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Dossier : 2007-2726(GST)G

ENTRE :

LA BANQUE LE CHOIX DU PRÉSIDENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 15 janvier 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Al Meghji

Me Sean C. Aylward

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Ronald MacPhee

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel formé contre la cotisation établie au titre de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) est accueilli, avec dépens en faveur de l’appelante, et la cotisation visée par l’appel est renvoyée au ministre du Revenu national, pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que les redressements après vérification, pour les années terminées le 29 décembre 2001 et le 30 décembre 2002, mentionnés au paragraphe 20 de l’exposé conjoint partiel des faits (reproduit au paragraphe 3 des motifs du jugement), seront annulés intégralement.

 

 

S’agissant des crédits de taxe sur les intrants (CTI) demandés par l’appelante au titre du paragraphe 181(5) de la LTA, l’appelante n’a pas droit à des CTI pour les points attribués sur les produits financiers le Choix du Président, et ensuite rachetés. L’appelante n’a droit à des CTI que pour les points attribués sur des fournitures taxables et ensuite rachetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’août 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 170

Date : 20090409

Dossier : 2007-2726(GST)G

ENTRE :

LA BANQUE LE CHOIX DU PRÉSIDENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

 

[1]              La cotisation visée par l’appel a été établie au titre de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), pour la période allant du 31 décembre 2000 au 30 décembre 2002. L’appelante (ci‑après appelée aussi la Banque PC), filiale indirecte appartenant en totalité aux Compagnies Loblaw Limitée (Loblaw), est autorisée à exercer les activités d’une banque au Canada, étant investie des pleins pouvoirs d’une banque selon la Loi sur les banques. Des lettres patentes ont été délivrées à la Banque PC le 29 novembre 2000. Avant cette date, la Banque PC exerçait des activités sous le régime de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, sous le nom de Société de fiducie financière Choix du Président, établie le 30 novembre 1998 (voir le paragraphe introductif des notes annexées aux états financiers vérifiés de la Banque PC pour les exercices terminés le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 décembre 2002, pièce A‑1, onglets 7, 12 et 13, et la structure de l’organisation, par entité, dans l’onglet 14). Les notes annexées aux états financiers mentionnent aussi que la Banque PC, ainsi que d’autres établissements, offre aux particuliers, au Canada, des produits financiers et produits de fidélisation.

 

[2]              Les points soulevés dans le présent appel concernent deux accords conclus le 1er novembre 1997 entre Loblaw et la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la CIBC), une banque à charte canadienne, et un accord modificateur conclu le 17 janvier 2001. Le 1er octobre 2000, Loblaw avait cédé ses droits et obligations dans les accords susmentionnés à la Société de fiducie financière Choix du Président, la prédécesseure de l’appelante (voir pièce A‑1, onglets 1, 2, 5 et 6).

 

[3]              Les faits admis entourant la signature de ces accords et la délivrance de la cotisation visée par l’appel et découlant de la signature des accords apparaissent dans un exposé conjoint partiel des faits, déposé conjointement par les parties et reproduit ci‑après :

 

[traduction]

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

 

1.                  L’appelante, la Banque le Choix du Président, est une filiale en propriété exclusive des Compagnies Loblaw Limitée (Loblaw).

 

2.                  Loblaw est un détaillant diversifié de produits d’épicerie et autres marchandises exerçant ses activités partout au Canada.

 

3.                  La Banque Canadienne Impériale de Commerce (la CIBC) est une banque à charte canadienne dont le siège social est à Toronto, en Ontario.

 

Accord de services financiers

 

4.                  Avant le 1er novembre 1997, Loblaw avait résolu d’offrir des produits financiers à ses clients. Parce qu’elle n’était pas une banque, elle croyait comprendre qu’elle ne pouvait pas légalement le faire.

 

5.                  Le 1er novembre 1997, Loblaw a signé avec la CIBC un accord sur les services financiers (ASF). Cet accord comprenait les dispositions suivantes :

 

i.                     Les parties ont établi un comité directeur (le Comité directeur) composé d’un nombre égal de représentants de Loblaw et de la CIBC, aux fins de déterminer les dates de lancement, l’étendue géographique, les stratégies de marketing et l’orientation stratégique globale de l’offre de Services financiers Choix du Président. Toutes les décisions du Comité directeur devaient être prises à l’unanimité. Les parties entendaient que le principe de base du Comité directeur soit de fournir au public, par des moyens électroniques, un éventail complet de produits et services financiers sous la marque de commerce Services financiers Choix du Président, avec des prix de discompte, mais une qualité comparable à celle des produits et services financiers sans prix de discompte offerts par la CIBC. En outre, le Comité directeur devait être guidé par le principe selon lequel chacune des parties entendait recourir à tous les moyens offerts sur le marché pour s’assurer d’atteindre les seuils de résiliation. Cependant, rien ne réduisait le pouvoir discrétionnaire du Comité directeur, et celui‑ci ne serait pas tenu de prendre ses décisions d’après ce principe directeur.

 

ii.                   Hormis ce que prévoyait l’ASF, la CIBC serait le fournisseur exclusif de services financiers sous l’appellation « Services financiers Choix du Président » (les produits PCF), une marque de commerce de Loblaw. Ces services financiers comprenaient (i) la vente de parts de fonds communs de placement, (ii) les produits liés au crédit, (iii) le courtage en valeurs mobilières, (iv) la planification financière, (v) les cartes de débit, (vi) les cartes‑chèques, (vii) les services de paiement de facture, (viii) les services de paiement entre particuliers, (ix) les services de guichet automatique, (x) les services d’assurance liés aux produits de crédit et aux garanties domestiques et (x) [sic] les cartes de crédit. Chacun de ces services financiers fournis par la CIBC était un « service financier » selon la définition de cette expression au paragraphe 123(1) de la LTA.

 

iii.                  Après consultation de Loblaw, la CIBC aurait toute latitude d’établir les attributs des produits financiers à offrir, sous réserve de limites spécifiques, dans l’accord, prévoyant des services bancaires sans frais et des taux d’intérêt affichés concurrentiels. Plus précisément, la CIBC devait fixer le prix de tous les produits PCF prenant la forme d’un dépôt ou d’un crédit, ainsi que les prêts hypothécaires, d’après une moyenne du portefeuille de produits (par exemple la moyenne des taux hypothécaires pour l’ensemble des durées, pondérée selon les soldes), à au moins 45 points de base de mieux que les taux traditionnels nationaux (ou régionaux, le cas échéant) affichés par les succursales de la CIBC.

 

iv.                 La CIBC devait installer des guichets automatiques dans les magasins Loblaw, offrir des services bancaires par téléphone et administrer un site bancaire en ligne.

 

v.                   Loblaw devait concevoir, installer et entretenir les kiosques aux endroits qui seraient déterminés par le Comité directeur.

 

vi.                 Chacune des parties devait payer ses propres frais de marketing pour faire connaître la marque PCF dans ses propres documents promotionnels.

 

vii.                Plusieurs paramètres du programme allaient être établis ou modifiés, au besoin, par le Comité directeur.

 

viii.              Chacune des parties pouvait résilier l’ASF pour n’importe quelle raison, moyennant un préavis écrit de quatre‑vingt‑dix jours.

 

6.                  La CIBC devait payer à Loblaw des redevances calculées par référence à chaque nouveau compte, ou autre produit financier ouvert, ainsi qu’un droit calculé par référence aux fonds et avoirs moyens gérés par la CIBC dans le cadre du programme PCF.

 

Programme de fidélisation

 

7.                  À la date de la signature de l’ASF, Loblaw a aussi conclu avec la CIBC un Accord sur les services de fidélisation (ASFid), qui prévoyait notamment que les clients ou membres de PCF (les membres) se verraient offrir un programme de fidélisation. Il était convenu que la CIBC appliquerait au départ le programme de fidélisation en se fondant sur les modalités de l’ASFid. L’ASFid renfermait notamment ce qui suit :

 

i.                     Le programme de fidélisation prévoyait l’attribution de « points de fidélisation » (ou points PC). Les points PC étaient remis aux clients de l’appelante pour les récompenser d’avoir fait des achats Loblaw admissibles et des achats PCF admissibles, et dans le contexte de toute autre offre faite par l’entremise du programme de fidélisation.

 

ii.                   Les points PC pouvaient être échangés à tout magasin Loblaw participant ainsi qu’à tout autre endroit reconnu par le Comité directeur de l’ASF. Les points PC pouvaient, sous réserve des modalités du programme de fidélisation, être appliqués à l’achat de produits admissibles, définis dans l’ASF. Les clients de Loblaw (les membres) devaient gagner un minimum de 20 000 points PC avant que les points ne puissent être échangés. Après avoir accumulé 20 000 points PC, le membre pouvait échanger les points acquis contre des produits pour une valeur fixe égale à 20 $. Les points PC pouvaient aussi être échangés en lots fixes de 10 000 points, par exemple 30 000 points pouvaient être échangés pour 30 $, 40 000 points pour 40 $, etc. Un membre ne pouvait échanger ses points PC que contre des produits ayant une valeur égale ou supérieure à la valeur des points échangés. Autrement dit, un membre ne pouvait pas échanger 30 000 points contre des produits d’une valeur totale de 20 $.

 

iii.                  Les points de fidélisation pouvaient aussi être échangés contre des voyages réservés auprès de Thomas Cook, un fournisseur de services de voyage, et contre des réductions dans les salles de cinéma Famous Players; cependant, durant la période d’environ 24 mois au cours de laquelle ces options étaient offertes aux membres, le pourcentage de points PC échangés auprès de Thomas Cook et de Famous Players a été inférieur à 0,5 p. 100 des points PC totaux par ailleurs échangés contre des marchandises Loblaw.

 

iv.                 La CIBC devait payer à l’appelante 1 $ par 1 000 points émis par la CIBC qui étaient rachetés au cours d’un mois donné, ou tel autre montant dont pouvait convenir le Comité directeur; la formule prévoyait une réduction qui rendait compte du total des points PC émis par la CIBC par rapport au total des points PC émis globalement en vertu du programme.

 

v.                   La CIBC avait le droit de recevoir un paiement pour le coût de l’administration du programme de fidélisation. Ce paiement était calculé par référence au nombre de points initialement émis par Loblaw et rachetés au cours du mois considéré.

 

8.                  Ni l’ASF ni l’ASFid n’étaient censés établir un partenariat ou une coentreprise ou quelque autre relation de même nature entre l’appelante et la CIBC.

 

Modification de l’accord

 

9.                  Une lettre en date du 17 janvier 2001 (l’accord modificateur) adressée par Loblaw à la CIBC complétait et modifiait l’ASF et l’ASFid; les modifications traitaient de sujets tels que l’émission par Loblaw, conjointement avec une organisation autre que la CIBC, de cartes Visa PC et de polices d’assurance PC, l’établissement de normes d’exécution et l’établissement de mécanismes de règlement des différends.

 

10.              L’accord modificateur envisageait la cession de l’ASF par Loblaw à une nouvelle société fiduciaire auxiliaire, et par la CIBC à la Banque Amicus, une filiale de la CIBC.

 

11.              Conformément à l’accord modificateur, Loblaw devenait l’administrateur du programme de fidélisation et obtenait le droit de recevoir de la CIBC une somme représentant les coûts d’administration.

 

12.              L’accord modificateur prévoyait que la CIBC rembourserait à l’appelante ses coûts de promotion et de commercialisation des produits PCF et que l’appelante rembourserait à la CIBC ses coûts de promotion et de commercialisation des produits lancés par Loblaw.

 

13.              L’accord modificateur prévoyait que chacune des parties ferait, sur son centre d’appel, et moyennant une rémunération raisonnable, la promotion des produits et services de l’autre partie.

 

Cession à l’appelante

 

14.              Le 1er octobre 2000, après une série d’opérations, Loblaw a cédé à la fois l’ASF et l’ASFid, de même que les droits et obligations en découlant, à la Société de fiducie financière Choix du Président, prédécesseure de l’appelante, la Banque PC.

 

Aucun paiement de TPS

 

15.              Aucune TPS n’était facturée ou perçue sur les redevances payées par la CIBC à Loblaw ou à ses successeurs, y compris l’appelante, aux termes de l’ASF ou de ses modifications.

 

16.              Aucune TPS n’était facturée ou perçue sur les redevances payées par la CIBC à Loblaw ou à ses successeurs, y compris l’appelante, aux termes de l’ASFid ou de ses modifications.

 

17.              Aux termes de l’ASF, la CIBC a payé à l’appelante des redevances de 12 346 591 $ en 2001 et de 17 793 556 $ en 2002 au titre des ventes de produits et des frais administratifs. La TPS de 7 p. 100 était calculée pour les deux années, en application du paragraphe 165(1) de la LTA.

 

18.              En vertu de l’ASFid, la CIBC a versé à l’appelante des redevances de 13 246 737 $ en 2001 et de 17 774 626 $ en 2002, au titre des points fournis suivant leur participation au programme de fidélisation. La TPS de 7 p. 100 était calculée pour les deux années, en application du paragraphe 165(1) de la LTA.

 

19.              La CIBC a versé à l’appelante une somme de 1 703 480 $ représentant les coûts engagés par l’appelante pour l’administration du programme de fidélisation. La TPS de 7 p. 100 a été calculée en application du paragraphe 165(1) de la LTA.

 

20.              Le sommaire des redressements après vérification pour les exercices terminés le 29 décembre 2001 et le 30 décembre 2002 se présente ainsi :

 

Redressements TPS

Exercice terminé le

29 décembre 2001

Exercice terminé le

30 décembre 2002

Total

Redressement n°1 – TPS sur les produits PCF

$  864 261,00

$1 245 548,00

$2 109 809,00

Redressement n° 2 – TPS sur les points PCF (portion de la CIBC)

$  927 271,00

$1 244 223,00

$2 171 494,00

Redressement n° 3 – TPS sur les coûts d’administration du programme de fidélisation

 

$   119 243,00

$    119 243,00

Redressements totaux après vérification

$1 791 532,00

$2 609 014,00

$4 400 546,00

Moins crédits admissibles selon le paragraphe 296(2)

$   382 238,00

$   293 433,00

$   675 671,00

 

$1 409 294,00

$2 315 581,00

$3 724 875,00

Pénalités

$   445 077,14

$   538 636,73

$   983 713,87

Intérêts

$   191 131,26

$   235 234,59

$   426 365,85

Redressements totaux après vérification, y compris pénalités et intérêts

$2 045 502,40

$3 089 452,32

$5 134 954,72

 

 

21.              Les parties aux présentes reconnaissent que cet exposé conjoint partiel des faits n’empêche pas l’une ou l’autre d’entre elles de produire des preuves susceptibles de compléter les faits reconnus ici, étant entendu que telles preuves ne pourront pas contredire les faits reconnus.

 

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

 

[4]              M. Kevin Lengyell, c.a., vice‑président principal de la Banque PC, a témoigné à propos du contexte et de l’application des accords susmentionnés[1]. Il a dit que Loblaw avait eu l’idée de tirer parti de la circulation piétonne hebdomadaire constante à travers ses portes en offrant à ses clients des produits et services financiers attrayants. Loblaw a donc approché quelques institutions bancaires, puis engagé des négociations avec la CIBC en vue d’une offre conjointe de produits financiers sous la marque Services financiers Choix du Président (PCF). Il en a résulté les deux accords signés en novembre 1997, à savoir l’Accord sur les services financiers (ASF) et l’Accord sur les services de fidélisation (ASFid). Lorsque la marque PCF a été lancée, il y avait trois produits : le compte bancaire sans frais, le compte de ligne de crédit et le compte de prêts hypothécaires. L’idée consistait à offrir aux clients de PCF, entre autres choses, des taux d’intérêt inférieurs au taux affiché de la CIBC. En outre, lorsqu’il contractait un prêt hypothécaire PCF, le client gagnait des points (les points PC) qui pouvaient être échangés dans un magasin Loblaw. Autrement dit, on voulait associer la marque Choix du Président de Loblaw à un produit financier attrayant. De 2001 à 2003, la marque PCF a élargi l’éventail des produits financiers qu’elle offrait pour y inclure notamment le compte d’épargne Intérêt Plus.

 

[5]              L’intérêt de la CIBC à commercialiser les produits PCF à de meilleurs taux que les taux offerts dans ses propres succursales s’expliquait par l’occasion qu’elle y voyait d’accroître sa propre clientèle en se dotant d’un autre moyen de conquérir de nouveaux clients.

 

[6]              Pour un épicier détaillant tel que Loblaw, qui opère dans un secteur où les marges bénéficiaires sont très minces, l’attribution de points de fidélisation risque de ne pas être rentable. L’idée, pour Loblaw, était d’établir un programme de fidélisation qu’elle pourrait financer en offrant des services financiers. Autrement dit, le coût de l’administration du programme de fidélisation destiné à la clientèle de Loblaw serait amorti par les opérations liées aux services financiers. Quant aux clients, ils obtiendraient l’avantage de taux d’intérêt plus faibles, par exemple, et l’avantage de points PC.

 

[7]              Lorsque le programme a été lancé en 1997, Loblaw et la CIBC avaient toutes deux déjà affecté des employés au travail de commercialisation de la marque PCF. Loblaw comptait entre 10 et 15 employés affectés à ce programme. Ils s’employaient, avec une équipe de la CIBC, à concevoir et à tarifer les produits financiers.

 

[8]              M. Lengyell a dit que l’ASF et l’ASFid sont évidemment deux accords différents, l’ASF régissant les services financiers offerts, et l’ASFid régissant le programme de fidélisation de Loblaw. Cependant, il a dit que les deux accords sont indissociables parce qu’ils constituent la même formule. M. Lengyell a dit que Loblaw ne comptabilise pas le revenu réalisé sur l’attribution de points de fidélisation, car Loblaw est remboursée par la CIBC, par l’entremise de la Banque PC, au moment de l’échange des points émis par la CIBC aux clients de PCF. S’agissant des services financiers, la rémunération reçue de la CIBC est régie par l’ASF, qui détermine le taux auquel la Banque PC est payée pour sa participation aux services financiers : cette rémunération est un revenu pour Loblaw ou la Banque PC.

 

[9]              M. Lengyell a expliqué que, au départ, le revenu généré par les services financiers était modeste parce que Loblaw se lançait dans un nouveau créneau. Elle utilisait les points comme un instrument de marketing pour faire croître l’entreprise. En fait, durant les premières années, la valeur des points attribués et les sommes reçues de la CIBC pour les points en question étaient presque identiques aux sommes reçues par la Banque PC pour sa participation aux services financiers. Cependant, les choses ont changé au fil des ans.

 

[10]         M. Lengyell a témoigné que, au cours des dix années d’existence de l’activité, les sommes que la Banque PC a reçues au titre des services financiers ont représenté au moins deux fois la valeur des points payés par la CIBC, et que l’écart continue de se creuser. M. Lengyell a dit que la Banque PC et la CIBC participent toutes deux aux avantages économiques du programme et qu’elles travaillent sur une formule qui déterminera la manière de répartir ces retombées financières. La Banque PC ne facturait pas de TPS à la CIBC pour les points, parce qu’elle considérait les points de fidélisation et les produits financiers comme interchangeables. La Banque PC a reconnu que la CIBC avait le dernier mot sur le mécanisme de fixation des prix. La CIBC peut en effet décider de consentir au client un taux inférieur tout simplement ou d’abaisser un peu plus le taux et de compenser la différence – ce qui ferait du produit un produit PCF – en utilisant les points PC d’une manière interchangeable. De l’avis de M. Lengyell, les points PC peuvent être échangés pour un taux d’intérêt plus faible ou pour des dollars; ils font partie des services financiers offerts.

 

[11]         En contre‑interrogatoire, M. Lengyell a dit que la plupart des services financiers (mais pas tous) étaient offerts par la CIBC. La Banque PC agissait comme intermédiaire dans la fourniture de tels services aux clients de Loblaw. Mais la Banque PC ne voulait pas donner trop d’importance à l’appellation CIBC. Du point de vue de Loblaw, Loblaw s’exposait à un risque en associant sa marque à la CIBC et en travaillant aux côtés de la CIBC pour assurer le succès de cette activité. Il est en effet dans l’intérêt économique des deux parties que les produits PCF répondent à une norme élevée de performance. Simultanément, la Banque PC/Loblaw doit protéger son image de marque et préserver les normes élevées associées aux produits PCF. M. Lengyell a aussi reconnu que la Banque PC ne subirait pas une perte directe en cas de non-paiement par un débiteur hypothécaire, mais subirait une perte économique, car son taux de rémunération est déterminé par le volume des fonds de chaque catégorie (les prêts hypothécaires constituant une catégorie des produits PCF énumérés dans le barème de rémunération).

 

Points en litige

 

[12]         Quatre points en litige doivent être résolus, qui sont explicités par les parties dans leurs mémoires respectifs des faits et du droit. Il s’agit des points suivants :

 

(1)     Les services fournis par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASF font‑ils partie d’une fourniture exonérée consistant à « prendre les mesures en vue d’effectuer » un service financier, de telle sorte que la TPS n’est pas exigible sur telle fourniture, suivant la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la LTA, ou les services en question sont‑ils taxables en vertu du paragraphe 165(1) de la LTA?

 

(2)     Les fournitures effectuées par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASFid font‑elles partie d’une fourniture composite unique (avec l’ASF), de telle sorte que cette fourniture composite unique constitue une fourniture exonérée de service financier, ou les fournitures en question sont‑elles taxables en vertu du paragraphe 165(1) de la LTA?

 

(3)     La Banque PC a‑t‑elle droit à des crédits de taxe théoriques sur les intrants (CTI), en application des paragraphes 181(2) et 181(5) de la LTA, pour les remboursements faits à Loblaw lors du rachat de points PC?

 

(4)     La Banque PC a‑t‑elle montré une diligence raisonnable en cherchant à se conformer à ses obligations selon la LTA, de telle sorte que les pénalités prévues par l’article 280 de la LTA ne devraient pas s’appliquer?

 

I.       Les services fournis par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASF

 

(i)                Cadre législatif

 

[13]         Dans leurs mémoires respectifs des faits et du droit, les parties ont donné un aperçu général des dispositions légales invoquées.

 

[14]         L’article 165 de la LTA imposait à l’acquéreur d’une fourniture taxable une TPS au taux de 7 p. 100 (le taux applicable durant la période en cause) de la valeur de la contrepartie de la fourniture. Le paragraphe 165(1) de la LTA, applicable ici, prévoyait ce qui suit :

 

165(1) Taux de la taxe sur les produits et services – Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 p. 100 sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

[15]         Le paragraphe 221(1) de la LTA impose à la Banque PC l’obligation de percevoir la TPS lorsqu’elle effectue une « fourniture taxable ». Le paragraphe 221(1) est ainsi formulé :

 

221(1) Perception – La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l’acquéreur en vertu de la section II.

 

[16]         Les définitions suivantes apparaissent au paragraphe 123(1) de la LTA :

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

 

« contrepartie » Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture.

 

« acquéreur »

 

a)         Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

b)         personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

c)         si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

 

(i)         personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou mis à sa disposition,

 

(ii)        personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

 

(iii)       personne à qui un service est rendu.

 

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a)         l’exploitation d’une entreprise […], sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

[…]

 

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l’annexe V.

 

 

[17]         La partie VII de l’annexe V de la LTA prévoit qu’une fourniture exonérée comprend :

 

1. La fourniture de services financiers […]

 

[18]         L’expression « service financier » est définie, dans sa partie pertinente, comme il suit, au paragraphe 123(1) de la LTA :

 

a)         L’échange, le paiement, l’émission, la réception ou le transfert d’argent, réalisé au moyen d’échange de monnaie, d’opération de crédit ou de débit d’un compte ou autrement;

 

b)         la tenue d’un compte d’épargne, de chèques, de dépôt, de prêts, d’achats à crédit ou autre;

 

            […]

 

d)         l’émission, l’octroi, l’attribution, l’acceptation, l’endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d’un effet financier;

 

            […]

 

f)          le paiement ou la réception d’argent à titre de dividendes, sauf les ristournes, d’intérêts, de principal ou d’avantages, ou tout paiement ou réception d’argent semblable, relativement à un effet financier;

 

            […]

 

g)         l’octroi d’une avance ou de crédit ou le prêt d’argent;

 

            […]

 

l)          le fait de consentir à effectuer un service visé à l’un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l’effectuer; ...

 

La présente définition exclut :

 

[…]

 

t)          les services visés par règlement.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]         Le paragraphe 4(2) du Règlement sur les services financiers (TPS/TVH) exclut de la définition de « service financier » la fourniture de services administratifs :

 

4(2) Sous réserve du paragraphe (3), pour l’application de l’alinéa t) de la définition de «service financier», au paragraphe 123(1) de la Loi, sont visés les services suivants, sauf ceux mentionnés à l’article 3 :

 

a)         la communication, la collecte ou le traitement de renseignements;

 

b)         les services administratifs, y compris ceux reliés au paiement ou au recouvrement de dividendes, d’intérêts, de capital, de créances, d’avantages ou d’autres montants, à l’exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement.

[Non souligné dans l’original.]

 

[20]         En résumé, selon les dispositions susmentionnées de la LTA, le fait d’effectuer une « fourniture exonérée » ne constitue pas une « activité commerciale », et une telle fourniture n’entre pas dans la définition d’une « fourniture taxable ». Finalement, une fourniture exonérée n’est pas taxable selon le paragraphe 165(1) de la LTA. La question est de savoir si les services fournis par la Banque PC à la CIBC, aux termes de l’ASF, constituent un service financier, de telle sorte qu’ils seraient une fourniture exonérée et donc non taxables selon le paragraphe 165(1).

 

(ii)      Argument de l’appelante

 

[21]         Je reproduirai ici les paragraphes 60, 64 et 65 de l’exposé des faits et du droit de l’appelante, qui selon moi constituent l’essentiel de l’argument de l’appelante :

 

[traduction]

60.              La position de la Banque PC est que la fourniture qu’elle effectue à la CIBC requiert de « prendre les mesures en vue d’effectuer » la fourniture de services financiers par la CIBC à ses clients et constitue donc un service financier conformément à l’alinéa l) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la LTA. La Banque PC dit tout simplement qu’elle était payée par la CIBC pour l’idée, la conception[,] la tarification et le déploiement stratégique des produits PCF.

 

[…]

 

64.               Essentiellement, la Banque PC a entrepris de tirer parti de la force de son groupe pour négocier, auprès d’une grande banque, de meilleurs taux et de meilleures conditions pour les clients de Loblaw que les taux et les conditions qu’ils pourraient obtenir à titre individuel. Le rôle joué par la Banque PC pour s’assurer de la nature et des prix des produits PCF est reflété à la fois (i) dans les modalités de l’ASF et, (ii) dans le rôle fonctionnel que la Banque PC a joué depuis le lancement des produits PCF.

 

65.               L’ASF prévoit que la Banque PC s’emploiera avec la CIBC, au sein du Comité directeur mixte, à régler toutes les questions de gouvernance et à élaborer la stratégie commerciale de l’activité PCF. La section 2a) de l’ASF prévoit que le Comité directeur sera composé d’un nombre égal de représentants de Loblaw et de la CIBC et que toutes les décisions du Comité directeur seront prises à l’unanimité. L’ASF prévoit aussi que la Banque PC consultera la CIBC pour déterminer le genre de produits financiers qui seront offerts aux clients de Loblaw, ainsi que les attributs de tels produits, par exemple modalités contractuelles, droits, taux d’intérêt, etc., et que, conjointement avec la CIBC, elle examinera et approuvera tout le matériel de marketing et de publicité des produits et toutes les modalités se rapportant aux centres d’appel et aux représentants des services bancaires personnels.

 

[22]         L’avocat de l’appelante fait aussi valoir que la position administrative de l’Agence du revenu du Canada (ARC), ainsi que les principaux précédents canadiens, permettent d’affirmer qu’il faut interpréter d’une manière libérale l’expression « prendre les mesures en vue d’effectuer » la fourniture d’un service financier par un fournisseur de services financiers à un acquéreur. La position administrative de l’ARC se trouve dans l’Énoncé de politique sur la TPS/TVH – P‑239 Signification de l’expression « prendre les mesures en vue de l’effectuer » que l’on trouve dans la définition de « service financier » (l’énoncé de politique P‑239).

 

[23]         Selon l’avocat de l’appelante, la position exprimée durant l’instruction par le procureur général, selon laquelle les activités de la Banque PC n’équivalent pas à « prendre les mesures en vue d’effectuer » un « service financier », contredit plusieurs politiques administratives émises par l’ARC, notamment l’énoncé de politique P‑239. Cet énoncé de politique renferme notamment ce qui suit :

 

Éléments d’un service consistant à « prendre les mesures en vue de l’effectuer »

 

Pour qu’un service puisse être considéré comme consistant à « prendre les mesures en vue d’effectuer » la fourniture d’un service financier, chacun des éléments suivants doit être présent :

 

·        l’intermédiaire aidera le fournisseur ou l’acquéreur, ou les deux, relativement à la fourniture d’un service financier;

 

·        le fournisseur et/ou l’acquéreur compte sur un intermédiaire (ou plusieurs) pour obtenir de l’aide au cours de la fourniture d’un service financier;

 

·        l’intermédiaire est directement engagé dans le processus de fourniture d’un service financier et consacrera donc le temps et les efforts nécessaires pour effectuer la fourniture d’un service décrit aux alinéas a) à i) de la définition de service financier.

 

[24]         Selon l’avocat de l’appelante, tous les éléments indiqués par l’ARC dans l’énoncé de politique P‑239 sont présents ici : (1) la Banque PC aide la CIBC par la conception, la tarification, la commercialisation, etc., de comptes d’épargne, de comptes de chèque et de comptes de prêts hypothécaires; (2) la CIBC compte sur la Banque PC pour obtenir de l’aide dans la fourniture des produits PCF; (3) la Banque PC est directement engagée dans le processus de fourniture des produits PCF et consacre le temps et les efforts nécessaires pour effectuer la fourniture d’un service financier.

 

[25]         S’agissant de la jurisprudence, l’avocat de l’appelante s’est référé à la décision State Farm Mutual Auto Insurance Company v. R., [2003] G.S.T.C. 35 (CCI). Dans cette affaire, le juge en chef adjoint Bowman (tel était son titre) a jugé que les services fournis par le siège social de la State Farm Insurance, aux États‑Unis, au nom de son bureau régional canadien, services qui consistaient à concevoir et à tarifer les polices d’assurance devant être vendues par le bureau canadien à des acheteurs au détail, équivalaient à « prendre les mesures en vue d’effectuer » la fourniture d’un service financier. Le juge en chef adjoint Bowman a statué ainsi alors même que le siège social de la State Farm n’intervenait nullement dans la vente d’un quelconque contrat d’assurance à l’acquéreur de ce produit financier. La vente de polices d’assurance de la State Farm était entièrement l’affaire de représentants de commerce indépendants. (Exposé des faits et du droit de l’appelante, page 17, paragraphe 78.)

 

[26]         L’avocat de l’appelante s’est aussi référé à la décision Banque Royale du Canada c. R., 2005 CCI 802, [2005] G.S.T.C. 198 (CCI), (appelée dans les présents motifs la décision Banque Royale 2005)[2], à la décision Promotions D.N.D. Inc. v. R., [2007] G.S.T.C. 79 (CCI), et à la décision Canadian Medical Protective Assn. v. The Queen, [2008] G.S.T.C. 88 (CCI).

 

[27]         La conclusion que l’avocat de l’appelante tire de ces précédents est que la fourniture de services par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASF est une fourniture exonérée qui consiste à « prendre les mesures en vue d’effectuer » la fourniture d’un « service financier », et que la Banque PC n’est donc pas tenue de percevoir et de verser la TPS sur cette fourniture.

 

(iii)     Argument de l’intimée

 

[28]         L’avocat de l’intimée fait valoir que les services fournis par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASF sont des fournitures taxables.

 

[29]         Une fourniture est définie et caractérisée par la question suivante : qu’est‑ce que l’acquéreur a logiquement obtenu pour ce qu’il a payé? (O.A. Brown v. Canada, [1995] G.S.T.C. 40 (CCI)).

 

[30]         Selon l’avocat de l’intimée, l’élément principal de l’ASF est la fourniture d’installations, de marques de commerce, de services publicitaires et autres services non financiers, en contrepartie d’une redevance calculée par référence aux fonds placés sous la gestion de la CIBC en conséquence de l’ASF. La contrepartie versée se rapportait à la propriété intellectuelle fournie aux termes de l’ASF, et le rôle de l’appelante dans l’arrangement conclu avec la CIBC était un accessoire de sa propre activité, qui était la promotion de la marque de commerce PC. Selon l’avocat de l’intimée, la fourniture des services en question par la Banque PC ne correspond pas aux alinéas a) à m) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la LTA et n’équivalent pas à « prendre les mesures en vue d’effectuer » l’une quelconque des fournitures mentionnées dans cette définition. Par conséquent, la fourniture de services par l’appelante aux termes de l’ASF est une fourniture taxable, conformément au paragraphe 165(1) de la LTA.

 

[31]         L’avocat de l’intimée se fonde principalement sur la décision Banque Royale du Canada c. Sa Majesté la Reine, 2007 CCI 281 (appelée dans les présents motifs la décision Banque Royale 2007).

 

(iv)     Analyse

 

[32]         Dans la décision Banque Royale 2007, invoquée par l’avocat de l’intimée, la Cour a conclu que tout ce que faisait la société Lignes aériennes Canadien International Ltée (LACI), depuis son rôle dans l’élaboration des conditions de facilité de crédits jusqu’à la publicité du programme, avait pour objet d’encourager l’utilisation de la carte de crédit de la Banque Royale du Canada (RBC), et cela par l’émission de points, et que l’émission de points était ce pourquoi était payée LACI. Autrement dit, LACI était payée pour émettre des points et non pour son rôle dans la mise en place du programme. Si des points n’étaient pas émis, aucune contrepartie n’était payable.

 

[33]         La Cour a donc jugé que les paiements effectués par la RBC à LACI n’étaient pas des paiements portant sur la fourniture d’un service financier. En concluant ainsi, la Cour n’ignorait pas le rôle crucial joué par LACI dans la mise en place du programme Carte Affinité, ni l’importance de l’utilisation du crédit qui en avait résulté pour RBC (paragraphes 27 à 29).

 

[34]         Je suis d’avis que la présente espèce se distingue de la décision Banque Royale 2007. Je ne crois pas que la Banque PC était payée, selon l’ASF, pour émettre des points ou pour conférer à la CIBC l’utilisation exclusive de la marque de commerce PC. Ce n’est pas ce que dit l’accord. L’accord reflète plutôt la volonté de Loblaw/la Banque PC de promouvoir, simplement à titre d’exemples, le compte bancaire sans frais ou les prêts hypothécaires à faible taux d’intérêt offerts à ses clients. De toute évidence, cet accord a été conclu par Loblaw/la Banque PC dans l’intention de rentabiliser au maximum sa propre clientèle. Lorsque l’ASF fut conclu à l’origine entre la CIBC et Loblaw, Loblaw ne pouvait pas, légalement, offrir par elle‑même des produits financiers attrayants de cette nature. Loblaw devait donc conclure un arrangement avec une banque à charte. Un tel arrangement était avantageux pour la CIBC, car celle‑ci pouvait renforcer le positionnement de ses propres produits financiers en profitant de la marque de commerce PC. Mais, pour la Banque PC, l’avantage devait comporter plus que l’association de sa marque de commerce avec la CIBC puisque, comme M. Lengyell l’a dit, Loblaw s’exposait, par cette association, à un certain risque. L’accord conclu avec la CIBC était en fait une étape nécessaire pour Loblaw, si Loblaw voulait augmenter son chiffre d’affaires en offrant des services autres que les services se rapportant à ses activités d’épicier détaillant. La preuve de cela est le fait que Loblaw, puis la Banque PC, percevaient des redevances qui étaient calculées par référence à chaque nouveau compte ouvert, ou autres produits financiers vendus, et par référence à la moyenne des fonds et avoirs gérés par la CIBC au titre du programme PCF. Non seulement la Banque PC était‑elle payée pour le rôle important qu’elle jouait dans la vente, à ses membres, de produits financiers attrayants, mais encore les redevances qu’elle percevait étaient directement liées à la rentabilité du programme PCF. Plus nombreuses étaient les ventes de produits financiers et plus l’arrangement était rentable pour la CIBC d’après le volume des fonds et avoirs gérés par elle, plus il était rentable aussi pour l’appelante.

 

[35]         Autre preuve de l’interaction directe de Loblaw, puis de la Banque PC, dans la vente de produits financiers : au moment de signer l’ASF, Loblaw tenait absolument au compte bancaire sans frais et au taux d’intérêt attrayant, plus bas, sur les prêts hypothécaires et sur les lignes de crédit. Il s’agissait là d’aspects du programme qui n’étaient pas négociables parmi les conditions auxquelles Loblaw et la Banque PC consentaient à travailler avec la CIBC, comme on peut le voir dans les alinéas 2a), 2d) et 3 de l’ASF (pièce A‑1, onglet 1, pages 6, 7, 11, 12, 13, 17 et 18). Un comité directeur, composé à égalité de représentants des deux parties, et dont les décisions devaient être prises à l’unanimité, était prévu dans l’ASF. Son rôle était de s’assurer que la CIBC répondrait aux exigences de Loblaw ou de la Banque PC. Par ailleurs, si les exigences en question devaient entraîner une baisse de rentabilité ou empêcher que soient atteints les « seuils de résiliation » (minimum requis des fonds sous gestion par année), le comité directeur avait, à certaines conditions, le pouvoir de réévaluer le programme, ou bien l’ASF pouvait tout simplement être résilié (voir alinéa 2a), clause 2(d)(i)(b) et sous‑alinéa 11a)(iv) de l’ASF, pièce A‑1, onglet 1, pages 6, 7, 12, 13 et 29).

 

[36]         La présente affaire est davantage assimilable à un arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre, Customs & Excise Commissioners v. Civil Service Motoring Association (l’arrêt CSMA), [1998] BVC 21 (C.A.), qu’à la décision Banque Royale 2007. Dans l’arrêt CSMA, l’Automobile Association avait négocié les conditions des cartes de crédit offertes à ses membres. Elle était intervenue dans la conception de la formule de la carte de crédit, y compris dans des aspects tels que le taux d’intérêt demandé. La Cour d’appel d’Angleterre a jugé que la rémunération versée à l’Automobile Association était une commission payée pour ses services, c’est‑à‑dire le fait d’avoir pris des dispositions en vue de l’octroi du crédit. L’élément fondamental de la fourniture était la prise de mesures pour que l’établissement financier accordant le crédit offre aux membres de l’Association des avantages spéciaux et des conditions de crédit favorables. En l’espèce, Loblaw/la Banque PC a négocié pour ses membres des comptes bancaires sans frais, des taux d’intérêt avantageux sur les prêts hypothécaires et, plus tard, un compte d’épargne Intérêt Plus. Cela équivaut à prendre des mesures pour faire en sorte que la CIBC offre aux clients de Loblaw/la Banque PC des avantages particuliers et des conditions de crédit favorables.

 

[37]         Dans la décision Banque Royale 2005, le juge Bowie, de la Cour canadienne de l’impôt, écrivait que, pour savoir si les services de succursale qui étaient offerts devaient être considérés comme des « mesures prises » en vue de l’émission de parts de fonds communs de placement, il était nécessaire de savoir ce que la RBC fournissait en échange de la contrepartie qu’elle recevait. Le juge Bowie s’est exprimé ainsi, au paragraphe 15 :

 

[15]      Il faut décider ce que l’appelante a fourni en échange de la contrepartie qu’elle a reçue. Le sens ordinaire du verbe « to arrange » (« prendre des mesures ») est donné dans le Canadian Oxford Dictionary, page 69 :

 

[traduction]

2.                  planifier ou prévoir; faire en sorte qu’une chose se produise.

 

Bien sûr, il ne m’incombe pas de décider si les dispositions susmentionnées qui sont prises entre l’appelante et FIRI sont conformes aux exigences réglementaires fédérales et provinciales. Toutefois, je suis convaincu que l’appelante ne fournissait pas simplement à FIRI des services de personnel et l’utilisation d’un espace dans la succursale. Les personnes qui fournissaient les services à FIRI étaient en tout temps des employés de la banque et elles n’étaient pas des employés de FIRI. Elles travaillaient dans les locaux de la banque et rien ne me permet de conclure que FIRI avait le droit d’occuper cet espace à ses propres fins, ne serait‑ce que temporairement. Le service que l’appelante fournissait à FIRI consistait à prendre des mesures pour la distribution de fonds communs de placement ainsi qu’à fournir des services continus à la clientèle, notamment en répondant aux demandes de renseignements des clients et en prépayant les documents de rachat pour les clients sur demande. [...]

 

[38]         Dans la présente affaire, Loblaw/la Banque PC avait entre 10 et 15 de ses employés détachés auprès de la CIBC pour définir les modalités qui s’attacheraient aux produits PCF. Par ailleurs, durant les années en cause, la Banque PC était investie des pleins pouvoirs d’une banque selon la Loi sur les banques. Je suis d’avis que le service fourni par la Banque PC à la CIBC consistait à prendre les mesures nécessaires pour que ses membres obtiennent des facilités de crédit ou des services bancaires à des conditions favorables. Comme c’était le cas pour l’Automobile Association dans l’arrêt CSMA, je crois que la Banque PC n’était pas une associée passive préoccupée uniquement par des questions de promotion et ne faisant rien de plus que d’autoriser l’accès à sa liste de membres. La Banque PC négociait, elle intervenait dans la supervision au sein du comité directeur, elle exprimait ses vues. Le fait que les clients de Loblaw en tiraient bénéfice était la conséquence naturelle de la négociation (voir l’arrêt CSMA, précité, page 6). Je partage également l’avis de l’avocat de l’appelante, en réponse à un argument avancé par l’avocat de l’intimée, pour qui le fait que la Banque PC ne subissait aucune perte directe résultant de non-paiements sur des prêts hypothécaires est sans rapport avec la question de savoir si la Banque PC « prenait des mesures en vue d’effectuer » la fourniture de services financiers.

 

[39]         Finalement, je partage l’avis du juge Bowie, au paragraphe 16 de la décision Banque Royale 2005, précitée, selon lequel les énoncés de principe de l’ARC ne devraient pas se voir accorder beaucoup de poids, mais je crois que l’argument de l’ARC, dans la présente affaire, va à l’encontre de son propre énoncé de politique P‑239. Je crois en effet que l’appelante a aidé, est intervenue et a été directement engagée dans le processus de la fourniture de services financiers par la CIBC aux clients de PCF.

 

[40]         Comme l’a fait la Cour d’appel anglaise dans l’arrêt CSMA, j’arrive à la conclusion que l’arrangement conclu entre la CIBC et l’appelante dans l’ASF consistait dans la prise de mesures en vue d’effectuer la fourniture de services financiers aux clients de l’appelante, et qu’il portait donc sur une fourniture exonérée parce que c’était un service financier au sens de l’alinéa l) de la définition de cette expression, au paragraphe 123(1) de la LTA.

 

II.      Les fournitures effectuées par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASFid

 

(i)      Argument de l’appelante

 

[41]         L’avocat de l’appelante fait valoir que la fourniture, par Loblaw/la Banque PC à la CIBC, de points PC et de services d’administration du programme de points, selon ce que prévoit l’ASFid, fait partie d’une fourniture composite unique comprise dans la fourniture de services aux termes de l’ASF. D’après lui, l’ASFid est un accessoire de l’ASF, et les deux accords sont totalement imbriqués. Il dit que la fourniture de points est un élément accessoire qui est compris dans l’élément principal, à savoir les services financiers, de manière à former une fourniture composite unique. Cette fourniture composite unique tout entière (qui comprend les fournitures effectuées en vertu de l’ASFid) est donc une fourniture exonérée de service financier.

 

[42]         De l’avis de l’appelante, cela est d’autant plus vrai que l’ASF et l’ASFid sont deux accords inextricablement liés l’un à l’autre. Elle en donne pour exemple le fait que la violation d’un accord pourrait servir de base à la résiliation de l’autre (sous‑alinéa 11a)(iii) de l’ASF et sous‑alinéa 15a)(ii) de l’ASFid). Par ailleurs, pour devenir un membre de PCF, le client doit accepter de s’inscrire au programme de fidélisation. En d’autres termes, le client ne peut pas se dispenser de participer au programme de fidélisation et demeurer un membre de PCF.

 

[43]         Du point de vue du client, de la Banque PC et de la CIBC, les deux programmes sont inextricablement liés. Les points PC font partie intégrante de ce en quoi consiste le programme PCF et de la valeur qu’il offre, et c’est l’une des principales caractéristiques utilisées pour différencier les produits PCF des autres produits financiers offerts sur le marché.

 

[44]         L’avocat de l’appelante invoque plusieurs précédents, notamment : O.A. Brown Ltd v. Canada, précitée, et Canada Trustco Mortgage Co. v. R., [2004] G.S.T.C. 169 (CCI). Il conclut que le programme de fidélisation et les points fournis par la Banque PC à la CIBC aux termes de l’ASFid font partie intégrante des services fournis par la Banque PC aux termes de l’ASF. C’est par l’entremise de l’ASF que la Banque PC prend les mesures requises pour que la CIBC fournisse des services financiers aux clients de la Banque PC. La CIBC, quant à elle, attribue des points aux clients de Loblaw au titre des services financiers en question. Du point de vue des parties concernées, l’ASF et l’ASFid font partie intégrante d’un tout composite, à savoir l’ensemble des mesures prises pour que des services financiers soient fournis aux clients de Loblaw, services qui ne pourraient pas, au regard de la réalité commerciale, être décemment considérés comme des fournitures distinctes.

 

[45]         L’appelante concède cependant que, si la Cour juge que la fourniture, par la Banque PC à la CIBC, de points PC et de services d’administration du programme de points, conformément aux modalités de l’ASFid, doit être considérée comme une fourniture distincte ne faisant pas partie d’une fourniture composite effectuée en même temps que la fourniture de services aux termes de l’ASF, alors cette fourniture sera sans doute une fourniture taxable.

 

(ii)      Argument de l’intimée

 

[46]         L’ASFid prévoit l’application, par l’appelante, d’un programme de points de récompense, en échange de quoi l’appelante reçoit un paiement fondé sur le nombre de points émis à la CIBC. Aux termes de l’ASFid, un paiement a été fait, d’abord par Loblaw à la CIBC, puis par la CIBC à Loblaw/la Banque PC, au titre du coût d’administration du programme de fidélisation. De l’avis de l’avocat de l’intimée, l’élément dominant de la fourniture est la fourniture de biens mobiliers incorporels, c’est‑à‑dire les points eux‑mêmes, en plus des services d’administration nécessaires pour appliquer le programme. Il n’y a aucune exemption pour la fourniture de points ou pour l’administration d’un programme de récompenses ou la fourniture de services à cette fin. La fourniture prévue par l’ASFid est donc une fourniture taxable selon l’article 165 de la LTA.

 

[47]         Selon l’avocat de l’intimée, le rôle de l’appelante dans l’arrangement conclu avec la CIBC était un accessoire de sa propre activité, à savoir la promotion de la marque de commerce PC et la vente de points. D’après lui, on peut arriver à une telle conclusion en faisant appel au bon sens et à la réalité commerciale. Si la Cour devait dire que l’appelante effectuait une fourniture unique des éléments mentionnés à la fois dans l’ASF et dans l’ASFid, alors l’avocat de l’intimée est d’avis que cette fourniture unique est une fourniture taxable. Comme je l’ai dit plus haut, les éléments dominants de la fourniture sont, de l’avis de l’avocat, les droits aux facilités et droits de marque de commerce, ainsi que le programme de fidélisation appliqué par l’appelante. Selon l’avocat de l’intimée, cette conclusion découle nécessairement d’un examen des modalités de paiement énoncées dans les contrats, de même que d’un examen des factures échangées entre les parties.

 

[48]         Dans son exposé des faits et du droit, l’avocat de l’intimée fait aussi valoir que les services administratifs sont exclus de la définition de « service financier » (voir l’alinéa t) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1), et le paragraphe 4(2) du Règlement sur les services financiers (TPS/TVH)), et que la fourniture unique, s’il y avait une telle fourniture, serait exclue aux termes de ces dispositions. Cependant, durant l’audience, l’avocat de l’intimée a admis que cet argument était faible et qu’il ne trouvait guère application dans la présente affaire, si ce n’est pour le poste négligeable des coûts administratifs selon l’ASFid (119 243 $ dans la cotisation établie).

 

(iii)     Analyse

 

[49]         Citant abondamment la décision O.A. Brown Ltd, le juge en chef Bowman résume bien, dans la décision Canada Trustco Mortgage Co., l’approche à adopter pour savoir s’il y a une fourniture unique ou deux fournitures distinctes. Je reproduis ici la partie de cette décision qui concerne cet aspect (les paragraphes 16 à 20) :

 

16     Il existe une jurisprudence abondante en matière de fourniture unique. Je ne peux faire mieux que renvoyer à la décision de principe O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] G.S.T.C. 40, prononcée par le juge Rip. Dans cette affaire, l’appelante a acheté du bétail pour ses clients, non à titre de mandataire, mais de son propre chef. Elle a exigé des clients des débours, une commission de compensation ainsi que le coût du bétail. Le ministre a établi une cotisation de TPS relativement à la commission et à d’autres débours.

 

17     Le juge Rip a mentionné ce qui suit aux paragraphes 20 à 23 :

 

La loi sur la TPS n’existe que depuis peu de temps au Canada et les tribunaux canadiens ne se sont pas prononcés sur ce qui peut constituer une fourniture unique ou une fourniture multiple aux fins de la TPS. La loi britannique sur la taxe à la valeur ajoutée contient de nombreuses dispositions semblables à celles de la Loi sur la TPS. Dans les arrêts anglais, la question a été définie comme étant celle de savoir si la fourniture en question comprend une fourniture mixte ou une fourniture multiple. Une fourniture mixte comprend un certain nombre d’éléments constitutifs dont certains, s’ils étaient fournis séparément, seraient taxés et d’autres pas. En ce qui concerne ces types de fournitures, il est nécessaire de déterminer la qualité de la fourniture mixte finale, aux fins de la taxe, indépendamment de ses éléments constitutifs. Une fourniture multiple a été définie comme une opération comportant la fourniture d’un certain nombre de produits ou de services susceptibles d’être séparés. Chaque fourniture doit être considérée comme une fourniture indépendante aux fins de la taxe, la contrepartie unique étant répartie entre les fournitures séparées de la façon appropriée.

 

En tranchant cette question, il est d’abord nécessaire de décider ce qui a été fourni en contrepartie du paiement. Il faut alors se demander si la fourniture globale est composée d’une seule fourniture ou de plus d’une fourniture. Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. Il faut examiner la nature véritable de l’opération pour en déterminer les attributs fiscaux. Le critère a été énoncé par le Value Added Tax Tribunal de la façon suivante :

 

[traduction]

À notre avis, lorsque les parties concluent une opération en vertu de la laquelle une partie remet une fourniture à l’autre, la taxe (le cas échéant) exigible à cet égard doit être déterminée par rapport au fond de l’opération, mais le fond de l’opération doit être déterminé par rapport au caractère réel des accords conclus entre les parties.

 

Un facteur à prendre en considération est de savoir s’il est possible, en réalité, d’enlever de la fourniture globale la présumée fourniture séparée. Ce facteur n’est pas concluant, mais il aide à déterminer le fond de l’opération. Cette position a été formulée dans les termes suivants :

 

[traduction]

Ce qui devrait constituer une fourniture unique de services, par opposition à deux fournitures séparées, n’est pas établi expressément par les textes législatifs concernant la taxe sur la valeur ajoutée. Il serait donc erroné de tenter de proposer une définition stricte et précise non fondée sur la loi. Il nous semble qu’il faut simplement appliquer le libellé de la loi, en interprétant les termes qui y sont employés, dans la mesure où le sens ordinaire des mots le permet, de façon à faire du régime légal de la taxe sur la valeur ajoutée un régime pratique qui fonctionne bien. À cette fin, il faudrait se demander dans quelle mesure les services qui constitueraient apparemment une fourniture unique sont liés les uns aux autres, quelle est l’étendue de leur interdépendance et de leur enchevêtrement, et si chaque service fait partie intégrante d’un ensemble complet ou en constitue un élément. Il faut se demander si les services sont rendus en vertu d’un seul contrat, ou pour une seule contrepartie non divisée, mais, pour les motifs susmentionnés, ce facteur n’est pas concluant. Compte tenu de la nature, du contenu et de la méthode d’exécution des services, et de toutes les circonstances, par rapport à l’historique du régime de la taxe sur la valeur ajoutée et, en particulier, des méthodes employées pour comptabiliser et payer la taxe, s’il est jugé que les services sont si interdépendants et si enchevêtrés qu’ils font partie intégrante d’un ensemble complet ou en constituent de simples éléments ou composantes à un point tel qu’ils ne peuvent pas, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, être raisonnablement considérés comme des fournitures séparées de services, il faut considérer qu’en adoptant le régime de la taxe sur la valeur ajoutée, le Parlement a voulu le traiter comme un régime unique; autrement, ces services devraient être considérés, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, comme des fournitures séparées.

 

Le fait que des frais sont exigés séparément à l’égard d’un élément d’une fourniture mixte ne modifie pas les attributs fiscaux de celui‑ci. La question de savoir si la taxe est exigée est régie par la nature de la fourniture. Dans chaque cas, il est utile de se demander s’il serait possible d’acheter chacun des divers éléments séparément et d’obtenir néanmoins un article ou service utile. Car si cela n’est pas possible, il faut alors nécessairement conclure qu’une fourniture mixte qui ne peut pas être divisée aux fins de la taxe est en cause.

 

Ce passage a été approuvé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hidden Valley Golf Resort Assn. c. La Reine, [2000] G.S.T.C. 42.

 

18     L’approche suivie par le juge Rip dans la décision O.A. Brown n’était pas tributaire de l’application des dispositions particulières des articles 138 ou 139. Cette décision repose plutôt sur la prémisse selon laquelle il faut établir une distinction entre les fournitures multiples et la fourniture unique.

 

[…]

 

20     Pour que le principe énoncé dans la décision O.A. Brown s’applique, il doit exister un lien inextricable entre les deux éléments de sorte qu’ils fassent à ce point partie intégrante d’un ensemble complet, au regard de la réalité commerciale, qu’ils ne peuvent pas être raisonnablement considérés comme des fournitures distinctes. Pour décider si ces critères sont respectés, il faut examiner un certain nombre de faits qui varient d’un cas à l’autre. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[50]         Dans la présente affaire, quelle est la substance de l’opération conclue entre l’appelante et la CIBC? L’ASFid peut‑il subsister par lui‑même, séparément de l’ASF?

 

[51]         D’une part, nous avons deux accords différents, mais qui ont été conclus en même temps. Les redevances reçues par l’appelante pour chacun d’eux ne sont pas fondées sur les mêmes facteurs exactement, mais sont d’une certaine façon interdépendantes. Dans l’ASF, les redevances sont calculées en fonction du nombre de comptes ouverts et en fonction du volume moyen des fonds gérés par la CIBC. Dans l’ASFid, l’appelante est remboursée par la CIBC au moment du rachat des points émis par la CIBC aux clients de PCF. D’autre part, l’appelante n’aurait pas conclu l’ASFid avec la CIBC sans conclure l’ASF. Les points émis par la CIBC sont directement rattachés aux services financiers offerts aux membres de PCF. Les membres de PCF sont automatiquement admissibles au programme de fidélisation établi par Loblaw aux termes de l’ASFid (sous‑alinéa 2f)(x) de l’ASF et alinéa 2b) de l’ASFid).

 

[52]         M. Lengyell a témoigné que l’ASF avait été conclu avec la CIBC, entre autres raisons, pour aider au financement du coûteux système de points mis en place par Loblaw. La CIBC remboursait la Banque PC, qui ensuite remboursait Loblaw, uniquement pour les points émis aux membres de PCF. Sans l’accord financier, il n’aurait pas été nécessaire pour la CIBC d’adhérer au programme de fidélisation. Pour les clients, ce qui rendait attrayants les produits PCF, c’était non seulement les avantages financiers représentés par un compte bancaire sans frais, le compte d’épargne Intérêt Plus et les taux hypothécaires plus avantageux, mais également les points qui accompagnaient ces produits PCF. En fait, l’ASF prévoit que la CIBC peut attribuer au prix des produits ou services l’écart de 45 points de base en réduisant les frais, en modifiant les taux d’intérêt ou en attribuant des points de fidélisation, ou encore en combinant les éléments qui précèdent (clause 2(d)(i)(b) de l’ASF, pièce A‑1, onglet 1, page 12).

 

[53]         À mon avis, si nous considérons le degré auquel la fourniture de produits PCF et la fourniture de points rattachés à cette fourniture sont connectées, interdépendantes et imbriquées, alors il faut conclure que les fournitures effectuées aux termes de l’ASF et celles effectuées aux termes de l’ASFid sont toutes deux des éléments d’un tout composite. Des frais sont exigés séparément pour un élément de la fourniture, mais cela n’est pas concluant et ne modifie pas nécessairement les conséquences fiscales de cet élément particulier. Comme l’écrivait le juge Rip (tel était son titre) dans la décision O.A. Brown, précitée (à la page 40‑7), il est utile de se demander s’il serait possible d’acheter chacun des divers éléments séparément. Ici, les points ne peuvent pas être émis par la CIBC sans les produits PCF. Les deux éléments sont interdépendants et, au regard de la réalité commerciale, ils ne pourraient pas être raisonnablement considérés comme des fournitures distinctes (décision Canada Trustco Mortgage Co., précitée, paragraphe 20).

 

[54]         Quant à l’argument de l’intimée pour qui l’attribution de points est l’élément dominant et la fourniture de produits PCF uniquement un accessoire de cet élément, je ne puis accepter cette proposition. D’abord, les recettes qui ont résulté de l’ASF et de l’ASFid respectivement durant la période en cause étaient presque les mêmes. Par ailleurs, si l’une des fournitures en cause est un accessoire de l’autre, j’inclinerais alors à dire que c’est la fourniture effectuée en vertu du programme de fidélisation qui est un accessoire de la fourniture de produits PCF; les points constituent un moyen de tirer un meilleur parti des services financiers avantageux. (Voir la décision Card Protection Plan Ltd v. Customs and Excise Comrs, [1999] All. E.R (EC) 339, Cour de justice (Sixième Chambre) des Communautés européennes, 25 février 1999, au paragraphe 30, mentionnée par l’avocat de l’appelante).

 

[55]         Je partage d’ailleurs l’avis de l’appelante selon lequel la valeur des points PC gagnés par les clients de Loblaw à l’achat de produits d’épicerie était éclipsée par la valeur qu’ils obtenaient des comptes bancaires sans frais et des taux avantageux d’épargne et d’emprunt pratiqués par la Banque PC. L’exemple non contredit donné par M. Lengyell est suffisamment explicite. Pour une famille canadienne moyenne consacrant environ 600 $ par mois à l’alimentation, la valeur des points PC gagnés serait d’environ 36 $ annuellement. En revanche, la même famille supportant un prêt hypothécaire moyen d’environ 300 000 $ et bénéficiant d’une réduction d’un point de pourcentage de son taux hypothécaire par rapport au taux demandé par une grande banque canadienne réaliserait des épargnes annuelles de 3 000 $. Manifestement, la valeur relative des produits PCF avec ristourne dépassait largement la valeur des points PC émis à un client de PCF (voir l’exposé des faits et du droit de l’appelante, page 5, paragraphe 25).

 

[56]         S’agissant de l’administration du programme de fidélisation, pour lequel l’appelante a reçu 119 243 $ durant la période en cause, la section 5 de l’ASFid énonce de la manière suivante les services devant être fournis aux termes de cet accord :

 

[traduction]

[...] les services administratifs suivants et les autres services dont pourraient périodiquement convenir les parties par écrit (collectivement les « services administratifs ») :

 

a)      inscrire comme membre chacun des clients de PCF;

 

b)      tenter d’obtenir de chaque client de PCF, au moment de son inscription comme membre, ses renseignements signalétiques;

 

c)      informer chaque membre des divers emplois et transferts de ses renseignements signalétiques et des renseignements relatifs au programme énoncés dans la section 8 du présent accord, et donner à chaque membre une occasion valable de s’opposer à tels emplois ou transferts de ses renseignements signalétiques et des renseignements relatifs au programme;

 

d)      inscrire les changements apportés aux renseignements signalétiques des membres, à mesure qu’ils seront communiqués à la CIBC;

 

e)      au nom de Loblaw, établir, maintenir et gérer (avec mises à jour régulières) un compte de points pour chaque membre;

 

f)        donner à chaque membre l’accès gratuit à son compte de points, par l’entremise des guichets bancaires PCF, du dispositif bancaire par téléphone PCF et du site Internet PCF;

 

g)      établir et maintenir tous les contrôles et procédures qui sont nécessaires pour protéger, renforcer et préserver l’intégrité et la confidentialité des renseignements relatifs au programme et des renseignements signalétiques des membres, comme si tels renseignements étaient les siens propres;

 

h)      mettre à la disposition de Loblaw, sur demande (demande qui ne pourra être faite plus d’une fois par semaine), sous forme électronique, les renseignements signalétiques des membres et les renseignements relatifs au programme que la CIBC aura recueillis durant ce mois, ainsi que les numéros d’identification des membres qui permettront de faire un recoupement entre l’identité des membres et l’information relative à l’UGS (unité de gestion de stock);

 

i)        permettre à chaque membre d’obtenir gratuitement des certificats de rachat à chaque guichet bancaire PCF;

 

j)        suivre, accumuler, puis signaler à Loblaw au moins une fois par mois, le nombre de points de fidélisation émis à chaque membre, retirés par chaque membre et/ou échangés par chaque membre, et, s’agissant des retraits, le lieu de chaque guichet bancaire PCF à partir duquel un certificat de rachat a été émis à ce membre, et le nombre de points de fidélisation retirés par ce membre pour chaque certificat de rachat.

 

[57]         Dans la décision Promotions D.N.D. Inc. v. R., précitée, il a été jugé que la simple distribution de formulaires de demande de carte de crédit, suivie d’un examen des formulaires pour s’assurer qu’ils sont bien remplis, constituait un service financier et ne constituait pas un service administratif selon le Règlement sur les services financiers (TPS/TVH).

 

[58]         Dans la décision Banque Royale 2005, le juge Bowie, de la Cour canadienne de l’impôt, examinait précisément, au paragraphe 18, l’application de l’alinéa t) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la LTA, et l’application de l’article 4 du Règlement sur les services financiers (TPS/TVH) :

 

18        L’appelante soutient que, de toute façon, les services de succursale ne peuvent pas être visés par la définition du service financier, parce qu’il s’agit de services administratifs et qu’ils sont donc expressément exclus de la définition par l’alinéa t) et par l’article 4 du Règlement. Cette disposition n’a été examinée qu’à deux reprises par la présente cour et ni l’une ni l’autre décision ne nous éclaire sur le sens de l’expression « les services administratifs » (« any administrative service »). Le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) donne cette définition, à la page 17 :

 

[traduction] administratif : concernant la gestion des affaires ou s’y rapportant.

 

D’autres dictionnaires, tant français qu’anglais, renferment des définitions aussi vagues. À coup sûr, le sens de cette expression est à la fois large et élastique, mais il semble clair que, lorsqu’elle est lue dans son contexte dans le cadre du régime de la partie IX de la Loi et par rapport à la définition de « service financier » (« financial service ») en particulier, elle vise à exclure de cette définition des services accessoires tels que le traitement de données, la tenue de dossiers et ainsi de suite, mais non les activités expressément énumérées dans la première partie de la définition qui doivent être incluses dans celle‑ci, ce qui comprend certes la prise de mesures aux fins de la distribution de valeurs mobilières. À mon avis, l’alinéa t) de la définition et le Règlement ne s’appliquent pas en l’espèce.

 

[Renvois omis.]

 

[59]         Le communiqué de presse 90‑103 du ministère des Finances (20 août 1990), mentionné par l’avocat de l’appelante au paragraphe 106 de l’exposé des faits et du droit de l’appelante, renfermait l’information générale suivante concernant le Règlement sur les services financiers (TPS/TVH) :

 

106.     […]

 

Définition d’un service financier

 

[…] Le projet de loi C‑62 comporte des dispositions qui permettent de désigner des services comme des services financiers ou, au contraire, de les exclure de la définition d’un service financier. Ces dispositions offrent la souplesse voulue pour apporter à la définition d’un service financier, telle que contenue dans le projet de loi, les améliorations techniques éventuellement nécessaires. Les services visés par règlement seront définis dans les règlements devant être publiés au cours des prochaines semaines. L’esprit et l’effet de ces règlements sont décrits ci‑après.

 

[…]

 

B.         Services financiers fournis à titre de tierce partie

 

[…]

 

Cependant, les institutions financières fournissent parfois des services administratifs ou de traitement de données se rapportant à des services ou à des effets financiers, sans pour autant fournir les effets en question. Les services sont alors fournis par l’institution financière à titre de tierce partie. Mentionnons, par exemple, les services de recouvrement de créances et les services purement administratifs (SPA) fournis à l’égard de régimes d’assurance‑santé. Ces genres de services devraient faire partie de l’assiette d’une taxe de vente de large application.

 

Par conséquent, les services qui sont purement administratifs et sont fournis par une institution financière à titre de tierce partie seront exclus de la définition d’un service financier, par l’effet d’un règlement devant être publié conformément à l’alinéa t) de la définition. Le règlement stipulera que ces services seront taxables, contribuant ainsi à clarifier l’application de la taxe dans ce domaine.

 

Il convient de noter que ce règlement vise uniquement les services qui seraient autrement considérés comme des services financiers aux termes des alinéas a) à m) de la définition, conformément au paragraphe 123(1). C’est pourquoi ce règlement ne touchera pas les services qui ne tombent pas sous le coup des alinéas en question et ne constitueraient donc pas des services financiers en l’absence de ce règlement.

 

Les services qui seront visés par règlement en vertu de l’alinéa t) comme étant exclus de la définition d’un service financier peuvent se décrire de façon générale comme suit :

 

a)         un service consistant à transférer, à recueillir ou à traiter de l’information,

 

b)         un service administratif comportant le paiement ou la réception de dividendes, d’intérêts, de principal, de réclamation, d’avantages ou de tout autre montant (à l’exception d’un service consistant uniquement en un transfert d’argent d’une personne à une autre); ou

 

c)         tout autre service de nature administrative.

 

[…]

[Non souligné dans l’original.]

 

[60]         Les services se rapportant à l’administration du programme de fidélisation, et décrits à la section 5 de l’ASFid ci‑dessus reproduit, sont fournis à l’intérieur du cadre de ce programme, aux termes duquel des points sont attribués aux clients de PCF. Ces services, en tant que tels, ne sont pas par ailleurs considérés comme des services financiers selon les alinéas a) à m) de la définition donnée au paragraphe 123(1) de la LTA. Cependant, ils sont un accessoire des services fournis aux termes de l’ASF, et ils font donc partie des services financiers fournis par la Banque PC par l’entremise de la CIBC. Selon moi, ils ne s’accordent pas avec ce que la jurisprudence et le communiqué de presse du ministère des Finances décrivent comme des services administratifs liés aux activités explicitement énumérées dans la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la LTA.

 

[61]         J’arrive donc à la conclusion que l’administration du programme de fidélisation, pour laquelle la Banque PC a reçu la somme de 119 243 $ de la CIBC, faisait partie de la contrepartie reçue par l’appelante pour la fourniture exonérée unique effectuée aux termes de l’ASF et de l’ASFid, et qu’elle n’était donc pas soumise à la TPS.

 

III.     La Banque PC a‑t‑elle droit à des crédits de taxe théoriques sur les intrants (CTI), conformément au paragraphe 181(2) et 181(5) de la LTA, sur les points PC échangés chez Loblaw?

 

[62]         La Banque PC affirme que, en application du paragraphe 181(5) de la LTA, elle a le droit de demander des crédits de taxe théoriques sur les intrants correspondant à 7/107e du montant du « remboursement » qu’elle a fait à Loblaw, en contrepartie de l’acceptation par Loblaw des points PC échangés totalement ou partiellement pour des produits achetés par les clients de Loblaw.

 

[63]         L’intimée est d’avis que la Banque PC n’a pas droit à des crédits de taxe théoriques sur les intrants correspondant à 7/107e de la valeur des points PC rachetés par elle, parce que les points PC ne sont pas d’un « montant fixe » comme le requiert le paragraphe 181(5) de la LTA. Selon l’intimée, c’est plutôt le paragraphe 181(4) de la LTA qui s’applique au rachat des points PC.

 

(i)      Cadre législatif

 

[64]         Le paragraphe 181(4) de la LTA prévoit ce qui suit :

 

(4) Acceptation d’autres bonsPour l’application de la présente partie, lorsqu’un inscrit accepte, en contrepartie, même partielle, de la fourniture d’un bien ou d’un service, un bon auquel les alinéas (2)a) à c) ne s’appliquent pas et qui est échangeable contre le bien ou le service ou qui permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction ou d’un rabais sur le prix du bien ou du service, la valeur de la contrepartie de la fourniture est réputée égale à l’excédent éventuel de cette valeur, déterminée par ailleurs pour l’application de la présente partie, sur la valeur de rabais ou d’échange du bon.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[65]         Le paragraphe 181(5) de la LTA prévoit ce qui suit :

 

(5) Pour l’application de la présente partie, lorsqu’un fournisseur qui est un inscrit accepte, en contrepartie, même partielle, de la fourniture taxable d’un bien ou d’un service, un bon qui est échangeable contre le bien ou le service ou qui permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction ou d’un rabais sur le prix du bien ou du service, et qu’une autre personne verse dans le cadre de ses activités commerciales un montant au fournisseur pour racheter le bon, les règles suivantes s’appliquent :

 

a) le montant est réputé ne pas être la contrepartie d’une fourniture;

 

b) le versement et la réception du montant sont réputés ne pas être des services financiers;

 

c) lorsque la fourniture n’est pas une fourniture détaxée et que le bon permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction sur le prix du bien ou du service égale au montant fixe indiqué sur le bon (appelé « valeur du bon » au présent alinéa), l’autre personne, si elle est un inscrit (sauf un inscrit visé par règlement pour l’application du paragraphe 188(5)) au moment du versement, peut demander, pour sa période de déclaration qui comprend ce moment, un crédit de taxe sur les intrants égal à la fraction de taxe de la valeur du bon, sauf si tout ou partie de cette valeur représente le montant d’un redressement, d’un remboursement ou d’un crédit auquel s’applique le paragraphe 232(3).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(ii)              Argument de l’appelante

 

[66]         L’avocat de l’appelante fait valoir que le paragraphe 181(5) de la LTA est la disposition qui s’applique au rachat de bons dont la valeur est égale à un « montant fixe », alors que le paragraphe 181(4) est la disposition qui s’applique aux bons qui sont échangeables contre un bien ou un service ou qui permettent à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction ou d’un rabais sur le prix du bien ou du service, c’est‑à‑dire les bons dont la valeur est égale à quelque chose d’autre qu’un « montant fixe ». L’avocat de l’appelante affirme, à titre d’exemple, que le paragraphe 181(5) s’appliquerait à un bon offrant une réduction de 20 $, tandis que le paragraphe 181(4) s’appliquerait à un bon offrant un escompte procentuel ou à un bon de repas deux pour le prix d’un. Les parties ne contestent pas que les points PC sont des bons aux fins de l’article 181 de la LTA. La question est de savoir si les points PC sont d’un « montant fixe » comme le requiert le paragraphe 181(5).

 

[67]         L’avocat de l’appelante a paraphrasé comme suit le paragraphe 181(5) pour montrer quelles conditions doivent être remplies avant qu’il soit applicable :

 

a)                 le « fournisseur » (c’est‑à‑dire Loblaw) doit effectuer des fournitures taxables et accepter un « bon » en contrepartie, même partielle, de la fourniture taxable,

 

b)                l’« acquéreur » (c’est‑à‑dire le client de Loblaw) a droit à une réduction d’un « montant fixe » sur le prix de fournitures de Loblaw,

 

c)                 une « autre personne » (c’est-à-dire la Banque PC) verse, dans le cadre de ses activités commerciales, un montant à Loblaw pour le rachat des points PC,

 

d)                la fourniture de Loblaw (à l’égard de laquelle sont rachetés les points PC) ne doit pas être une fourniture détaxée.

 

[68]         Selon le témoignage de M. Lengyell, Loblaw calcule la TPS sur le prix de vente intégral, c’est-à-dire le prix avant déduction de la valeur du bon. Le reçu du client indique que le client a payé la TPS sur le montant total des articles taxables achetés. Selon M. Lengyell, le rachat de points PC donne au client le droit d’obtenir une réduction du prix égale à un montant fixe. Par exemple, si le client de Loblaw a échangé 20 000 points, il recevra une réduction de 20 $ sur le prix des produits d’épicerie qu’il a achetés.

 

[69]         L’avocat de l’appelante fait valoir que les mots introductifs du paragraphe 181(5) montrent que le moment auquel la valeur d’un bon doit être constatée, c’est-à-dire le « montant fixe », n’est pas la date de l’émission du bon, mais la date de son échange, c’est-à-dire la date à laquelle Loblaw « accepte, en contrepartie […] de la fourniture […] d’un bien […] un bon ».

 

[70]         L’avocat de l’appelante affirme aussi que la troisième condition énoncée au paragraphe 181(5) a elle aussi été remplie. La Banque PC paie une somme à Loblaw pour le rachat des points PC, ce qu’elle fait dans le cadre de ses activités commerciales. Il convient de se rappeler ici que l’appelante a déjà fait valoir que les fournitures effectuées par la Banque PC à la CIBC au titre de l’ASFid (attribution de points) sont des fournitures exonérées, lesquelles sont exclues de la définition d’« activité commerciale », au paragraphe 123(1) de la LTA. Cependant, selon l’avocat de l’appelante, les points PC sont émis, du moins en partie, dans le cadre d’activités commerciales de la Banque PC, parce que cette entité est engagée dans des activités commerciales, par exemple la vente de points PC à Petro-Canada.

 

(iii)            Argument de l’intimée

 

[71]         L’avocat de l’intimée affirme que la valeur des points PC pouvait être modifiée à tout moment. Selon les documents remis au public (pièce A‑1, onglet 9), Loblaw se réserve le droit de restreindre, de suspendre ou de modifier tout aspect du programme de fidélisation, avec ou sans avis, et a le droit d’annuler la participation d’une personne au programme. Les points PC ne sont pas cessibles. Selon l’avocat de l’intimée, puisque les points PC ne peuvent être échangés qu’après que sont atteints certains seuils, et puisque leur valeur peut changer ou que les points peuvent être annulés, il est difficile de prétendre que les points PC sont d’un montant fixe comme le voudrait l’appelante. En fait, le document énonçant les modalités qui régissent les points PC (pièce A‑1, onglet 9, dernière page) mentionne explicitement que les points PC ne sont pas cessibles et n’ont aucune valeur monétaire.

 

[72]         Par conséquent, d’affirmer l’avocat de l’intimée, le paragraphe 181(5) n’est pas applicable. À son avis, le paragraphe 181(4) s’applique, de telle sorte que les points sont traités de manière à réduire la contrepartie payée pour une fourniture, plutôt que de manière à constituer la contrepartie d’une fourniture.

 

[73]         Subsidiairement, affirme l’avocat de l’intimée, si la Cour juge que les fournitures en cause sont des fournitures exonérées et que les points ont une valeur fixe, alors l’appelante ne devrait pas avoir droit à des CTI selon le paragraphe 181(5) parce qu’il ne peut y avoir de CTI que lorsque l’autre personne qui les demande a racheté les bons alors qu’elle était engagée dans une activité commerciale, condition que l’appelante ne remplissait plus.

 

(iv)            Analyse

 

[74]         À mon avis, l’avocat de l’appelante a raison dans sa manière d’interpréter le paragraphe 181(5). C’est à la date de rachat du bon que nous devons dire si le bon est d’un montant fixe. Le paragraphe 181(5) prévoit que :

 

[…] lorsqu’un fournisseur […] accepte […] un bon […] qui permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction ou d’un rabais sur le prix du bien ou du service, et qu’une autre personne verse dans le cadre de ses activités commerciales un montant au fournisseur pour racheter le bon, […]

 

c) lorsque […] le bon permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction sur le prix du bien ou du service égale au montant fixe indiqué sur le bon (appelé « valeur du bon » au présent alinéa), l’autre personne […] peut demander […] un crédit de taxe sur les intrants […]

 

[75]         Les notes techniques de février 1993 émises par le ministère des Finances donnent l’explication rationnelle à l’origine du paragraphe 181(5) de la LTA :

 

[traduction]

 

[…]

 

Le paragraphe 181(5) donne aussi le droit à l’émetteur [la Banque PC] d’un bon remboursable et d’un montant fixe de demander un crédit de taxe sur les intrants égale à 7/107e de cette valeur lorsque l’émetteur rachète le bon au fournisseur [Loblaw]. En accordant à l’émetteur un crédit de taxe sur les intrants, le paragraphe 181(5) fait en sorte que c’est le montant net global exact de TPS qui est versé au gouvernement pour la fourniture effectuée par le fournisseur […]

 

[76]         On peut déduire de ces notes techniques que le montant fixe doit être établi au moment où l’émetteur (la Banque PC) rachète le bon au fournisseur (Loblaw). Même si l’intimée a raison de dire que le bon n’a pas de valeur monétaire lorsqu’il est émis, ce n’est pas ce que requiert le paragraphe 181(5). Ce que nous devons déterminer, c’est la question de savoir si un montant fixe existe au moment du rachat. Le bon a une valeur monétaire à ce moment-là : il y a un bon de papier ou un dispositif électronique indiquant un montant fixe pour les points échangés; ce montant est appliqué comme réduction sur le prix des produits d’épicerie achetés et il est inscrit sur la facture du client.

 

[77]         Cependant, je suis d’avis que la Banque PC ne devrait pas avoir droit à des CTI sur les points attribués pour des produits PCF, et plus tard rachetés. Je suis en effet arrivée à la conclusion que la fourniture de ces points PC en application de l’ASFid fait partie des services financiers offerts par la Banque PC par l’entremise de la CIBC et ne sont pas soumis à la TPS, car il s’agit de fournitures exonérées. Puisqu’il s’agit de fournitures exonérées, la Banque PC ne les effectue pas dans le cadre d’une activité commerciale.

 

[78]         S’agissant des points attribués pour des fournitures taxables, la Banque PC devrait avoir droit à des CTI lorsqu’elle rachète les points en question.

 

IV.     Pénalités imposées en vertu de l’article 280 de la LTA

 

[79]         Eu égard à la conclusion ci-dessus, les pénalités établies ne sont pas justifiées.

 

V.      Dispositif

 

[80]         L’appel est accueilli, avec dépens en faveur de l’appelante, et la cotisation visée par l’appel est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que les redressements après vérification, pour les exercices terminés le 29 décembre 2001 et le 30 décembre 2002, mentionnés au paragraphe 20 de l’exposé conjoint partiel des faits (reproduit au paragraphe 3 des présents motifs) seront annulés intégralement.

 

[81]         S’agissant des CTI demandés par l’appelante au titre du paragraphe 181(5) de la LTA, l’appelante n’a pas droit à des CTI sur les points attribués pour des produits PCF et par la suite rachetés. L’appelante n’a droit à des CTI que sur les points attribués pour des fournitures taxables et par la suite rachetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’août 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 170

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-2726(GST)G

 

INTITULÉ :                                       LA BANQUE LE CHOIX DU PRÉSIDENT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Al Meghji

Me Sean C. Aylward

Avocat de l’intimée :

Me Ronald MacPhee

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Al Meghji et Sean C. Aylward

 

                          Cabinet :                  Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Durant l’instruction, l’intimée s’est opposée d’entrée de jeu à ce témoignage si son objet était la production de preuves extrinsèques censées requalifier les conditions des deux accords. Invoquant la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, l’avocat de l’intimée a fait valoir que la qualification des fournitures de l’appelante, dans l’ASF, comme fourniture taxable ou fourniture exonérée ne devrait se faire que par référence aux contrats. J’ai accepté le témoignage de M. Lengyell sous réserve de ma décision ultérieure sur la recevabilité de cette preuve testimoniale et sur le poids qui devait lui être accordé. Je suis maintenant d’avis que son témoignage visait simplement à expliquer les fonctions accomplies par l’appelante pour donner effet aux modalités de l’ASF et de l’ASFid, et qu’il n’a pas servi à donner une interprétation subjective de ces contrats, contrairement à ce que craignait l’avocat de l’intimée. Au reste, la preuve n’a pas révélé l’existence d’un différend entre l’appelante et la CIBC sur les modalités des contrats. J’arrive donc à la conclusion que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n’a pas d’application dans la présente affaire, et j’accepte sans réserve le témoignage de M. Lengyell.

[2] Décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2007 CAF 72.

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