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Dossier : 2007-4612(IT)I

ENTRE :

GÉRARD GOULET,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 3 octobre 2008, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

 

M. Gail Pilon

Avocate de l'intimée :

Me Valérie Tardif

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2003 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mai 2009.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 127

Date : 20090519

Dossier : 2007-4612(IT)I

ENTRE :

GÉRARD GOULET,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              L’appelant a acquis sur le marché secondaire des billets et effets de commerce (les « titres de créance ») en 2002 et 2003, et ce, à escompte[1]. L’appelant a détenu ces titres de créance pour des périodes allant de 27 jours à 90 jours. Ces titres de créance ne portaient pas intérêt. Toutefois, le taux de rendement est clairement précisé pour chaque titre de créance[2], ce qui permettait ainsi à l’appelant de connaître son taux de rendement. Je note immédiatement que l’appelant n’a pas fait la preuve que le taux de rendement était plus élevé que le taux du marché. Ces titres de créance ont été remboursés par leurs émetteurs en 2003, et ce, à leurs échéances. Dans sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2003, l’appelant a traité les différences entre les prix de rachat de ces titres de créance et leurs coûts d’acquisition (en l’espèce un montant de 30 164 $) comme des gains en capital. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de l’appelant une nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2003 dans laquelle il a conclu que les écarts entre les prix de rachat de ces titres de créance et leurs coûts d’acquisition constituaient plutôt des intérêts, d’où le présent appel.

 

Position de l’intimée

 

[2]              L’intimée soutient essentiellement que le rendement sur les titres de créance doit être traité comme un revenu en intérêt en vertu des paragraphes 12(4) et (9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et 7000(1) et (2) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »).

 

Position de l’appelant

 

[3]              Les parties pertinentes des représentations écrites de l’appelant méritent d’être citées :

 

 

DÉBUT DU PLAIDOYER

 

Monsieur le Juge,

 

L’intimée ne peut invoquer dans ses prétentions l’application de l’alinéa 7000(1)a) et de l’application du paragraphe 12(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, car celui-ci ne s’applique pas au contexte du papier commercial. Pas plus que l’article 12(4) soulevé lors du plaidoyer de Me Tardif car celui-ci est lié à 12(9) et précise seulement la procédure d’application.

 

Les articles qui s’appliquent sont plutôt :

 

a)      Section B – Calcul du revenu, Sous-section c – Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles;

 

b)      l’article 38 : Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible;

 

c)      l’article 39(1)a) : Sens de gain en capital et de perte en capital;

 

d)      l’article 39(3) : Gains relatifs à l’achat d’obligations, etc. par l’émetteur;

 

a)      l’excédent éventuel du montant pour lequel le contribuable a émis le titre sur le prix d’achat que le contribuable a payé ou est convenu de payer pour le titre est réputé représenter un gain en capital, pour le contribuable, tiré pour l’année d’imposition, de la disposition d’une immobilisation;

 

b)      l’excédent éventuel du prix d’achat que le contribuable a payé ou est convenu de payer pour le titre sur le plus élevé du principal du titre et du montant pour lequel celui-ci a été émis par le contribuable est réputé représenter une perte en capital, pour le contribuable, résultant, pour l’année d’imposition, de la disposition d’une immobilisation,

 

e)      l’article 39(6) : Définition de « titre canadien ».

 

Dans un premier temps, il est vrai qu’il n’est pas évident pour un contribuable de déterminer le traitement fiscal du rendement de ces titres. D’ailleurs le bulletin d’interprétation IT-114 2.1.4., annexé à la présente (annexe 1), y fait référence :

 

La Loi de l’impôt sur le revenu est avare de dispositions concernant le traitement fiscal des escomptes et des primes sur les titres de créances.

 

A qui doit-on se référer dans ces situations Monsieur le Juge?

 

Je pense que l’appelant a bien fait en se basant sur les renseignements qu’il a obtenus des employés de l’Agence du revenu du Canada. Et c’est sur la base des renseignements obtenus que les revenus ont été traités comme du gain en capital, d’autant plus qu’aucun feuillet de renseignements (T5 ou autre) n’a été émis par l’institution financière.

 

Même l’Agence du revenu du Canada n’a pu confirmer dans son projet de cotisation à quel article de loi l’appelant pouvait se référer se contentant de dire qu’il fallait appliquer les principes comptables généralement reconnus. D’ailleurs l’agente d’examen Mme Danielle Cloutier a avoué dans son témoignage à la Cour qu’elle n’avait aucune formation en fiscalité.

 

Au surplus, l’appelant considère avoir utilisé le même traitement fiscal ou la même pratique d’une année à l’autre, méthode accepté par le ministère. Sur le bulletin d’interprétation IT-479R alinéa 25c), annexé à la présente (annexe 2), on nous dit :

 

Le Ministère accepte cependant que des gains ou des pertes soient considérés au titre de capital si cette pratique est suivie d’année en année.

 

Ce qui est très important de considérer également c’est la nature « risqué » de ces placements qui impose un taux de rendement plus élevés. Compte tenu que ces titres sont non garantis, on ne peut considérer l’escompte comme étant l’équivalent d’un intérêt. Je vous réfère aux critères énoncés par Lord Greene dans l’arrêt Lomax v. Dixon & Son, Ltd (annexe 3) :

 

Les taux d’intérêt plus élevés qui sont imposés en raison des risques inhérents au prêt seraient réputés constituer un élément de capital.

 

et au bulletin d’interprétation IT-114 2.1.4.3 (annexe 1) ou l’on nous dit :

 

Ainsi, dans le cadre de l’émission d’une obligation sur le marché secondaire, s’il est admis que le rabais ne provient pas de la première émission du titre, et qu’il ne tombe pas sous l’égide des dispositions réglementaires, l’escompte ne sera pas traité comme de l’intérêt mais plutôt comme un revenu d’entreprise ou un gain en capital selon que l’acheteur se qualifie d’investisseur ou non.

 

Au niveau du droit, Me Valérie Tardif n’a trouvé aucune jurisprudence sur 12(9) et celle qui y réfère O’Neil v. Minister of National Revenue (annexe 4), eh bien la Juge Lamarre Proulx en vient à la conclusion que les articles 12(9) et le règlement 7000 ne s’appliquent pas sur des titres de créances à court terme comme c’est le cas qui nous concerne :

 

Subsection 12(9) and Regulation 7000 invoked by counsel for the Respondent in the Reply, though not of application here, as these sections would apply for an investment instrument of a long duration and here the instrument had a six-month life, confirm however that instruments with no stated interest are deemed to be carrying on a yearly interest calculated in a prescribed manner.

 

En ce qui concerne la décision de Gestion Guy Ménard du juge Dussault dont fait référence Me Tardif, eh bien je regrette mais on ne parle pas du tout de la même nature de titre. On ne peut comparer les Bons du Trésor ou les acceptations bancaires au papier commercial mais pas du tout.

 

Les bons du trésor du gouvernement du Canada sont des titres de créance émis par le gouvernement fédéral qui offrent un niveau élevé de sécurité du capital et du revenu.

 

L’acceptation bancaire est un billet émis à un client dont le capital et l’intérêt sont garantis par une banque.

 

Le papier commercial est un billet à court terme non garanti émis par des sociétés financières et non financières. Il est habituellement offert à escompte.

 

D’ailleurs l’appelant est bien familier avec les bons du trésor et les acceptations bancaires et a toujours déclaré les revenus de ces titres comme des intérêts.

 

Me Tardif nous réfère également aux commentaires de McCarthy Tétrault mais ce document ne peut pas être retenu parce qu’il ne s’applique pas dans le cas présent compte tenu de la Loi de l’impôt.

 

Je me permets de vous soumettre Monsieur le Juge un document annexé à la présente (annexe 5) qui provient de la Collection fiscale du Québec – Octobre 2006 Requête : gain en capital – intérêts. Dans ce document au point 2.3.2.4 Escompte ou prime sur l’achat d’une obligation paragraphe 3), on propose une méthode à suivre « Le test de Revenu Canada » pour déterminer la nature de l’escompte ou de la prime sur un titre de créance. Si dans le cas présent on fait le test, on constate qu’au point b) et c) on ne peut répondre affirmativement à ces deux questions et on en vient à la conclusion que l’escompte doit être traité comme du gain de capital.

 

Monsieur le Juge je retiens également un de vos commentaires pendant le plaidoyer de Me Tardif que je considère très important à savoir quel est le traitement fiscal d’un titre dont la société fait faillite et que le contribuable récupère zéro.

 

« Comment vous auriez traité la perte? »

 

Bien sûr qu’il en résulte une perte en capital. Le ministère ne permet pas de déduire cette perte des autres revenus à 100%. Ne faut-il donc pas considérer le traitement de la perte dans l’évaluation du cas contraire? Je pense que oui. Le Ministère dans les lois et moyens reconnaît que des titres de créances ou autres, traités comme du gain en capital, doivent être traités également comme des pertes en capitales.

 

Prenons également la crise des prêts à risque actuel qui démontre clairement la fragilité de ces placements aucunement garantis et qui sont traités comme des pertes en capitales.

 

Au soutien de la présente plaidoirie, je joins en annexe (annexe 6) une lettre de conformité du Ministère du revenu du Québec d’un dossier connexe informant l’intimée que ses déclarations fiscales pour les années visées étaient conformes aux lois fiscales en vigueur.

 

Finalement Monsieur le Juge, je ne crois pas que l’intimée ait démontré clairement que le traitement du rendement sur les titres de créances non garantis devait être ajouté aux revenus de l’appelant comme des intérêts. Il y a plusieurs hésitations et suppositions dans la plaidoirie de Me Tardif;

 

« Oui, 12(4) s’applique un peu, si on veut »

 

« Je n’ai trouvé aucune jurisprudence sur 12(9) et à 7000, mais qui est… dans lesquels, là, ce qui est en litige, c’est pas des titres de créances. »

 

Le tribunal doit plutôt retenir les articles de la Loi de l’impôt 38, 39(1)a), 39(3)a) et b) et l’article 39(6) dans sa décision.

 

En conséquence, je considère que l’appelant était justifié de traiter ce rendement comme du gain de capital pour les motifs invoqués et au surplus du doute raisonnable constaté dans les documents, bulletins et jurisprudences.

 

 

Dispositions légales

 

[4]              Les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement se lisent comme suit :

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

12. (1) Sommes à inclure dans le revenu -- Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

 

[. . .]

 

c) Intérêts -- sous réserve des paragraphes (3) et (4.1), les sommes reçues ou à recevoir par le contribuable au cours de l'année (selon la méthode qu'il suit normalement pour le calcul de son revenu) à titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts, dans la mesure où ces intérêts n'ont pas été inclus dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

 

(4) Intérêts courus -- Sous réserve du paragraphe (4.1), le contribuable, sauf celui auquel le paragraphe (3) s'applique, qui, au cours d'une année d'imposition, détient un intérêt dans un contrat de placement le jour anniversaire du contrat doit inclure dans le calcul de son revenu pour l'année les intérêts courus en sa faveur sur le contrat jusqu'à la fin de ce jour, dans la mesure où ceux-ci n'ont pas été inclus par ailleurs dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure.

 

(9) Intérêts réputés courus -- Pour l'application des paragraphes (3), (4) et (11) et 20(14) et (21), dans le cas où un contribuable acquiert, à un moment donné, un droit sur une créance visée par règlement, un montant calculé selon les modalités réglementaires est réputé courir en sa faveur à titre d'intérêts sur cette créance au cours de chaque année d'imposition où il détient le droit.

 

(11) Définitions -- Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« contrat de placement » En ce qui concerne un contribuable, toute créance, sauf les suivantes :

 

a) les ententes d'échelonnement du traitement ou un régime ou mécanisme qui constituerait une telle entente compte non tenu des alinéas a), b) et d) à l) de la définition de « entente d'échelonnement du traitement » au paragraphe 248(1);

 

b) les conventions de retraite ou un régime ou mécanisme qui constituerait une telle convention compte non tenu des alinéas a), b), d) et f) à n) de la définition de « convention de retraite » au paragraphe 248(1);

 

c) les régimes de prestations aux employés ou un régime ou mécanisme qui constituerait un tel régime compte non tenu des alinéas a) à e) de la définition de « régime de prestations aux employés » au paragraphe 248(1);

 

d) les mécanismes de retraite étrangers;

 

e) les obligations à intérêt conditionnel;

 

f) les débentures à intérêt conditionnel;

 

g) les obligations pour le développement de la petite entreprise;

 

h) les obligations pour la petite entreprise;

 

i) les obligations pour lesquelles le contribuable a inclus, à des intervalles périodiques d'un an ou moins et autrement que par application du paragraphe (4), dans le calcul de son revenu tout au long de la période pendant laquelle il détenait un intérêt dans l'obligation, le revenu qui s'est accumulé pendant ces intervalles;

 

j) les obligations relatives à un compte de stabilisation du revenu net;

 

k) les titres de créance indexés;

 

l) les contrats visés par règlement.

 

« jour anniversaire » Dans le cas d'un contrat de placement, les jours suivants :

 

a) le jour qui est un an après la veille de la date d'établissement du contrat;

 

b) le jour qui revient à intervalles successifs d'un an après le jour déterminé à l'alinéa a);

 

c) le jour où il est disposé du contrat.

 

 

Règlement de l’impôt sur le revenu

 

7000. (1) [Créance prescrite] -- Pour l'application du paragraphe 12(9) de la Loi, est une créance visée chacune des créances suivantes (sauf celles constatées par un titre de créance indexé) sur laquelle un contribuable a acquis un droit :

 

a) une créance sur le principal de laquelle aucun intérêt n'est stipulé,

 

[. . .]

 

Pour l'application du présent paragraphe, une créance comprend l'obligation incombant à l'émetteur de verser, sur la créance, un montant au titre du principal ou des intérêts.

 

(2) [Intérêt réputé sur une créance prescrite] -- Pour l'application du paragraphe 12(9) de la Loi, le montant qui est réputé courir sur une créance à titre d'intérêts en faveur d'un contribuable au cours de chacune des années d'imposition pendant laquelle ce dernier détient un droit sur la créance correspond au montant suivant :

 

a) dans le cas d'une créance visée à l'alinéa (1)a), les intérêts qui seraient déterminés à l'égard de la créance s'ils étaient calculés pour cette année sur une base d'intérêts composés, suivant le maximum des taux dont chacun est un taux établi, à la fois :

 

(i) à l'égard de chaque circonstance dans laquelle le droit du contribuable sur la créance pourrait venir à échéance ou être racheté ou remboursé,

 

(ii) à partir d'hypothèses concernant le taux d'intérêt et la fréquence de capitalisation des intérêts qui, une fois appliquées, donnent la valeur actualisée, à la date d'achat du droit, des paiements maximaux prévus par la créance, cette valeur étant égale au coût du droit pour le contribuable;

 

[. . .]

 

(5) [Calculs de l'intérêt] -- Aux fins des calculs visés aux alinéas (2)a), b) c) et c.1), la fréquence de capitalisation de l'intérêt ne peut dépasser un an, et le taux d'intérêt appliqué doit être constant à partir de l'acquisition ou de l'émission, selon le cas, de la créance jusqu'à l'échéance, le rachat ou le remboursement de celle-ci.

 

[. . .]

 

Analyse et conclusion

 

[5]              Il ressort essentiellement des dispositions de la Loi citées ci-dessus qu’un contribuable qui détient une créance prescrite au sens du paragraphe 7000(1) du Règlement doit calculer des intérêts réputés selon la formule au paragraphe 7000(2) du Règlement et les inclure annuellement dans le calcul de son revenu selon les dispositions du paragraphe 12(4) de la Loi.

 

[6]              En effet, le paragraphe 12(9) de la Loi dispose que, lorsqu’un contribuable acquiert à une date quelconque une participation dans une créance prescrite, un montant calculé de la manière prescrite est réputé courir en sa faveur à titre d’intérêts sur cette créance au cours de chaque année d’imposition où il détient la participation. Les créances prescrites dont il est question au paragraphe 12(9) de la Loi comprennent « une créance sur le principal de laquelle aucun intérêt n’est stipulé ». Au paragraphe 7000(2) du Règlement, on retrouve la méthode de calcul de l’intérêt réputé des créances prescrites aux fins du paragraphe 12(9) de la Loi. De façon plus spécifique, à l’alinéa 7000(2)a) du Règlement, on retrouve la méthode de calcul de l’intérêt présumé d’une « créance sur le principal de laquelle aucun intérêt n’est stipulé » aux fins du paragraphe 12(9) de la Loi. La méthode de calcul de l’intérêt réputé prévue à l’alinéa 7000(2)a) du Règlement nous permet de calculer l’intérêt réputé de jour en jour pendant la période au cours de laquelle l’individu détient une participation dans une créance sur le principal de laquelle aucun intérêt n’est spécifié. Par conséquent, il m’apparaît erroné de prétendre que les dispositions aux paragraphes 12(4) et 12(9) de la Loi ne s’appliquent qu’aux créances prescrites de longue durée. Je souligne immédiatement que les paragraphes 12(9) de la Loi et 7000(2) du Règlement ne disposent aucunement que leurs règles ne s’appliquent qu’aux individus qui détiennent des créances prescrites acquises au moment de leur émission ou établissement. En d’autres termes, je suis d’avis que les paragraphes 12(9) de la Loi et 7000(2) du Règlement s’appliquent aussi aux contribuables qui détiennent des créances prescrites acquises sur le marché secondaire. Les commentaires suivants de Canada Tax Service sur l’application du paragraphe 12(9) de la Loi à l’égard des créances prescrites acquises sur le marché secondaire sont d’ailleurs très convaincants :

 

«Where such an instrument is purchased by a second or subsequent purchaser in a secondary market transaction, the amount of the original issue discount itself is disregarded and the rule operates so as to accrue over the period until maturity the difference between the price paid for the instrument and its value at maturity, again on the basis of an effective interest calculation utilizing annual or more frequent compounding»[3]

 

[7]              Par ailleurs, le paragraphe 12(4) de la Loi oblige à un individu qui détient un intérêt dans un « contrat de placement », selon la définition au paragraphe 12(11) de la Loi, le « jour anniversaire  du contrat », également selon la définition au paragraphe 12(11) de la Loi, d’inclure dans le calcul de son revenu pour l’année les intérêts courus ou réputés courus en vertu du paragraphe 12(9) de la Loi jusqu’à la fin de ce jour. Le paragraphe 12(11) de la Loi prévoit qu’un « contrat de placement » est toute créance, sauf celles qui y sont énumérées. Par ailleurs, le paragraphe 12(11) de la Loi définit le « jour anniversaire » d’un contrat de placement comme étant les jours suivants :

 

a)       le jour qui est un an après la veille de la date d’établissement du contrat;

 

b)      le jour qui intervient à intervalles successifs d’un an après le jour déterminé ci-dessus;

 

c)       le jour où il est disposé du contrat.

 

[8]              En l’espèce, les titres de créance qui font l’objet du présent litige sont des créances prescrites, puisqu’elles sont des créances sur le principal desquelles aucun intérêt n’est stipulé. Ces titres de créance sont aussi des « contrats de placement » au sens du paragraphe 12(11) de la Loi, puisqu’ils ne font pas partie des créances exclues énumérées à ce paragraphe. Par conséquent, le ministre était en droit de traiter le rendement (en l’espèce un montant de 30 164 $) de ces titres de créance comme de l’intérêt en vertu des dispositions des paragraphes 12(4) et 12(9) de la Loi et 7000(1) et 7000(2) du Règlement.

 

[9]              Le fait qu’un titre de créance comporte un risque plus élevé n’a pas pour effet, à mon avis, de modifier ou d’empêcher l’application des dispositions aux paragraphes 12(4) et 12(9) de la Loi et 7000(1) et 7000(2) du Règlement. Je note enfin que l’appelant n’a pas fait la preuve que le taux de rendement des titres de créance qui font l’objet du présent litige était plus élevé que le taux du marché. De ce fait, les enseignements énoncés par lord Greene dans l’arrêt Lomax[4] ne peuvent s’appliquer en l’espèce. Quant au bulletin d’interprétation IT-114 auquel l’appelant s’est référé à maintes reprises, je souligne non seulement qu’un bulletin d’interprétation n’a pas force de loi, mais aussi que le bulletin fut annulé le 10 juin 1994.

 

[10]         Enfin, si les paragraphes 12(4) et 12(9) de la Loi et 7000(1) et 7000(2) du Règlement devaient ne pas s’appliquer aux créances qui font l’objet du présent litige, je suis d’avis (compte tenu de la jurisprudence[5] portant sur la notion d’intérêt) que le rendement des créances (en l’espèce, un montant de 30 164 $) devrait être inclus à titre d’intérêt dans le calcul du revenu de l’appelant pour son année d’imposition 2003, et ce, en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi.

 

[11]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mai 2009.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 127

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4612(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GÉRARD GOULET ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 3 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 19 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

 

M. Gail Pilon

Avocate de l'intimée :

Me Valérie Tardif

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]               Voir les pièces I-1, I-2 et I-3.

[2]               Voir la pièce I-2.

[3]               Analysis/Commentary - Canada Tax Service - McCarthy Tétrault Analysis, 12(3)-(9.1), p. 12, 25 août 1999.

[4]               Lomax v. Dixon & Son, Ltd. (1943), 25 T.C. 353.

[5]               Lord Howard de Waldens v. Beck (1940), 23 T.C. 384; Hall v. M.N.R. (1970), 70 D.T.C. 6333; National Provident Institution v. Brown, [1921] 2 A.C. 222; Lomax v. Dixon & Son, Ltd., précité.

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