux‑Dubé, de la Cour suprême du Canada, a fait les commentaires suivants au sujet de la charge qu’a un contribuable de « démolir » les présomptions du ministre :

 

92        Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l’intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

93        L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l’espèce, l’appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions suivantes : a) la présomption de l’existence de « deux entreprises », en produisant une preuve claire de l’existence d’une seule entreprise; b) la présomption qu’il n’y a « aucun revenu », en produisant une preuve claire de l’existence d’un revenu. Il est établi en droit qu’une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l’ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l’appelante en l’espèce n’a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l’appelante a « démoli » les présomptions sur l’existence de « deux entreprises » et sur le fait qu’il n’y a « aucun revenu ».

94        Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve […] passe […] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions : Magilb Development Corp. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe « deux entreprises » et il n’y a « aucun revenu ».

95        Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui‑ci ne produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause : voir par exemple MacIsaac, précité, où la Cour d’appel fédérale a infirmé le jugement de la Division de première instance (à la p. 6381) pour le motif que le « témoignage n’a été ni contesté ni contredit, et aucune objection ne lui a été opposée ». Voir aussi Waxstein c. M.R.N., 80 D.T.C. 1348 (C.R.I.); Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271 (C.R.I.). Se reporter également à Zink, précité, à la p. 653, où, même si la preuve « échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie », l’appel du contribuable a été accueilli parce que le ministre n’a présenté aucune preuve quant à la source de revenu. Dans la présente affaire, je remarque que la preuve ne contient aucune « lacune » de ce genre. Par conséquent, puisque le ministre n’a produit absolument aucune preuve et que personne n’a soulevé le moindre doute quant à la crédibilité, l’appelante est fondée à obtenir gain de cause.

96        Dans la présente affaire, sans qu’aucune preuve ne leur ait été présentée, le juge de première instance et la Cour d’appel ont tous deux voulu transformer les présomptions non fondées et non vérifiées en « conclusions de fait », commettant ainsi des erreurs de droit sur la charge de la preuve. Mon collègue le juge Iacobucci exerce de la retenue à l’égard de ces soi‑disant « conclusions concordantes » des cours d’instance inférieure, mais, bien que je sois tout à fait d’accord de façon générale avec le principe de retenue judiciaire, dans la présente affaire, deux décisions incorrectes ne sauraient en faire une bonne. Même si nous sommes en présence de « conclusions concordantes », la preuve non contestée et non contredite réfute positivement les présomptions du ministre : MacIsaac, précité. Comme le juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt l’a noté dans Gelber c. M.R.N., 91 D.T.C. 1030, à la p. 1033, « [le ministre] n’est pas l’arbitre de ce qui est fondé ou non en matière de droit fiscal ». Le juge Brulé de la Cour canadienne de l’impôt dans Kamin, précité, a observé à la p. 64 :

[…] le ministre devrait pouvoir réfuter cette preuve [prima facie] et présenter des arguments à l’appui de ses présomptions.

[…]

Le ministre n’a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui conviennent. À l’interrogatoire principal, on s’attend qu’il puisse produire des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les arguments de l’appelant. [Souligné par la juge L’heureux‑Dubé.]

 

[19]    L’avocat de l’intimée a soutenu également qu’il ne fallait pas conclure que le témoignage de Simarjeet Cheema était digne de foi, car cette dernière a donné des réponses contradictoires aux questions concernant le compte duquel des fonds avaient été retirés pour payer Jasbir Cheema. Cependant, en l’espèce, Simarjeet Cheema ne parlait pas l’anglais, de sorte que les questions ont été traduites par un interprète en punjabi et les réponses ont été traduites en anglais. Cela amène à se demander s’il n’y a peut‑être pas des choses qui se sont perdues dans la traduction. Elle a d’abord déclaré que les fonds destinés à payer Jasbir Cheema ont été retirés d’un compte en banque conjoint et, plus tard, qu’une partie des fonds provenait du compte de son époux et, ensuite, que les fonds provenant du compte de son époux ont d’abord été virés au compte en banque conjoint et ensuite retirés de ce dernier. Il ne me semble pas que ces déclarations soient contradictoires au point que je doive faire abstraction de son témoignage tout entier ou conclure qu’elle n’est pas un témoin digne de foi. Il me semble que, si les fonds ont été virés du compte de son époux au compte conjoint et ensuite retirés de ce compte pour payer Jasbir Cheema, il serait  raisonnable qu’elle dise que les fonds destinés à payer Jasbir Cheema ont été retirés du compte conjoint, qu’une partie des fonds provenaient du compte de son époux et qu’une partie des fonds ont été virés. Je ne conclus pas que ces déclarations ont entaché sa crédibilité, et il y a plus de chances qu’elles soient simplement dues à la manière dont les questions ont été posées et traduites.

 

[20]    L’avocat de l’intimée a également laissé entendre que les montants que Simarjeet Cheema a retirés du compte conjoint n’étaient pas suffisants pour couvrir les paiements faits à Jasbir Cheema. Cependant, en formulant cette prétention, l’avocat de l’intimée a fait abstraction de plusieurs retraits de 100 $ et de deux de 20 $, faits à un guichet automatique. Lorsqu’on totalise tous les retraits faits pour le mois de janvier 2003, on arrive au résultat de 1 940 $, ce qui est le même montant que Simarjeet Cheema a déclaré avoir payé à Jasbir Cheema au cours du mois de janvier 2003. Je conclus que Simarjeet Cheema était un témoin digne de foi et j’accepte son témoignage selon lequel elle avait emprunté des fonds à Jasbir Cheema et lui avait fait les paiements de la manière indiquée dans les tableaux qui précèdent.

 

[21]    J’accepte aussi le témoignage des autres personnes qui ont confirmé que Jasbir Cheema leur avait avancé des fonds et qu’elles les lui remboursaient en espèces, et je conclus que ces personnes aussi ont fait les paiements à Jasbir Cheema de la manière indiquée dans les tableaux qui précèdent. Je conclus donc que l’appelante a « démoli » la présomption qui a été formulée, à savoir que les dépôts faits dans le compte en banque personnel de Jasbir Cheema constituaient un revenu pour l’appelante. Étant donné que l’intimée n’a rien présenté de plus concret que des présomptions, les montants de dépôt n’auraient pas dû être inclus à titre de revenus non déclarés de l’appelante.

 

[22]    Un dépôt de 20 000 $ (par suite d’un virement de fonds du compte des enfants au compte de Jasbir Cheema) est également inclus à titre de revenu non déclaré de l’appelante pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 2004. Les notes de l’agente d’appel sur ce dépôt indiquent ce qui suit :

 

[Traduction
Nous ne voyons pas le montant de 20 000 $ viré à partir du compte des enfants, mais un montant considérable a été déposé dans le compte. Trois dépôts de 9 000 $ ont été faits en juillet 2000, janvier 2002 et juillet 2002. Le représentant a expliqué que les enfants recevaient de l’argent pour leur anniversaire et l’obtention de leur diplôme. Cependant, nous n’estimons pas que des montants aussi considérables puissent correspondre à de tels événements. Le représentant du contribuable n’a pas donné d’autre explication.

 

[23]    On ne sait pas pourquoi la somme de 20 000 $ serait incluse dans le calcul des revenus de l’appelante pour son année d’imposition 2004, alors que les fonds ont été virés du compte des enfants à celui de Jasbir Cheema. Rien ne dénote (et il n’y a pas lieu de croire) que les enfants de Jasbir Cheema ont retenu les services de l’appelante pour leur fournir des services d’entretien ménager. Le fondement de la nouvelle cotisation était que ces montants représentaient un revenu que l’appelante avait gagné et qu’ils avaient été déposés dans le compte personnel de l’actionnaire ou le compte des enfants. Cela étant, les années en question pour l’appelante (celles durant lesquelles les dépôts ont été faits dans le compte des enfants) seraient l’année d’imposition de l’appelante se terminant le 31 janvier 2001 (pour le dépôt de 9 000 $ fait en juillet 2000), l’année d’imposition de l’appelante se terminant le 31 janvier 2002 (pour le dépôt de 9 000 $ fait en janvier 2002) et l’année d’imposition de l’appelante se terminant le 31 janvier 2003 (pour le dépôt de 9 000 $ fait en juillet 2002). Ces années ne sont pas celles qui sont visées par l’appel. Il n’y a aucune raison pour laquelle ces montants devraient être inclus dans les revenus de l’appelante pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 2004.

 

[24]    En conséquence, les 20 000 $ qui ont été virés du compte des enfants à celui de Jasbir Cheema n’auraient pas dû être inclus à titre de revenu non déclaré de l’appelante pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 2004.

 

Le rejet de la déduction pour amortissement

 

[25]    L’appelante possédait deux véhicules. Jasbir Cheema a témoigné qu’il se servait de l’un des deux durant la journée pour rendre visite à ses clients, et du second dans la soirée lorsqu’il fournissait les services d’entretien ménager. L’appelante a produit des relevés de kilométrage, soit deux calendriers contenant des abréviations pour les endroits où il se rendait tous les jours et le nombre de kilomètres parcourus durant cette journée‑là inscrits dans la case applicable à chaque jour. Il y a deux calendriers distincts – un pour chaque véhicule. Le nombre de kilomètres parcourus chaque jour est constant. Cependant, comme l’appelante exploitait une entreprise d’entretien ménager, il semble logique qu’elle fournissait chaque jour ses services aux mêmes endroits et il ne semble donc pas déraisonnable que le véhicule se rendait aux mêmes endroits, ce qui donnerait lieu au même nombre de kilomètres parcourus chaque jour.

 

[26]    En l’espèce, la question en litige a trait à l’utilisation du Chevrolet Tahoe (le « Tahoe »). Selon l’intimée, le pourcentage d’utilisation commerciale de ce véhicule n’était que de 70 %. L’intimée a reconnu que le pourcentage d’utilisation commerciale de l’autre véhicule était de 100 %. Elle a exprimé l’avis qu’étant donné que le pourcentage d’utilisation commerciale du Tahoe n’était que de 70 %, le coût de ce véhicule était restreint pour la détermination de la déduction pour amortissement (DPA) applicable à ce véhicule.

 

[27]    L’alinéa 13(7)g) de la Loi indique ceci :

 

13(7) Sous réserve du paragraphe 70(13), les règles suivantes s’appliquent dans le cadre des alinéas 8(1)j) et p), du présent article, de l’article 20 et des dispositions réglementaires prises pour l’application de l’alinéa 20(1)a):

 

[…]

 

g) si le coût d’une voiture de tourisme pour un contribuable est supérieur à 20 000 $ ou à tout autre montant fixé par règlement, le coût en capital de la voiture pour le contribuable est réputé être 20 000 $ ou cet autre montant, selon le cas;

 

[28]    Un véhicule de tourisme est défini en ces termes au paragraphe 248(1) de la Loi :

 

« voiture de tourisme » Automobile acquise après le 17 juin 1987 — à l’exclusion d’une automobile acquise après cette date conformément à une obligation écrite contractée avant le 18 juin 1987 — ou automobile louée par contrat de location conclu, prolongé ou renouvelé après le 17 juin 1987.

 

[29]    Une automobile est définie, en partie, comme suit :

 

« automobile » Véhicule à moteur principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur, à l’exclusion des véhicules suivants :

 

[…]

 

(i) les véhicules de type fourgonnette ou camionnette, ou d’un type analogue, comptant au maximum trois places assises, y compris celle du conducteur, et qui, au cours de l’année d’imposition où ils sont acquis ou loués, sont utilisés principalement pour le transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu,

(ii) les véhicules de type fourgonnette ou camionnette, ou d’un type analogue, dont la totalité ou la presque totalité de l’utilisation au cours de l’année d’imposition où ils sont acquis ou loués est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu, […]

 

[30]    Étant donné que le Tahoe compte plus de trois places assises, ce véhicule n’est exclu de la définition d’une automobile (et donc non assujetti à la restriction relative au coût) que s’il s’agit d’un véhicule qui est semblable à une fourgonnette ou à une camionnette et si, pour ce véhicule, « la totalité ou la presque totalité de l’utilisation […] est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu ». Comme le seul argument invoqué par l’intimée concernant la restriction de la déduction pour amortissement imposée à l’appelante avait trait à l’utilisation du véhicule, il va de soi que l’intimée admettait que le Tahoe est un véhicule semblable à une fourgonnette ou à une camionnette. Dans le cas présent, le siège arrière du Tahoe avait été retiré (ce qui laissait deux rangées de places assises) et le véhicule servait à transporter du personnel ‑ et vraisemblablement aussi des fournitures ‑ de nettoyage.

 

[31]    L’agente d’appel a témoigné que l’intimée acceptait le nombre total de kilomètres parcourus par le Tahoe, tel qu’indiqué dans les calendriers. Cependant, elle a déclaré aussi que ce nombre importait peu, car c’est la formule de 70 % pour l’usage commercial et de 30 % pour l’usage personnel qui aurait été appliquée, indépendamment du nombre de kilomètres parcourus. La condition, indiquée dans la Loi, est toutefois la suivante : « la totalité ou la presque totalité de l’utilisation [du véhicule] est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu ». Il me semble que pour déterminer cela, le nombre réel de kilomètres parcourus en tout dans le véhicule et le nombre réel de kilomètres parcourus dans le véhicule pour la fin requise seraient pertinents.

 

[32]    D’après les relevés de kilométrage tenus, le Tahoe a parcouru une distance de 38 165 kilomètres et de 42 486 kilomètres durant les années d’imposition 2004 et 2005, respectivement, de l’appelante. L’avis d’appel et une facture que Jasbir Cheema a établie pour les frais de déplacement (facture adressée à l’appelante) indiquent que l’adresse de l’appelante était la même que celle de Jasbir Cheema, ainsi qu’il est noté dans le sommaire des renseignements fiscaux que l’intimée a déposé. Il semble donc logique que le bureau de l’appelante soit situé au domicile de Jasbir Cheema. L’intimée n’a pas mis en doute ou laissé entendre que le premier déplacement fait chaque jour pour le véhicule était un usage personnel. Le bureau étant situé au domicile de Jasbir Cheema, il me semble que le premier déplacement effectué chaque jour serait fait à des fins commerciales, à la condition que Jasbir Cheema se rende chez un client de l’appelante ou, sinon, se déplace en vue de gagner un revenu pour cette dernière.

 

[33]    Les distances de 38 165 kilomètres pour l’année d’imposition 2004 de l’appelante et de 42 486 kilomètres pour l’année d’imposition 2005 de l’appelante ont été calculées en totalisant les déplacements quotidiens que l’appelant a consignés dans les calendriers. Le vérificateur de l’ARC a admis que ces totaux étaient raisonnables pour la distance totale que le Tahoe avait parcourue ces années‑là. L’ARC a ensuite déterminé arbitrairement que 30 % de la distance parcourue était de nature personnelle. Jasbir Cheema a témoigné qu’il consignait le nombre total de kilomètres que le véhicule parcourait chaque jour et que, chaque jour où le kilométrage était consigné, le véhicule était utilisé, sauf à de rares exceptions, dans le cadre des activités de l’appelante.

 

[34]    Le Tahoe était utilisé durant le jour, quand Jasbir Cheema s’en allait rencontrer des clients. L’agente d’appel de l’ARC a déclaré que la seule raison pour laquelle l’ARC avait déterminé que ce n’était pas tous les kilomètres parcourus par le Tahoe qui l’avaient été dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise était qu’aucun kilométrage n’avait été consigné (sauf pour quelques fins de semaine) pour des déplacements faits le samedi ou le dimanche. Cependant, cela ne mène pas à la conclusion que 30 % des 38 165 kilomètres concernant l’année d’imposition 2004 de l’appelante (soit le kilométrage consigné pour la période du lundi au vendredi) avaient été faits à des fins personnelles, mais cela dénote que le nombre total de kilomètres parcourus au cours de cette année‑là était supérieur à 38 165 (ce qui n’est pas la présomption qui a été faite). La distance consignée pour chaque jour était en général de 150 à 160 kilomètres. Les clients de l’appelante étaient situés partout dans la RGT. L’appelante avait des clients à Thornhill, à Mississauga ainsi que dans d’autres parties de la RGT. Les registres indiquent que, la plupart des jours, le véhicule partait de Caledon pour trois ou quatre collectivités différentes et qu’il rentrait ensuite à Caledon. Rien ne laissait croire que le kilométrage consigné pour chaque jour était déraisonnable pour une entreprise qui avait des clients dans toute la RGT.

 

[35]    L’agente d’appel a déclaré que, comme Jasbir Cheema avait dit qu’il travaillait sept jours par semaine et qu’elle n’avait pas vu de kilométrage consigné pour les déplacements faits la fin de semaine, elle avait déterminé que 30 % des 38 165 kilomètres consignés pour l’année d’imposition 2004 de l’appelante étaient de nature personnelle (et, comme il a été mentionné plus tôt, elle aurait appliqué la part personnelle de 30 % au nombre total de kilomètres qu’il y aurait eu, quel qu’il soit, et le même pourcentage a été appliqué à l’année d’imposition 2005 de l’appelante). Il ne me semble pas que le fait que Jasbir Cheema ait dit qu’il travaillait sept jours par semaine signifierait forcément que l’appelante se déplaçait systématiquement tous les jours. Il y aurait vraisemblablement du travail à faire au bureau (qui, comme il a été indiqué plus tôt, semble être situé au domicile de Jasbir Cheema ou non loin de là). Quoi qu’il en soit, le fait de ne pas avoir consigné la distance parcourue la fin de semaine (alors que Jasbir Cheema ne consignait que la distance parcourue dans le cadre des activités de l’appelante, du lundi au vendredi) ne mène pas nécessairement à la conclusion que 30 % de la distance consignée pour les autres jours de la semaine étaient de nature personnelle. Si l’on ajoutait la distance parcourue la fin de semaine à la distance consignée pour les autres jours, on s’attendrait à ce que le nombre de kilomètres consignés le lundi soit plus élevé – mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[36]    Comme il a été dit plus tôt, les activités de l’appelante ont connu une expansion marquée. Les revenus bruts ont augmenté de 41 % entre l’année d’imposition 2004 de l’appelante et son année d’imposition 2005, et les chiffres ont nettement augmenté depuis ce temps. Cela expliquerait pourquoi le Tahoe a parcouru plus de kilomètres durant l’année d’imposition 2005 de l’appelante (42 486 kilomètres). Il semble donc logique de présumer que Jasbir Cheema était fort occupé à trouver de nouveaux clients pour l’appelante et qu’il portait beaucoup d’attention aux activités de l’appelante durant les années visées par l’appel.

 

[37]    En conséquence, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante a « démoli » la présomption de l’intimée, à savoir que le Tahoe n’était pas un véhicule « dont la totalité ou la presque totalité de l’utilisation […] est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu » et que, comme l’intimée n’a présenté que des présomptions, l’appelante a le droit d’avoir gain de cause sur ce point. Dans la réponse, l’intimée a déclaré que les rajustements faits aux revenus de l’appelante sont ceux qui sont indiqués dans l’avis d’appel et, par conséquent, la déduction pour amortissement qui a été refusée était de 4 424 $ pour l’année d’imposition 2004 de l’appelante et de 3 097 $ pour l’année d’imposition 2005 de l’appelante. Ces montants devraient être admis dans le calcul du revenu de l’appelante.

 

Les déplacements

 

[38]    L’appelante a déduit des frais relatifs à des voyages faits pendant ses années d’imposition 2004 et 2005. Jasbir Cheema s’est rendu au Québec, à Edmonton et à Vancouver. En outre, son beau‑père est allé en Inde. Selon le témoignage de Jasbir Cheema et de son beau‑père, ces voyages avaient pour but d’implanter l’entreprise dans ces endroits. Jasbir Cheema a déclaré qu’il voulait trouver, pour ses services d’entretien ménager, des clients au Québec, à Edmonton, à Vancouver et en Inde.

 

[39]    Il m’apparaît peu vraisemblable qu’un client situé en Inde veuille retenir les services d’une entreprise située au Canada pour faire nettoyer ses locaux si cette entreprise d’entretien ménager n’a aucune activité et aucun employé en Inde. En outre, il ne m’apparaît pas vraisemblable que des entreprises situées au Québec, à Edmonton ou à Vancouver retiennent les services d’entreprises d’entretien ménager qui sont situées à Toronto et qui n’ont aucune présence sur place. À l’évidence, les services d’entretien ménager doivent être fournis dans les locaux du client. Jasbir Cheema a déclaré aussi qu’il passe maintenant un temps considérable à superviser les préposés au nettoyage que l’appelante a à son service (une tâche qui serait nettement plus difficile si ces préposés se trouvaient en Inde). La thèse selon laquelle ces voyages avaient pour but d’étendre l’entreprise à ces endroits ne me semble pas vraisemblable.

 

[40]    Le texte de l’alinéa 18(1)a) de la Loi est le suivant :

 

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

Restriction générale

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

[41]    Quelques déplacements jusqu’à des centres commerciaux et quelques visites dans une usine de fabrication de tracteurs pendant que Naunihal Singh Gill (le beau‑père de Jasbir Cheema) passait deux mois en Inde ne sont, selon moi, qu’un simple maquillage et ne suffisent pas à justifier le coût d’un voyage en Inde comme une dépense que l’appelante a engagée dans le but de tirer un revenu de ses activités, car il est peu vraisemblable que l’appelante puisse trouver dans ce pays des clients pour son service d’entretien ménager. Dans le même ordre d’idées, les quelques visites que Jasbir Cheema a faites dans des entreprises situées au Québec, à Edmonton ou à Vancouver seraient elles aussi, selon moi, un simple maquillage et elles ne seraient pas suffisantes pour justifier que le coût des déplacements faits à ces endroits est une dépense déductible de l’appelante.

 

[42]    En conséquence, les frais de déplacement n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu et l’appelante ne peut donc pas les déduire en vue de déterminer son revenu pour l’application de la Loi.

 

Conclusion

 

[43]    En conséquence, l’appel est accueilli, avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

 

a)     dans son année d’imposition 2004, l’appelant n’a pas eu un revenu non déclaré de 40 935 $;

 

b)    dans son année d’imposition 2005, l’appelante n’a pas eu un revenu non déclaré de 42 339 $;

 

c)     le Tahoe n’est pas une voiture de tourisme et n’est donc pas inclus dans las catégorie 10.1 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu, et de ce fait :

 

                                                              i.      le montant que l’appelante est en droit d’utiliser à titre de déduction pour amortissement dans le calcul de ses revenus pour son année d’imposition 2004 est majoré de 4 424 $;

 

                                                            ii.      le montant que l’appelante est en droit d’utiliser à titre de déduction pour amortissement dans le calcul de ses revenus pour son année d’imposition 2005 est majoré de 3 097 $.

 

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de mars 2009.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 15jour de mai 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI145

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008‑2736(IT)I

 

INTITULÉ :                                       CHEEMA CLEANING SERVICES LTD. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 mars 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Arshad Qayyum

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU
DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

                          Cabinet :                 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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