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Dossier : 2008-2117(IT)I

ENTRE :

ALANNA D. ISZCENKO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 13 février 2009, à Edmonton (Alberta).

 

 Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Meier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est accueilli, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          La Cour ordonne que le droit de dépôt de 100 $ payé par l’appelante lui soit remboursé.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juin 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 229

Date : 20090427

Dossier : 2008-2117(IT)I

ENTRE :

ALANNA D. ISZCENKO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Introduction

 

[1]          Le présent appel a été interjeté par Alanna D. Iszcenko (l’« appelante ») à l’égard de la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), par laquelle le ministre a imposé à l’appelante une pénalité pour avoir omis de déclarer des revenus pour plus d’une année d’imposition.

 

[2]          Le paragraphe 163(1) de la Loi s’applique au contribuable qui omet de déclarer un revenu pour deux années d’imposition durant une période de quatre années.

 

[3]          Le 24 décembre 2007, le ministre a établi une nouvelle cotisation (la « nouvelle cotisation pour 2006 ») à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2006 et il a envoyé l’avis de nouvelle cotisation le jour même. Dans la nouvelle cotisation pour 2006, le ministre a :

 

a)                 inclus dans les revenus de l’appelante des revenus provenant de 647230 Alberta Ltd. (T5), de Bell Aliant (T3) et d’Altagas Income Trust (T3);

 

b)                imposé pour l’année d’imposition 2006, en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. 1998 ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée), une pénalité de 4 006,80 $ au titre de l’impôt sur le revenu fédéral, ce qui représente une somme égale à 10 % de 40 068 $ – le revenu de dividende versé par 647230 Alberta Ltd. que l’appelante avait omis de déclarer.

 

[4]          Lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation pour 2006 à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)                 l’appelante a reçu de 647230 Alberta Ltd. un revenu de dividende dont le montant réel s’élevait à 32 055,08 $ pour l’année d’imposition 2006;

 

b)                l’appelante était tenue d’inclure le revenu de dividende qu’elle avait reçu de 647230 Alberta Ltd. dans ses revenus, à titre de dividende imposable s’élevant à 40 068 $, pour l’année d’imposition 2006;

 

c)                 l’appelante a omis d’inclure le revenu de dividende provenant de 647230 Alberta Ltd. dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2006;

 

d)                l’appelante a reçu des revenus d’intérêts et de placement de 73 $ et des revenus d’autres sources de 205 $ provenant de la fiducie crée à l’égard du fonds réservé, obtenu sur le marché, MM Fund, ainsi que du fonds de portefeuille dynamique GWL (les « fonds ») pendant l’année d’imposition 2003;

 

e)                 l’appelante était tenue d’inclure les revenus reçus des fonds dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2003;

 

f)                  l’appelante a omis d’inclure les revenus provenant des fonds dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2003;

 

g)                 le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2003 afin d’inclure les revenus provenant des fonds dans les revenus de l’appelante pour cette année d’imposition là.

 

[5]        Les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’était fondé n’ont pas été contestées. En résumé, l’appelante a témoigné que son époux était décédé pendant la période en cause. Après le décès de l’époux de l’appelante, le beau‑père de l’appelante a fait en sorte que 647230 Alberta Ltd. (la « société ») vende l’immeuble dont la société était propriétaire. Cet immeuble servait de local à un magasin de fleurs que la société exploitait. Après la vente de l’immeuble, l’appelante a reçu une distribution de 32 055,08 $ de la société.

 

[6]          L’appelante a soutenu que deux facteurs avaient fait qu’elle avait omis de déclarer le revenu de dividende. D’abord, elle avait demandé à son beau‑père s’il y avait des documents ou des formulaires qu’elle devait donner à son comptable relativement à la distribution qu’elle avait reçue de la société. Le beau‑père de l’appelante lui a répondu que non. L’appelante a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une situation anormale, car elle avait déjà reçu un remboursement de capital relatif à ses actions de la société. L’appelante croyait à tort que la société n’avait pas réalisé de bénéfice en vendant l’immeuble et que les actionnaires avaient simplement récupéré une partie de leur placement initial. Le beau‑père de l’appelante a renforcé l’erreur de l’appelante en lui disant qu’elle n’avait rien à déclarer relativement à la transaction.

 

[7]        Le second facteur invoqué par l’appelante est l’état d’esprit dans lequel elle a été plongée à la suite du décès, apparemment très soudain, de son époux. L’appelante a affirmé avoir été extrêmement déprimée et avoir eu de la difficulté à composer avec le vide que ce décès avait laissé dans sa vie. Pour cette raison, l’appelante n’a pas remis en cause les conseils de son beau‑père, qui était responsable de la vente de l’immeuble en question. Le beau‑père de l’appelante était aussi responsable des relations avec les vérificateurs externes de la société, notamment pour la préparation des formulaires fiscaux nécessaires, le cas échéant, pour faire rapport de la transaction au sein de la société et aux actionnaires.

 

[8]          Après avoir fait l’objet d’une vérification et après que la nouvelle cotisation pour 2006 ait été établie à l’égard de l’appelante pour avoir omis de déclarer le dividende imposable provenant de la société, l’appelante a communiqué avec son beau‑père. Elle a témoigné que c’est seulement à ce moment‑là qu’elle a appris que son beau‑père ne lui avait pas remis les formulaires fiscaux qu’il avait reçus des vérificateurs externes.

 

II.                Questions en litige

 

[9]          En l’espèce, les questions en litige sont de savoir si :

 

a)                 la pénalité de 4 006,80 $ imposée à l’appelante en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi pour l’année d’imposition 2006 est bien fondée;

 

b)                je peux accorder les conclusions recherchées par l’appelante.

 

III.     Analyse

 

[10]     L’avocate de l’intimée a soutenu que le paragraphe 163(1) crée une responsabilité absolue. Elle a affirmé que pour pouvoir imposer une pénalité, le ministre doit établir que le contribuable a omis de déclarer des revenus dans deux déclarations de revenus produites pour deux années d’imposition distinctes, le tout dans une période de quatre années. Elle a aussi dit que la Cour n’a pas le pouvoir d’annuler la pénalité imposée par le ministre lorsque les conditions exposées ci‑dessus sont réunies, et que seul le ministre peut, à sa discrétion, annuler une pénalité imposée en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi ou renoncer à son imposition. L’avocate de l’intimée a cité les décisions rendues par la Cour dans les affaires Saunders[1] et Lestage Giguère[2] pour appuyer la position du ministre.

 

[11]     L’avocate de l’intimée a raison de dire que le ministre doit démontrer que l’appelante a omis deux fois de déclarer des revenus pour pouvoir appliquer le paragraphe 163(1) de la Loi. Cela étant dit, il faut quand même que la conduite de l’appelante ait constitué une « omission ». Bref, l’appelante doit être la personne qui a omis de déclarer des revenus dans les deux cas. La question fondamentale est donc de savoir si la conduite de l’appelante dans la présente affaire constituait une omission, ou si cette omission était plutôt attribuable à la conduite d’une autre personne, auquel cas l’appelante pourrait se défendre en invoquant la diligence raisonnable. Mon collègue, le juge Mogan, a accepté une défense de ce genre dans l’affaire Khalil[3], où il s’est prononcé de la sorte :

 

[13]      Je ne peux pas conclure qu’une personne a « omis de déclarer un [...] montant » au sens du paragraphe 163(1) quand cette personne sait (i) que le montant devait lui être versé à titre de revenu par un payeur particulier, (ii) que le payeur a retenu au titre de l’impôt sur le revenu à remettre à Revenu Canada une certaine partie de ce montant, (iii) que le payeur lui a versé en réalité seulement le solde qui restait après déduction de l’impôt retenu, et (iv) que le payeur était tenu de déclarer à Revenu Canada, sur un formulaire prescrit par Revenu Canada, le montant brut payable à cette personne ainsi que la partie retenue et remise à titre d’impôt. En conséquence, je ferai droit à l’appel. Si j’ai raison dans mon interprétation du paragraphe 163(1), il n’existe pas d’omission antérieure de déclarer en ce qui concerne les intérêts de 320,12 $ reçus de la Banque Royale du Canada.

 

[14]      Si mon interprétation du paragraphe 163(1) devait s’avérer erronée, alors je demanderais au ministre, avec tout le respect que je lui dois, qu’il envisage d’exercer le pouvoir discrétionnaire, que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi, de renoncer à la totalité ou presque de la pénalité imposée relativement aux revenus provenant de Symcor ou d’annuler cette pénalité.

 

[12]     J’ai choisi d’adopter les deux conclusions du juge Mogan. En résumé, je ne peux pas conclure que l’appelante a omis de déclarer le montant de 40 068 $ dans ses revenus à titre de dividende imposable reçu de la société, car elle avait demandé à son beau‑père s’il existait des formulaires fiscaux qu’elle devait fournir relativement à la vente de l’immeuble de la société et celui‑ci lui avait dit que non. Le beau‑père de l’appelante lui a ainsi fait croire que le montant qu’elle avait reçu constituait un remboursement de capital non imposable.

 

[13]     Si mon interprétation du paragraphe 163(1) de la Loi devait s’avérer erronée, je demanderais alors au ministre, avec tout le respect que je lui dois, qu’il envisage d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi de façon à tenir compte de l’état troublé dans lequel se trouvait l’appelante à la suite du décès de son époux. Il est bien connu que les personnes souffrant de dépression peuvent avoir des problèmes de concentration qui les empêchent d’exécuter des tâches qui sont simples pour des personnes en bonne santé.

 

[14]     L’appel est accueilli, sans dépens.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’avril 2009.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juin 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 229

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-2117(IT)I

 

INTITULÉ :

Alanna D. Iszcenko et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Meier

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Saunders c. La Reine, 2006 CCI 51, [2006] 2 C.T.C. 2255.

[2] Lestage Giguère c. La Reine, 2005 CCI 201, [2007] 5 C.T.C. 2217.

[3] Khalil v. R., 2002 CarswellNat 2669, [2003] 1 C.T.C. 2263.

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