Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2004-3945(IT)G

ENTRE :

GESTION FORET-DALE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 février et le 8 mai 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

 

Me Paul Ryan et Me Kathy Kupracz

 

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 1996 est rejeté avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2009.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

Référence : 2009 CCI 255

Date : 20090521

Dossier : 2004-3945(IT)G

ENTRE :

GESTION FORET-DALE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre de l’avis de cotisation émis par le Ministre du revenu du Canada (le « ministre ») en date du 27 mai 2002 relativement à l’année d’imposition de l’appelante terminée le 30 juin 1996 en vertu duquel il est réclamé à l’appelante un impôt en vertu de la Partie IV de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e Suppl.), telle que modifiée (la « Loi ») au montant de 113 289 $, une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi au montant de 56 644 $ et des intérêts au montant de 91 724,39 $.

 

[2]              Le contexte dans lequel les opérations, qui ont donné lieu à la cotisation, se sont déroulées, est décrit aux paragraphes 1 à 13 de l’avis d’appel qu’il y a lieu de reproduire :

 

                              1.      Dans le cadre d’une réorganisation à l’intérieur du groupe corporatif de « Armatures G. Roy Inc. », les transactions suivantes ont été planifiées et exécutées :

 

(a)  vente, par M. Gaston Roy, en faveur de 9022-3512 Québec Inc., des actions détenues dans le capital-actions de 2843-0692 Québec Inc.;

(b)     rachat d’actions par 9022-3512 Québec Inc., en faveur de 2174‑1269 Québec Inc. (soit l’Appelante, connue aujourd’hui sous le nom de Gestion Forêt-Dale Inc.);

                  2.            Les aspects fiscaux de cette transaction ont été confiés à la firme « Roy, Tardif, Desrochers, Dumont, c.a. » (aujourd’hui connue sous le nom de « Roy, Desrochers, Lambert, c.a., s.e.n.c. »);

                  3.            L’examen des enjeux au plan fiscal et les négociations entre les parties se sont déroulés au printemps de 1995;

                  4.            Au niveau des parties impliquées, une entente de principe est intervenue vers le mois de juin 1995;

                  5.            À ce moment, il a été convenu que la date effective de la transaction serait le 1er juillet 1995;

                  6.            Cette date a été retenue principalement en raison du fait que l’exercice financier des compagnies concernées se terminait le 30 juin, de telle sorte que le choix des parties était d’établir les transactions sur la base des données financières des compagnies concernées au 30 juin 1995;

                  7.            Par conséquent, pour finaliser la documentation confirmant l’entente de principe, il était donc nécessaire d’avoir accès aux états financiers préparés pour l’exercice terminé le 30 juin 1995;

                  8.            Le notaire Jean Boudreau a été mandaté pour préparer la documentation pertinente;

                  9.            Il a été convenu que la documentation pertinente serait signée plus tard, soit dès que les états financiers au 30 juin 1995 seraient disponibles, mais que les documents signés porteraient la date du 1er juillet 1995, date effective de la transaction convenue entre les parties;

              10.            Cette situation a été présentée aux contribuables, dont l’actionnaire principal de l’Appelante, M. Gaston Roy, comme normale et courante, dans les transactions corporatives et fiscales complexes de ce genre;

              11.            Au plan fiscal, la manière de procéder recommandée par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont, c.a., a été consignée dans un document intitulé « Projet de réorganisation corporative », dont une première version a été émise le 7 avril 1995 et dont une version mise à jour a été émise en juin 1995;

              12.            Les états financiers pour l’exercice terminé le 30 juin 1995, sont devenus disponibles le 19 septembre 1995 et, selon le vœu des parties, les documents ont été signés rapidement après cette date, puisque la séance de clôture a eu lieu le 26 septembre 1995;

              13.            Compte tenu de la nature complexe de la transaction, il était nécessaire, aux fins du « Projet de réorganisation corporative » préparé par les comptables, que les documents soient signés dans une séquence chronologique, de telle sorte que les documents portent tous la date du 1er juillet 1995, mais à des heures différentes.

 

[3]              Après la séance de clôture du 26 septembre 1995, les comptables ont constaté qu’une erreur avait été commise dans la séquence des documents préparés par le notaire Jean Boudreau, puisqu’il fallait émettre, avant le rachat d’actions par 9022-3512 Québec Inc. en faveur de l’appelante, d’autres actions comportant droit de vote pour faire en sorte que les compagnies concernées soient rattachées au sens de la Loi, au moment du rachat par 9022-3512 Québec Inc., des 26 133 actions catégorie E détenues par l’appelante pour une contrepartie de 392 000 $.

 

[4]              L’émission et le rachat de 115 000 actions catégorie B comportant droit de vote de 9022-3512 Québec Inc., soit les actions utilisées pour créer le rattachement, n’apparaissaient pas dans la planification de la réorganisation corporative préparée par les comptables mais ces derniers prétendent que l’intention des parties étaient de faire en sorte que les compagnies concernées soient rattachées aux fins de la Loi puisque le projet de réorganisation corporative a fait état d'un calcul du « revenu gagné accumulé » dans un contexte de l’application possible du paragraphe 55(2) de la Loi. Selon les comptables, le paragraphe 55(2) de la Loi n’aurait pas été applicable si les compagnies concernées n’avaient pas été rattachées au moment du rachat des actions catégorie E. Selon l’appelante et ses représentants, les actions catégorie E auraient dû être votantes plutôt que non-votantes.

 

[5]              Pour corriger l’erreur, deux nouvelles résolutions datées du 1er juillet 1995 ont été insérées dans la séquence des opérations qui ont été réalisées en date du 1er juillet 1995. Une première résolution pour émettre à 7h45 115 000 actions catégorie B de 9022-3512 Québec Inc. en faveur de l’appelante. Une deuxième résolution de 9022-3512 Québec Inc. prévoyait le rachat à 17h45 des 115 000 actions catégorie B détenues par l’appelante.

 

[6]              Suite à la signature de ces nouvelles résolutions par les contribuables concernés, les comptables ont réalisé que la première des deux résolutions additionnelles avait été insérée trop tôt dans la séquence des opérations qui sont survenues dans la journée du 1er juillet 1995 dont l’effet aurait été d’entraîner des conséquences fiscales non prévues et non désirées, soit l’application possible de l’article 84.1 de la Loi.

 

[7]              Pour corriger la situation, une nouvelle résolution a été adoptée par le conseil d’administration de 9022-3512 Québec Inc. afin d’émettre 115 000 actions catégorie B en faveur de l’appelante laquelle portait cette fois-ci l’heure de 16h45.

 

[8]              Le ministre a refusé de donner effet aux résolutions additionnelles de 9022‑3512 Québec Inc. et a cotisé l’appelante comme s’il n’y avait pas de lien de rattachement entre l’appelante et 9022-3512 Québec Inc au moment du rachat des actions catégorie E. Le ministre a considéré que l’émission des actions catégorie B constituait une planification fiscale rétroactive parce que non prévue à l’origine.

 

[9]              L’intimée soutient, qu’avant la fin de la période normale de nouvelle cotisation qui se terminait le 10 février 2000 pour l’année d’imposition 1996 de l’appelante, M. Gaston Roy, son président, a faussement dit ne pas être au courant que quelques documents concernant la réorganisation de 1995 ont été refaits et qu’il en a été de même pour les comptables qui ont structuré la réorganisation et préparé la déclaration de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996.

 

[10]         L’appelante a déposé le 5 février 2008 un document contenant des admissions à l’effet que les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont (« RTDD ») et le notaire Me Jean Boudreau ont fourni des informations inexactes à M. Alain Plourde, vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (l'« Agence »), durant sa vérification qui a eu lieu entre 1998 et 2002, le tout à l’insu de l’appelante et de son actionnaire et administrateur unique, M. Gaston Roy. Ces admissions sont les suivantes :

 

[11]         Concernant la signature des résolutions additionnelles, il est précisé aux paragraphes 19 et 22 de l’avis d’appel que les personnes concernées ont été informées de l’erreur et de la correction qui y a été apportée de la façon suivante :

 

19.        Lorsque les comptables ont présenté la situation aux contribuables, ils leur ont fait valoir qu’il s’agissait de la correction d’une erreur par rapport au « Projet de réorganisation corporative » dont les parties avaient convenu et qu’il était toujours normal de dater ces résolutions du 1er juillet 1995, même si elles n’étaient pas signées à cette date, ce qui est apparu tout à fait normal aux contribuables, compte tenu que toute la série des résolutions n’avait pas été signée le 1er juillet 1995, dans les circonstances décrites aux paragraphes 9 et 10 qui précèdent, et que cela leur avait été présenté comme normal et habituel;

 

22.    Encore une fois, le contribuable a été invité à signer les résolutions dans le même esprit et avec les mêmes explications sur la normalité de cette manière de procéder.

 

[12]         L’intimée considère que les faits relatés aux paragraphes 19 et 22 de l’avis d’appel constituent deux aveux judiciaires. Dans une lettre datée du 23 mars 2005 adressée aux procureurs de l’intimée, les procureurs de l’appelante ont confirmé :

 

(1)     que les individus à qui M. Marco Baril a présenté la situation comme normale, selon qui est énoncé au paragraphe 19 de l’avis d’appel, étaient M. Laurent Lemay (qui représentait le groupe de personnes mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de la section D du « projet de réorganisation corporative » du 30 juin 1995) et M. Gaston Roy; et

 

(2)     qu’au moment de présenter la nouvelle correction, le comptable Marco Baril a fait valoir que les corrections de novembre 1996 avaient été rédigées à la hâte et qu’une erreur avait été commise dans la séquence, de telle sorte qu’il fallait changer l’heure de la première des deux résolutions (l’heure de la deuxième résolution étant correcte). Cette situation a été présentée comme normale dans le contexte expliqué dans l’avis d’appel. Les personnes qui ont reçu cette explication sont à nouveau M. Laurent Lemay et M. Gaston Roy.

 

[13]         Dans une lettre ultérieure datée du 29 juin 2007 adressée aux procureurs de l’intimée, les procureurs de l’appelante ont nuancé leur réponse aux demandes de précisions concernant le paragraphe 22 de l’avis d’appel de la façon suivante :

 

[…] le comptable Marco Baril nous indique qu’il a présenté la situation « en douce » aux contribuables sans véritablement faire ressortir qu’il s’agissait d’une erreur, mais plutôt en présentant les documents comme des documents routiniers nécessaires pour « compléter » la transaction du 1er juillet 1995, d’autant plus que la signature de ces documents se faisait au même moment que la signature des documents requis pour procéder à la fermeture de l’année.

 

[14]         M. Gaston Roy a témoigné à l’audience. Il a fait l’historique de la société Armatures G. Roy Inc. Il a expliqué qu’il avait, huit ans auparavant, vendu 49 % des actions de cette société à une dizaine d’employés qui avaient accepté un gel salarial de 10 ans. Une convention entre actionnaires régissait les relations entre les parties. Le principe d’un homme un vote était appliqué pour la gestion de l’entreprise même pour M. Gaston Roy qui contrôlait l’entreprise. Suite à la création d’un syndicat et à la conclusion d’une convention collective, M. Gaston Roy a offert de se départir du solde de 51 % des actions de cette société et d’acquérir de Armatures G. Roy Inc. 49 % de l’érablière et de la division du transport scolaire. M. Gaston Roy a confié à M. Marco Baril c.a. de la firme Roy, Tardif, Desrochers, Dumont le mandat d’explorer la possibilité d’effectuer les opérations visées tout en générant un profit net de 800 000 $. M. Marco Baril est le comptable qui préparait les déclarations de revenu de M. Gaston Roy et de ses sociétés depuis plusieurs années et qui avait exécuté un mandat similaire lors de la vente de la participation de 49 % à un groupe d’employés. Après des discussions avec les différents groupes d’employés, M. Marco Baril a indiqué qu’il y avait de l’intérêt pour les opérations projetées de la part des employés et que les opérations pouvaient être réalisées selon les conditions financières désirées. M. Marco Baril a alors obtenu le mandat définitif de structurer les opérations et le financement desdites opérations.

 

[15]         Un premier « Projet de réorganisation corporative » fut préparé par les comptables en date du 7 avril 1995, lequel fut révisé en date du 30 juin 1995. Le comptable Baril avait indiqué à M. Gaston Roy que, selon le projet de réorganisation corporative, il aurait à payer des impôts de l’ordre de 100 000 $ dont 50 % serait recouvrable.

 

[16]         La séance de clôture de la réorganisation corporative a eu lieu le 26 septembre 1995 aux bureaux des comptables mais la date effective des opérations était le 1er juillet 1995. Ce délai était nécessaire pour finaliser les états financiers de Armatures G. Roy Inc. au 30 juin 1995 et le calcul du revenu gagné accumulé à cette même date. La documentation juridique des opérations a été préparée par le notaire Jean Boudreau, lequel pratiquait à Princeville.

 

[17]         Lors de son témoignage, M. Gaston Roy a confirmé être le seul actionnaire et le seul administrateur de l’appelante. Il a expliqué que, suite à la signature des documents relatifs à la vente de sa participation dans Armatures G. Roy Inc., il avait effectué un placement de l’ordre de 100 000 $ à 110 000 $ à la Caisse populaire locale pour payer ses impôt selon l’estimé faite par les comptables. Lors de la signature des déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 30 juin 1996, lesquelles avaient été préparées par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont, M. Gaston Roy a dit qu’il a questionné le fait que l’impôt de 100 000 $ n’était pas payable. Après vérification auprès des comptables, ces derniers lui ont confirmé qu’il pouvait signer les déclarations de revenu de l’appelante, telles que présentées, et qu’il pouvait utiliser à d’autres fins la réserve de 100 000 $. Selon les informations fournies par les comptables, il n’y avait pas d’impôt à payer parce que le « revenu gagné accumulé » de Armatures G. Roy Inc. au 30 juin 1995 était plus élevé que prévu. M. Gaston Roy a signé les déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2006, le 13 novembre 1996, et l’opération par laquelle les 26 133 actions catégorie E de 9022-3512 Québec Inc. ont été rachetées a été traitée comme si l’appelante était rattachée à la société 9022-3512 Québec Inc.

 

[18]         Lors de son témoignage, M. Gaston Roy a également affirmé ne pas avoir signé de documents ayant trait à l’opération après la séance de clôture et ne pas avoir été avisé d’une quelconque façon par Me Boudreau, ni par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont qu’une erreur s’était produite dans le cadre de l’opération et que des résolutions additionnelles avaient dû être signées pour effectuer l’émission et le rachat de 115 000 actions catégorie B de 9022-3512 Québec Inc. Suite à la rencontre du 2 novembre 1998 avec les vérificateurs Gagnon et Plourde de l’Agence, M. Gaston Roy savait qu’une vérification des opérations était en cours et il était généralement informé de l’évolution du dossier et des demandes de production des documents de la part des autorités fiscales.

 

[19]         Le témoignage de M. Gaston Roy a été corroboré par celui de M. Marco Baril, le comptable mandaté pour effectuer les opérations, qui a affirmé avoir tenu M. Gaston Roy informé sur l’état du dossier de vérification sans faire référence aux étapes spécifiques de la réorganisation. M. Baril a confirmé que les résolutions litigieuses avaient été rédigées par son bureau et qu’il n’y a pas eu de résolution de la part de l’appelante pour souscrire et faire racheter les 115 000 actions catégorie B de 9022‑3512 Québec Inc. pour ne pas les faire signer par M. Gaston Roy. De plus, il a confirmé qu’un certificat d’actions représentant les 115 000 actions catégorie B a été émis et qu’une entrée a été faite au registre des actionnaires. M. Baril a par contre reconnu que le prix de souscription des 115 000 actions catégorie B au montant de 115 $ n’a pas été payé par l’appelante. Enfin, M. Baril a reconnu avoir fait signer les résolutions litigieuses par messieurs Laurent Lemay et Daniel Roy pour le compte de 9022‑3512 Québec Inc. en même temps que les autres résolutions de fin d’année sans les informer formellement que lesdites résolutions concernaient la réorganisation de 1995.

 

[20]         Messieurs Laurent Lemay et Daniel Roy ont également témoigné à l’audience et ont reconnu avoir signé les résolutions litigieuses en croyant ne pas porter préjudice à personne et à exécuter ce qui était prévu au projet de réorganisation corporative des comptables.

 

Analyse

 

[21]         Comme l’avis de cotisation relativement à l’année d’imposition de l’appelante terminée le 30 juin 1996 a été émis par le ministre après la période normale de nouvelle cotisation, il y a lieu de considérer si les dispositions du sous‑alinéa 152(4)a)i) de la Loi sont applicables dans les circonstances.

 

[22]         Le sous-alinéa 152(4)a)i) de la Loi se lit comme suit :

 

(4)        Cotisation et nouvelle cotisation. Sous réserve du paragraphe(5), le ministre peut, à un moment donné, fixer l'impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou pénalités payables en vertu de la présente partie par un contribuable, ou donner avis par écrit , à toute autre personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition, qu’aucun impôt n’est payable pour l’année, et peut, selon les circonstances, établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités en vertu de la présente partie :

 

a)   à un moment donné, si le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)      soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[23]         En vertu du paragraphe 187(3) de la Loi, l’article 152 s’applique à la Partie IV de la Loi en faisant les adaptations nécessaires.

 

[24]         À la lumière des faits ci-dessus mentionnés et des admissions déposées par l’appelante, je n’ai aucune difficulté à conclure qu’il y a eu une présentation erronée des faits par l’appelante et par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont lors de la production de la déclaration de revenu de l’appelante pour son année d’imposition terminée le 30 juin 1996 et par le notaire Jean Boudreau et par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi, le tout par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[25]         M. Gaston Roy a signé les déclarations de revenu de l’appelante le 13 novembre 1996 sur la base que l’appelante était rattachée à la société 9022‑3512 Québec Inc. au moment du rachat des 26 133 actions catégorie E alors qu’elle ne l’était pas.

 

[26]         Lorsqu’ils ont préparé les déclarations de revenu de l’appelante, les comptable Roy, Tardif, Desrochers, Dumont savaient que les sociétés concernées n’étaient pas rattachées et qu’il était nécessaire que de nouvelles actions soient émises pour établir le lien de rattachement d’où les résolutions de 7h45 et de 17h45. Selon les notes manuscrites du comptable Mario Désilets extraites d’un document intitulé « Armatures G. Roy Inc. Rencontre Marco », il est reconnu que le programme actuel ne prévoyait pas que les sociétés soient rattachées. Selon ces mêmes notes, il a été convenu après discussions d’émettre des actions et de les racheter en temps opportun tout en étant conscient que cette opération pouvait être considérée comme une opération anti-évitement entraînant un abus de la Loi. Le comptable Mario Désilets a affirmé dans le cadre de la vérification que le document en question avait été rédigé avant que le programme de réorganisation corporative soit dactylographié, alors qu’en réalité selon les admissions de l’appelante, il aurait été préparé en novembre 1996.

 

[27]         Le notaire Jean Boudreau a confirmé dans une lettre datée du 19 novembre 1998 avoir rédigé les résolutions de 7h45 et de 16h45 alors qu’en réalité selon les admissions de l’appelante, elles ont été préparées par les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont. Le notaire Boudreau a de plus affirmé que la résolution de 7h45 a été signée lors de la séance de clôture du 26 septembre 1996 et que celle de 16h45 a été signée le lendemain de la séance de clôture du 26 septembre 1996 alors qu’en réalité selon les admissions de l’appelante, la résolution de 7h45 a été signée en novembre 1996 et la résolution de 16h45 a été signée vers juillet 1998.

 

[28]         Au cours de la vérification, les comptables Mario Désilets et Marco Baril ont, à plusieurs reprises, fourni de fausses informations aux vérificateurs de l’Agence concernant notamment les personnes qui ont rédigé les résolutions litigieuses, les dates auxquelles elles ont été signées, et la date à laquelle l’erreur concernant la résolution de 7h45 a été découverte.

 

[29]         Pour identifier la personne qui avait préparé les résolutions litigieuses et pour établir les dates auxquelles elles ont été signées, les vérificateurs de l’Agence ont dû faire effectuer une analyse en laboratoire de l’encre et une analyse du papier utilisé pour confectionner lesdites résolutions. L’analyse de l’encre n’a pas été concluante mais l’analyse du papier a révélé que le papier utilisé pour la résolution de 16h45 était du « Walter Mark » de Marque D’Or dont l’utilisation n’avait débuté qu’en janvier 1997. Selon cette analyse, il était impossible que la résolution de 16h45 ait pu avoir été confectionnée et signée en 1995 comme le prétendaient les comptables et le notaire. Ces analyses ont été commandées par les vérificateurs de l’Agence parce qu’ils avaient noté des différences de typographie entre les trois résolutions litigieuses et les autres résolutions faisant partie de la réorganisation.

 

[30]         La date exacte à laquelle les résolutions de 7h45 et de 17h45 ont été signées n’a pas été précisée. Selon les admissions de l’appelante, elles auraient été signées en novembre 1996. Comme les déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996 ont été signées par M. Gaston Roy le 13 novembre 1996, la preuve ne révèle pas si les résolutions litigieuses avaient été signées ou non au moment où les déclarations de revenu de l’appelante ont été signées et produites.

 

[31]         Pour que le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi puisse s’appliquer, il faut que la présentation erronée des faits ait été faite par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[32]         Selon le procureur de l’intimée, la présentation erronée des faits doit s’être produite lors de la production des déclarations de revenu de l’appelante ou d’informations en vertu de la Loi ce qui comprend les représentations faites à l’Agence par l’appelante ou par ses mandataires ou comptables agissant pour le compte de l’appelante.

 

[33]         Les procureurs de l’appelante prétendent que le moment pertinent pour déterminer si une personne a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire dans sa déclaration de revenu doit être au moment où la déclaration de revenu est produite. Selon eux, le degré de soin qui doit être apporté par le contribuable dans la préparation de sa déclaration de revenu doit être celui d’une personne prudente et avisée et la déclaration de revenu doit être présentée d’une manière que le contribuable croit réellement être correcte.

 

[34]         Quel que soit le moment où il faut se placer pour déterminer si l’appelante a fait ou non une présentation erronée des faits, la preuve présentée établit clairement que l’appelante a fait une présentation erronée des faits lors de la production de sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1996 par omission volontaire et que les mandataires de l’appelante, soit les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont et le notaire Jean Boudreau ont fourni de fausses informations à l’Agence dans le cadre de la vérification, contrevenant ainsi aux dispositions du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[35]         Lors de la préparation des déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996, les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont ont constaté que le revenu gagné accumulé de Armatures G. Roy Inc. au 30 juin 1995 était supérieur au montant estimé dans le cadre du « Projet de réorganisation corporative » et que, par conséquent, il était possible d’éviter l’impôt de la Partie IV lors du rachat des actions catégorie E en faisant en sorte que les sociétés soient rattachées aux fins de la Loi par l’émission d’actions catégorie B. Les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont ont préparé les déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996 en prenant pour acquis qu’elle était rattachée à la société 9022-3512 Québec Inc.

 

[36]         En révisant les déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996, M. Gaston Roy s’est aperçu que les impôts payables par l’appelante étaient inférieurs d'environ 100 000 $ à ce qui avait été prévu et il a questionné les comptables à ce sujet. Ces derniers ont alors expliqué à M. Gaston Roy la raison pour laquelle l’impôt de la Partie IV n’était pas payable. Selon le témoignage de M. Gaston Roy, les comptables l’auraient rassuré et convaincu de signer les déclarations de revenu, telles que présentées.

 

[37]         En tant que professionnels méticuleux ayant toute la confiance de M. Gaston Roy et avec qui M. Gaston Roy avait des relations d’affaires depuis de nombreuses années, le comptable Marco Baril a certainement expliqué à M. Gaston Roy la façon d’établir le lien de rattachement entre les sociétés concernées, soit l'adoption de deux résolutions prévoyant l’émission et le rachat d’actions votantes de la société 9022‑3512 Québec Inc., l’absence de conséquences pour les acheteurs et les risques que les autorités fiscales appliquent la règle générale anti-évitement à cette opération. Je ne peux pas croire que les comptables Roy, Tardif, Desrochers, Dumont aient pu prendre par eux-mêmes la décision de faire en sorte que les sociétés concernées soient rattachées, une opération qui, à leurs yeux, était sujette à l’application de la règle générale anti-évitement, sans obtenir en préalable le consentement ou l’approbation de M. Gaston Roy.

 

[38]         Selon les aveux contenus aux paragraphes 19 et 22 de l’avis d’appel et la lettre datée du 23 mars 2005 des procureurs de l’appelante, M. Gaston Roy a également été informé par M. Marco Baril que des résolutions additionnelles en rapport avec le « Projet de réorganisation corporative » avaient dû être signées en date du 1er juillet 1995. Il est curieux que d’un côté, le comptable Marco Baril ait informé M. Gaston Roy de la signature des résolutions additionnelles et que de l’autre coté, ces mêmes comptables ne lui ait pas fait signé de résolutions de l’appelante pour souscrire les actions catégorie B de 9022-3512 Québec Inc. et pour autoriser leur achat ou rachat par la suite, ni de chèque de l’appelante, pour payer le prix de souscription desdites actions. Enfin, aucune preuve n’a été soumise à l’effet que l’appelante a encaissé le prix d’achat ou de rachat des actions catégorie B.

 

[39]         Les faits entourant l’émission et l’annulation des actions catégorie B de 9022‑3512 Québec Inc. tendent à démontrer qu’il s’agissait d’une planification fiscale rétroactive et non la correction d’une erreur dans l’exécution du « Projet de réorganisation corporative ». Il est plus que douteux que les actions catégorie B aient été validement émises compte tenu du fait que le prix de souscription desdites actions n’a pas été payé. De plus, le prix de souscription de 115 $ pour les 115 000 actions catégorie B votantes de 9022‑3512 Québec Inc. ne correspondait pas à la juste valeur marchande desdites actions. La résolution de 17h45 référait à un rachat des actions catégorie B alors ces actions n’étaient pas rachetables selon les statuts de la société. Le certificat représentant les actions catégorie B n’a pas été endossé par M. Gaston Roy afin d’autoriser le transfert suite à l’achat ou au rachat desdites actions.

 

La pénalité

 

[40]         La pénalité qui a été cotisée à l’appelante est la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi. La partie du paragraphe 163(2) de la Loi qui précède l’alinéa a) se lit comme suit :

 

(2) Faux énoncés ou omissions -- Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

 

[41]         Lors de l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, le ministre a la charge de la preuve. Cette obligation découle de l’application du paragraphe 163(3) de la Loi qui se lit comme suit :

 

(3) Charge de la preuve relativement aux pénalités -- Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l'article 163.2, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

 

[42]         J’ai antérieurement conclu, aux fins de l’application du paragraphe 152(4) de la Loi, que M. Gaston Roy savait, à la date à laquelle il a signé et produit les déclarations de revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996, que l’appelante n’était pas rattachée à la société 9022‑3512 Québec Inc. lors du rachat des actions catégorie E, qu’il était nécessaire de procéder à l’émission d’actions votantes de la société 9022‑3512 Québec Inc. en faveur de l’appelante pour établir le lien de rattachement et qu’il y avait des risques pour l’appelante que l’opération soit refusée par les autorités fiscales en se basant sur la règle générale anti‑évitement.

 

[43]         Les aveux judiciaires contenus aux paragraphes 19 et 22 de l’avis d’appel, lesquels ont fait l’objet de précisions mais n’ont pas été niés, prouvent que M. Gaston Roy savait que des résolutions additionnelles avaient été signées pour faire émettre des actions votantes de 9022-3512 Québec Inc en faveur de l’appelante.

 

[44]         L’appelante par l’intermédiaire de son seul actionnaire et administrateur, M. Gaston Roy, a sciemment participé, consenti ou acquiescé au stratagème qui consistait à établir rétroactivement un lien de rattachement entre l’appelante et la société 9022‑3512 Québec Inc. dans le but d’éviter le paiement de l’impôt de la Partie IV de la Loi.

 

[45]         Par conséquent, je suis convaincu que l’intimée a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était justifiée d’imposer à l’appelante une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi à l’égard de l’année d’imposition 1996 de l’appelante.

 

[46]         Pour ces motifs, l’appel est donc rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2009.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 255

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3945(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Gestion Foret-Dale Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               les 5 février et le 8 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 21 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

 

Me Paul Ryan et Me Kathy Kupracz

 

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Paul Ryan et Me Kathy Kupracz

                   Cabinet :                         Ravinski, Ryan

                                                          Montréal, Québec

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.