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Dossier : 2004-3314(IT)G

 

ENTRE :

VESNA SMITLENER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 22 et 23 novembre 2007,

à Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Christopher S. Montigny

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prévost

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté par Vesna Smitlener de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), dont l’avis est daté du 26 juin 2003 et porte le numéro 34035, est accueilli, les dépens étant adjugés à l’intimée, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base suivante, conformément aux motifs de jugement ci‑joints :

 

Aux fins de la détermination des montants dus par l’auteur du transfert, Zlatica Smitlener, au sens du paragraphe 160(1) de la Loi, à l’égard de l’année d’imposition au cours de laquelle le bien a été transféré ou d’une année antérieure, les montants dus seront déterminés comme si l’auteur du transfert avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 1996 et 1997 compte tenu du fait que le montant déductible au titre des dépenses engagées à l’égard de l’eau et des impôts a été majoré d’un montant de 68 350 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mai 2009.

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 268

Date : 20090522

Dossier : 2004-3314(IT)G

ENTRE :

VESNA SMITLENER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Introduction

 

[1]              La présente affaire porte sur une question d’activités commerciales. Il s’agit principalement de savoir si la vente de 498 logements, dans quatre bâtiments, à Fort McMurray (Alberta), était imputable au capital ou si elle était plutôt imputable au revenu. Je désignerai le bien‑fonds et les bâtiments sous le nom de « propriété River Park Glen » ou de « River Park Glen ».

 

[2]              Une question subsidiaire se pose à l’égard des dépenses relatives à l’eau et aux taxes, d’un montant de 197 935 $, que le ministre a refusées.

 

[3]              L’appelante a fait l’objet d’une cotisation, conformément à l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), à l’égard des montants dus par sa mère, Zlatica Smitlener (« Mme Smitlener »). La mère a fait l’objet d’une nouvelle cotisation[1] à l’égard du gain tiré de la vente des logements River Park Glen et des dépenses susmentionnées.

 

[4]              L’appel interjeté par l’appelante ne visait qu’à contester le fondement de la cotisation sous‑jacente de la mère de l’appelante se rapportant aux deux questions décrites[2].

 

Faits

 

[5]              Mme Smitlener a acquis la propriété River Park Glen au moyen d’une entente conclue le 9 septembre 1995[3]. La vente a été conclue le 11 septembre 1995; le prix d’achat était de 12 450 000 $, composé des éléments suivants :

 

a)    un montant de 225 000 $ payable au plus tard au moment de la conclusion de la vente;

b)    un montant de 7 636 000 $, représentant la prise en charge d’hypothèques en faveur du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (« OMERS ») et de Northward Developments Ltd. (« Northward »); l’hypothèque Northward était une [traduction] « hypothèque idéale », en ce sens que le principal, pour la moitié, ne portait pas intérêt et que pour l’autre moitié, le taux d’intérêt était très faible, à savoir 1 ou 2 p. 100[4];

c)    un montant de 4 475 350 $, représentant la prise en charge d’une hypothèque consentie par le vendeur, au taux d’intérêt de 10 p. 100;

d)    un montant de 113 650 $, représentant la prise en charge de certaines dettes.

 

[6]              La propriété était composée de quatre bâtiments, comportant en tout 498 logements, comme suit :

 

a)    bâtiment no 1 : 112 maisons en rangée de trois chambres à coucher chacune;

b)    bâtiment n2 : 96 logements, dont les deux tiers comportaient trois chambres à coucher et l’autre tiers deux chambres à coucher;

c)    bâtiment no 3 : 149 logements, dont les deux tiers comportaient deux chambres à coucher et l’autre tiers une seule chambre à coucher;

d)    bâtiment no 4 : 141 logements, dont les deux tiers comportaient deux chambres à coucher et l’autre tiers une chambre à coucher seulement.

 

[7]              Lors de la vente, le vendeur était sur le point de transformer la propriété River Park Glen en quatre immeubles à condominiums distincts.

 

[8]              La clause 3.7a) de [traduction] l’« offre d’achat et entente provisoire »[5] prévoit que le vendeur [traduction] « [...] fera preuve d’une diligence raisonnable en vue de procéder à l’enregistrement, pour le compte de l’ACHETEUR, [...] » des immeubles à condominiums. Chaque bâtiment a été enregistré séparément. Trois bâtiments ont été enregistrés en 1996 et l’autre en 1997[6].

 

[9]              Mme Smitlener a versé plus de 100 000 $ pour les frais d’enregistrement et d’arpentage se rattachant aux plans d’immeubles à condominiums[7]. De plus, un montant additionnel de 100 000 $ représentant les frais d’enregistrement des immeubles à condominiums a été versé à la Ville de Wood Buffalo[8].

 

[10]         L’hypothèque consentie par le vendeur prévoyait un calendrier rapide de remboursement du principal sur une période de deux ans. Plus précisément, elle prévoyait les remboursements suivants :

 

a)    75 000 $ le 1er décembre 1995;

b)    225 000 $ le 7 décembre 1995;

c)    300 000 $ le 1er mars 1996;

d)    300 000 $ le 1er juin 1996;

e)    le solde au plus tard le 1er septembre 1997.

 

Il était également prévu qu’il pourrait y avoir libération partielle de l’hypothèque au moment de la vente des unités condominiales, à condition qu’un certain montant, calculé selon une formule donnée, soit versé pour chaque unité vendue aux fins du remboursement du principal. Le remboursement pour chaque unité devait s’élever à au moins 10 800 $ plus les intérêts échus qui n’étaient pas encore payés à la date de la libération partielle[9]. Lorsque des unités individuelles étaient vendues, des paiements devaient également être effectués en faveur d’OMERS et de Northward pour que ces entités accordent des libérations partielles.

 

[11]         La clause 3.7d) de l’entente prévoyait également que le remboursement de 75 000 $ sur le principal, le 1er décembre 1995, serait différé jusqu’à ce qu’un plan d’immeuble à condominiums soit enregistré pour le bâtiment composé des maisons en rangée, si ce plan n’avait pas encore été enregistré à cette date.

 

[12]         De même, la clause prévoyait le report d’un montant de 100 000 $ sur le versement qui était dû le 1er mars 1996 à l’égard de chacun des trois autres bâtiments pour lequel un plan d’immeuble à condominiums n’avait pas encore été enregistré le 1er mars. Le versement serait différé tant que le plan n’était pas enregistré pour ce bâtiment particulier.

 

[13]         Enfin, une disposition prévoyait que, si le vendeur n’obtenait pas l’enregistrement des quatre immeubles à condominiums au plus tard le 1er avril 1996, pour chaque unité qui n’avait pas été transformée en une unité condominiale distincte, le principal qui était encore dû serait réduit d’un montant de 5 000 $ l’unité.

 

[14]         Je note que l’effet de cette dernière disposition, si aucun plan d’immeuble à condominiums n’avait été enregistré, aurait été de réduire le principal payable d’un montant de 2 490 000 $. Autrement dit, l’effet aurait été de réduire le prix d’achat d’un montant de 12 450 001 $ à 9 960 001 $, soit une réduction de 20 p. 100.

 

[15]         Le prix d’achat était financé au complet. L’acheteur prenait en charge les hypothèques d’OMERS et de Northward et obtenait l’hypothèque consentie par le vendeur; de plus, les fonds nécessaires aux fins du versement de 225 000 $ qui devait être effectué au moment de la signature du contrat provenaient d’un prêt consenti par Aaron Acceptance Corporation. La maison de la mère de Mme Smitlener a été utilisée comme garantie du prêt Aaron Acceptance.

 

[16]         En ce qui concerne la propriété River Park Glen, Mme Smitlener a témoigné ce qui suit :

 

[traduction]

Cela semblait être une propriété idéale pour notre famille. À ce moment‑là, en 1995, ma fille faisait face à un divorce, de sorte qu’elle avait besoin d’un emploi. Nous avions besoin d’un revenu. Je vieillissais. Je cherchais moi‑même à m’assurer une certaine sécurité pour ma retraite.

 

De plus, j’avais alors deux autres enfants, de sorte que cela semblait être une entreprise familiale idéale que nous pourrions exploiter, à laquelle nous pourrions travailler, et dont nous pourrions vivre, tout en assurant notre sécurité future.

 

[...]

 

River Park Glen a donc été acheté afin d’assurer un revenu de location à long terme et une sécurité future pour nous quatre, trois de mes enfants et moi‑même[10].

 

[17]         La pièce A‑5 est en partie rédigée comme suit :

 

[traduction]

À : M. S. BUFTON

DE : Z. SMITLENER

 

Le 23 février 2000

 

Objet : Maisons en rangée et appartements, à Fort McMurray

 

Je m’oppose avant tout à ce que vous changiez arbitrairement la classification d’un placement à une entreprise, et ce, pour les motifs suivants :

-  Lorsque j’ai visité la propriété, il était clair que les propriétaires perdaient plus de 60 000 $ par mois, en l’absence de réparations ou de rénovations. Le taux d’inoccupation était de 30 p. 100 et il n’y avait aucun espoir de générer plus de revenus en augmentant les loyers. Cependant, je misais sur l’augmentation du capital parce qu’on devait annoncer l’expansion des gisements de sable bitumineux. Je croyais pouvoir réaliser un gain en capital si je tenais suffisamment longtemps jusqu’à l’arrivée attendue de nouveaux travailleurs à Fort McMurray. Étant donné le grand nombre de logements, il était sensé de les diviser étant donné qu’ils se vendraient plus facilement. L’enjeu était de taille, et en cas d’échec, mes amis et ma famille auraient tout perdu. La fraction « entreprise » de votre cotisation est en outre amoindrie par suite des pertes continues d’exploitation associées au projet, pour lesquelles vous avez vous‑même accordé un crédit de 1 243 272 $, même si les pertes étaient encore plus élevées. J’ai simplement acquis des propriétés en mauvais état, je les ai réparées et j’espérais obtenir une augmentation du capital. [...]

 

[18]         Lors de l’interrogatoire principal, Mme Smitlener a expliqué que le texte de la pièce A‑5 indiquait la raison pour laquelle elle avait vendu la propriété et non la raison pour laquelle elle l’avait achetée.

 

[19]         Lors de l’achat, les anciens propriétaires faisaient face à des difficultés financières. Il y avait des factures s’élevant à environ 225 000 $ qu’ils ne pouvaient pas acquitter et qu’il fallait payer immédiatement ainsi que d’autres dettes qui ne pouvaient pas être remboursées et que Mme Smitlener a prises en charge[11]. Les anciens propriétaires perdaient également plus de 60 000 $ par mois[12].

 

[20]         Lorsque Mme Smitlener a acheté la propriété, il y avait 150 logements inoccupés, soit un taux d’inoccupation de 30 p. 100. À ce moment‑là, le taux d’inoccupation, à Fort McMurray, était en général de 10 p. 100.

 

[21]         Mme Smitlener a affirmé qu’ils prévoyaient obtenir un flux de trésorerie positif en réduisant le taux d’inoccupation à 10 p. 100. Elle a également déclaré qu’ils avaient réduit les effectifs de 17 à 12 personnes, soit une économie mensuelle de 20 000 $. Les anciens propriétaires versaient chaque année 150 000 $ pour les frais de gestion, alors qu’elle versait à l’appelante un montant de 30 000 $ seulement, soit une économie de 120 000 $ par année ou de 10 000 $ par mois.

 

[22]         Mme Smitlener croyait qu’en travaillant avec acharnement, ils réussiraient à ramener le taux d’inoccupation à 10 p. 100 et à aller de l’avant. Elle espérait obtenir un flux de trésorerie positif pendant six à 12 mois et obtenir un refinancement.

 

[23]         Mme Smitlener a essayé d’obtenir un refinancement et elle a communiqué avec la Banque de Nouvelle‑Écosse, People’s Trust et un courtier, mais elle n’a pas pu trouver qui que ce soit qui consente à accorder une hypothèque de premier rang lui permettant de payer tout le monde[13]. Mme Smitlener a témoigné qu’elle avait continué à essayer de trouver du financement jusqu’à la vente finale.

 

[24]         Les choses ne se sont pas passées comme l’avait prévu Mme Smitlener. Les 150 logements inoccupés n’étaient pas en bon état et, même s’ils ont réussi à réduire le taux d’inoccupation, cela s’est produit trop tard. Il y avait d’autres dépenses imprévues. Le vendeur a commencé à exercer des pressions sur eux lorsqu’ils ont omis d’effectuer les versements[14].

 

[25]         Mme Smitlener a donc retenu les services d’un agent immobilier et elle s’est mise à vendre des maisons en rangée. Toutefois, elle espérait conserver une bonne partie de la propriété.

 

[26]         La première vente de logement a eu lieu au mois de mars 1996[15], six mois après l’achat de River Park Glen.

 

[27]         Par la suite, 65 logements individuels ont été vendus, en 1996[16].

 

[28]         À la fin de l’année 1996, soit 16 mois après l’achat, Property Team Inc. (« Property Team ») a soumis une offre à l’égard de tous les autres logements, en deux tranches, la première se rapportant à 196 logements, la date de clôture devant être le 31 décembre 1996, et la seconde, 237 logements, la date de clôture étant le 1er avril 1997[17].

 

[29]         Property Team ne voulait pas acheter une partie seulement de la propriété. Mme Smitlener a déclaré qu’elle ne voulait pas accepter l’offre, mais que le vendeur l’avait contrainte à vendre étant donné qu’il voulait absolument être payé[18].

 

[30]         Mme Smitlener n’a déclaré aucun revenu ni aucune perte locatifs dans sa déclaration de 1996 et elle a déclaré un revenu locatif brut de 3 891 560,76 $ et une perte nette de 1 243 272,25 $ dans sa déclaration de 1997[19]. Les chiffres indiqués en 1997 semblent inclure les années 1996 et 1997. Toutefois, s’il est tenu compte de deux modifications que le ministre avait effectuées en établissant la cotisation, lesquelles n’ont pas été contestées[20], la perte pour les deux années – représentant 19 mois d’exploitation – est ramenée à 936 829,94 $.

 

[31]         Avant l’acquisition de la propriété River Park Glen, en 1991 ou en 1992, Mme Smitlener avait acheté les actions de Monashee Vineyards (« Monashee ») parce qu’elle voulait acheter le bien‑fonds de 200 acres appartenant à la société, en Colombie‑Britannique. Peu de temps après, elle a vendu les parcelles de terrain dont Monashee était propriétaire.

 

[32]         Mme Smitlener avait la possibilité d’acheter des appartements en Floride. À un moment donné, elle a versé un acompte de 100 000 $US. Aucune opération n’a été conclue et Mme Smitlener a perdu l’acompte. Monashee a déduit la perte de l’acompte à titre de dépense d’entreprise.

 

[33]         Après avoir acheté River Park Glen, Mme Smitlener a acheté une propriété composée de 24 maisons en rangée, à 100, Mile House. Elle prévoyait vendre les logements et l’opération a été déclarée au titre du revenu.

 

[34]         En ce qui concerne les dépenses en litige, la preuve soumise par Mme Smitlener était essentiellement qu’elle avait conservé toutes les factures et elle croit avoir déclaré les dépenses correctement.

 

[35]         L’appelante a témoigné s’être installée à Fort McMurray, après l’achat de River Park Glen. Mme Smitlener est restée dans la vallée de l’Okanagan.

 

[36]         L’appelante s’occupait de la gestion quotidienne du bâtiment, et notamment de la location des logements; elle faisait remettre en état les logements inoccupés et elle gérait le personnel. Elle a fort peu participé à l’enregistrement des plans d’immeubles à condominiums ou à la vente des logements. Mme Smitlener se chargeait des questions financières, sauf pour les paiements courants de factures. Mme Smitlener était celle qui avait eu l’idée d’acheter River Park Glen.

 

[37]         L’appelante croyait comprendre que River Park Glen avait été acheté en vue de lui fournir un emploi à long terme. Elle avait obtenu une maîtrise en aéronautique l’année précédente, mais elle ne pouvait pas trouver d’emploi.

 

[38]         M. William Bufton, employé à l’Agence du revenu du Canada, qui était chargé de la vérification dans la présente affaire, a témoigné au sujet des raisons pour lesquelles une cotisation avait été établie. Entre autres choses, il a témoigné au sujet de la raison pour laquelle il avait refusé un montant de 197 935 $ en ce qui concerne les dépenses se rattachant à l’eau et aux taxes. Lorsqu’il a témoigné sur ce point, la pièce R‑1 a été produite et il est finalement devenu apparent qu’à cause d’une erreur de calcul, le montant refusé aurait uniquement dû être de 129 588 $ plutôt que 197 935 $.

 

Analyse

 

La question des dépenses se rattachant à l’eau et aux taxes

 

[39]         La preuve de l’appelante sur ce point n’indique aucun motif permettant de modifier la cotisation. Toutefois, une erreur de calcul a été commise, comme il en a été fait mention au paragraphe précédent. La cotisation sera corrigée en conséquence.

 

La question des activités commerciales

 

[40]         Il s’agit ici de savoir si la vente de River Park Glen par Mme Smitlener représentait la disposition d’un placement ou si l’acquisition et la disposition de cette propriété était un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[41]         De nombreuses décisions ont été rendues à ce sujet. Les parties m’ont renvoyé à la décision Happy Valley Farms Ltd. v. M.N.R.[21] et au résumé des critères qui y sont énoncés.

 

[42]         En établissant si la propriété a été acquise à titre de placement, il faut tenir compte de divers facteurs, notamment de l’intention du contribuable, de la conduite du contribuable dans son ensemble, de la nature du bien, de la capacité du bien de produire un revenu, du temps pendant lequel le contribuable a possédé le bien, de la question de savoir si le contribuable s’est livré à des opérations similaires et des circonstances de la vente.

 

[43]         Il y a également ce que l’on appelle parfois le critère de l’« intention secondaire ». Une personne peut acheter un bien en ayant une intention double, qui comprend l’intention secondaire de la vendre en vue de réaliser un bénéfice. Pour avoir une « intention secondaire », il ne suffit pas qu’une personne puisse être incitée à vendre à un prix suffisamment élevé; la possibilité de vendre le bien en vue de réaliser un bénéfice doit avoir été la motivation déterminante au moment de l’acquisition.

 

[44]         En examinant l’intention du contribuable, il faut tenir compte de l’intention déclarée telle qu’elle est exprimée dans le témoignage présenté à l’instruction ainsi que de l’intention déclarée compte tenu des circonstances et de la conduite du contribuable dans son ensemble.

 

[45]         Mme Smitlener a témoigné avoir eu l’intention, en achetant River Park Glen, de faire un placement à long terme.

 

[46]         Il est passablement difficile de voir comment il aurait pu en être ainsi, si l’on examine toutes les circonstances connexes.

 

[47]         L’achat a été entièrement financé. Lors de l’acquisition, le vendeur perdait plus de 60 000 $ par mois. Mme Smitlener a affirmé qu’elle s’attendait à être en mesure d’obtenir un flux de trésorerie positif en réduisant le taux d’inoccupation, en réduisant le nombre d’employés et en faisant de grosses économies à l’égard des frais de gestion étant donné que l’appelante s’occupait de la gestion à un coût bien inférieur. Une fois qu’ils auraient obtenu un flux de trésorerie positif, ils procéderaient au refinancement.

 

[48]         Même si les mesures prévues visant à augmenter les recettes et les efforts de réduction des coûts portaient fruit, il est difficile de voir comment ces mesures auraient pu produire un flux de trésorerie positif. La location de 100 logements additionnels visant à ramener le taux d’inoccupation à la moyenne régionale de 10 p. 100 aurait rapporté environ 50 000 $ par mois[22], la réduction des effectifs aurait permis d’économiser 20 000 $ par mois et les économies se rattachant au contrat de gestion auraient été de 10 000 $ par mois[23].

 

[49]         Ces mesures produiraient une amélioration de 80 000 $ par mois, mais il faut également tenir compte des intérêts afférents à l’hypothèque consentie par le vendeur, lesquels étaient initialement de plus de 35 000 $ par mois et, une fois que les deux premiers versements se rattachant au remboursement du principal étaient effectués, ils seraient d’environ 35 000 $ par mois[24].

 

[50]         Compte tenu des intérêts afférents à l’hypothèque consentie par le vendeur, le résultat est une amélioration nette de l’ordre de 45 000 $ par mois, de sorte qu’il reste un flux de trésorerie négatif de plus de 15 000 $ par mois, indépendamment de la nécessité de financer les versements prévus au titre du principal de l’hypothèque consentie par le vendeur. Cela était entièrement prévisible.

 

[51]         Mme Smitlener a déclaré que le vendeur continuait à insister, mais il ne semble pas avoir demandé autre chose que les versements à effectuer conformément à l’acte hypothécaire. Cela était également tout à fait prévisible.

 

[52]         On ne sait pas trop non plus comment le refinancement, s’il avait été obtenu, aurait permis de régler ces problèmes. Rien ne montrait qu’en cas de refinancement, les versements mensuels effectués au titre des intérêts et du principal baisseraient probablement à un point tel que les versements mensuels seraient réduits de plus de 15 000 $, de façon à générer un flux de trésorerie positif. Il importe de se rappeler que l’hypothèque Northward était une [traduction] « hypothèque idéale » dont le taux d’intérêt était fort peu élevé[25].

 

[53]         Étant donné que j’ai conclu que Mme Smitlener était une personne intelligente et astucieuse, je ne doute pas qu’il ait été évident à ses yeux que River Park Glen ferait face à des problèmes importants continus de flux de trésorerie négatif.

 

[54]         L’examen d’autres facteurs montre clairement que la propriété n’a pas été possédée longtemps. La première vente a eu lieu au mois de mars 1996, six mois après l’achat. Étant donné qu’aucun plan d’immeuble à condominiums n’a été enregistré avant 1996, la première vente a eu lieu peu de temps après. La dernière vente a eu lieu le 1er avril 1997, soit 19 mois après l’achat, mais le contrat de vente a été conclu au plus tard à la fin de l’année 1996, soit 16 mois après l’achat.

 

[55]         L’entente et l’hypothèque consentie par le vendeur prévoient clairement l’enregistrement d’immeubles à condominiums et la possibilité de vente d’unités. De fait, le prix d’achat effectif aurait été de 2 490 000 $ de moins si le vendeur n’avait pas réussi à faire enregistrer les plans d’immeubles à condominiums pour tous les bâtiments.

 

[56]         Mme Smitlener avait antérieurement acheté un bien‑fonds de 200 acres, en Colombie‑Britannique, en achetant les actions de Monashee; elle a vendu ce bien‑fonds peu de temps après. Lorsqu’elle a voulu acheter une propriété en Floride et qu’elle a perdu un acompte de 100 000 $US, Monashee a déduit l’acompte au titre d’une dépense d’entreprise[26].

 

[57]         Si j’examine les circonstances dans leur ensemble, je ne puis accepter l’intention déclarée selon laquelle River Park Glen était acheté à titre de placement à long terme. Il aurait fallu que Mme Smitlener soit au courant des difficultés qui surviendraient; or, elle pouvait uniquement s’attendre à tirer profit de River Park Glen si elle vendait la propriété à un prix lui permettant de réaliser un profit. River Park Glen était un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[58]         La chose est confirmée par la pièce A‑5. Je ne puis retenir la preuve de Mme Smitlener selon laquelle la pièce A‑5 expliquait la raison pour laquelle elle avait vendu la propriété plutôt que la raison pour laquelle elle l’avait achetée; le libellé du document ne permet tout simplement pas une telle interprétation.

 

[59]         De fait, dans la pièce A‑5, Mme Smitlener résume bien la situation :

 

[traduction]

[...] Cependant, je misais sur l’augmentation du capital parce qu’on devait annoncer l’expansion des gisements de sable bitumineux. Je croyais pouvoir réaliser un gain en capital si je tenais suffisamment longtemps jusqu’à l’arrivée attendue de nouveaux travailleurs à Fort McMurray. Étant donné le grand nombre de logements, il était sensé de les diviser étant donné qu’ils se vendraient plus facilement. L’enjeu était de taille, et en cas d’échec, mes amis et ma famille auraient tout perdu. [...]

 

Conclusion

 

[60]         Pour ces motifs, l’appel est accueilli uniquement en vue de permettre la correction du montant des dépenses se rattachant à l’eau et aux taxes. Par conséquent, la cotisation, dont l’avis est daté du 26 juin 2003 et porte le numéro 34025, sera renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base suivante :

 

Aux fins de la détermination des montants dus par l’auteur du transfert, Zlatica Smitlener, au sens du paragraphe 160(1) de la Loi, à l’égard de l’année d’imposition au cours de laquelle le bien a été transféré ou d’une année antérieure, les montants dus seront déterminés comme si l’auteur du transfert avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 1996 et 1997 compte tenu du fait que le montant déductible au titre des dépenses engagées à l’égard de l’eau et des impôts a été majoré d’un montant de 68 350 $.

 

[61]         L’intimée a presque entièrement eu gain de cause et, par conséquent, les dépens lui seront adjugés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mai 2009.

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 268

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3314(IT)G

 

INTITULÉ :                                       VESNA SMITLENER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 22 et 23 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Christopher S. Montigny

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Christopher S. Montigny

 

                          Cabinet :                  Stewart McKelvey Stirling Scales

                                                          Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]       En ce qui concerne les années d’imposition 1996 et 1997.

[2]       Les parties se sont toutes deux fondées sur le fait que la propriété River Park Glen appartenait entièrement à Zlatica Smitlener. Je remarque également que les parties ont convenu que la question de savoir si j’avais compétence pour examiner la cotisation sous‑jacente de Zlatica Smitlener n’était pas en litige. Zlatica Smitlener a interjeté appel des cotisations dont elle avait fait l’objet et l’audition de l’affaire a commencé, mais il y a eu désistement sans que la Cour rende de décision au fond. Voir la transcription, pages 11 à 16.

[3]       Pièce A‑4. Mme Smitlener a acheté River Park Glen des personnes qui avaient la propriété effective des biens‑fonds, les associés de la coentreprise River Park Glen. Elle a également acheté, au prix de un dollar, les actions de River Park Glen Ltd., qui détenait la propriété à titre de simple fiduciaire de la coentreprise. Trizen Equities Ltd. agissait à titre de mandataire des personnes qui avaient la propriété effective de River Park Glen. Étant donné que tout cela n’a aucune importance, je désignerai simplement les vendeurs ou leur mandataire, Trizen, comme étant les vendeurs.

[4]       Transcription, page 31.

[5]       Pièce A‑4.

[6]       Transcription, page 38.

[7]       Transcription, pages 68 et 69.

[8]       Transcription, pages 116 et 117.

[9]       Pièce A‑4, annexe C.

[10]     Transcription, pages 22 et 24.

[11]     Transcription, page 30.

[12]     Transcription, pages 81 et 82; pièce A-5.

[13]     Transcription, pages 33 et 34.

[14]     Transcription, pages 34 et 35.

[15]     Transcription, page 70.

[16]     Pièce A-3, page 7.

[17]     Transcription, première question complète et réponse; page 71; de plus, d’une façon générale, pages 70 et 71 et pièce A‑3, page 7.

[18]     Transcription, pages 44 à 46.

[19]     Pièces A-1 et A-2.

[20]     Le refus d’un montant de 350 000 $ à l’égard des frais de gestion et une augmentation des frais d’intérêt jusqu’à concurrence de 43 557,69 $. Voir la pièce A‑3.

[21]     [1986] 2 C.T.C. 259, 86 DTC 6421 (C.F. 1re inst.).

[22]     En supposant un loyer mensuel moyen de 500 $ étant donné que les loyers étaient en moyenne de 300 à 600 $ par mois.

[23]     Voir le paragraphe 21 ci‑dessus.

[24]     4 475 350 $ - 75 000 $ - 225 000 $  = 4 175 350 $; 4 175 350 $ x 10% = 417 535 $; 417 535 $ ÷ 12 = 34 794,58 $ pour les intérêts mensuels.

[25]     Il y avait peut‑être bien également d’autres coûts étant donné que, pour chaque unité individuelle vendue, Mme Smitlener devait payer une pénalité de 2 500 $ l’unité. Voir la transcription, page 41.

[26]     L’opération, à 100, Mile House, a été conclue après celle qui se rapportait à River Park Glen; elle est peu utile lorsqu’il s’agit d’évaluer la nature de l’opération River Park Glen.

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