Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossiers : 2008‑1176(IT)I

2008‑3559(IT)I

ENTRE :

CHERYL D. LANG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 18 décembre 2008, à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Wayne Lang

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Meier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels formés contre les nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006 sont accueillis, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, étant entendu que l’appelante est fondée à déduire des frais médicaux additionnels conformément à l’alinéa 118.2(2)(l.91), à raison de 2 100 $, 4 200 $ et 4 305 $ respectivement.

 

          Le droit de dépôt de 100 $ sera remboursé à l’appelante.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’avril 2009.

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 182

Date : 20090407

Dossiers : 2008‑1176(IT)I

2008‑3559(IT)I

 

ENTRE :

 

CHERYL D. LANG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]              Les présents appels sont interjetés par Cheryl Lang, qui voudrait obtenir le crédit pour frais médicaux, au titre de certains frais supportés en 2004, 2005 et 2006. Les frais en cause étaient les frais de scolarité payés à la Foothills Academy, à savoir 10 499 $, 21 000 $ et 21 525 $, pour les triplés de Mme Lang, qui ont tous des troubles d’apprentissage. La déduction était faite aux termes de l’alinéa 118.2(2)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi rédigé :

 

118.2(2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

a)         […]

 

e)         pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formation — du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant un handicap semblable au sien; […]

 

[2]              Le mari de l’appelante, M. Lang, était le seul témoin. Il a témoigné que ses fils sont nés avec des insuffisances de poids à la naissance et qu’ils souffraient de certains handicaps physiques : l’un avait une déficience auditive, le second vomissait tout ce qu’il prenait et le troisième avait une anomalie cardiaque. L’anomalie cardiaque ne suscite plus l’inquiétude des médecins. La déficience auditive a été récemment décrite par Anita Madill, psychologue agréée, comme une déficience auditive modérée de l’oreille gauche, déficience qui est demeurée stable. Quant aux ennuis de digestion du troisième, on ne sait pas s’ils persistent.

 

[3]              Selon M. Lang, l’éducation des garçons jusqu’à l’école secondaire a été difficile. Ils suivaient des programmes individualisés à l’école et, même s’ils obtenaient les notes de passage dans la plupart des matières, ils avaient semble‑t‑il beaucoup de mal. M. Lang était inquiet pour l’amour‑propre des garçons, étant donné leurs mauvais résultats. Les Lang ont décidé de leur faire subir des tests avant l’école secondaire, et se sont adressés à Mme Madill, qui, en avril 2004, a évalué chacun d’eux et rendu un rapport, dont j’examinerai certaines parties plus en détail au cours de mon analyse. Elle a toutefois conclu que les trois garçons souffraient de troubles d’apprentissage.

 

[4]              Les Lang ont décidé de les envoyer tous les trois à l’école secondaire, à la Foothills Academy, qui se décrit dans ses propres documents[1] comme un centre éducatif voué à l’excellence et ayant deux objets :

 

[traduction]

1.         offrir aux élèves ayant des troubles d’apprentissage un enseignement à temps plein et un programme scolaire axé sur le traitement;

 

2.         offrir à la communauté tout entière un ensemble de services communautaires comprenant l’aide aux professionnels et aux parents, ainsi que des activités de recherche, un service de tutorat sur place, des conférences et la publication de documents portant sur l’enfant en difficulté d’apprentissage.

 

[5]              Ce sont les frais de scolarité payés à cette école que Mme Lang voudrait maintenant déduire à titre de frais médicaux.

 

[6]              De récentes décisions judiciaires (voir, par exemple, l’arrêt Canada c. Scott[2] de la Cour d’appel fédérale) ont adopté comme suit les exigences de l’alinéa 118.2(2)e), telles qu’elles avaient été explicitées dans la décision Collins c. Canada[3] :

 

1.         Le contribuable doit payer des frais pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou pour le soin et la formation — du particulier.

 

2.         Le particulier doit avoir un handicap mental.

 

3.         L’école, institution ou autre endroit doit fournir au particulier ayant le handicap l’équipement, les installations ou le personnel spécialisés pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant le même handicap.

 

4.         Une personne habilitée à cette fin doit attester que le handicap physique ou mental est la raison pour laquelle le particulier a besoin que l’école fournisse l’équipement, les installations ou le personnel spécialisés pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant le même handicap[4].

 

[7]              Malheureusement, je ne crois pas que la décision Collins rende compte fidèlement des exigences législatives. Je la peaufinerais en disant que les exigences sont plus fidèlement décrites comme suit :

 

1.       Le contribuable doit payer des frais pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou pour le soin et la formation — du particulier;

 

2.       Le contribuable doit produire un certificat d’une personne habilitée à cette fin attestant que :

 

(i)                le particulier souffre d’un handicap mental ou physique;

 

(ii)      en raison de ce handicap, le particulier a besoin que l’école fournisse l’équipement, les installations ou le personnel spécialisés pour le soin – ou le soin et la formation – de personnes souffrant du même handicap.

 

[8]              L’alinéa 118.2(2)e) n’est pas d’une évidente clarté[5], mais, rédigé comme il l’est, il n’appartient pas à la Cour de dire s’il y a un handicap mental, mais plutôt de dire si le certificat requis atteste qu’il existe un handicap physique ou mental. Pareillement, le certificat doit préciser que l’école fournit des services spécialisés à ceux qui souffrent d’un handicap de cette nature. Bref, le certificat est essentiel. Le contribuable qui réclame un crédit pour frais médicaux en application de l’alinéa 118.2(2)e) doit obtenir un certificat d’une personne habilitée à cette fin attestant que le patient atteint d’un handicap mental ou physique a besoin des services spécialisés offerts par l’école mentionnée. En fait, le législateur a retiré cette décision des mains des avocats et des juges pour la confier à qui de droit, c’est‑à‑dire aux professionnels. Cela est tout à fait justifié. Encore une fois, soit dit en tout respect, je suis d’avis que les deux questions suivantes, posées dans l’arrêt Lister c. Canada[6], tentent de confier à nouveau la décision aux tribunaux.

 

12        […] Il s’agit en premier lieu de savoir si le particulier à l’égard duquel le crédit est demandé a le handicap physique ou mental nécessaire […] Il s’agit en second lieu de savoir si l’endroit qui a reçu le paiement est un endroit qui est visé à l’alinéa 118.2(2)e). […]

 

Si l’on adopte ce point de vue, pourquoi un certificat serait‑il nécessaire? Le risque évidemment est de s’en remettre à un certificat qui indique une institution offrant des services spécialisés – soin et formation – à ceux qui souffrent d’un handicap mental ou physique, quand le juge met peut‑être en doute la manière dont le professionnel a évalué l’institution et le handicap. Dans ce cas, la Cour devrait‑elle pouvoir intervenir, pour finalement refuser la somme réclamée comme frais médicaux? Selon moi, uniquement si la Cour est d’avis que le certificat du professionnel atteste quelque abus ou manquement. Autrement, pourquoi la Cour devrait‑elle intervenir? Le législateur a clairement confié cette responsabilité aux professionnels, et je ne vois aucune raison d’interpréter la disposition d’une autre manière.

 

[9]              Je crois que le rôle de la Cour est double : d’abord, elle doit dire si, en l’espèce, les frais ont été payés pour le soin – ou le soin et la formation – des trois garçons confiés à l’école, et, ensuite, elle doit dire s’il existe un certificat attestant ce que, en droit, il doit attester.

 

[10]         S’agissant du premier point, à quoi se rapporte ce que M. et Mme Lang ont payé? S’agissait‑il du soin et de la formation dispensés à leurs fils, ou s’agissait‑il simplement de frais de scolarité, ou s’agissait‑il des deux à la fois, compte tenu que les frais payés ne portaient que sur un pourcentage du financement global, dont une partie était assurée par la province de l’Alberta?

 

[11]         Dans la décision Anka v. R.[7], le juge Bonner, parlant des garderies éducatives, écrivait ce qui suit :

 

5          […] Les montants qui ont été versés à la garderie éducative étaient des frais de scolarité. Ce que toutes les écoles ont offert était un enseignement, quoique conçu de façon à répondre aux besoins spéciaux de l’enfant. […] Le libellé de la disposition doit être interprété compte tenu du contexte. Il faut se rappeler que les mots « soin, ou soin et formation » sont employés dans le contexte de la définition de « frais médicaux » et que ce contexte influe sur leur sens. […]

 

[12]         Le juge Bell a adopté ces propos dans la décision Flower c. Sa Majesté la Reine[8], puis il écrivait ensuite :

 

[15]      Je souscris totalement aux arguments de l’avocat de l’intimée et aux paroles du juge Bonner que j’ai citées ci‑dessus. Les expressions, qui se trouvent à l’alinéa 118.2(2)e), c’est‑à‑dire « le soin et la formation », « endroit […] du particulier », « handicap physique ou mental », et « fournis par cette […] institution ou à cet autre endroit pour […] le soin et la formation […] de particuliers ayant un handicap semblable au sien » m’indiquent toutes que la dépense doit être analysée dans un contexte médical. Ce n’est pas le cas ici. Les garçons fréquentaient une institution où une aide spéciale leur était accordée. La preuve indique qu’il y avait plusieurs institutions semblables dans la ville de la famille. Aucun élément de preuve ne permet de tirer une conclusion selon laquelle on pourrait considérer que l’institution est visée par le contexte médical du libellé de l’alinéa e), ce qui serait nécessaire dans ce cas‑ci. Même si je ne doute pas du fait que les garçons avaient besoin de l’aide qu’ils ont reçue et qu’ils en ont bénéficié, la Loi ne comporte aucune disposition permettant un crédit ou une déduction à l’égard d’une telle aide.

 

[13]         Pareillement, le juge Hershfield écrivait ce qui suit, dans la décision Vita‑Finzi c. Sa Majesté La Reine[9] :

 

[18]      […] Deuxièmement, les frais visés par la disposition en cause sont les « frais médicaux » engagés « pour le soin – ou le soin et la formation » du « particulier », et non les frais payés pour la seule « formation », y compris lorsque celle‑ci a pour objectif le développement des aptitudes cognitives des élèves lents, voire de ceux qui ont une déficience mentale. […]

 

[14]         Il est clair que le paiement dont parle l’alinéa 118.2(2)e) a été interprété comme un paiement fait dans le contexte de frais médicaux – l’éducation ne suffit pas, et donc les frais destinés à l’éducation ne suffisent pas. Mais la Foothills Academy offrait‑elle simplement une éducation ou fournissait‑elle aussi soin et formation? Il faut donc examiner la différence subtile qui existe entre éducation et formation. Je me souviens d’avoir été sèchement réprimandé il y a des années par une infirmière à qui j’avais demandé (respectueusement, je le pensais) où elle avait reçu sa formation, ou son entraînement. Elle m’avait répondu, vexée, que les chevaux reçoivent un entraînement, mais que les infirmières reçoivent une éducation. Peut‑être est‑il plus facile de s’indigner de la différence lorsqu’on n’a pas à l’expliquer. Quoi qu’il en soit, les enfants vont à l’école pour recevoir une éducation, mais également pour recevoir une formation, car la formation suppose l’apprentissage d’une aptitude. Ainsi, une formation considérable à la vie en société a lieu dans une salle de classe – comment se comporter avec ses condisciples, comment se comporter avec les autorités scolaires, comment se comporter dans tel ou tel contexte, etc. L’acquisition d’aptitudes, sociales ou autres, c’est de la formation. Je suis d’avis, d’après la description que M. Lang a donnée des déficiences de ses enfants, que l’acquisition d’aptitudes était essentielle. Mme Madill a d’ailleurs suggéré plusieurs stratégies pour renforcer le processus d’apprentissage; il s’agit en fait d’aptitudes préalables à l’apprentissage. La brochure de la Foothills Academy parle de l’enseignement d’aptitudes, d’aménagements, de stratégies de rattrapage et d’aptitudes sociales. Cela ne suffit sans doute pas pour que l’accent soit mis sur le patient plutôt que sur l’élève, sur le soin et la formation plutôt que sur l’éducation, mais cela me convainc qu’il y a certainement, dans les services reçus par les trois garçons, un fort élément de soin et de formation.

 

[15]         Je crois que, en envoyant leurs enfants à la Foothills Academy, M. et Mme Lang payaient pour qu’ils reçoivent soin, formation et éducation. J’ai examiné avec les parties la possibilité d’une ventilation des frais entre d’une part l’éducation et d’autre part le soin et la formation, et elles m’ont dit que cela n’était pas possible. Je ne suis pas de cet avis – c’est sans doute difficile, mais cela ne devrait pas être impossible.

 

[16]         Je passe maintenant aux certificats en cause. Il s’agit des rapports de Mme Madill, non de celui de M. Bullivant, le directeur de la Foothills Academy qui a rédigé des lettres en mars 2007 et 2008. Il a été souligné dans l’affaire Scott que de tels « certificats » après coup ne seraient pas acceptables.

 

[17]         Il ne fait aucun doute que Mme Madill avait la qualification requise. Pour résumer, elle a fait l’évaluation écrite des garçons en avril 2004. À la suite de demandes de l’Agence du revenu du Canada, elle a été priée par M. Lang, en avril 2006, puis de nouveau en octobre 2006, de présenter des observations explicatives. L’appelante doit d’abord me convaincre que l’on peut se fier aux lettres de 2006 en ce qui concerne 2004. Je me réfère à la lettre de l’Agence du revenu du Canada adressée à M. et Mme Lang en date du 28 décembre 2005 (pièce A‑1), où l’Agence précise ce que les certificats doivent contenir :

 

[traduction]

Pour que soient admis les paiements effectués à la Foothills Academy, il nous faut, pour chaque enfant, un certificat ou une lettre du médecin des élèves indiquant que l’élève souffre d’un handicap physique ou mental, dont la gravité est telle que l’élève a besoin de l’équipement, des installations ou du personnel explicitement fournis par l’école. […]

 

Si nous recevons des renseignements complémentaires à une date ultérieure, nous réexaminerons votre déclaration en vue d’un possible redressement. Prière de joindre à votre demande de redressement toutes pièces justificatives, y compris les pièces déjà soumises.

 

[18]         Les Lang ont alors transmis la lettre de Mme Madill du 17 avril 2006 (pièce A‑2) pour chacun des garçons, dont quelques extraits, pour l’un d’eux, sont reproduits ci‑après :

 

[traduction]

[…] Ce niveau de dysfonctionnement cognitif s’accorde avec un diagnostic de trouble d’apprentissage non verbal.

 

Le rapport renferme des suggestions préconisant des modifications à un contexte d’apprentissage qui pourraient alléger les difficultés d’apprentissage de C[10]. Cet allégement serait peut‑être plus facilement disponible dans un établissement d’enseignement tel que la Foothills Academy ou un établissement semblable, où la taille des classes est plus petite et où le personnel est plus spécialement formé pour composer avec des élèves souffrant d’un trouble d’apprentissage non verbal.

 

[19]         L’Agence du revenu du Canada a répondu ainsi à cette lettre le 10 juillet 2006 (pièce A‑1) :

 

[traduction]

Il n’est pas indiqué, dans les documents que vous avez soumis, que la personne y nommée souffre d’un handicap physique ou mental qui requiert un équipement, des installations ou un personnel spécialisés au sein de l’école, de l’institution ou de l’endroit concerné. La psychologue a fait ressortir l’avantage que présenteraient des classes comptant peu d’élèves, mais elle ne dit pas que les enfants « ont besoin » d’une formation spéciale.

 

[20]         Les Lang ont alors envoyé la lettre de Mme Madill datée du 11 octobre 2006 (pièce A‑2), dont encore une fois un passage est reproduit ci‑après, qui concerne l’un des garçons :

 

[traduction]

Je suis la psychologue de l’enfant susnommé, et je suis d’avis que cet enfant a besoin du programme d’éducation et de traitement offert par un établissement spécialisé tel que la Foothills Academy. Vu l’évaluation obtenue de l’Échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants (WISC‑III) et du Test d’accomplissement personnel de Wechsler (WIAT‑II), la psychologue soussignée est d’avis que C. souffre d’un trouble d’apprentissage qui s’accorde avec le diagnostic d’un trouble d’apprentissage non verbal et qu’il a besoin d’une intervention intensive pour réussir.

 

[21]         L’Agence du revenu du Canada a répondu le 12 janvier 2007 (pièce A‑1) :

 

[traduction]

Il nous faut une lettre du médecin ou du psychologue attestant que l’élève souffre d’un handicap physique ou mental, dont la gravité est telle que l’élève a besoin de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés offerts par l’école, l’institution ou l’autre endroit.

 

De manière générale, la lettre ou le certificat devrait non seulement indiquer le handicap précis, mais aussi devrait décrire l’équipement, les installations ou les professionnels qualifiés qui sont nécessaires pour que l’élève reçoive le soin dont il a besoin, ou le soin et la formation dont il a besoin. […]

 

Si nous recevons les renseignements complémentaires à une date ultérieure, nous examinerons votre déclaration en vue d’un éventuel redressement. […]

 

[22]         Manifestement, l’Agence du revenu du Canada laissait la porte ouverte à M. et Mme Lang pour qu’ils obtiennent de Mme Madill des éclaircissements sur ses évaluations, de telle sorte que le libellé de telles évaluations puisse répondre aux exigences de l’alinéa 118.2(2)e). Si l’Agence du revenu du Canada était disposée à tenir compte d’éclaircissements écrits donnés par Mme Madill pour son évaluation de 2004, je ne vais certainement pas refermer cette porte, mais je suis disposé à considérer la correspondance postérieure de Mme Madill comme une mise au point acceptable de ses évaluations de 2004. Je considère donc ses évaluations initiales et les deux lettres de suivi comme constituant le certificat sur lequel veulent s’appuyer M. et Mme Lang.

 

[23]         Considérés ensemble, ces documents attestent‑ils :

 

(i)      que les garçons souffrent d’un handicap mental?

 

(ii)      que, en raison de ce handicap, ils ont besoin des installations de la Foothills Academy qui sont spécialement fournies aux enfants souffrant d’un handicap semblable?

 

(i)      Handicap physique ou mental

 

[24]         Que disait Mme Madill dans ses évaluations d’avril 2004 (pièce A‑2) à propos des garçons? Je ne parlerai que de l’un des garçons puisque les questions sont les mêmes. Pour S., elle écrivait ce qui suit :

 

- est né prématurément, avec un poids de 2 livres et 2 onces, et une anomalie cardiaque;

 

- s’est classé au 33e percentile pour le quotient intellectuel verbal et au 6e percentile pour le quotient intellectuel performance (ce qui indique un faible raisonnement perceptuel) sur l’Échelle d’intelligence de Wechsler;

 

- faible mémoire à court terme.

 

[25]         Elle faisait ensuite quelques suggestions pour le programme d’enseignement. Elle concluait que S. souffrait d’un trouble d’apprentissage. Elle ne disait rien de la Foothills Academy.

 

[26]         En avril 2006, Mme Madill ajoutait que le profil de S. s’accordait avec le diagnostic d’un trouble d’apprentissage, portant plus spécifiquement sur le raisonnement spatial ainsi que sur la mémoire opérationnelle. Puis, encore une fois, en octobre 2006, elle écrivait que S. souffre d’un trouble d’apprentissage.

 

[27]         Je n’interprète pas les exigences de l’alinéa 118.2(2)e) de manière rigide au point que le certificat doive contenir les mots « handicap physique ou mental », mais il ne devrait certainement faire aucun doute, dans l’esprit du lecteur raisonnable, que l’opinion du professionnel est que la personne concernée souffre d’un handicap mental. Si j’accepte la définition donnée par le Canadian Oxford Dictionary pour l’expression « handicap mental » (« mental handicap »), c’est‑à‑dire le fait d’être d’une intelligence si faible ou d’avoir une capacité intellectuelle à ce point sous‑développée, en particulier pour cause de maladie ou de blessure, que les fonctions sociales normales sont inhibées, puis‑je alors considérer le rapport de Mme Madill comme un document attestant que les garçons souffrent d’un handicap mental? Je ne le crois pas.

 

[28]         Les percentiles dans lesquels les garçons se sont classés signalent à coup sûr une capacité intellectuelle faible ou sous‑développée, mais je ne vois rien dans les rapports de Mme Madill pour rattacher ce fait à un facteur génétique ou neurologique, une maladie ou blessure ou un quelconque état pathologique. Il ne devrait pas me revenir de faire le lien entre un faible poids à la naissance et un facteur neurologique. C’est ce que le praticien devrait préciser dans son certificat. Mme Madill ne l’a pas fait. Je ne pense pas non plus qu’elle dise clairement qu’un quotient intellectuel performance aussi faible fait obstacle à un fonctionnement social normal. D’ailleurs, Mme Madill écrivait, s’agissant par exemple de S., qu’il se présentait comme un jeune homme de belle prestance, bon dans la communication, coopératif et travailleur. Un quotient intellectuel performance faible peut bien refléter un trouble d’apprentissage, mais il m’est impossible de dire que le rapport de Mme Madill va jusqu’à attester l’existence d’un handicap mental. Je n’ai entendu aucun témoignage d’expert affirmant sans équivoque que les troubles d’apprentissage des garçons constituent un handicap mental.

 

[29]         Après avoir entendu le témoignage rempli d’émotion de M. Lang, je ne doute nullement que la scolarité des garçons fut un combat permanent. Et, en tant que parent, M. Lang a fait absolument ce qu’il fallait pour ses garçons. Il l’a fait parce qu’ils avaient un trouble d’apprentissage. Le rapport de Mme Madill dit cela, mais je crois qu’il ne va pas jusqu’à attester que les garçons souffraient d’un handicap mental. Je m’en tiens au libellé du « certificat ». Comme je l’expliquais plus haut, c’est la manière dont, selon moi, la législation doit s’appliquer. Je ne suis ni psychologue ni médecin. Si le rapport de Mme Madill me laisse sceptique sur la question de savoir si les garçons souffrent d’un handicap mental, alors il m’est impossible d’admettre qu’il atteste un tel fait. Le certificat doit être clair.

 

(ii)      Installations spéciales

 

[30]         Compte tenu du handicap, les installations de la Foothills Academy, spécialement offertes aux personnes présentant ce handicap, étaient‑elles nécessaires? Vu ma conclusion sur le premier élément des certificats de Mme Madill, il est inutile d’examiner le second élément, mais pour le cas où je ferais erreur dans mon interprétation du rapport de Mme Madill, et pour le cas où ledit rapport pourrait être considéré comme attestant que le trouble d’apprentissage des garçons constitue un handicap mental, alors le second élément appelle une analyse. Pour répondre aux exigences de l’alinéa 118.2(2)e), le rapport de Mme Madill doit attester que, en raison de leur handicap mental, les garçons ont besoin de l’équipement, des installations ou du personnel que la Foothills Academy met à la disposition des personnes souffrant de ce handicap.

 

[31]         Comme je l’ai dit précédemment, Mme Madill ne dit rien de la Foothills Academy dans son premier rapport, mais, dans son rapport complémentaire d’avril 2006, elle donne à entendre que l’on pourrait peut‑être avoir facilement recours à une institution d’enseignement telle que la Foothills Academy. Par ailleurs, en octobre 2006, elle est plus catégorique quand elle écrit qu’elle recommanderait que l’enfant tire parti du programme d’éducation et de traitement offert par une institution spécialisée telle que la Foothills Academy.

 

[32]         Si j’avais été persuadé que Mme Madill certifiait que, parce qu’ils avaient un trouble d’apprentissage, les garçons souffraient d’un handicap mental, alors, adoptant une approche compatissante et libérale, j’aurais conclu que les lettres de suivi de Mme Madill certifient effectivement que les garçons ont besoin des services spécialisés de la Foothills Academy, une institution qui offre de tels services à ceux qui sont atteints d’un handicap de cette nature.

 

[33]         Les parties n’ont pas invoqué l’alinéa 118.2(2)(l.91), ainsi formulé :

 

118.2(2)(l.91) à titre de rémunération pour des services de tutorat, s’ajoutant à l’enseignement général, rendus au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l’alinéa a) qui a une difficulté d’apprentissage ou une déficience mentale et qui, d’après le certificat d’un médecin, a besoin de ces services en raison de cette difficulté ou de cette déficience, si le bénéficiaire du paiement est une personne dont l’entreprise habituelle consiste à offrir de tels services à des personnes avec lesquelles elle n’a aucun lien.

 

[34]         Je voudrais dire quelques mots sur cette disposition et sur le lien entre elle et l’alinéa 118.2(2)e). L’alinéa 118.2(2)(l.91) appelle une distinction entre l’enseignement général et les services s’ajoutant à l’enseignement général, c’est‑à‑dire les services de tutorat. Quelle partie des frais concerne l’enseignement général et quelle partie s’y ajoute, pour prendre en compte et combler les besoins de l’enfant en difficulté d’apprentissage, c’est‑à‑dire « soin et formation » et « services de tutorat »? Sans doute M. et Mme Lang payaient‑ils en fait trois choses :

 

(i)      soin et formation;

 

(ii)      enseignement général;

 

(iii)     services d’appoint (tutorat).

 

Mais tout cela est combiné en un seul programme destiné aux enfants, et il est donc difficile de donner effet au texte de la Loi de l’impôt sur le revenu, formulé d’une manière technique comme on le ferait d’une formule. Cela est malheureux, car il donne droit au crédit pour frais médicaux à un couple qui envoie dans un école ordinaire son enfant atteint d’un trouble d’apprentissage, et qui paie les services de tutorat dispensés après l’école, mais ne confère aucun droit similaire au couple qui envoie dans une école spéciale son enfant atteint d’un trouble d’apprentissage, à moins que ce couple soit en possession d’un certificat attestant que l’enfant fréquente l’école spéciale en raison d’un handicap mental qui requiert soin et formation. D’une part, soin et formation dispensés aux élèves handicapés mentaux, d’autre part services de tutorat fournis aux élèves souffrant d’un trouble d’apprentissage. Il semble y avoir un continuum; à une extrémité, un crédit pour frais médicaux applicable au coût intégral de tous les aspects du soin et de la formation dispensés aux élèves handicapés mentaux, et à l’autre extrémité, un crédit restreint pour frais médicaux applicable aux services de tutorat fournis aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage. Mais si, comme la famille Lang, on se trouve entre les deux, alors il n’y a pas de crédit pour frais médicaux.

 

[35]         Il semble y avoir un vide à combler, et je crois qu’on peut le combler en admettant qu’une partie de ce que la famille Lang a payé à la Foothills Academy portait sur les services de tutorat dont parle l’alinéa 118.2(2)(l.91). Assurément, l’alinéa 118.2(2)e) pourrait s’appliquer aux frais payés à la Foothills Academy si un certificat satisfaisant était reçu. Je me demande si cet alinéa s’applique uniquement à la portion des frais qui concerne le soin et la formation, et non à l’enseignement; il s’agit là d’une décision qui incombe à un juge, et non à l’auteur du certificat. Théoriquement, la portion « enseignement » des frais pourrait être répartie entre enseignement général et services s’ajoutant à cet enseignement général, et la portion attribuable aux services en question pourrait être déduite conformément à l’alinéa 118.2(2)(l.91). S’agissant des garçons, je suis arrivé à la conclusion que l’alinéa 118.2(2)e) n’est pas applicable pour cause d’insuffisance du certificat.

 

[36]         Comme l’application de l’alinéa 118.2(2)(l.91) n’a pas été plaidée durant l’audience, j’ai prié les parties de me présenter des observations écrites sur sa possible application.

 

[37]         Il est intéressant de noter la différence entre les exigences de l’alinéa 118.2(2)(l.91) et celles de l’alinéa 118.2(2)e). L’alinéa 118.2(2)(l.91) exige ce qui suit :

 

(i)      les services de tutorat fournis au patient sont rémunérés;

 

(ii)      les services de tutorat s’ajoutent à l’enseignement général;

 

(iii)     le patient souffre d’une difficulté d’apprentissage (ou d’une déficience mentale);

 

(iv)            d’après le certificat d’un médecin, le patient a besoin des services de tutorat, à cause de sa difficulté d’apprentissage (ou de sa déficience mentale);

 

(v)              la rémunération est versée à une personne dont l’entreprise habituelle consiste à offrir de tels services à des personnes avec lesquelles elle n’a aucun lien.

 

[38]         Il est clair que l’accent mis sur le certificat requis pour ce crédit est moindre que l’accent mis sur le certificat requis pour le crédit dont parle l’alinéa 118.2(2)e).

 

[39]         Assurément, M. Lang a fait valoir que toutes les conditions de l’alinéa 118.2(2)(1.91) ont été remplies. Puis il a présenté une répartition ou méthodologie permettant de répartir les frais de scolarité entre enseignement général et services d’appoint.

 

[40]         L’intimée fait valoir que deux des conditions n’ont pas été remplies, plus exactement :

 

(i)      les garçons ne bénéficiaient pas de services de tutorat;

 

(ii)      le certificat n’atteste pas que les garçons avaient besoin de services de tutorat en raison de leurs troubles d’apprentissage.

 

[41]         Par ailleurs, la Couronne fait valoir que la preuve produite ne me permet pas de dire que :

 

(i)      une rémunération a été versée pour des services de tutorat;

 

(ii)      la Foothills Academy a fourni des services de tutorat « s’ajoutant à l’enseignement général »;

 

(iii)     l’entreprise habituelle de la Foothills Academy consiste à fournir des services de tutorat.

 

[42]         J’examinerai chacune des conditions.

 

(i)      Rémunération des services de tutorat fournis au patient

 

[43]         L’intimée se fonde sur la définition du mot « tuteur », dans le Canadian Oxford Dictionary[11] :

 

[traduction]

Nom – professeur particulier, soit investi de la responsabilité générale de l’éducation d’une personne, soit engagé pour dispenser à un élève un enseignement complémentaire sur une ou des disciplines données.

 

Verbe – tenir lieu de tuteur pour (un élève); apporter une aide pédagogique et personnelle à (un élève), en particulier dans une discipline donnée.

 

[44]         L’intimée fait valoir qu’il n’a pas été établi que les garçons ont reçu les services d’un professeur particulier. Il a été établi (pièce A‑5) que la Foothills Academy était un établissement privé, financé par les gouvernements, les conseils scolaires, le secteur privé, les frais de scolarité et les dons de charité. L’intimée n’a pas expliqué ce que signifie « particulier » dans l’expression « professeur particulier », si ce n’est pour dire que ce dont les garçons ont bénéficié à la Foothills Academy, ce n’était pas d’un professeur particulier. M. Lang, quant à lui, a fait valoir qu’il s’ensuit que les professeurs qui enseignent dans une école privée doivent être considérés comme des professeurs particuliers. S’agissant de la définition, il explique ensuite que, puisque la Foothills Academy compte un professeur titulaire qui a la « responsabilité générale » de l’éducation des élèves, et qui est épaulé par d’autres professeurs particuliers se spécialisant dans diverses disciplines, la Foothills Academy entre parfaitement dans la définition. S’agissant de la deuxième partie de la définition, M. Lang soutient que les professeurs étaient recrutés pour dispenser un enseignement complémentaire, facilité par la petite taille des classes, et dispensé par des professeurs ayant les compétences requises pour composer avec des élèves présentant un trouble d’apprentissage. Tout compte fait, je trouve le raisonnement de M. Lang plus convaincant, avec une réserve toutefois. La présence du mot « s’ajoutant », dans la disposition légale (aspect que j’aborderai bientôt) va à l’encontre de la définition de tuteur, c’est‑à‑dire une personne qui a la responsabilité générale de l’éducation de quelqu’un. Un tel tuteur ne fournit pas des services s’ajoutant à l’enseignement général – c’est lui qui dispense directement l’enseignement général. Cependant, les professeurs spécialement formés qui ont pour mission de dispenser un enseignement complémentaire répondent bien à la définition de « tuteur ».

 

[45]         Les élèves de la Foothills Academy ont été retirés du réseau des écoles publiques pour obtenir, à titre privé, non seulement un enseignement général, mais aussi l’enseignement spécialisé dont ils ont besoin pour réussir. Interprétant avec bienveillance les dispositions relatives aux frais médicaux, je suis d’avis qu’il existe, dans le cas présent, un tutorat suffisant, selon la définition, pour que la première condition soit remplie.

 

(ii)      Les services de tutorat s’ajoutent à l’enseignement général

 

[46]         L’intimée fait valoir que rien ne me permet de dire que les services s’ajoutaient à l’enseignement général. Elle considère, invoquant la décision Hoare c. Sa Majesté la Reine[12], que, pour que cette condition soit remplie, je dois conclure que le personnel fournissant les services de tutorat ne dispensait pas un enseignement général. Dans l’affaire Hoare, l’appelant avait engagé un professeur particulier à temps plein, Mme McGrath, pour qu’elle dispense, chez lui, un enseignement à ses enfants atteints de troubles d’apprentissage. La famille avait recouru à un programme d’éducation à distance (la North Island Distance Education School (« NIDES »), de la Colombie‑Britannique) pour leur assurer l’enseignement de base. Selon la preuve, le programme d’éducation à distance n’exigeait pas la supervision d’une enseignante qualifiée, or Mme McGrath avait dit que les trois quarts de son temps étaient consacrés au programme d’enseignement à distance dispensé par la NIDES. Le juge en chef Rip s’est exprimé ainsi :

 

19        Pour répondre à ce volet du critère imposé par la loi, il faut donc pouvoir conclure que Mme McGrath ne dispensait pas aux enfants un enseignement général mais, plutôt, facilitait et complétait les divers programmes d’enseignement à distance et de services à l’enfance exceptionnelle auxquels les Hoare avaient inscrit leurs enfants, et qu’elle assurait en outre la surveillance rendue nécessaire par le handicap des deux garçons. […]

 

[47]         Puis il concluait ainsi :

 

24        En résumé, selon les éléments de preuve qui ont été produits, les trois quarts de l’enseignement dispensé aux enfants provenaient de sources extérieures, plus particulièrement de la NIDES. Cela devrait permettre de conclure qu’en l’occurrence, l’enseignement de la NIDES constituait bien l’enseignement général. Tout enseignement indépendant offert par Mme McGrath venait donc s’ajouter à cet enseignement général et ne pouvait donc, entre les mois de septembre et décembre 2002, compter que pour un quart de l’enseignement dispensé aux enfants.

 

[48]         Le juge en chef Rip a accepté que l’intégralité du salaire de Mme McGrath soit considérée comme frais médicaux en application de l’alinéa 118.2(2)(1.91), même si les trois quarts de son temps étaient consacrés à l’enseignement général. Je rejette la prétention de l’intimée pour qui cette disposition établit une règle rigoureuse empêchant le même enseignant, ou le même établissement, de dispenser à la fois un enseignement général et un enseignement d’appoint. Ces dispositions doivent être appliquées avec une certaine souplesse. Refuser le crédit au motif qu’un enseignant de la Foothills Academy s’est servi, pour l’enseignement général, d’un programme qui ne faisait pas partie d’un programme d’éducation à distance revient à restreindre le texte de loi d’une manière que n’autorisent tout simplement pas les mots employés dans ce texte. Par ailleurs, M. et Mme Lang reconnaissent qu’une partie de l’enseignement était un enseignement général et ne demandent pas mieux que de voir cet élément exclu.

 

[49]         La question est de savoir si la preuve que j’ai devant moi me permet de conclure que certains des services reçus par les garçons s’ajoutaient à l’enseignement général. C’est là une question plus complexe et plus difficile qu’il n’y paraît à première vue.

 

[50]         Les parents envoient leurs enfants dans des écoles privées pour une diversité de raisons, bien que généralement ce soit pour leur procurer un enseignement général. Comment savoir quels services s’ajoutent à cet enseignement général? Est‑il nécessaire de comparer ce qu’offre le réseau des écoles publiques, puis de considérer que tout ce qui se trouve en dehors de ce réseau constitue un ajout? Quelle est la base de référence? S’agit‑il simplement du temps consacré? S’agit‑il des matières étudiées? Si l’école publique consiste en six heures par jour durant 190 jours par an, les services d’appoint sont‑ils uniquement ce qui va au‑delà de cela? Ou bien, pour savoir quels services d’appoint fournit la Foothills Academy, cet établissement devrait‑il être comparé aux écoles privées qui ne se consacrent pas spécifiquement à l’éducation d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage? Qu’est‑ce que l’enseignement général? Ce sont là des questions qui justifieraient une thèse de niveau postdoctoral sur l’éducation, or la Loi de l’impôt sur le revenu exige du contribuable qu’il considère les services de tutorat comme des services s’ajoutant à l’enseignement général. Je propose que soit adoptée une approche pragmatique, au cas par cas, et, dans le cas présent, que l’on se demande ce que les garçons ont en réalité reçu de la Foothills Academy. La preuve produite suffit à me convaincre que les garçons ont reçu soin et formation à la Foothills Academy. Il ne fait aucun doute qu’ils ont également reçu, dans des classes comptant peu d’élèves, et aussi à la faveur de leçons particulières, un enseignement général dispensé par des professeurs particuliers spécialement formés à cette fin (voir pièce A‑3 – lettre de M. Bullivant en date du 10 mars 2008). Je suis d’avis qu’une partie de ces services d’enseignement dépassait ce qui serait offert dans l’enseignement public où, selon la lettre de M. Bullivant du 10 mars 2008, il n’y a ni programmes intensifs ni enseignement en petits groupes ou à la faveur de leçons particulières. J’arrive à la conclusion que la deuxième condition est remplie.

 

(iii)     Trouble d’apprentissage

 

[51]         Les garçons avaient un trouble d’apprentissage. Cette condition est remplie.

 

(iv)     Certificat selon lequel, en raison du trouble d’apprentissage, des services de tutorat sont requis

 

[52]         Je suis déjà arrivé à la conclusion qu’il est légitime de considérer tous les rapports de Mme Madill. Certes, Mme Madill n’a jamais employé les mots « services de tutorat ». Elle écrit, dans son rapport d’octobre 2006, que l’enfant :

 

[traduction]

[…] a besoin du programme d’éducation et de traitement offert par un établissement spécialisé tel que la Foothills Academy. […]

 

Parlant du soutien requis pour composer avec les difficultés d’apprentissage des garçons, elle écrit en avril 2006 :

 

[traduction]

[…] Cet allégement serait peut‑être plus facilement disponible dans un établissement d’enseignement tel que la Foothills Academy ou un établissement semblable, où la taille des classes est plus petite et où le personnel est plus spécialement formé pour composer avec des élèves souffrant d’un trouble d’apprentissage non verbal.

 

En avril 2004, elle écrivait :

 

[traduction]

La compréhension à la lecture serait améliorée par des possibilités de dialogue avec un partenaire, afin d’éclaircir le vocabulaire et le contenu. […]

 

Puis :

 

[traduction]

[…] Il aura encore besoin d’un enseignement d’appoint, de modifications et d’aménagements scolaires […]

 

[53]         Il est évident que Mme Madill connaît bien la Foothills Academy et ce qu’elle peut offrir. Il est clair aussi qu’elle fait ses recommandations en raison des troubles d’apprentissage des garçons. Je suis arrivé à la conclusion que, parmi les services fournis par la Foothills Academy, il y a les services de tutorat. J’arrive aussi à la conclusion que les interventions proposées par Mme Madill peuvent être interprétées de manière à inclure les services de tutorat, et cette condition est donc également remplie.

 

(v)     Rémunération versée à une personne dont l’entreprise habituelle consiste à offrir de tels services à des personnes avec lesquelles elle n’a aucun lien

 

[54]         La Foothills Academy n’a aucun lien avec la famille Lang. Puisque je suis arrivé à la conclusion que la mission de la Foothills Academy consiste notamment à fournir des services de tutorat, cette condition est également remplie.

 

[55]         L’intimée fait valoir que cette disposition n’était pas censée s’appliquer aux frais de scolarité payables à une école privée et que, si le législateur avait voulu que la totalité ou une partie de tels frais soit déductible à titre de frais médicaux, rien ne l’en aurait empêché. Or, le législateur voulait certainement qu’un crédit pour frais médicaux soit accordé à ceux qui doivent supporter des frais additionnels pour aider leur enfant atteint de troubles d’apprentissage à devenir un membre prospère et productif de la société, en bénéficiant de l’enseignement spécialisé ou complémentaire requis pour y parvenir. N’a‑t‑on pas à l’esprit la famille Lang? Bien sûr que oui. Dire non à la famille Lang parce qu’elle a demandé une aide qui, bien qu’incluse, allait très au‑delà des services de tutorat, du seul fait que les services en question étaient fournis par une école privée, ce serait interpréter d’une manière trop rigide la disposition. Les conditions ont été remplies.

 

[56]         Le dernier obstacle que doivent franchir M. et Mme Lang consiste à me persuader de la portion des frais de scolarité qui se rapporte auxdits services de tutorat. L’intimée fait valoir que la preuve ne permet nullement de répartir les frais entre services de tutorat et autres programmes ou services d’enseignement.

 

[57]         La première difficulté d’une répartition des frais consiste à dire si l’élément « services de tutorat » se distingue de l’élément « soin et formation », et se distingue également des services directs d’enseignement général. Et il est évident que répondre à la question est, au mieux, un exercice délicat. Il n’y aurait sans doute, dans le programme quotidien d’un élève de la Foothills Academy, aucune ligne précise de démarcation permettant de séparer le temps consacré à l’enseignement général, celui consacré au soin et à la formation et celui consacré à l’enseignement complémentaire. Mais, comme je l’ai dit, tous ces éléments sont présents à la Foothills Academy. À ce stade, je ne m’intéresse qu’à l’alinéa 118.2(2)(l.91), l’élément « services de tutorat ». Dans ses observations, M. Lang a dit que, parce que le gouvernement provincial finançait la Foothills Academy à hauteur d’environ 37 p. 100 de son financement total, il doit s’agir là de l’élément « enseignement général », et il resterait donc 63 p. 100 pour autre chose. Il a donc conclu que 63 p. 100 des frais de scolarité doivent en toute logique être attribués aux services complémentaires, y compris au tutorat. C’est là une manière de voir qui n’est pas sans intérêt, mais, malheureusement, elle est fondée sur des conjectures, présomptions et hypothèses. Je ne dis pas cela méchamment, mais, comme on le verra bientôt clairement, ce n’est pas rare dans les affaires relevant de la procédure informelle. On pourrait tout aussi bien prétendre, comme l’a fait M. Lang, que, si la province finançait l’enseignement général, alors la totalité des frais de scolarité supportés par la famille Lang doit s’appliquer à autre chose. Je ne souscris pas à ce raisonnement.

 

[58]         Ce qu’il faut, c’est un examen plus approfondi, sur le plan temporel – un examen étalé peut‑être sur une semaine – pour voir combien de temps est consacré à l’enseignement en classe, combien à l’enseignement individuel, combien à la formation liée à l’acquisition d’aptitudes, combien à la conseillance, ce en quoi consiste l’enseignement en classe, la nature et le niveau des tests, le rôle des psychologues, la nature du programme personnalisé, etc. Avec ce genre d’information, les parties auraient sans doute une idée de la répartition en pourcentage des divers services reçus par les garçons. Il ne s’agit pas ici d’une affaire relevant de la procédure générale. Je ne vois à ce stade aucun avantage à reprendre une audience relevant de la procédure informelle pour tenter de quantifier avec exactitude la répartition des services. J’ai dit cela auparavant, et je le répéterai ici. La procédure informelle est censée être un moyen performant et efficace de résoudre rapidement les différends entre les contribuables et le gouvernement du Canada portant sur des sommes modestes. Il n’y a pas d’échange de documents ni d’interrogatoires préalables; souvent, chacune des parties ne comprend pleinement la position de l’autre que lorsqu’elle l’entend pour la première fois au cours de l’audience. Il y a souvent des conjectures, présomptions et hypothèses, auxquelles j’ai déjà fait allusion. Dans la procédure informelle, on espère que les hypothèses pourront se fonder sur certains faits exposés à l’audience et l’on compte sur une bonne application du droit. En l’espèce, je suis d’avis que les faits ne peuvent autoriser une application de l’alinéa 118.2(2)e), mais peuvent autoriser une application de l’alinéa 118.2(2)(l.91). Appliquant une allocation hâtive fondée sur la preuve que j’ai entendue, je crois pouvoir dire que les services d’appoint (services de tutorat) représentent 20 p. 100 des services fournis. Sur ce fondement, j’autorise 20 p. 100 des frais de scolarité pour 2004, 2005 et 2006, c’est‑à‑dire 20 p. 100 de 10 499 $, de 21 000 $ et de 21 525 $, soit 2 100 $, 4 200 $ et 4 305 $ respectivement, à titre de frais médicaux aux fins de l’alinéa 118.2(2)(l.91).

 

[59]         Je tiens à souligner que cette conclusion concerne précisément la présente procédure informelle, compte tenu de ce que j’ai appris durant l’audience, et qu’elle n’est pas censée faire autorité pour ce qui concerne les services fournis par la Foothills Academy ou par d’autres écoles privées. Les appels sont accueillis et l’affaire est renvoyée au ministre pour nouvelle cotisation, étant entendu que l’appelante a engagé des frais médicaux additionnels selon l’alinéa 118.2(2)(l.91), à raison de 2 100 $, 4 200 $ et 4 305 $ respectivement, pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 182

 

 

Nos DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-1176(IT)I et 2008-3559(IT)I

 

 

INTITULÉ :                                       CHERYL D. LANG et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 18 décembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Wayne Lang

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Meier

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Pièce A-5, brochure de la Foothills Academy.

 

[2]           2008 CAF 286.

[3]           [1998] A.C.I. n° 396.

[4]           Scott, supra, paragraphe 4; Collins, supra, paragraphe 20.

[5]           La décision Collins semble considérer cette disposition comme étant libellée ainsi :

 

Les frais payés à une école, à une institution ou à un autre endroit qui fournit un équipement, des installations ou un personnel spécialisés aux personnes souffrant du handicap dont souffre le patient, un patient souffrant d’un handicap mental ou physique, dont une personne habilitée à cette fin a attesté que, en raison d’un tel handicap mental ou physique, elle a besoin des installations, de l’équipement ou du personnel spécialisés offerts par cette école.

 

[6]           2006 CAF 331.

[7]           1995 CarswellNat 1201, [1996] 1 C.T.C. 2674D (C.C.I.).

 

[8]           2005 CCI 268.

[9]           2008 CCI 565.

[10]          Des initiales plutôt que le nom sont employées pour un enfant mineur.

[11]          The Canadian Oxford Dictionary, 1998, s.v. « tutor ».

[12]          2007 CCI 292.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.