Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007-170(IT)I

ENTRE :

WAYNE ROE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Delores Jim (2007-1835(IT)I), Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I), Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I),

Barbara Matilpi (2007-974(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I), Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007‑306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-1835(IT)I

ENTRE :

DELORES JIM,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I), Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I),

Barbara Matilpi (2007-974(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I), Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-2213(IT)I

ENTRE :

JONATHAN LABILLOIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Pauline Janyst (2007-2978(IT)I), Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I),

Barbara Matilpi (2007-974(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I), Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-2978(IT)I

ENTRE :

PAULINE JANYST,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I),

Barbara Matilpi (2007-974(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I), Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-3013(IT)I

ENTRE :

LISA GAGNON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I),

Barbara Matilpi (2007-974(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I), Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-974(IT)I

ENTRE :

BARBARA MATILPI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I),

Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I), Tanya McKenzie (2007-975(IT)I),

Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-975(IT)I

ENTRE :

TANYA MCKENZIE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I),

Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I), Barbara Matilpi (2007-974(IT)I),

Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002 et 2004 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-118(IT)I

ENTRE :

ALEGHA VAN HANUSE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I),

Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I), Barbara Matilpi (2007-974(IT)I),

Tanya McKenzie (2007-975(IT)I) et Catherine Wherry (2007-306(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007-306(IT)I

ENTRE :

CATHERINE WHERRY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu en partie sur preuve commune avec les appels de

Wayne Roe (2007-170(IT)I), Delores Jim (2007-1835(IT)I),

Jonathan Labillois (2007-2213(IT)I), Pauline Janyst (2007-2978(IT)I),

Lisa Gagnon (2007-3013(IT)I), Barbara Matilpi (2007-974(IT)I),

Tanya McKenzie (2007-975(IT)I) et Alegha Van Hanuse (2007-118(IT)I) du 21 au 31 juillet 2008, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

Référence : 2008 CCI 667

Date : 20081205

Dossiers : 2007-170(IT)I, 2007-1835(IT)I,

2007-2213(IT)I, 2007-2978(IT)I,

2007-3013(IT)I, 2007-974(IT)I,

2007-975(IT)I, 2007-118(IT)I,

2007-306(IT)I

 

ENTRE :

WAYNE ROE, DELORES JIM,

JONATHAN LABILLOIS, PAULINE JANYST,

LISA GAGNON, BARBARA MATILPI,

TANYA MCKENZIE, ALEGHA VAN HANUSE,

CATHERINE WHERRY,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]              Dans chacun des présents appels, il s’agit de savoir si le revenu d’emploi gagné par les appelants était exonéré d’impôt en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, qui prévoit que les biens meubles d’un Indien ou d’une bande sont exemptés de taxation s’ils sont situés dans une réserve.

 

[2]              Le critère à appliquer pour décider si un bien meuble incorporel comme un revenu d’emploi est situé dans une réserve au sens de l’alinéa 87(1)b) est le « critère des facteurs de rattachement » énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Williams c. La Reine, [1992] 1 R.C.S. 877. Ce critère comporte l’analyse des facteurs qui rattachent le bien meuble d’un Indien à une réserve, analyse visant à établir si le bien est situé dans la réserve.

 

[3]              Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard des appelants pour les années en question en se fondant sur le fait que leur revenu d’emploi n’était pas situé dans une réserve et qu’il fallait donc l’inclure dans le calcul de leur revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les appelants contestent ces nouvelles cotisations.

 

[4]              Les appelants maintiennent que le ministre a commis une erreur dans son appréciation des facteurs rattachant leur revenu d’emploi à une réserve et que, dans chaque cas, le revenu d’emploi était situé dans une réserve.

 

[5]              Les appelants ont été entendus ensemble en partie sur preuve commune. Les années d’imposition en litige pour chaque appelant sont indiquées dans l’annexe jointe aux présents motifs.

 

Les faits

 

[6]              Tous les appelants sont des Indiens selon la définition figurant dans la Loi sur les Indiens.

 

[7]              Tous les appelants, sauf Wayne Roe, travaillaient pour les Native Leasing Services (« NLS »), entreprise de louage de services d’employés dont le siège social était situé dans la réserve indienne des Six Nations, à Brantford (Ontario). NLS louait les services des appelants à diverses organisations autochtones à but non lucratif partout au Canada. NLS est une entreprise à propriétaire unique exploitée par Roger Obonsawin.

 

[8]              M. Roe travaillait pour une autre entreprise de louage de services d’employés, O.I. Employee Leasing Inc. (« OI »), qui appartient à cent pour cent à M. Obonsawin. Le siège social d’OI était également situé dans la réserve des Six nations. OI louait les services de M. Roe à deux entreprises de transport de marchandises par camion exerçant leurs activités au Canada et aux États‑Unis.

 

[9]              M. Obonsawin est un Indien inscrit; il est membre de la Première nation des Abénakis, dont la réserve est située à Odanak (Québec). Il possède une longue expérience de travail auprès d’organisations autochtones à but non lucratif et il a été le premier président de l’Association nationale des centres d’amitié.

 

[10]         En 1981, M. Obonsawin et son associée, Ljuba Irwin, ont formé O.I. Consulting en vue de fournir des services à des groupes autochtones et à des ministères gouvernementaux s’occupant de projets concernant les Autochtones. Ils voulaient accroître la capacité des groupes autochtones et créer un réseau de ressources afin de soutenir le travail de ces groupes.

 

[11]         Par la suite, M. Obonsawin a créé NLS et OI. NLS et OI fournissent toutes deux les services de travailleurs à des clients (appelés dans la preuve des [traduction] « organismes de placement ») sur une base contractuelle. NLS loue les services de travailleurs autochtones à des organisations autochtones, alors que OI loue les services de travailleurs autochtones à des entreprises en général. La plupart des clients de NLS et d’OI, mais pas tous les clients, étaient établis hors réserve.

 

[12]         M. Obonsawin a déclaré que l’avantage que comportait pour l’organisme de placement le recours aux services de NLS ou d’OI était le suivant : NLS ou OI libérait les ressources des clients en se chargeant de l’administration du personnel et des ressources humaines. M. Obonsawin a également déclaré que les employés de NLS et d’OI bénéficiaient d’une plus grande sécurité d’emploi que celle dont ils auraient bénéficié s’ils avaient travaillé directement pour l’organisme de placement. Si l’emploi auprès d’un organisme de placement ne portait pas des fruits, le travailleur pouvait être muté à un autre poste qui lui convenait mieux. Aucune preuve indiquant jusqu’à quel point cela se produisait n’a été présentée.

 

[13]         Jusqu’en 1999, les bureaux de NLS et d’OI étaient situés dans le centre culturel indien de Woodland, dans la réserve des Six nations. En l’an 2000, les bureaux ont été établis dans un immeuble connu sous le nom d’« Eagle’s Nest », qui était également situé dans la réserve des Six nations. Les bureaux, aux deux endroits, étaient loués du conseil de la bande des Six nations.

 

[14]         M. Obonsawin a déclaré que NLS et OI n’exploitaient pas d’entreprises ailleurs que dans la réserve des Six nations, que tous les registres étaient conservés à cet endroit et que tous les contrats étaient signés à cet endroit. Environ 14 employés de NLS et d’OI travaillaient dans ces locaux; ils s’occupaient des finances, des ventes, des questions juridiques, des ressources humaines et de la formation pour les entreprises. M. Obonsawin a déclaré que Mme Irwin s’occupait des activités quotidiennes des entreprises, alors qu’il était responsable des activités dans leur ensemble ainsi que de la planification stratégique et de la promotion, et qu’il assurait une certaine formation. M. Obonsawin et Mme Irwin travaillaient tous deux depuis les bureaux, à l’Eagle’s Nest.

 

[15]         NLS et OI recrutaient des employés dans le cadre de séances d’information organisées par Roger Obonsawin à divers endroits au Canada, notamment dans les bureaux de nombreuses organisations autochtones. Dans la plupart des cas, une personne qui devenait un employé de NLS ou d’OI travaillait déjà directement pour l’organisme de placement auquel ses services étaient subséquemment loués de nouveau par NLS ou par OI. Lorsqu’un organisme de placement et l’un de ses travailleurs voulaient avoir recours aux services de NLS ou d’OI, le travailleur signait un document préparé par NLS ou par OI, mettant fin à son emploi auprès de l’organisme de placement, et signait un contrat de travail avec NLS ou avec OI. L’organisme de placement signait, pour le travailleur, un contrat de placement avec NLS ou OI et NLS ou OI prenait des dispositions pour qu’un autre travailleur (qui était habituellement également un employé de NLS ou d’OI) au sein de l’organisme de placement agisse à titre de superviseur sur place pour le compte de NLS ou d’OI.

 

[16]         Les employés de NLS et d’OI avaient accès à une gamme d’avantages facultatifs comme une assurance‑vie ou une assurance‑invalidité, ou encore une assurance‑soins médicaux et une assurance‑soins dentaires, dont ils n’auraient peut‑être pas pu se prévaloir s’ils avaient travaillé directement pour l’organisme client. M. Obonsawin a déclaré que NLS et OI organisaient également des séances de formation et des retraites afin d’évaluer les plans stratégiques de leurs employés, leur assurant ainsi une certaine stabilité et une certaine orientation. NLS et OI offraient également sur place une bibliothèque de documents de formation à laquelle chaque employé pouvait accéder. Sur les neuf appelants ici en cause, un seul a reçu une formation de NLS et aucun n’a utilisé la bibliothèque ou n’a participé à une retraite. NLS et OI envoyaient en outre à leurs employés des bulletins d’information et des avis d’emplois vacants pour différents organismes de placement.

 

[17]         NLS et OI exigeaient des frais représentant de 5 à 7 p. 100 de la rémunération brute du travailleur pour les services fournis. Dans certains cas, les frais étaient payés par l’organisme de placement; dans certains cas, ils étaient partagés entre l’organisme et le travailleur et dans d’autres cas, ils étaient payés entièrement par l’employé. Pour certaines des années en litige, NLS et OI exigeaient des frais supplémentaires représentant 1,5 p. 100 de la rémunération brute en vue de créer un fonds qui servait au paiement des frais juridiques engagés aux fins de la contestation des nouvelles cotisations d’impôt par lesquelles les demandes d’exonération d’impôt à l’égard du salaire étaient refusées.

 

[18]         NLS ou OI facturait aux organismes de placement, quatre semaines à l’avance, les salaires et frais des employés de NLS ou d’OI qui travaillaient pour l’organisme de placement et, après avoir reçu ces fonds, elle payait les employés par chèque ou au moyen d’un dépôt direct dans leur compte de banque. NLS et OI avaient des comptes de banque dans une banque située hors réserve, à Ottawa, pour la réception des dépôts directs des clients, et dans la réserve indienne d’Hobbema, en Alberta, aux fins du paiement des employés et des factures. Aucun impôt sur le revenu n’était déduit des salaires versés aux employés de NLS ou d’OI.

 

[19]         M. Obonsawin a convenu que l’exonération d’impôt était un avantage que NLS et OI faisaient valoir auprès des clients éventuels. Il a affirmé que l’effet net de l’exonération était de donner un salaire plus élevé au travailleur. Cela était important pour les travailleurs de NLS et d’OI, qui étaient principalement des mères chefs de famille. Il a déclaré que l’exonération aidait à stabiliser les familles et avait un effet favorable pour la jeunesse autochtone.

 

[20]         M. Obonsawin a témoigné que NLS et OI cherchaient notamment à aider au développement d’un réseau autochtone autonome au Canada. Il a affirmé que le réseau national de clients et d’employés organisé par NLS et par OI permettait aux employés de passer d’un emploi à l’autre et d’acquérir des compétences additionnelles et leur permettait de donner en retour à leurs communautés. Il estimait que c’était un moyen de remédier à la pauvreté autochtone. Selon lui, les services de NLS et d’OI pouvaient être avantageux pour toute communauté et les avantages, pour une réserve, découlaient de ce que les employés s’installaient de nouveau dans les réserves après avoir acquis de nouvelles compétences. M. Obonsawin estimait qu’en 1999, NLS et OI comptaient mille employés dont les services étaient loués et jusqu’à 1 400 employés de 1999 à 2006.

 

[21]         Les antécédents et la situation des appelants, sur le plan de l’emploi, sont les suivants :

 

Catherine Wherry

 

[22]         Mme Wherry est membre de la Première nation des Chippewas de Mnjikaning, dont la réserve est située à environ 160 kilomètres au nord de Toronto. Son grand‑père a décidé de renoncer à son statut lorsqu’il était jeune afin d’être en mesure de voter, de se déplacer en toute liberté et d’éviter que ses enfants soient envoyés dans des pensionnats indiens. Mme Wherry est née à Port Hope (Ontario); elle n’a jamais vécu dans une réserve. Une modification apportée à la législation fédérale lui a permis d’obtenir son statut en 1986.

 

[23]         En 1996, Mme Wherry a été embauchée sur une base contractuelle par le First Peoples’ Heritage, Language and Cultural Council (le « FPHLCC »), à Victoria (Colombie‑Britannique), pour travailler dans le cadre du programme de subventions des arts de l’organisme.

 

[24]         Le FPHLCC est une société d’État de la Colombie‑Britannique dont le mandat est de préserver et d’améliorer le patrimoine, les langues et la culture autochtones, d’assurer une meilleure compréhension et un partage des connaissances au sein des communautés autochtones et des communautés non autochtones, et d’assurer une meilleure appréciation et une meilleure acceptation de la richesse de la diversité culturelle dans l’ensemble de la population de la Colombie‑Britannique. Le FPHLCC est régi par un comité consultatif composé de représentants des 24 conseils tribaux de la Colombie‑Britannique. Les membres du conseil d’administration sont en bonne partie choisis parmi les membres du comité. Le FPHLCC s’acquitte de son mandat en partie en accordant des subventions à des organisations autochtones et à des Autochtones aux fins de la préservation et de la revitalisation des langues ainsi qu’aux fins du développement artistique et culturel.

 

[25]         Mme Wherry a travaillé directement pour le FPHLCC jusqu’au mois d’août 2001. À ce moment‑là, elle a conclu un contrat de travail avec NLS, et NLS a conclu un contrat en vue de fournir les services de Mme Wherry au FPHLCC à titre de coordinatrice des projets spéciaux.

 

[26]         Mme Wherry a commencé à travailler pour NLS au moment où le bureau du FPHLCC, qui était auparavant situé dans une réserve, près de Victoria, a été établi dans le centre‑ville de Victoria. Lorsque le bureau du FPHLCC était situé dans la réserve, le ministre avait reconnu que le revenu d’emploi de Mme Wherry et celui des autres travailleurs fournissant leurs services au FPHLCC étaient exonérés d’impôt en vertu de l’article 87 de la Loi sur les Indiens.

 

[27]         Selon Mme Wherry, avant le déménagement, la direction et les travailleurs, au FPHLCC, se sont rendu compte que si le bureau était établi hors réserve, l’exonération d’impôt de leur revenu d’emploi serait compromise; ils ont donc cherché un moyen de conserver l’exonération. Ils sont arrivés à la conclusion selon laquelle la seule façon de conserver leur exonération d’impôt et leur niveau de revenu après le déménagement consistait à avoir recours aux services de NLS.

 

[28]         Les tâches principales de Mme Wherry, lorsqu’elle travaillait pour NLS au sein du FPHLCC, consistaient à assurer la supervision et l’administration du programme de subventions des arts du FPHLCC. Elle assurait également le soutien du programme linguistique et elle s’occupait en outre des collectes de fonds et des communications.

 

[29]         Dans le cadre du programme de subvention des arts, le FPHLCC finançait des artistes autochtones jusqu’à concurrence d’un montant de 10 000 $ pour des projets se rapportant à tous les moyens d’expression artistique, notamment la peinture, la sculpture, le tissage, la danse, la musique et la littérature. Le FPHLCC organisait également des programmes de développement pour les artistes autochtones.

 

[30]         Pendant les années où elle travaillait au FPHLCC, Mme Wherry a cherché à accroître la connaissance du programme de subventions parmi les artistes autochtones ainsi qu’à aider à la préparation des demandes de subvention. Mme Wherry a dit que le FPHLCC ne faisait pas de distinction entre les candidats selon qu’ils vivaient dans une réserve ou hors réserve ou entre les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits ou encore les candidats métis. Un grand nombre de subventions étaient accordées à des artistes autochtones qui résidaient et travaillaient dans une réserve et Mme Wherry croyait que ces subventions auraient eu un effet dans ces réserves et qu’elles étaient avantageuses pour tous les résidents des réserves.

 

[31]         Mme Wherry travaillait principalement dans le bureau du FPHLCC, mais elle effectuait parfois des voyages dans le cadre de son travail. Selon les pièces qui ont été produites à l’audience, elle a visité des réserves à trois reprises en 2003 et en 2004, chaque visite durant un ou deux jours.

 

[32]         Mme Wherry a cessé de travailler pour NLS et est devenue une employée du FPHLCC lorsque cet organisme a installé son bureau dans une autre réserve, près de Victoria, en 2006.

 

Jonathan Labillois

 

[33]         Jonathan Labillois est membre de la Première nation Listuguj Mi’Gmaq (Micmac). La réserve Listuguj est située au Québec, près du Nouveau‑Brunswick. La ville la plus proche est Campbellton (Nouveau‑Brunswick).

 

[34]         M. Labillois a résidé dans la réserve jusqu’à l’âge de 18 ans, lorsqu’il l’a quittée pour faire des études collégiales. Pendant qu’il fréquentait le collège, il passait l’été dans la réserve avec sa famille. Après avoir obtenu son diplôme, il a travaillé pendant un certain temps pour le centre d’amitié autochtone de Victoria, où il a élaboré et donné un cours en informatique.

 

[35]         Au mois de septembre 2000, M. Labillois a été embauché par le Centre d’amitié micmac, à Halifax, pour donner le cours d’informatique qu’il avait élaboré à Victoria. Au mois d’octobre 2000, il a décidé de mettre fin à son emploi auprès du centre et de devenir un employé de NLS, qui a ensuite loué ses services de professeur d’informatique au centre jusqu’au mois de mai 2002.

 

[36]         M. Labillois donnait le cours d’informatique à neuf étudiants à la fois, au centre, du mois de septembre 2000 au mois de mai 2001, et du mois de septembre 2001 au mois de mai 2002. Tous ses étudiants étaient des Autochtones et chaque année, quatre d’entre eux résidaient dans une réserve.

 

[37]         Le Centre d’amitié micmac n’est pas situé dans une réserve, et M. Labillois ne résidait pas dans une réserve pendant qu’il travaillait au centre. Il a tenu à dire qu’il considérait le centre comme une réserve à cause de l’environnement. Il a également affirmé être retourné dans sa réserve pendant l’été, en 2001 et en 2002, après la fin des cours.

 

[38]         Le Centre d’amitié micmac était exploité par la Micmac Aboriginal Friendship Society à l’usage et au profit des personnes d’ascendance autochtone. Il encourageait l’avancement éducatif et culturel des Autochtones dans la région de Halifax‑Dartmouth et aidait les personnes d’ascendance autochtone qui venaient d’arriver à Halifax‑Dartmouth à s’adapter au milieu urbain et à prendre activement part à la société urbaine. Le Centre encourageait également la compréhension mutuelle et de meilleures relations entre les personnes d’ascendance autochtone et les autres. Plus précisément, le Centre offrait les services suivants : soutien des familles et conseils en matière d’abus des drogues et de l’alcool, soin des enfants et programmes pour enfants, éducation en matière de santé, programme d’échange de seringues et de méthadone, programmes pour les jeunes, alphabétisation, soutien de l’emploi et formation informatique, divers programmes éducatifs et récréatifs pour adultes, et marché pour l’artisanat autochtone.

 

Wayne Roe

 

[39]         Wayne Roe est membre de la Première nation de Thessalon. La réserve Thessalon est située à l’est de Sault Ste. Marie (Ontario). La mère de M. Roe était autochtone. Les parents de M. Roe se sont séparés lorsqu’il était jeune et il a été mis au courant de son patrimoine à l’âge adulte seulement. M. Roe n’a jamais vécu dans une réserve.

 

[40]         M. Roe est chauffeur de camion commercial. Vers 1998, il a été embauché par B.N. Dulay Trux Ltd. (« Trux ») pour transporter des marchandises commerciales partout au Canada et aux États‑Unis. Les bureaux de Trux étaient situés à Richmond et à Delta (Colombie‑Britannique). Ils n’étaient pas situés dans une réserve et les dirigeants de Trux n’étaient pas des Autochtones.

 

[41]         À un moment donné pendant qu’il travaillait pour Trux, M. Roe a assisté à un séminaire sur les droits autochtones, à Vancouver, où parlait M. Obonsawin, et il a été mis au courant des services offerts par OI. Au mois de septembre 1999, Trux a cessé d’employer directement M. Roe à sa demande, et M. Roe a pris des dispositions afin de travailler pour OI et de fournir ses services à Trux à titre d’employé dont les services étaient loués. Lors du contre‑interrogatoire, M. Roe a affirmé avoir joint OI afin d’obtenir une exonération d’impôt sur le revenu.

 

[42]         Au mois de février 2000, OI a loué les services de M. Roe à Aujla Trucking Ltd., qui a conclu un contrat avec Trux afin de fournir des camions et des chauffeurs pour exécuter les contrats que Trux avait passés en vue de transporter des marchandises au Canada et aux États‑Unis. Les bureaux d’Aujla n’étaient pas situés dans une réserve et les dirigeants d’Aujla n’étaient pas des Autochtones.

 

[43]         Du mois de septembre 2000 jusqu’en 2006, OI a de nouveau loué les services de M. Roe directement à Dulay Trux.

 

[44]         M. Roe a déclaré que certains des emplacements où il livrait les marchandises pour Trux et pour Aujla étaient peut‑être situés dans une réserve, mais que la plupart des points de destination ne l’étaient pas.

 

[45]         Au cours des périodes visées par les appels, M. Roe voyageait la plupart du temps et il habitait dans son camion. Il n’avait pas d’autre résidence.

 

Alegha Van Hanuse

 

[46]         Alegha Van Hanuse est membre de la Première nation Oweekeno, dont la réserve est située près de Bella Bella (Colombie‑Britannique). Elle a été élevée hors réserve, à Bella Bella et à Victoria, mais à un moment donné, elle a vécu en tant qu’adulte dans la réserve pendant sept mois.

 

[47]         Après avoir obtenu son diplôme universitaire en travail social en l’an 2000, Mme Van Hanuse s’est installée à Kelowna et elle a été embauchée par la Ki‑Low‑Na Friendship Society (la « Société »). Mme Van Hanuse a déclaré que lorsqu’on lui a offert un emploi auprès de la Société, l’aide‑comptable l’avait mise au courant des services de NLS et lui avait offert [traduction] d’« organiser un emploi » pour elle. Mme Van Hanuse a décidé de travailler par l’entremise de NLS; elle a conclu un contrat de travail avec NLS le 11 septembre 2000 et ses services ont ensuite été loués à la Société.

 

[48]         Mme Van Hanuse était au départ coordinatrice bénévole, mais elle a assumé des tâches supplémentaires à titre de travailleuse dans le cadre du Programme d’action communautaire pour les enfants (le « PACE ») auprès de la Société, afin de travailler à plein temps. Le PACE était un programme du gouvernement fédéral visant à encourager le développement sain des enfants et des familles par l’entremise de groupes de soutien en matière d’éducation familiale et de nutrition. Peu de détails ont été donnés au sujet de l’initiative. Mme Van Hanuse a déclaré que la plupart de ses clients, dans le cadre de ce programme, étaient des Autochtones venant d’autres régions du Canada. Elle a également déclaré qu’elle organisait une séance du PACE au moins une fois par semaine, au bureau de la Société, à Kelowna, et une séance dans la réserve de Westbank, située à proximité.

 

[49]         Après avoir travaillé pendant un mois ou deux pour la Société, Mme Van Hanuse a également assumé les fonctions de travailleuse dans le cadre du Programme canadien de nutrition prénatale (le « PCNP ») lorsqu’une collègue a pris un congé. La preuve ne montrait pas quels étaient les objectifs particuliers de ce programme, mais il semble qu’il visait à aider et à éduquer les femmes enceintes en matière de nutrition et de soins de santé pendant la grossesse. Mme Van Hanuse a déclaré qu’elle avait toute latitude pour décider de ce qu’elle voulait faire lorsqu’il s’agissait de mettre au point les programmes du PACE et du PCNP et de développer les relations avec la communauté. Elle a déclaré qu’en ce qui concerne le PCNP, ses clientes étaient composées de femmes autochtones enceintes, dont un grand nombre étaient sans abri et vivaient dans des tentes et dans des refuges. Elle essayait de rencontrer ces clientes là où celles‑ci vivaient. Elle a déclaré que les clientes se présentaient également au bureau de la Société pour la voir. Elle effectuait également des visites à domicile dans la réserve de Westbank.

 

[50]         Mme Van Hanuse a déclaré que, pendant les premières semaines où elle travaillait pour la Société, elle était surtout dans le bureau, mais que lorsqu’elle a mis fin à son emploi, au mois de mars 2001, elle passait de 70 à 80 p. 100 de son temps à travailler dans la réserve de Westbank. Elle se rendait dans la réserve avec son ami (qui est par la suite devenu son mari), Luc Van Noorden, qui était un travailleur des services familiaux au sein de la Société, lorsqu’il effectuait des visites à domicile à cet endroit, étant donné qu’elle ne détenait pas de permis de conduire. À un moment donné au cours de son témoignage, elle a déclaré que Luc était avec elle chaque fois qu’elle était dans la réserve, mais elle a par la suite dit qu’elle se rendait parfois dans la réserve avec une personne qui travaillait pour les [traduction] « services aux Métis ». Elle n’a pas dit combien de fois cela s’était produit et n’a pas donné de détails au sujet de ces visites.

 

[51]         M. Van Hanuse (soit le nom que M. Van Noorden a adopté après son mariage avec Mme Van Hanuse) a témoigné que Mme Van Hanuse accomplissait beaucoup de travail d’approche dans la réserve, mais ses demandes de remboursement concernant les frais de déplacement engagés dans le cadre de son emploi auprès de la Société indiquent uniquement un nombre restreint de voyages dans la réserve de Westbank. Apparemment, M. Van Hanuse n’a pas soumis de demandes pour tous les mois où il a travaillé pour la Société, mais les demandes se rapportant aux mois de janvier, de février et de mars 2001 semblent complètes. Au cours de ces trois mois, soit les derniers mois où Mme Van Hanuse a travaillé pour la Société, il est question de voyages effectués dans la réserve de Westbank pendant cinq jours seulement. M. Van Hanuse a déclaré qu’une ou deux inscriptions additionnelles se rapportaient peut‑être à des voyages effectués dans la réserve de Westbank, mais il n’en était pas certain. Même s’il est tenu compte des inscriptions manquantes, il me semble que M. Van Hanuse se rendait dans la réserve de Westbank un seul jour, et parfois deux jours, par semaine. Par conséquent, Mme Van Hanuse elle‑même ne se serait pas rendue dans la réserve beaucoup plus souvent. De plus, M. Van Hanuse a déclaré que Mme Van Hanuse n’allait à la réserve de Westbank qu’avec lui.

 

[52]         Mme Van Hanuse a déclaré avoir décidé de travailler pour NLS parce que cela lui permettait de bénéficier de l’exonération d’impôt et d’autres avantages. Elle ne se rappelait pas quels étaient les autres avantages offerts en plus de l’exonération d’impôt. Elle n’avait pas besoin des autres avantages à ce moment‑là, mais elle voulait avoir la possibilité de s’en prévaloir dans l’avenir au besoin.

 

Pauline Janyst

 

[53]         Pauline Janyst est membre de la Première nation Da’naxda’xw. Elle a été élevée dans la réserve Da’naxda’xw, près d’Alert Bay (Colombie‑Britannique), mais elle a quitté la réserve à l’âge de 12 ans pour fréquenter un pensionnat indien, à Alert Bay et à Port Alberni. Elle a fait des études collégiales à Vancouver et elle s’est ensuite installée à Campbell River, où elle a travaillé dans le domaine de la vente au détail et où elle exploitait son propre magasin de vêtements. Par la suite, elle a travaillé pour les services aux familles de Campbell River et elle a créé un certain nombre de programmes pour les Autochtones. En 1992, grâce au financement offert par le gouvernement et par les bandes locales, elle a créé un organisme distinct en vue d’aider à prévenir la violence familiale. Elle a également travaillé pendant un certain temps à Victoria dans le domaine de la prestation de services aux Autochtones.

 

[54]         Au mois d’août 1999, Mme Janyst a commencé à travailler pour la Fondation autochtone de guérison (la « FAG »). La FAG a été créée par le gouvernement fédéral en 1998 en vue de fournir du soutien, au moyen de contributions à la recherche et au financement, à des initiatives de guérison communautaires dirigées par des Autochtones en vue de remédier aux répercussions des abus commis dans les pensionnats indiens. Dans son rapport annuel de l’année 2000, la FAG a déclaré qu’elle cherchait à « appuyer les autochtones, qu’ils soient Métis, Inuits ou des Premières Nations, vivant sur et hors‑réserve, inscrits ou non‑inscrits ».

 

[55]         Les bureaux de la FAG sont situés à Ottawa; la FAG est régie par un conseil d’administration composé d’Autochtones venant d’un peu partout au Canada.

 

[56]         Mme Janyst a travaillé à forfait au bureau d’Ottawa jusqu’au début de l’année 2000; elle passait en revue le processus d’étude des projets pour la FAG. Elle est ensuite retournée à Victoria et a agi comme coordinatrice du soutien communautaire pour la région de la Colombie‑Britannique, en organisant des séances d’information et en aidant les candidats à élaborer et à présenter leurs propositions, en effectuant des visites sur les lieux afin de surveiller les projets approuvés, en créant des réseaux de projets, et en étudiant et en évaluant les projets. Mme Janyst travaillait à domicile à Victoria, et son bureau n’était pas situé dans une réserve. Elle effectuait de nombreux voyages en Colombie‑Britanique et parfois à Ottawa.

 

[57]         Au mois de février 2000, Mme Janyst a conclu un contrat de travail avec NLS; elle a été placée à la FAG. La FAG lui a donné le choix de travailler par l’entremise de NLS lorsqu’on lui a offert le poste de coordinatrice du soutien communautaire, soit le poste qu’elle avait occupé à forfait. Certains travailleurs de la FAG étaient des employés de NLS, alors que d’autres travaillaient directement pour la FAG.

 

[58]         Mme Janyst estimait que, pendant qu’elle agissait à titre de coordinatrice du soutien communautaire, elle effectuait chaque semaine des voyages pendant environ trois jours et demi, la plupart du temps dans des réserves. Elle effectuait également des visites dans des centres d’amitié et dans les bureaux d’organismes autochtones situés hors réserve.

 

[59]         Un certain nombre de rapports préparés par Mme Janyst dans le cadre de son travail pour la FAG ont été produits en preuve, notamment des résumés mensuels de ses activités, du mois de mai au mois d’août, et pour le mois d’octobre 2000. Les résumés indiquaient que Mme Janyst avait visité des réserves une fois au mois de mai, trois fois en juin, une fois en juillet, trois fois en août. Aucune visite dans une réserve n’était mentionnée dans le rapport du mois d’octobre. Il ressort des renseignements disponibles que, pendant ces cinq mois, Mme Janyst avait passé dix ou onze jours en tout dans des réserves. Les autres documents qui ont été produits indiquaient que Mme Janyst avait également visité des réserves, dans le cadre de son travail, deux fois au mois d’avril 2000, trois fois au mois de novembre 2000 et deux fois au mois de février 2001. L’estimation de Mme Janyst, à savoir qu’elle effectuait chaque semaine des voyages pendant environ trois jours et demi, la plupart du temps dans des réserves, n’est donc pas conforme aux rapports qu’elle a préparés au cours des années en question. Ces rapports tendent à montrer que Mme Janyst ne passait pas plus de deux ou trois jours par mois dans des réserves.

 

Barbara Matilpi

 

[60]         Barbara Matilpi est membre de la Première nation Namgis, dont la réserve est située au large de la côte nord de l’île de Vancouver. Elle a été élevée dans la réserve, mais elle s’est installée à Vancouver avec sa sœur pour aller à l’école secondaire. Elle a fait des études collégiales à Victoria et elle a travaillé pour le gouvernement de la Colombie‑Britannique pendant 22 ans. Le dernier poste qu’elle a occupé au sein du gouvernement était un poste au ministère des Affaires autochtones, où elle administrait des programmes de financement dans le cadre du First Citizens’ Fund.

 

[61]         En 1997, Mme Matilpi a été embauchée par l’Association des centres d’amitié autochtones de la Colombie‑Britannique (l’« ACAACB ») à titre d’administratrice de programme.

 

[62]         L’ACAACB est un organisme cadre pour les 23 centres d’amitié de la Colombie‑Britannique. Les centres d’amitié ont été créés en vue d’aider les Autochtones qui venaient des réserves à s’intégrer aux centres urbains et d’assurer le maintien de leur culture en milieu urbain. Le mouvement des centres d’amitié a pris naissance lorsque les Autochtones ont commencé à quitter leurs réserves pour aller s’installer dans des centres urbains au cours des années 1960. Tous les centres d’amitié de la Colombie‑Britannique sauf un étaient situés dans des centres urbains, hors réserve. Les programmes et services offerts par les centres s’adressaient aux Autochtones, mais les centres offraient également leurs services à toute personne, indépendamment de sa race, s’il y avait suffisamment de ressources.

 

[63]         L’ACAACB a pour mandat de promouvoir l’essor des centres d’amitié autochtones en Colombie‑Britannique, d’établir et de maintenir des communications entre les centres et d’autres associations provinciales et territoriales, d’une part, et l’Association nationale des centres d’amitié (l’« ANCA »), d’autre part, d’agir comme organisme unificateur pour les centres, d’assurer la liaison entre les centres et les agences gouvernementales et de conseiller le gouvernement au sujet des programmes visant à aider les centres à mettre sur pied des programmes en vue d’améliorer la vie des Autochtones en Colombie‑Britannique. Il s’agit de l’une de sept associations de centres d’amitié provinciales et territoriales (les « APT ») au Canada.

 

[64]         Au moment où Mme Matilpi a été embauchée, Patrimoine Canada venait tout juste de confier à l’ANCA l’administration du financement de base pour les centres d’amitié. L’ACAACB avait été désignée afin d’examiner les demandes que les centres d’amitié de la Colombie‑Britannique présentaient à l’ANCA en vue d’obtenir du financement et de faire des recommandations à cet égard. En sa qualité de directrice de programme, Mme Matilpi évaluait les demandes soumises par les centres d’amitié. Elle s’assurait que les rapports financiers vérifiés du demandeur pour l’année précédente avaient été reçus par l’ACAACB et elle transmettait à l’ANCA les demandes ainsi que ses commentaires et recommandations. Mme Matilpi était également chargée d’assurer la surveillance de certains centres d’amitié sur le plan financier et elle fournissait sur demande du soutien et une formation aux directeurs des centres.

 

[65]         Mme Matilpi était également chargée d’examiner les demandes de subventions présentées dans le cadre du First Citizens’ Fund et de faire des recommandations à cet égard lorsque le gouvernement provincial a transféré cette fonction à l’ACAACB. Le First Citizens’ Fund a été créé par le gouvernement de la Colombie‑Britannique en vue de fournir de l’argent pour des bourses aux étudiants autochtones, ainsi qu’en vue de permettre aux aînés autochtones d’assister à des conférences et à des réunions, et pour des programmes offerts par les centres d’amitié. Mme Matilpi n’a pas expliqué quelles étaient les conditions à remplir afin d’obtenir ces subventions et n’a pas indiqué les modalités de sélection des bénéficiaires.

 

[66]         Mme Matilpi accomplissait presque tout son travail dans les bureaux de l’ACAACB et elle se rendait parfois dans certains centres d’amitié. Lorsqu’elle a commencé à travailler à l’ACAACB, ses bureaux étaient situés dans la réserve Tsawout, près de Victoria, mais les bureaux ont ensuite été établis hors réserve dans le centre‑ville de Victoria au mois de juillet 2001.

 

[67]         Lorsque l’emplacement du bureau de l’ACAACB a changé, le directeur exécutif a pris des dispositions pour que les employés de l’ACAACB qui le voulaient concluent un contrat de travail avec NLS. Mme Matilpi a décidé de devenir une employée de NLS et elle a conclu un contrat de travail avec NLS au mois de juillet 2001. Elle a travaillé pour NLS jusqu’au 26 juillet 2002. Entre le mois de septembre 2001 et le jour de sa démission, ses chèques de paie étaient déposés dans une banque située dans une réserve, à North Vancouver.

 

[68]         Au cours des années ici en cause, Mme Matilpi ne résidait pas dans une réserve.

 

Delores Jim

 

[69]         Delores Jim est membre de la bande indienne Penelakut, dont la réserve est située sur l’île Thetis et sur l’île Penelakut, au large de la côte Est de l’île de Vancouver. Mme Jim a été élevée dans une réserve, à Ruby Lake (Colombie‑Britannique), et elle s’est installée dans la réserve Penelakut lorsqu’elle s’est mariée. Elle était travailleuse en aide communautaire au pensionnat indien situé dans la réserve; de plus, elle fournissait des soins médicaux et agissait comme conseillère en matière d’alcoolisme et de toxicomanie au sein de la communauté. Vers 1985, Mme Jim s’est installée à North Vancouver et elle a été embauchée à titre de surveillante de résidence au Circle of the Eagles Lodge, un établissement résidentiel communautaire pour les Autochtones provenant des établissements correctionnels fédéraux qui faisaient l’objet d’une mise en liberté sous condition. Au cours des années ici en cause, l’installation était exploitée par le Circle of the Eagles Lodge Society (le « COELS »). L’installation était située hors réserve, à Vancouver.

 

[70]         Les tâches de Mme Jim au Lodge variaient selon le poste qu’elle effectuait. Lorsqu’elle effectuait le poste de 16 h à minuit, elle surveillait les résidants, elle faisait de la cuisine et elle faisait des travaux ménagers. Lorsqu’elle effectuait le poste de nuit, elle surveillait les résidants, elle comptait les résidants et elle s’occupait de la tenue de livres. Lorsqu’elle effectuait un poste de jour, elle surveillait les résidants, elle faisait de la cuisine et effectuait des travaux ménagers et elle donnait des cours de cuisine aux résidants.

 

[71]         Le COELS a pour mandat d’aider à réduire le nombre de récidivistes autochtones par l’entremise de sa maison de transition et de services de réadaptation. L’établissement était mis à la disposition des délinquants, Indiens inscrits ou non inscrits, Inuits et Métis venant d’un peu partout au Canada. La résidence passée ou future dans une réserve n’est pas une condition d’admission à l’établissement, mais un grand nombre des participants venaient de réserves. Selon le directeur du COELS, M. Mervin Thomas, le seul critère d’admission était que le participant s’identifie lui‑même comme Autochtone. Tous les directeurs du COELS et la plupart des membres du personnel de l’établissement étaient des Autochtones.

 

[72]         Mme Jim se rappelle peu des dispositions qui ont été prises pour qu’elle soit une employée de NLS ou de la raison pour laquelle elle a joint NLS. Elle a déclaré que le COELS lui avait remis des documents à signer et elle croyait comprendre qu’elle allait être une employée de NLS.

 

[73]         M. Thomas a déclaré que l’exonération d’impôt accordée par l’entremise de NLS était importante pour le COELS parce que l’organisme était constamment sous‑financé et que les salaires qu’il pouvait verser étaient peu élevés. La plupart des personnes qui travaillaient à plein temps à l’installation, sinon toutes, étaient des employés de NLS.

 

[74]         Au cours des années ici en cause, Mme Jim résidait avec sa sœur dans une réserve, à North Vancouver.

 

Tanya Mackenzie

 

[75]         Tanya Mackenzie est membre de la Première nation de Temagami, dont la réserve est située près de Sudbury (Ontario). Mme Mackenzie a été élevée en partie dans la réserve et en partie à Sudbury; elle allait et venait en fonction de la saison et de l’année scolaire. Lorsqu’elle était en cinquième année, elle s’est installée à Chalk River avec sa mère, mais elle passait l’été dans la réserve.

 

[76]         Après avoir obtenu son diplôme du Collège Laurentien en 2001, Mme Mackenzie a été embauchée par l’ANCA, à Ottawa, pour occuper un poste d’été à titre d’adjointe administrative affectée au programme des centres d’amitié autochtones. Dans le cadre du programme des centres d’amitié autochtones, l’ANCA fournit un financement de base pour le personnel et les activités des centres d’amitié partout au Canada et agit à titre d’organisme central représentant les intérêts des centres et leur assurant une formation et du soutien technique. Elle fournit également du financement administratif aux APT.

 

[77]         Au mois d’octobre 2001, Mme Mackenzie a conclu un contrat de travail avec NLS et elle a été placée dans le poste qu’elle occupait antérieurement auprès de l’ANCA. Toutefois, selon une lettre que le directeur exécutif de l’ANCA a envoyée à Mme Mackenzie, laquelle a été produite sous la cote A‑3, volume II, onglet 29, Mme Mackenzie a apparemment également été directement embauchée par l’ANCA afin d’occuper ce poste pour une période de trois mois. La lettre d’offre était signée par le directeur exécutif de l’ANCA et acceptée par Mme Mackenzie, comme en fait foi la signature que celle‑ci a apposée dans la lettre. D’autres documents indiquent qu’après le 15 octobre 2001, Mme Mackenzie était rémunérée par NLS (pièce A‑3, volume II, onglets 30, 32 et 33).

 

[78]         Le 31 janvier 2002, la durée du contrat à l’ANCA, lequel avait été conclu par l’entremise de NLS, a été prolongée jusqu’au 31 mars 2002, et elle a ensuite été prolongée pour une période indéfinie le 8 mars 2002. Au printemps 2002, Mme Mackenzie a également assumé les fonctions d’adjointe administrative pour le programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones (les « CUPJA »). Les CUPJA ont été créés afin d’aider les jeunes Autochtones urbains à accroître leurs perspectives économiques, sociales et personnelles en fournissant un soutien financier à des projets communautaires, l’accent étant mis sur le respect, la prise de conscience et le soutien aux fins de la préservation des cultures et valeurs autochtones. Le programme s’adressait à toutes les premières nations, ainsi qu’aux Métis et aux Inuits, et fournissait ses services hors réserve. Le financement était fourni par Patrimoine Canada.

 

[79]         Pendant le dernier mois et demi où elle travaillait à l’ANCA, Mme Mackenzie a occupé un poste par intérim à titre de gestionnaire de programme, assurant la surveillance d’un certain nombre de programmes de l’ANCA. Mme Mackenzie a quitté l’ANCA au mois de juillet 2004.

 

[80]         Pendant qu’elle travaillait pour l’ANCA, Mme Mackenzie ne résidait pas dans une réserve. Elle croyait comprendre qu’en théorie, elle travaillait pour NLS pendant qu’elle exerçait ses fonctions à l’ANCA et qu’elle était rémunérée par NLS. Sa rémunération était déposée dans un compte qu’elle avait ouvert à la banque, dans une réserve.

 

[81]         Mme Mackenzie a déclaré que M. Obonsawin se rendait au bureau de l’ANCA une ou deux fois l’an pour parler des cas en instance (se rapportant probablement aux demandes d’exonération d’impôt) et de la façon dont NLS faisait valoir les droits de ses employés.

 

Lisa Gagnon

 

[82]         Lisa Gagnon est membre de la Première nation crie Mikisew, dont la réserve est située en Alberta, près du Grand lac des Esclaves. Mme Gagnon a été élevée à Gold River et à Campbell River (Colombie‑Britannique) et elle a participé à un programme portant sur le gouvernement autochtone dans un collège, au Yukon; elle a ensuite travaillé pendant un certain nombre d’années pour la Banque Royale, à Victoria. Elle n’a jamais résidé dans une réserve.

 

[83]         En 1999, Mme Gagnon a travaillé comme bénévole à l’ACAACB, à Victoria; elle a commencé à y travailler à temps partiel en l’an 2000. Au mois d’avril 2001, elle a été embauchée à plein temps par l’ACAACB à titre d’adjointe, Politiques, au Conseil des peuples autochtones (le « CPA »). Le CPA était une initiative financée par le gouvernement fédéral en vue de fournir des conseils et du soutien à tous les organismes autochtones urbains au Canada et de consulter ces organismes au sujet des projets de loi. Cet organisme élaborait également des politiques sur des questions se rattachant aux services à l’enfance et aux familles. La preuve ne le montre pas clairement, mais il semble que le CPA était en partie composé de membres du personnel des diverses associations de centres d’amitié provinciales et territoriales comme l’ACAACB. Le CPA a été dissous en 2003, lorsqu’il a cessé d’être financé.

 

[84]         Au mois de juillet 2001, Mme Gagnon a mis fin à son emploi auprès de l’ACAACB et elle est devenue une employée de NLS, qui l’a placée à l’ACAACB. Cela s’est produit au moment où le bureau de l’ACAACB, qui était situé auparavant dans une réserve, a été établi dans le centre‑ville de Victoria. Mme Gagnon a dit qu’en plus de l’exonération d’impôt, son emploi auprès de NLS lui donnait accès à des avantages sociaux qui n’étaient pas offerts par l’ACAACB. Elle a dit qu’elle recevait de NLS des bulletins d’information, des avis d’emplois vacants dans des organismes autochtones et des avis de possibilités de formation et qu’elle avait accès au besoin à des avocats pour faire valoir ses droits en tant qu’Autochtone. Le compte de banque de Mme Gagnon dans lequel NLS déposait la rémunération avait été ouvert dans une succursale située dans la réserve de Westbank, près de Kelowna.

 

[85]         Le 29 juillet 2002, Mme Gagnon a assumé les tâches de Mme Barbara Matilpi, à titre d’administratrice de programme, au sein de l’ACAACB. Elle était notamment chargée d’examiner les demandes que les centres d’amitié présentaient à l’ANCA en vue d’obtenir du financement de base et de faire des recommandations à cet égard, ainsi que d’administrer les demandes de financement présentées dans le cadre du First Citizens’ Fund. Comme c’était le cas pour Mme Matilpi, les fonctions de Mme Gagnon consistaient entre autres à fournir une certaine formation aux directeurs des centres d’amitié et à surveiller les centres d’amitié sur le plan financier.

 

[86]         Depuis 2006, Mme Gagnon administre également le programme de soutien autochtone des subventions liées au jeu, qui aide les organismes de bienfaisance autochtones à obtenir les subventions accordées par le gouvernement à l’aide des recettes provenant des jeux de hasard et à rendre compte de ces subventions.

 

[87]         Mme Gagnon est encore une employée de NLS et elle continue à travailler pour l’ACAACB. Au cours des années ici en cause, elle accomplissait presque tout son travail au bureau de l’ACAACB, à Victoria, mais elle effectuait chaque année une douzaine de visites dans divers centres d’amitié de la province.

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

[88]         L’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les indiens est libellé comme suit :

 

87(1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de l’article 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

 

[...]

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

 

L’alinéa 87(1)a) s’applique au moyen de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est libellé comme suit :

 

81(1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a) une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu’un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d’une disposition d’une convention ou d’un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

 

Analyse

 

Le critère des facteurs de rattachement

 

[89]         Dans l’arrêt Williams, précité, la Cour suprême du Canada a établi le critère des facteurs de rattachement permettant de déterminer le situs d’un bien meuble incorporel aux fins de l’application de l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Au paragraphe 61 des motifs du jugement, le juge Gonthier a décrit le critère comme suit :

 

Pour déterminer le situs d’un bien personnel incorporel, un tribunal doit évaluer divers facteurs de rattachement qui relient le bien à un endroit ou à l’autre. Dans le contexte de l’exemption fiscale prévue dans la Loi sur les Indiens, il y a trois facteurs importants : l’objet de l’exemption, la nature du bien en question et l’incidence fiscale sur ce bien. Compte tenu de l’objet de l’exemption, il s’agit, en fin de compte, de déterminer dans quelle mesure chaque facteur est pertinent pour décider si le fait d’imposer d’une certaine manière ce type de bien particulier porterait atteinte au droit d’un Indien à titre d’Indien de détenir des biens personnels sur la réserve.

 

[90]         La Cour d’appel fédérale a examiné l’application du critère des facteurs de rattachement au revenu d’emploi dans un certain nombre de décisions, notamment, Monias c. la Reine, 2001 CAF 239, Shilling c. la Reine, 2001 CAF 178, Folster v. The Queen, 97 DTC 5315, Bell v. The Queen, 2000 DTC 6365, La Reine c. Akiwenzie, 2003 CAF 469, Desnomie c. la Reine, [2000] A.C.F. no 528, et Horn et Williams c. la Reine, 2008 CAF 352. Ce faisant, la Cour d’appel a identifié certains facteurs qui sont peut‑être pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer si le revenu d’emploi d’un Indien est situé dans une réserve. Il s’agit des facteurs suivants : la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli par l’employé, et notamment la nature de tout avantage qu’en tire la réserve; l’emplacement de l’employeur, le lieu de résidence de l’employé, et le lieu où l’employé était rémunéré. La Cour d’appel a dit que l’importance à accorder à l’un quelconque de ces facteurs peut varier selon les faits d’une affaire donnée, mais qu’il faut prêter une attention particulière à la nature et au lieu du travail accompli par l’employé et aux circonstances y afférentes (Monias, paragraphe 33).

 

[91]         Les affaires Shilling et Horn et Williams, précitées, se rapportaient toutes deux à des demandes que des employées de NLS avaient présentées pour que leur revenu d’emploi soit exonéré d’impôt en vertu de l’alinéa 87(1)b). Les circonstances de l’emploi dans les affaires Shilling et Horn et Williams, précitées, étaient fort similaires à maints égards à celles des présents appels. Dans les deux cas, il a été conclu que le revenu n’était pas exonéré d’impôt.

 

[92]         Dans l’affaire Shilling c. la Reine, précitée, l’appelante vivait hors réserve, elle était une employée de NLS et elle avait été placée dans un centre de services sociaux fournissant des services à des Autochtones hors réserve, à Toronto. La Cour d’appel fédérale a conclu que le seul facteur qui rattachait l’emploi à une réserve était l’emplacement de l’employeur, NLS, dans la réserve des Six nations, mais elle a dit qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve au sujet des activités de NLS pour lui permettre de conclure que ce facteur rattachait le revenu d’emploi à une réserve d’une façon importante. La Cour d’appel a dit qu’aucun élément de preuve ne montrait où était exploitée l’entreprise de NLS au cours des années pertinentes, quels étaient les avantages, le cas échéant, découlant de l’emploi de Mme Shilling qui bénéficiaient à une réserve, ou quelle était la nature de la relation d’emploi existant entre Mme Shilling et NLS.

 

[93]         La Cour d’appel a conclu que la nature du travail accompli par Mme Shilling n’était pas un facteur de rattachement à une réserve, en disant que « l’emploi n’est pas rattaché à une réserve indienne au sens physique du terme du simple fait que la nature de l’emploi consiste à fournir des services à des Indiens » et que « [c]ompte tenu du but restreint de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, le fait que l’emploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à des Autochtones en dehors d’une réserve ne confère pas pour autant un traitement fiscal privilégié en vertu de cette disposition ».

 

[94]         La Cour d’appel a également dit que la résidence hors réserve de Mme Shilling était un facteur moins important indiquant l’emplacement du revenu d’emploi hors réserve.

 

[95]         Dans l’affaire Horn et Williams, précitée, les deux demanderesses travaillaient hors réserve, Mme Horn, à titre de directrice exécutive de l’Association nationale des centres d’amitié, et Mme Williams travaillant au refuge pour femmes autochtones de Hamilton‑Wentworth. Mme Horn résidait principalement hors réserve, à Ottawa, alors que Mme Williams résidait dans une réserve. Elles avaient toutes deux choisi d’être des employées de NLS afin de rattacher leur revenu d’emploi à une réserve.

 

[96]         Afin de remédier aux lacunes de la preuve décelées par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Shilling, précitée, en ce qui concerne les activités de NLS dans la réserve des Six nations, les demanderesses, dans l’affaire Horn et Williams, précitée, avaient produit des éléments de preuve, lors de l’audience tenue par la Cour fédérale, en vue de démontrer la nature et l’étendue de l’entreprise exploitée par NLS dans la réserve.

 

[97]         Toutefois, la Cour fédérale a conclu que « [l]e travail réel des actifs de NLS (ses employés dont les services sont offerts en louage) est exécuté exclusivement à l’extérieur de la réserve » et que les seules fonctions exécutées dans la réserve étaient de nature administratives. Elle a également conclu que les avantages que représentaient les activités de NLS pour la réserve n’étaient pas énormes, étant donné que les dépenses relatives au loyer et aux salaires représentaient un faible pourcentage seulement du revenu brut de NLS et que M. Obonsawin travaillait principalement hors réserve pour NLS et qu’il ne résidait pas dans la réserve. Ces conclusions ont amené la cour à accorder peu de poids à l’emplacement de NLS dans la réserve comme facteur de rattachement.

 

[98]         La Cour fédérale a conclu que le revenu des deux demanderesses n’était pas exonéré d’impôt en vertu de l’alinéa 87(1)b). Elle a conclu que l’emplacement du travail de Mme Horn, sa résidence hors réserve et la nature de son travail, dans le cadre duquel elle fournissait des services à des Autochtones hors réserve, l’emportaient sur l’emplacement de NLS dans la réserve. En ce qui concerne Mme Williams, l’emplacement de son travail hors réserve, et la nature de son travail, à savoir la prestation de services à une clientèle hors réserve, l’emportaient sur sa résidence dans la réserve et sur l’emplacement « des fonctions administratives qui se rattach[ai]ent à son emploi » dans la réserve.

 

[99]         La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour fédérale en disant que l’analyse des facteurs de rattachement effectuée par le juge de première instance était « conforme aux indications données antérieurement par la Cour, notamment en ce qui concerne l’importance particulière qu’elle a accordée dans Shilling au lieu de travail, à la nature du travail et aux autres circonstances dans lesquelles le travail à l’origine du revenu d’emploi est accompli ».

 

Les objections soulevées par les appelants au sujet du choix des facteurs de rattachement

 

[100]     Les avocats des appelants ont déclaré que la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, en ce qui concerne l’application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens au revenu d’emploi, montrait qu’il est difficile pour le demandeur qui réside et travaille hors réserve d’obtenir une exonération d’impôt. Les avocats ont déclaré que cette approche était désuète et ne représentait pas la réalité à laquelle font face les Autochtones de nos jours et les attitudes actuelles exprimées par le gouvernement et par Cour suprême au sujet du traitement des Autochtones résidant hors réserve. Les avocats ont dit que de nos jours, pour de nombreux Autochtones, le fait de résider et de travailler dans une réserve ne constitue pas une possibilité viable.

 

[101]     Les avocats ont également fait valoir qu’en mettant l’accent sur la question de savoir si l’impôt en question érodait les biens d’un Indien dans une réserve et sur la question de savoir si le demandeur peut être considéré comme agissant « à titre d’Indien », on relie le critère des facteurs de rattachement à l’idée désuète voulant que l’identité autochtone dépende de la résidence dans une réserve.

 

[102]     Les avocats ont également soutenu que la Cour d’appel fédérale avait appliqué le critère des facteurs de rattachement d’une façon trop stricte en accordant trop de poids au lieu où le travail est accompli. Ils ont soutenu que la présente cour devrait appliquer le critère de façon à tenir compte du fait que, de nos jours, les Autochtones ne sont pas en mesure, dans bien des cas, de travailler dans une réserve. Selon les avocats, un Autochtone n’a généralement pas le choix quant à la question d’être élevé dans une réserve ou d’obtenir un emploi dans une réserve et cela n’est pas en son pouvoir étant donné que, bien souvent, il n’y a pas de logement ou d’emploi pour l’Autochtone dans la réserve. Dans les cas soumis à la Cour, M. Labillois, Mme Matilpi, Mme Janyst, Mme Mackenzie, Mme Wherry et Mme Jim ou leurs familles avaient tous quitté leurs réserves afin de poursuivre leurs études ou de chercher de meilleures possibilités économiques.

 

[103]     Les avocats ont soutenu qu’il faut donc accorder moins d’importance à la question de savoir où le demandeur travaille et où il réside et qu’il faut accorder plus d’importance aux choix que le demandeur a faits pour se rattacher à une réserve.

 

[104]     Les avocats ont affirmé qu’en l’espèce, les appelants ont tous choisi de travailler pour NLS ou pour OI parce que ces entreprises sont situées dans une réserve et que tous les appelants, sauf M. Roe, ont choisi de travailler pour des organismes fournissant des services aux Autochtones. Essentiellement c’étaient les seuls choix dont ils disposaient afin d’obtenir une exonération d’impôt.

 

[105]     Les avocats ont soutenu que l’idée du choix est importante aux fins de l’interprétation de l’article 87 de la Loi sur les Indiens, et ils ont mentionné le paragraphe 18 de l’arrêt Williams c. Canada, précité :

 

En conséquence, en vertu de la Loi sur les Indiens, un Indien jouit d’un choix en ce qui concerne ses biens personnels.  L’Indien peut situer ces biens sur la réserve, auquel cas les biens sont protégés contre la saisie et la taxation, ou il peut les situer hors de la réserve, auquel cas les biens sont situés à l’extérieur de la zone protégée et peuvent davantage être utilisés dans le cours des opérations commerciales ordinaires dans la société.  Il appartient à l’Indien de décider s’il désire bénéficier du système de protection que constitue la réserve ou s’il veut s’intégrer davantage dans l’ensemble du monde des affaires.

 

[106]     Je ne suis pas convaincu qu’il soit inapproprié d’accorder beaucoup de poids au lieu où le travail était fait lorsqu’il s’agit de déterminer le situs du revenu découlant de ce travail. Dans l’arrêt Shilling, précité, la Cour d’appel fédérale a dit, au paragraphe 48, que le lieu du travail était une considération pertinente parce que ce sont les services fournis par l’employé qui donnent naissance au droit au revenu d’emploi, et elle a ajouté ce qui suit :

 

Le fait qu=un Indien est employé dans une réserve indique qu=il a gagné un revenu d=emploi en sa qualité d=Indien, dans l=exercice d=un emploi faisant partie intégrante de la réserve : Folster, précité, au paragraphe 14. Le contraire serait également vrai, c=est‑à‑dire que l=emploi exercé en dehors d=une réserve indique que l=Indien gagne son revenu d=emploi sur le marché. Dans l=arrêt Mitchell, précité, le juge La Forest a dit ce qui suit au nom de la majorité, à la page 131 :

 

[...] l=objet de la Loi n=est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d=acquérir, de posséder et d=aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens. Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l=extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens.

 

[107]     À mon avis, la difficulté qu’un Autochtone peut avoir à trouver du travail dans une réserve ne change rien au fait que le travail hors réserve indique néanmoins un travail sur le marché, un fait dont il faut tenir compte en déterminant le situs du revenu. La Cour d’appel fédérale a noté ce point, dans l’arrêt Monias, précité, où le contribuable avait soutenu que la cour devait tenir compte du fait qu’il aurait été fort difficile pour l’employeur d’exercer ses activités depuis un bureau situé dans l’une des réserves qu’il servait à cause de l’emplacement éloigné de ces réserves et du manque de locaux. La Cour d’appel a rejeté cet argument en disant ce qui suit aux paragraphes 42 et 43 des motifs :

 

Le fait qu’il n’était pas pratique de faire le travail dans les réserves, comme les lettres patentes d’Awasis et le décret semblent l’avoir prévu à l’origine, n’autorise pas la Cour à procéder comme si le travail avait en fait été exécuté dans la réserve. Comme l’a déclaré le juge Rothstein, dans l’arrêt Desnomie c. Canada, (2000), 186 D.L.R. (4th) 718 (C.A.F.), au paragraphe 21 :

En pratique dans les faits, l’argument fondé sur la nécessité veut que la résidence de l’employeur et de l’employé, comme le lieu d’emploi, seraient dans la réserve si cela était possible et que, par conséquent, le revenu d’emploi devrait être considéré comme étant situé dans la réserve. Le problème avec cet argument est qu’il n’est pas lié à la question en litige dans les circonstances de la présente affaire, soit celle de savoir si le revenu d’emploi de l’appelant est un bien situé dans une réserve. Il s’agit de déterminer un lieu, un situs, en se fondant sur le lieu des opérations pertinentes effectuées. [Je souligne.]

 

Je conviens que la nécessité ne peut situer dans une réserve des fonctions qui ont été clairement exécutées hors de la réserve, non plus que situer un revenu d’emploi sur une réserve lorsque les facteurs de rattachement indiquent un autre emplacement. Le fait que l’intimé travaille hors de la réserve est un facteur qui tendrait à rattacher son revenu d’emploi à un endroit situé hors de la réserve.

 

[108]     L’effet que la chose pourrait avoir sur la possibilité pour de nombreux Autochtones de se prévaloir de l’exonération d’impôt ne constitue pas un motif suffisant pour omettre de tenir compte de l’emplacement de l’emploi, étant donné que l’alinéa 87(1)b) ne vise pas à remédier à la situation économique défavorable à laquelle font face les Autochtones.

 

[109]     Dans la mesure où les appelants contestent la politique sous‑tendant l’exonération d’impôt, le recours dont ils disposent doit être exercé auprès du législateur plutôt que devant les tribunaux. La portée de l’exonération est un résultat de choix de politiques que le législateur a effectués en rédigeant l’alinéa 87(1)b) et il n’est pas loisible aux tribunaux d’étendre la portée de l’exonération au‑delà de ce que voulait le législateur.

 

L’application du critère des facteurs de rattachement aux affaires ici en cause

 

L’emplacement de l’employeur

 

[110]     Les avocats des appelants ont signalé l’emplacement de NLS et d’OI dans une réserve, l’avantage dont la réserve bénéficie du fait que l’entreprise est exploitée à cet endroit et l’avantage dont bénéficient tous les employés, pour ce qui est de la formation, des avis d’emplois vacants et de la création d’un réseau autochtone autonome.

 

[111]     Les avocats de l’intimée ont soutenu que l’emplacement de NLS et d’OI dans la réserve des Six nations ne devrait pas du tout être considéré comme un facteur de rattachement pertinent parce que cela tendrait à rattacher le revenu des appelants à une réserve autre que leurs propres réserves. Il a soutenu que l’exonération d’impôt s’applique aux biens situés dans la réserve d’un Indien et non aux biens de cet Indien qui sont situés dans une autre réserve. Étant donné qu’aucun des appelants ne résidait dans la réserve des Six nations et ne se rendait dans cette réserve, le lien entre leur revenu d’emploi et la réserve des Six nations n’est pas pertinent pour l’application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

 

[112]     Les avocats de l’intimée ont fait valoir que, s’il est conclu que l’emplacement de NLS et d’OI dans une réserve constitue un facteur de rattachement pertinent, il faut lui accorder peu de poids en rattachant le revenu d’emploi des appelants à une réserve, étant donné que les activités génératrices de revenu de NLS et d’OI étaient exercées en dehors de la réserve des Six nations et que le montant d’argent dépensé dans la réserve ne représentait qu’un faible pourcentage de leurs recettes globales. En outre, le rattachement entre les appelants et la réserve est amoindri par le fait que les relations de travail existant entre les appelants et NLS ou OI ont été créées simplement aux fins de l’obtention de l’exonération prévue à l’alinéa 87(1)b). Les avocats ont mentionné le paragraphe 50 de l’arrêt Monias, précité, où la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit :

 

[…] Notamment, le fait qu=un employeur soit installé pro forma dans une réserve ne contribuera pas beaucoup à rattacher le revenu d=emploi à la réserve. 

 

[113]     En ce qui concerne le premier argument de l’intimée, je ne crois pas que l’alinéa 87(1)b) exige que le bien pour lequel un Indien cherche à être exonéré d’impôt soit situé dans sa propre réserve, dans la mesure où ce bien est situé dans une réserve. Je souscris aux remarques que la Section de première instance de la Cour fédérale a faites dans la décision Shilling, précitée :

 

[…] Les termes de l=article 87 sont très larges et font référence aux biens situés sur « une réserve » et non pas sur « la réserve » ou « la réserve appartenant à la bande dont l=Indien est membre ». […]

 

[114]     Je sais bien que, dans les arrêts Desnomie et Shilling, précités, la Cour d’appel fédérale a exprimé des doutes au sujet du bien‑fondé de cette position. Toutefois, plus récemment, la Cour suprême du Canada a adopté le point de vue contraire dans l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd. c. Première nation de God’s Lake, 2006 CSC 58. L’une des questions qui se posaient dans cette affaire‑là était de savoir si l’argent déposé dans le compte de la bande de God’s Lake dans une banque de Winnipeg était théoriquement situé dans une réserve, de sorte qu’il était protégé contre les saisies en vertu de l’article 89 de la Loi sur les Indiens, dont le passage pertinent est libellé comme suit :

 

89(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les biens d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve ne peuvent pas faire l’objet d’un privilège, d’un nantissement, d’une hypothèque, d’une opposition, d’une réquisition, d’une saisie ou d’une exécution en faveur ou à la demande d’une personne autre qu’un Indien ou une bande.

 

[115]     Selon la preuve, la réserve de God’s Lake était située dans un lieu éloigné et il n’y avait pas de banque dans la réserve. Dans des motifs minoritaires, le juge Binnie a dit qu’une conclusion selon laquelle l’argent n’était pas situé dans une réserve voudrait dire que, lorsqu’il n’y a pas de banque dans une réserve, la bande n’aurait aucun moyen de protéger contre une saisie l’argent conservé dans des comptes de banque. En réponse, la juge en chef McLachlin, au nom de la majorité, a dit qu’une bande pouvait protéger ses dépôts contre les saisies en déposant les fonds dans une institution financière située dans la réserve d’une autre bande. Voici ce que la juge en chef a dit, au paragraphe 62 :

 

[...] malgré l’absence d’une institution financière de dépôt sur la réserve, la bande de God’s Lake pouvait déposer ses fonds dans une institution financière établie sur une autre réserve, auquel cas ils auraient été protégés par l’art. 89 de la Loi sur les Indiens.  Comme l’a signalé le juge Gonthier dans l’arrêt Williams, à la p. 887, « en vertu de la Loi sur les Indiens, un Indien jouit d’un choix en ce qui concerne ses biens personnels. […] Il appartient à l’Indien de décider s’il désire bénéficier du système de protection que constitue la réserve ou s’il veut s’intégrer davantage dans l’ensemble du monde des affaires. » […]

 

[116]     Il est raisonnable de supposer que l’emploi du même libellé (« les biens [...] situés sur une réserve ») à l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens doit donner lieu à la même interprétation, étant donné en particulier que les deux dispositions ont le même objet.

 

[117]     En ce qui concerne l’argument suivant de l’intimée, je n’accepte pas la thèse selon laquelle, puisque les relations de travail, en l’espèce, ont été créées aux fins de l’obtention de l’exonération, on peut leur accorder moins de poids que dans le cas où les appelants auraient établi la relation pour des motifs autres que des motifs d’ordre fiscal. En l’espèce, l’intimée n’a pas allégué que la relation de travail existant entre les appelants d’une part et NLS et OI d’autre part constituait un trompe‑l’œil. Le contrat de travail conclu entre chaque appelant et NLS ou OI créait clairement de véritables droits et obligations sur le plan juridique.

 

[118]     De plus, la preuve montre que l’emplacement des bureaux de NLS et d’OI dans la réserve des Six nations n’était pas un emplacement de convenance, contrairement à ce qui était le cas pour le bureau de l’entreprise autochtone dans l’affaire Bell v. The Queen, précitée. Dans cette affaire‑là, il a été conclu que le bureau qui était situé dans la réserve n’était pas l’endroit où l’« entreprise réelle » de la société était exploitée, ou l’endroit où « la gestion et le contrôle centraux » étaient réellement assurés parce que le bureau n’avait été utilisé qu’occasionnellement et à des fins commerciales restreintes sur une période de trois ans. Dans le cas de NLS et d’OI, même si la plupart de leurs employés (c’est‑à‑dire les employés dont les services étaient loués) ne travaillaient pas dans la réserve des Six nations, NLS et OI exerçaient néanmoins les fonctions d’administration, pour ces employés, dans le bureau de la réserve des Six nations, et ce, sur une base régulière et continue.

 

[119]     Toutefois, les appelants n’ont pas démontré que les activités auxquelles se livraient NLS et OI dans la réserve des Six nations comportaient un avantage important pour la réserve. On ne sait pas trop à quel montant s’élevaient les dépenses engagées par NLS et par OI dans la réserve. M. Obonsawin n’a pas pu dire avec certitude combien de membres du personnel du bureau de NLS et d’OI résidaient dans la réserve et, par conséquent, dans quelle mesure les salaires versés avaient contribué à la vie dans la réserve. De plus, le loyer annuel de 21 000 $ versé au conseil de la bande, selon l’état financier de 1997 de NLS, était modeste comparativement à l’ensemble des dépenses. Aucun montant n’était indiqué au titre du loyer dans les dépenses engagées par OI cette année‑là. Enfin, il est évident que les recettes de NLS et d’OI n’étaient pas générées dans la réserve.

 

[120]     Je conclus donc que l’emplacement des bureaux de NLS et d’OI dans la réserve des Six nations rattache le revenu d’emploi des appelants à cette réserve, mais que le poids à accorder à ce facteur est limité compte tenu de l’ampleur des activités de NLS et d’OI hors réserve et sur le marché et du fait qu’il n’a pas été établi que la chose comportait un avantage important pour la réserve des Six nations ou pour une autre réserve.

 

Le lieu de travail

 

[121]     L’endroit où le travail était accompli est important parce que les services fournis par l’employé constituent ce qui donne naissance au droit au revenu d’emploi. Le fait que le travail est exécuté hors réserve rattache le revenu à un emplacement hors réserve.

 

[122]     Dans le cas des appelants, seules Mme Janyst et Mme Van Hanuse passaient régulièrement du temps à travailler dans les réserves. Il n’est pas contesté que les autres appelants ne passaient pas de temps dans les réserves ou ne s’y rendaient presque jamais.

 

[123]     Mme Mackenzie travaillait hors réserve pour l’ANCA. Mme Gagnon et Mme Matilpi travaillaient hors réserve pour l’ACAACB. Mme Jim travaillait hors réserve au Circle of the Eagles Lodge. M. Labillois travaillait hors réserve, au Centre d’amitié micmac. Mme Wherry travaillait depuis le bureau du FPHLCC situé hors réserve, à Victoria. Le travail de M. Roe, qui conduisait un camion, était également exécuté hors réserve. Pour ces appelants, le lieu de travail indique fortement que leur revenu d’emploi était situé hors réserve.

 

[124]     En ce qui concerne Mme Janyst et Mme Van Hanuse, les avocats de l’intimée ont affirmé que la preuve dans son ensemble montrait qu’elles travaillaient beaucoup moins souvent dans des réserves que ce qu’elles avaient affirmé. Les avocats ont soutenu que la preuve n’établissait pas que Mme Janyst et Mme Van Hanuse effectuaient presque tout leur travail dans la réserve. Mme Van Hanuse travaillait principalement aux bureaux de la Ki‑Low‑Na Friendship Society et Mme Janyst travaillait principalement à domicile, à Victoria. Les avocats ont en outre dit que la Cour devrait également tenir compte du fait que les réserves dans lesquelles Mme Janyst et Mme Van Hanuse travaillaient n’étaient pas leurs propres réserves.

 

[125]     D’autre part, les avocats des appelants ont fait valoir que Mme Van Hanuse et Mme Janyst passaient énormément de temps dans des réserves dans le cadre de leur travail.

 

[126]     La preuve montre que Mme Janyst travaillait régulièrement chaque mois, pendant deux ou trois jours, dans diverses réserves de la Colombie‑Britannique. Elle passait également du temps dans un grand nombre d’emplacements hors réserve à servir une clientèle autochtone et métisse hors réserve et elle travaillait à domicile, à Victoria, à organiser ses voyages et des réunions, à rédiger des rapports et à effectuer des travaux d’écritures. Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que son travail était basé hors réserve et qu’elle effectuait la majeure partie de son travail hors réserve.

 

[127]     Je conclus également que Mme Van Hanuse travaillait régulièrement, environ un jour, et parfois deux jours par semaine, dans la réserve de Westbank au cours des derniers mois où elle a travaillé pour la Ki‑Low‑Na Friendship Society. Elle passait le reste du temps à servir, aux bureaux de la Société, une clientèle autochtone qui résidait généralement hors réserve, à Kelowna. Le travail de Mme Van Hanuse était basé hors réserve aux bureaux de la Société et presque tout son travail était accompli hors réserve.

 

[128]     Cela étant, je conclus que le lieu de travail de Mme Janyst et de Mme Van Hanuse indique également fortement que leur revenu d’emploi était situé hors réserve.

 

La nature et les circonstances du travail, y compris tout avantage qu’en tire une réserve

 

[129]     Le but de l’employeur de Mme Janyst, la FAG, était de financer et de soutenir les initiatives de guérison élaborées au sein de la communauté autochtone en vue de remédier aux répercussions des abus commis dans les pensionnats indiens. Le travail de Mme Janyst s’adressait et bénéficiait à la communauté autochtone dans son ensemble plutôt qu’exclusivement aux Autochtones résidant dans des réserves.

 

[130]     Le travail que Mme Van Hanuse effectuait dans le cadre du Programme canadien de nutrition prénatale et du Programme d’action communautaire pour les enfants ne ciblait pas exclusivement les Autochtones résidant dans les réserves, mais il les incluait. L’appelante n’a donné, au sujet des programmes, aucun autre détail tendant à montrer qu’ils s’adressaient ou qu’ils bénéficiaient tout particulièrement aux Autochtones qui résidaient dans une réserve ou que le travail faisait partie intégrante de la communauté de la réserve de Westbank. Par conséquent, comme c’est le cas pour Mme Janyst, même si la réserve bénéficiait de son travail, il en allait également de même pour la population métisse et indienne hors réserve.

 

[131]     M. Labillois et Mme Wherry travaillaient tous deux hors réserve pour des employeurs servant des Autochtones résidant dans des réserves ou hors réserve, indépendamment de leur lieu de résidence. Par conséquent, un certain nombre de personnes qui bénéficiaient de leurs services résidaient dans des réserves.

 

[132]     L’emploi de M. Labillois visait à assurer une formation en informatique aux clients du Centre d’amitié micmac. Selon M. Labillois, quatre étudiants sur neuf chaque année résidaient dans une réserve pendant qu’ils suivaient son cours.

 

[133]     Le travail de Mme Wherry visait à préserver et à développer le patrimoine autochtone au moyen de l’octroi de subventions de perfectionnement accordées aux artistes autochtones. Environ la moitié des candidats résidaient ou se livraient à leurs activités artistiques dans diverses réserves de la Colombie‑Britannique. Un grand nombre de subventions du FPHLCC étaient accordées à des artistes autochtones qui résidaient et travaillaient dans une réserve, mais le nombre réel de bénéficiaires qui résidaient dans une réserve n’était pas connu, étant donné que le FPHLCC ne faisait pas de distinction entre les bénéficiaires selon qu’ils résidaient dans une réserve ou hors réserve ou entre les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits, ou encore les Métis.

 

[134]     Par conséquent, bien que le travail de Mme Van Hanuse, de Mme Janyst, de M. Labillois et de Mme Wherry ait en partie contribué à la vie dans certaines réserves, cela ne tend pas à rattacher davantage leur revenu d’emploi à une réserve plutôt qu’à un emplacement hors réserve. Dans l’arrêt Monias, précité, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit, au paragraphe 66 :

 

Le fait que le travail qui donne lieu au revenu d=emploi soit au bénéfice des Indiens dans les réserves et qu=il puisse être essentiel au maintien des réserves comme groupes sociaux viables, n=est pas en soi suffisant pour situer le revenu d=emploi dans les réserves. La politique qui sous‑tend l=alinéa 87(1)b) n=a pas pour but d=offrir une subvention fiscale aux services fournis aux réserves. Il s=agit plutôt de protéger la propriété que les Indiens peuvent acquérir, conserver et utiliser dans une réserve, de toute atteinte par le biais de l=impôt, bien que dans le cas d=un bien incorporel, comme le revenu d=emploi, c=est le situs de son acquisition qui est particulièrement important.

 

[135]     Étant donné que les bénéficiaires des services fournis par Mme Van Hanuse, par Mme Janyst, par M. Labillois et par Mme Wherry n’étaient pas obligés de résider dans une réserve afin d’avoir accès aux services, le fait que certains d’entre eux résidaient dans une réserve a, à mon avis, peu d’importance. Leur travail ne s’adressait pas exclusivement, ou même principalement, à la communauté d’une réserve et aucune preuve n’a été présentée en vue de démontrer que les services qu’ils fournissaient faisaient partie intégrante de la vie d’une réserve. La nature de leur travail indique donc que leur revenu d’emploi était situé hors réserve.

 

[136]     Le fait qu’il n’a pas été démontré que l’emploi de Mme Janyst et de Mme Wherry était rattaché à une réserve particulière est également pertinent. Un grand nombre de réserves bénéficiaient de leur travail. Dans l’arrêt Desnomie, précité, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit, au paragraphe 21 :

 

[…] Même s=il peut être soutenu que l=exonération de l=article 87 s=applique quand les biens d=un Indien sont situés dans une autre réserve que la sienne, dans la présente affaire, la nature de l=employeur et l=emploi ne permettent pas, à eux seuls, de déterminer une réserve donnée à laquelle les biens de l=appelant peuvent être rattachés.  Par conséquent, ces éléments n=aident pas à déterminer le lieu de son revenu d=emploi.

 

La Cour d’appel fédérale a également dit ce qui suit, au paragraphe 46 de l’arrêt Monias, précité :

 

[...] bien que le travail des employés puisse aider à maintenir ou à améliorer la qualité de vie dans la réserve pour les membres des bandes qui y vivent, ce fait ne vient pas nécessairement rattacher l=acquisition ou l=utilisation de leur revenu d=emploi à la réalité physique des réserves.

 

 

[137]     Mme Gagnon, Mme Mackenzie et Mme Matilpi servaient toutes une clientèle autochtone hors réserve par l’entremise de leur travail auprès de l’Association nationale des centres d’amitié ou de l’ACAACB. Les clients directs des deux organismes étaient divers centres d’amitié, qui étaient tous situés hors réserve, sauf un. Même si je comptais les usagers des centres d’amitié à titre de clients de l’ANCA ou de l’ACAACB, il n’existe aucun élément de preuve indiquant si ces usagers résidaient dans une réserve ou s’ils résidaient hors réserve. L’ANCA et l’ACAACB ne tenaient pas de registres du nombre de clients qui résidaient dans une réserve étant donné que cela n’avait aucune importance aux fins de la réception de services. Ce qui importe cependant, c’est que les centres d’amitié ciblaient des Autochtones hors réserve et qu’ils étaient organisés pour aider les Autochtones qui s’installaient dans des centres urbains.

 

[138]     Le travail de Mme Jim au Circle of the Eagles Lodge aidait à la réadaptation et à la réintégration des anciens délinquants. Aucun registre n’indiquait le nombre de clients résidant au Lodge qui avaient résidé dans une réserve avant d’être incarcérés ou qui voulaient résider dans une réserve après avoir quitté le Lodge. La résidence antérieure ou postérieure dans une réserve n’était pas l’une des conditions d’admission au Lodge. Les services fournis par le Lodge visaient simplement à aider les résidants à réintégrer la société, et ce, où qu’ils aillent.

 

[139]     En ce qui concerne Mme Mackenzie, Mme Gagnon, Mme Matilpi et Mme Jim, il n’est pas possible de dire que leurs services contribuaient d’une façon importante à la vie dans une réserve, et la nature et les circonstances de leur travail ne rattachent pas leur revenu à une réserve. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Shilling, précité, (paragraphe 51), les services fournis aux Autochtones hors réserve n’ont pas pour effet de rattacher le revenu d’emploi à une réserve au sens physique du terme.

 

[140]     Enfin, M. Roe travaillait pour des employeurs non autochtones et servait une clientèle non autochtone. En ce qui concerne M. Roe, ni la nature de son travail, qui consistait à conduire un camion partout au Canada et aux États‑Unis, ni les circonstances de son travail ne rattachaient son emploi à une réserve ou n’avaient quelque chose à voir avec une réserve. Son travail était indubitablement effectué sur le marché.

 

La résidence de l’employé

 

[141]     Dans l’arrêt Williams, précité, le juge Gonthier a dit que la résidence était une considération pertinente possible dans une analyse des facteurs de rattachement si elle « indique un emplacement différent de celui de l’emploi qui a rendu admissible aux prestations ». Dans l’arrêt Shilling, précité, la Cour d’appel fédérale a réitéré cette position, en rejetant tacitement l’argument selon lequel il ne faut pas accorder de poids à la résidence du contribuable puisque, dans bien des cas, la résidence hors réserve n’est pas une question de choix pour un Autochtone. Dans les cas où un appelant travaillait et résidait hors réserve, on a accordé peu de poids à l’emplacement de sa résidence.

 

[142]     Parmi tous les appelants, seule Mme Jim résidait dans une réserve lorsqu’elle travaillait pour NLS. Je n’accorde pas beaucoup de poids à ce facteur dans le cas de Mme Jim. Il n’a pas été démontré que le fait que Mme Jim apportait son revenu d’emploi chez elle, dans la réserve de North Vancouver, constituait une contribution importante à la vie dans la réserve. Dans le cas de M. Labillois, les visites qu’il effectuait dans sa réserve d’origine pour voir sa famille et ses amis étaient effectuées à des moments où il n’enseignait pas au Centre d’amitié micmac, à Halifax, et ne devraient pas être considérées comme un facteur de rattachement. M. Labillois résidait hors réserve, à Halifax, pendant tout le temps où il fournissait les services donnant lieu au revenu d’emploi.

 

Le lieu du paiement

 

[143]     L’endroit où les appelants étaient rémunérés est un facteur qui peut être pertinent, quoique mineur. Dans l’arrêt Monias, précité, la Cour d’appel fédérale n’a accordé presque aucune importance à l’emplacement des succursales bancaires depuis lesquelles l’employeur versait les salaires et dans lesquelles les comptes des employés étaient crédités, en disant ce qui suit (paragraphe 57) :

 

[…] Là où les employés reçoivent leur revenu d’emploi n’a que peu de lien logique, sinon aucun, avec la politique qui sous‑tend l’article 87.

 

[144]     Les appelants étaient rémunérés à l’aide d’un compte de banque situé dans une réserve, en Alberta, et le salaire de certains d’entre eux était déposé directement dans des comptes qu’ils avaient dans des succursales bancaires situées dans des réserves. Cependant, aucun élément de preuve n’a été soumis pour démontrer que ces dispositions rattachaient le revenu à cette réserve en tant qu’emplacement ou en tant que base économique et je ne leur accorde pas beaucoup de poids.

 

Résumé

 

[145]     Les facteurs qui rattachent l’emploi des appelants à une réserve sont l’emplacement des bureaux de NLS et d’OI dans une réserve et le paiement du revenu d’emploi à l’aide d’un compte de banque, dans une réserve. En ce qui concerne Mme Jim, il y a un facteur de rattachement additionnel : le fait qu’elle résidait dans une réserve pendant qu’elle travaillait au Circle of the Eagles Lodge. Toutefois, pour les motifs susmentionnés, j’accorde moins de poids à ces facteurs qu’à l’emplacement ainsi qu’à la nature et aux circonstances du travail des appelants, lesquels indiquent dans tous les cas un emplacement hors réserve pour leur revenu d’emploi.

 

[146]     En l’absence de circonstances spéciales reliant le travail des appelants à une réserve précise, et en l’absence de quelque élément de preuve indiquant l’existence d’un lien important entre leur travail et la réserve des Six nations ou quelque autre réserve, rien ne permet de conclure que l’imposition du revenu d’emploi gagné auprès de NLS ou d’OI porterait atteinte au droit de détenir des biens à titre d’Indien dans une réserve.

 

[147]     Par conséquent, je conclus que le revenu d’emploi que les appelants ont gagné auprès de NLS et d’OI n’est pas exonéré d’impôt.

 

[148]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2008.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


Annexe

 

Appelant

 

No du dossier du greffe

Années d’imposition

Bande d’appartenance

Employeur

Organisme de service

Delores Jim

2007-1835(IT)

1999, 2000, 2001

Bande indienne Penelakut

Native Leasing Services

Circle of Eagles Lodge Society, Vancouver

Jonathan Labillois

2007-2213(IT)

2000, 2001, 2002

Première nation Listuguj Mi’Gmaq

Native Leasing Services

Centre d’amitié micmac, Halifax

Pauline Janyst

2007-2978(IT)

2000, 2001

Première nation Da’naxda’xw

Native Leasing Services

Fondation autochtone de guérison, basée à Victoria

Lisa Gagnon

2007-3013(IT)

2001, 2002, 2003, 2004, 2005

Première nation crie Mikisew

Native Leasing Services

Association des centres d’amitié autochtones de la Colombie‑Britannique, Victoria

Catherine Wherry

2007-306(IT)

2002, 2003, 2004

Première nation des Chippewas de Mnjikaning

Native Leasing Services

First Peoples Heritage, Language and Culture Council., Victoria

Barbara Matilpi

2007-947(IT)

2001, 2002

Première nation Namgis

Native Leasing Services

Association des centres d’amitié autochtones de la Colombie‑Britannique, Victoria

Tanya Mackenzie

2007-975(IT)

2002, 2004

Première nation de Temagami

Native Leasing Services

Association nationale des centres d’amitié, Ottawa

Alegha Van Hanuse

2007-118(IT)

2000, 2001

Première nation Oweekeno/Wuikinuxv

Native Leasing Services

Ki-Low-Na Friendship Society, Kelowna

Wayne Roe

2007-170(IT)

1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006

Première nation de Thessalon

OI Employee Leasing

B.N. Dulay Trux; Aujla Trucking Ltd.

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 667

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-170(IT)I

 

INTITULÉ :                                       WAYNE ROE

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 5 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me Eric Lay

Me Meredith Rose

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Gordon Bourgard

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                             Eric Lay

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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