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Dossier : 2007-4901(IT)I

ENTRE :

ADELA PINA GILBERT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Pierre Gilbert (2007‑4902(IT)I), le 19 juin 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

 

Dossier : 2007-4902(IT)I

ENTRE :

PIERRE GILBERT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Adela Pina Gilbert (2007‑4901(IT)I), le 19 juin 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 102

Date : 20090424

Dossiers : 2007-4901(IT)I

2007-4902(IT)I

ENTRE :

ADELA PINA GILBERT,

PIERRE GILBERT,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s'agit de deux appels relatifs à l'année d'imposition 1999. Les parties ont convenu de procéder au moyen d’une preuve commune pour leur dossier respectif soit, 2007-4901(IT)I et 2007-4902(IT)I.

 

[2]              Dans les deux dossiers la question en litige est la même; il s’agit de déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») était justifié de refuser aux appelants une perte au titre d’un placement d’entreprise.

 

[3]              Outre la question principale, deux sous-questions ont été soulevées à savoir si la prescription constitue un motif suffisant et valide pour annuler la cotisation; en effet, les appelants soutiennent que les cotisations sont nulles étant donné qu’elles ont été établies après la période de trois ans. Les appelants soumettent finalement que, dans l’hypothèse où les cotisations s’avèreraient confirmée, les intérêts qui y ont été ajoutés devraient être annulés.

 

[4]              Quant à l’intimée, elle soutient, qu’advenant que les appelants relèvent le fardeau de la preuve quant au bien‑fondé de la perte à titre de placement d’entreprise, l’appel devrait être rejeté étant donné que les pertes réclamées doivent être compensées du fait d’avoir bénéficié d’avances considérables de la société en faveur de qui ils ont fait les déboursés à l’origine des pertes réclamées.

 

[5]              La preuve a été constituée du témoignage de l’appelant, Pierre Gilbert, qui a essentiellement témoigné à partir des cahiers de pièces produits sous les cotes respectives A‑1 et A‑2. De son côté, l’intimée a aussi déposé un cahier de pièces sous les cotes I‑1 et I‑2.

 

[6]              L’appelant, à l’aide de son cahier de pièces, a expliqué le cheminement et l’historique de la société Sécovac Inc. Constituée en mai 1996, son épouse et lui en étaient les seuls actionnaires et administrateurs et ce, depuis les tout débuts.

 

[7]              Il a indiqué que la société Sécovac Inc. avait connu un succès rapide et un carnet de commande généralement bien rempli : il a affirmé que la vocation de la société était la conception, la fabrication par des sous-traitants et la vente de séchoirs à bois pour l’industrie du bois d’œuvre.

 

[8]              Il a affirmé que la situation financière s’était très rapidement détériorée à la suite du conflit Canada vs U.S.A. relatif au bois d’œuvre exporté aux États-Unis, le marché de l’exportation du bois vers les États-Unis ayant été lourdement affecté par la mise en place de nouvelles taxes imposées par les américains.

 

[9]              Les producteurs de bois durent alors assumer des coûts additionnels forts importants au point qu’ils ont ralenti leurs activités forestières; plusieurs ont remis en question sinon annuler leur projet d’investissement, le tout ayant, au dire des appelants, des conséquences directes et significatives sur la viabilité économique de la société Sécovac Inc.

 

[10]         La suite des évènements est très bien décrite à l’avis d’appel de l’appelante, au paragraphe 4a) à e) et suivants ainsi qu’aux paragraphes 5, 6, 7, 8, 9 et 10, le tout se lisant comme suit :

 

4.         Après avoir connu un succès intéressant, l’entreprise des contribuables a connu des difficultés en raison de la crise survenue dans l’industrie du bois d’œuvre au Canada, suite aux taxes spéciales à l’importation imposées par les États-Unis dans ce secteur au début  de l’an 2000. Sécovac Inc. a fait cession de ses biens ou faillite le 31 mai 2001 dans les circonstances suivantes :

 

a)         Sécovac Inc., comme personne insolvable, a déposé un avis de l’intention de faire une proposition en vertu de l’article 50.4(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI ») le 30 mars 2001 et Samson Bélair Deloitte & Touche a consenti à agir comme syndic (Pièces P-1 et P-2).

 

b)         La Société a déposé une proposition concordataire entre les mains du syndic en vertu de la LFI, le 3 mai 2001 (Pièce P-3). Les seuls créanciers qui avaient droit de vote sur la proposition étaient le ministère du Revenu du Québec et l’Agence des Douanes et du Revenu du Canada.

 

c)         Cette proposition a fait l’objet d’une recommandation favorable du syndic Samson Bélair Deloitte & Touche en date du 15 mai 2001 (Pièce P-4).

 

d)         Cette proposition a fait l’objet d’un vote défavorable des créanciers lors d’une assemblée qui a débuté le 17 mai 2001 et complétée le 31 mai 2001, et la Société est réputée avoir fait une cession ou faillite ce jour, suite au vote défavorable des créanciers fiscaux (Pièce P-5). L’année fiscale de Sécovac Inc., se terminait le 31 octobre.

 

e)         L’appelante se réfère aussi aux motifs du jugement de la Cour canadienne de l’impôt de l’honorable juge Louise Lamarre Proulx du 17 octobre 2005 (Pièce P-6) et plus particulièrement aux paragraphes [3], [4], [6], [7] et [8].

 

5.                  Au début du mois de mars 2001, avant le dépôt de l’avis de l’intention de faire une proposition auprès du syndic, l’appelante a payé de son compte conjoint personnel, des dettes contractées par Sécovac Inc. envers ses fournisseurs habituels ou "créanciers privilégiés". L’appelante soumet comme preuve, l’état de compte personnel de la banque qui montre  les transactions effectuées ainsi que la copie de chaque chèque en date du 9 mars 2001, avec le nom de chaque créancier pour un paiement total de 68 772 $ (Pièce P-7).

 

6.                  La proposition concordataire ayant été refusée par les créanciers fiscaux, il y a eu cession des biens ou faillite de la Société le 31 mai 2001. Les sommes ainsi avancées par l’appelante pour le bénéfice de Sécovac Inc. ne lui ont pas été remboursées, d’où la réclamation de perte de l’appelante.

 

7.                  L’appelante a considéré cette créance irrécupérable depuis le 31 mai 2001 soit la date de la cession des biens ou faillite de la Société.

 

8.                  L’appelante et son époux ont donc réparti de façon égale le paiement total fait aux fournisseurs habituels, soit 34 386 $ chacun. L’appelante a donc déclaré ces pertes dans sa déclaration d’impôt personnelle de 2001 correspondant à la moitié des dettes qu’elle a payé de son compte conjoint personnel aux fournisseurs habituels ou "créanciers privilégiés" de Sécovac Inc., et qu’elle a voulu payer en pensant que la proposition concordataire avait des chances d’être acceptée.

 

9.                  Comme l’appelante n’avait pas, en 2001, de revenus suffisants pour absorber cette perte, cette perte a été reportée à 1999, puisque les pertes de cette nature peuvent être reportées jusqu’à trois années en arrière. L’appelante et son époux ont donc réparti de façon égale le paiement total fait aux fournisseurs habituels, soit 34 386 $ chacun. C’est ainsi que chacun des appelants a réclamé une perte au titre d’un placement d’entreprise de 17 193 $ en 2001, qu’ils ont reportée en 1999. Soit 50% du montant total payé aux créanciers.

 

10.              L’appelante a donc réclamé une perte au titre de placement d’entreprise de 17 193 $ en 2001, qu’elle a reportée en 1999.

 

[11]         Très articulé, l’appelant a fait une présentation claire et cohérente de tous les faits dont la majorité fut validé par la preuve documentaire pertinente. La preuve ayant trait aux détails des pertes réclamées a d’ailleurs manifestement surpris l’intimée.

 

[12]         Chose très surprenante, lors de la vérification, malgré les nombreuses et précises tentatives d’obtenir les pièces justificatives et certaines informations relatives aux pertes réclamées, l’intimée a toujours échoué, les appelants laissant même croire à ce moment qu’elles avaient été établies d’une manière essentiellement arbitraire. Or, les pièces descriptives des montants payés, d’une précision inattaquable, étaient alors manifestement disponibles.

 

[13]         Certains des allégués de la réponse à l’avis d’appel illustre très bien le pourquoi de la surprise :

 

6.         [. . .]

 

(i) l’appelante n’a jamais fourni à ce jour au MRN les renseignements qui permettent d’identifier et de valider la créance faisant l’objet de la perte; et

 

[. . .]

 

12.       Cette déclaration ne contient aucun renseignement qui permette d’identifier le placement d’entreprise qui fait l’objet de la perte.

 

[. . .]

 

16.       Le 2 juin 2004, le MRN demande à l’appelante de remplir un questionnaire afin d’obtenir les renseignements qui permettent d’identifier et de valider le prétendu placement d’entreprise faisant l’objet de la perte.

 

17.       L’appelante n’a jamais répondu à ce questionnaire.

 

18.       Le 11 juin 2004, l’appelante et son époux affirment au représentant du MRN, en présence de leur procureur de l’époque, que :

 

a)                  ils ne peuvent expliquer la provenance du montant investi dans le placement d’entreprise faisant l’objet de la perte;

 

b)                  ils ne peuvent fournir aucun document démontrant qu’ils ont effectivement investi le montant faisant l’objet de la perte; et

 

c)                  ils ont déterminé de manière arbitraire le montant de la perte au titre d’un placement d’entreprise réclamée.

 

[14]         À la face même de la preuve documentaire soumise par les parties, il apparaît évident que la déconfiture de la société Sécovac Inc. a été acceptée rapidement et très facilement. Le conflit commercial du bois d’oeuvre entre les États-Unis et le Canada constituait sans doute une explication, voire une excuse légitime; étonnamment, il appert que la faillite a appauvri essentiellement le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

 

[15]         Pour ce qui est de la perte à titre de placement d’entreprise, il est tout aussi évident que l’absence de collaboration et le refus systématique à fournir les informations pourtant disponibles, claires et non équivoques visaient tout simplement à gagner du temps, l’écoulement du temps permettant de diluer certaines évidences.

 

[16]         D’autre part, les pertes réclamées découlent essentiellement de l’acquittement des créances détenues par les divers créanciers de la société Sécovac Inc. par les appelants : en d’autres termes, les appelants ont décidé d’acquitter certaines créances de la société dont ils étaient actionnaires quelques temps avant la faillite, créances qui manifestement auraient été éteintes par l’effet de la faillite.

 

[17]         Pour qu’une perte soit admissible, elle doit satisfaire aux exigences prévue  aux alinéas 38 e) et 39(1)c) et aux paragraphes 50(1) et 127(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[18]         La preuve testimoniale et documentaire est claire. Les faits sont également clairs et précis.

 

[19]         Dans un premier temps, je traiterai de l’argument de la prescription. Les cotisations peuvent elles être annulées pour le motif qu’elles sont prescrites?

 

[20]         Les appelants ont soutenu que la prescription est acquise et que les cotisations devraient être annulées sur cette base. Le paragraphe 152(3.1), le sous-alinéa 152(4)b)(i) et l’alinéa 152(6)c) de la Loi se lisent comme suit :

 

152(3.1) Période normale de nouvelle cotisation -- Pour l'application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d'imposition s'étend sur les périodes suivantes :

 

a) quatre ans suivant soit le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l'année, soit, s'il est antérieur, le jour de mise à la poste d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable par lui pour l'année, si, à la fin de l'année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu'une société privée sous contrôle canadien;

 

b) trois ans suivant le premier en date de ces jours, dans les autres cas.

 

152(4) [...]

 

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année et, selon le cas :

 

(i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné,

 

[...]

 

152(6) Nouvelle cotisation en cas de nouvelles déductions [reports rétrospectifs] -- Lorsqu'un contribuable a produit la déclaration de revenu exigée par l'article 150 pour une année d'imposition et que, par la suite, une somme est demandée pour l'année par lui ou pour son compte à titre de :

 

[...]

 

c) déduction, en application de l'article 118.1, relativement à un don fait au cours d'une année d'imposition ultérieure ou, en application de l'article 111, relativement à une perte subie pour une année d'imposition ultérieure.

 

[21]         Ainsi, à partir de ces dispositions, il n’y a aucun doute que les cotisations ne sont aucunement affectées par les dispositions relatives à la prescription. En effet, l’année d’imposition 1999 a fait l’objet d’une cotisation le 4 juillet 2000, d’une demande de report le 8 avril 2002. Des suites d’une vérification en 2004, des cotisations ont été émises le 21 juin 2004 et ratifiées le 28 septembre 2004 dans le dossier de l’appelante et le 13 novembre 2007 pour le dossier de l’appelant.

 

[22]         Le paragraphe 165(3) de la Loi permet au ministre d’examiner de nouveau une cotisation faisant l’objet d’une opposition. Ce paragraphe lui permet, suite à cet examen, de modifier la cotisation en opposition en établissant une nouvelle cotisation. Il est très clair que le paragraphe 165(5) de la Loi lui permet de le faire sans avoir à prendre en considération les limites prévues au paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[23]         En l’espèce, il n’est pas question d’une cotisation émise après que le contribuable s’y soit opposé, mais d’une cotisation établie à la suite d’une décision des appelants de faire le rapport rétrospectif d’une perte. C’est le paragraphe 152(6) de la Loi qui permet au ministre d’établir une telle cotisation malgré le fait que la période normale de nouvelle cotisation établie en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi puisse être prescrite.

 

[24]         Les paragraphes 165(3) et (5) prévoient ce qui suit :

 

165(3) Obligations du ministre – Sur réception de l’avis d’opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l’annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

 

(5) Validité d’une nouvelle cotisation – Les restrictions prévues aux paragraphes 152(4) et (4.01) ne s’appliquent pas aux nouvelles cotisations établies en vertu du paragraphe (3).

 

[25]         La preuve documentaire validée par une preuve circonstancielle découlant du questionnement du syndic et de l’attitude des créanciers est à l’effet que la société Sécovac Inc., était effectivement créancière d’une somme considérable à l’endroit des appelants, le compte d’avance aux administrateurs étant de quelques centaines de milliers de dollars.

 

[26]         L’intimée soutient que les appelants n’ont subi aucune perte à titre de placement d’entreprise puisqu’ils étaient alors débiteurs à l’endroit de la société Sécovac Inc. pour le compte et bénéfice de qui ils ont déboursé les montants à l’origine des pertes réclamées.

 

[27]         L’intimé soutient que les pertes à titre de placement d’entreprise réclamées par les appelants sont éteintes par l’effet de la compensation légale à partir du compte avances aux actionnaires.

 

[28]         Avant de répondre à cette question, je crois d’abord pertinent de répondre à la question à savoir s’il s’agissait véritablement de pertes à titre de placement d’entreprise.

 

[29]         Les appelants ont-ils relevé le fardeau de la preuve requis pour y avoir droit?

 

[30]         La preuve documentaire est déterminante quant aux noms des personnes qui ont reçu le paiement, aux montants payés et aux dates d’où la difficulté à comprendre le pourquoi de l’entêtement des appelants à ne pas en communiquer ces détails lors des demandes de renseignements qui leur ont été communiqués.

 

[31]         Autant cet aspect est clair et non équivoque, autant à l’inverse, la preuve est déficiente quant au pourquoi du paiement de certaines dettes spécifiques de la société Sécovac Inc. et surtout, en quoi et comment ce paiement avait une chance, si minime soit-elle, directe ou même indirecte de générer des revenus ou un profit quelconque.

 

[32]         La société Sécovac Inc. connaît une croissance exceptionnelle sur une courte période. Elle accumule des dettes fiscales très importantes, d’autres dettes courantes s’ajoutent mais d’une importance plutôt marginale compte tenu de la vocation de l’entreprise.

 

[33]         Parallèlement à cette situation, il semble que la société Sécovac Inc. pompe ses surplus ou disponibilités vers les appelants personnellement seuls actionnaires et administrateurs. [À cet effet, j’ouvre une parenthèse à l’effet que je m’explique mal pourquoi le dossier fiscal relatif aux cotisations découlant du compte d’avances aux actionnaires n’a pas été joint au présent dossier d’autant plus que l’intimée plaide la compensation].

 

[34]         Certes, les perceptions, les intentions ou les sous-entendus ont un degré de force probante moins convainquant qu’une preuve constituée de faits et documents incontournables. Par contre, en l’espèce, les dates, les faits et les chiffres établis par le preuve documentaire permettent une conclusion en harmonie avec la dimension plus faible de la preuve.

 

[35]         En effet, les appelants ont déboursé les montants à l’origine de la perte réclamée sur une base essentiellement volontaire sans contrainte ou sans obligation du moins à partir de la preuve disponible dont ils avaient le fardeau.

 

[36]         Pourquoi les appelants ont-ils choisi de payer les créanciers de la société Sécovac Inc.? D’entrée de jeu, la preuve n’a pas expliqué ni justifié ce pourquoi d’où il est très surprenant que des personnes raisonnables manifestent une telle générosité d’autant plus qu’il est écrit à leur avis d’appel ce qui suit :

 

9.   Comme l’appelante n’avait pas, en 2001, de revenus suffisants pour absorber cette perte, cette perte a été reportée à 1999, puisque les pertes de cette nature peuvent être reportées jusqu’à trois années en arrière. L’appelante et son époux ont donc réparti de façon égale le paiement total fait aux fournisseurs habituels, soit 34 386 $ chacun. C’est ainsi que chacun des appelants a réclamé une perte au titre d’un placement d’entreprise de 17 193 $ en 2001, qu’ils ont reportée en 1999. Soit 50% du montant total payé aux créanciers.

 

9.   Comme l’appelant n’avait pas, en 2001, de revenus suffisants pour absorber cette perte, cette perte a été reportée à 1999, puisque les pertes de cette nature peuvent être reportées jusqu’à trois années en arrière. L’appelant et son épouse ont donc réparti de façon égale le paiement total fait aux fournisseurs habituels, soit 34 386 $ chacun. C’est ainsi que chacun des appelants a réclamé une perte au titre d’un placement d’entreprise de 17 193 $ en 2001, qu’ils ont reportée en 1999. Soit 50% du montant total payé aux créanciers.

 

[37]         Bien que la réponse ne soit pas essentielle pour disposer de l’appel, je crois, eu égard à l’ensemble de la preuve, du contexte et des circonstances, que les appelants ont ainsi procédé pour éviter que le paiement soit taxé de préférentiel au détriment des créanciers fiscaux, ainsi susceptible de faire l’objet de procédure de recouvrement, explication pouvant justifier le pourquoi et l’entêtement des appelants à ne pas donner suite aux demandes de renseignements lors de la révision de leur dossier fiscal.

 

[38]          Au moment où les appelants ont décidé sans contrainte légale de rembourser les créanciers de la société Sécovac Inc., il était alors manifeste que la faillite aurait pour effet de rendre irrécupérable les montants déboursés d’une part et d’autre part, ne procurerait aucun rendement de quelque nature; en d’autres termes, il était évident, dès le départ, qu’il s’agissait là de montants perdus définitivement sans aucune possibilité de retour quelconque sinon d’obtenir éventuellement un certain bénéfice fiscal.

 

[39]         Je risque également l’explication voulant que les appelants tenaient à conserver une bonne relation avec une ou des entreprises avec lesquelles ils pourraient éventuellement rétablir des liens d’affaires. Cette hypothèse ne repose sur aucun élément de preuve d’une part et d’autre, et ladite hypothèse ne serait pas pertinente si elle avait été démontrée.

 

[40]         Ainsi, les appelants ont librement choisi de débourser un montant de 34 386 $ chacun pour payer des créanciers de la société Sécovac Inc. dont ils étaient les seuls actionnaires et administrateurs et cela, sans obligation, ni contrainte et sans espoir de quelconque profit ou revenu. Un tel déboursé peut et doit être qualifié de paiement de complaisance ayant un but et des objectifs qui n’ont strictement rien à voir quant à l’une des conditions essentielles pour être déterminé perte à titre de placement d’entreprise.

 

[41]         Je rappelle que le contenu du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi est différent de celui prévu à l’alinéa 2(1)c) de la Loi où il doit y avoir un lien direct entre l’argent emprunté et le revenu espéré. À cet effet le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi se lit comme suit :

 

40(2) Malgré le paragraphe (1) :

 

[…]

 

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d’un bien, dans la mesure où elle est :

 

[…]

 

(ii) une perte résultant de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) d’une entreprise ou d’un bien, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance.

 

[42]         Les appelants réclament l’annulation des intérêts advenant la confirmation du bien fondé des cotisations.

 

[43]         Sur la question des intérêts, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, seul le ministre peut renoncer aux intérêts dus sur une cotisation. Cette renonciation est essentiellement discrétionnaire et est accordée au ministre et non à cette Cour. Une fois une telle demande faite et une décision prise par le ministre, la seule compétence du tribunal est le pouvoir de vérifier si la décision a été rendue conformément aux exigences de la Loi.

 

[44]         Or, la juridiction quant à une telle révision d’une décision du ministre relève exclusivement de la Cour fédérale et non de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[45]         Pour toutes ces raisons, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’avril 2009.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 102

 

Nºs DES DOSSIERS DE LA COUR : 2007-4901(IT)I et 2007-4902(IT)I

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Adela Pina Gilbert et Pierre Gilbert c. sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 19 juin 2008

 

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :   L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DES JUGEMENTS :               Le 24 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

      

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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