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Dossier : 2008-3053(IT)I

ENTRE :

CHRIS A. CONNOR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 8 juin 2009, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ian Theil

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 est rejeté.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour de juin 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme,

ce 20e jour de juillet 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 319

Date : 20090611

Dossier : 2008-3053(IT)I

ENTRE :

CHRIS A. CONNOR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

 

[1]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, Chris Connor, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2005 et 2006, refusant une partie des dépenses que M. Connor avait déduites de son revenu au titre des sommes qu’il avait versées à son ex‑épouse. Ces sommes s’élevaient à 3 100 $ pour l’année d’imposition 2005 et à 450 $ pour l’année d’imposition 2006.

 

Les faits

[2]     Après l’échec de son mariage en septembre 2004, M. Connor a versé une pension alimentaire pour enfants et une pension alimentaire pour conjoint. La pension alimentaire pour enfants n’est pas en cause en l’espèce. 

 

[3]     Selon l’ordonnance d’un tribunal datée du 2 mars 2005, M. Connor était tenu de payer une pension alimentaire pour conjoint de 500 $ par mois, et ce, à partir du 1er mars 2005.

[4]     À la suite d’une autre ordonnance datée du 20 février 2006, la pension alimentaire pour conjoint a été augmentée, passant de 500 $ à 725 $ par mois, et ce, à partir du 1er mars 2006.

 

[5]     Indépendamment de ces ordonnances, en 2004, en 2005 et en 2006, M. Connor a versé à son ex‑épouse des montants additionnels (les « montants additionnels »). Ces montants, qui s’élèvent à un total de 3 550 $, font l’objet du présent appel. 

 

[6]     À cet égard, M. Connor a reçu les conseils des deux avocats qui les ont représentés, lui et son ex‑épouse, au moment de leur divorce. Les avocats ont tous deux affirmé à l’appelant qu’il serait plus économique pour lui de payer des montants additionnels de manière informelle, ce qui réduirait le nombre de questions à trancher au procès.

 

[7]     L’appelant et son ex‑épouse n’ont pas conclu d’accord écrit au moment où M. Connor a versé ces montants, mais ils ont ensuite rédigé de tels accords afin de satisfaire aux exigences prévues par la Loi à l’égard des déductions.

 

[8]     Par un accord écrit daté du 6 janvier 2008, M. Connor a accepté de verser à son ex‑épouse les sommes suivantes : 1) 3 100 $ pour des frais de garderie engagés entre septembre 2004 et le 2 mars 2005, et 2) 450 $ afin de faire passer les paiements de pension alimentaire pour conjoint de 500 $ à 725 $ pour la période de deux mois débutant le 1er janvier 2006.

 

[9]     Un nouvel accord écrit daté du 1er mai 2008 est venu changer les termes de l’accord susmentionné. D’après les termes du nouvel accord, le paiement de 3 100 $ a été effectué au titre de la pension alimentaire pour conjoint et non des frais de garderie. 

 

[10]    L’appelant a versé une partie de la somme de 3 100 $ susmentionnée en 2004 et le reste en 2005. Il a payé la somme de 450 $ en 2006.

 

Les dispositions législatives

[11]    Les dispositions pertinentes de la Loi sont l’alinéa 60b),  la définition de « pension alimentaire » qui apparaît au paragraphe 56.1(4) et les paragraphes 60.1(3) et 60.1(4). Les extraits pertinents de ces dispositions sont reproduits ci‑dessous :

 

60. Autres déductionsPeuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

            […]

b) pension alimentaire [pour conjoint ou pour enfants] le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A            représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

[…]

 

56.1(4) DéfinitionsLes définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

               

[…]

 

60.1(3) Paiements antérieurs Pour l’application du présent article et de l’article 60, lorsqu’un accord écrit ou l’ordonnance d’un tribunal compétent, établi à un moment d’une année d’imposition, prévoit qu’un montant payé avant ce moment et au cours de l’année ou de l’année d’imposition précédente est considéré comme payé et reçu au titre de l’accord ou de l’ordonnance, les présomptions suivantes s’appliquent :

 

a)   le montant est réputé avoir été payé au titre de l’accord ou de l’ordonnance;

 

b)   l’accord ou l’ordonnance est réputé, sauf pour l’application du présent paragraphe, avoir été établi le jour où un tel montant est payé pour la première fois. […]

 

(4) Définitions – Les définitions figurant au paragraphe 56.1(4) s’appliquent au présent article et à l’article 60.

                                                                                          [Non souligné dans l’original.]

 

Analyse

[12]    En l’espèce, je conclus que la Loi n’autorise pas la déduction des montants additionnels en cause. Bien que je compatisse avec M. Connor, les dispositions législatives pertinentes ainsi que plusieurs décisions que la Cour a déjà rendues ne me permettent pas de trancher l’appel en sa faveur.

 

[13]    Le problème réside dans le fait que les montants additionnels ne répondent pas aux exigences du paragraphe 60b) à l’égard des déductions parce que ces montants n’étaient pas, à l’époque où l’appelant les a versés, à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit. 

 

[14]    C’est l’interprétation qui a été adoptée dans beaucoup de décisions rendues par la Cour ainsi que dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale : Martin c. Canada, 2005 CAF 297, 2006 DTC 6523. La décision rendue par la Cour fédérale dans cet arrêt est cohérente avec un autre de ses arrêts : Anstead c. Canada, 2005 CAF 315, 2005 DTC 5616.

 

[15]    Même s’il est possible de remédier à un tel problème en concluant un accord écrit après que les paiements ont été effectués, la conclusion d’un accord postérieur aux versements est soumise au respect de certains délais, comme l’indique le paragraphe 60.1(3). Malheureusement, en l’espèce, les accords écrits ont été conclus en dehors du délai prescrit. 

 

[16]    Je voudrais également souligner que, dans les décisions de la Cour, les juges ont généralement adopté une interprétation large de ce qu’était un accord écrit aux fins des dispositions en cause. Bien qu’il ne soit pas nécessaire qu’un accord écrit se présente comme un accord en bonne et due forme, les chèques annulés et les reçus ne sont pas considérés comme suffisants : Fortune c. La Reine, 2007 CCI 20.

 

[17]    Sur la foi de la preuve qui a été présentée à l’audience, il ne semble pas y avoir eu d’autre document écrit établissant le versement de montants additionnels avant les accords écrits conclus en 2008.

 

[18]    Je me penche maintenant sur un argument d’équité. M. Connor soutient que la conclusion qu’il recherche devrait lui être accordée considérant que l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») a traité son dossier de façon négligente pendant la vérification dont il a fait l’objet. M. Connor a déclaré qu’au cours de cette vérification, aucun représentant de l’ARC ne l’a informé en temps opportun de la nécessité de disposer de l’ordonnance d’un tribunal ou d’un accord écrit établissant l’existence des montants en cause. Il affirme que si un agent de l’ARC avait examiné son dossier attentivement au début du processus de vérification, il aurait pu être informé de l’exigence en temps opportun, ce qui lui aurait permis de conclure un accord écrit dans les délais prescrits.

 

[19]    Bien que les présentes circonstances invitent à faire preuve d’empathie à l’égard de l’appelant, elles ne me permettent pas de conclure que celui‑ci peut déduire les montants additionnels de son revenu.  

 

[20]    M. Connor demande réparation du fait que l’ARC l’aurait prétendument induit en erreur au sujet du contenu de la Loi. Malheureusement, il n’y a là aucune raison de lui accorder la déduction qu’il demande.

 

[21]    En pareille situation, le droit applicable est celui de la théorie de la fin de non‑recevoir, sur laquelle le juge Bowman, alors juge en chef, s’est penché dans la décision Moulton v. The Queen, 2002 DTC 3848 (CCI). Au paragraphe 11, l’ancien juge en chef a ainsi énoncé le principe applicable :

 

Les facteurs essentiels pour fonder une fin de non-recevoir sont, je pense, les suivants :

 

1) Une affirmation, ou une conduite y équivalant, qui a pour but d’inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.

 

2) Une action ou une omission résultant de l’affirmation, en paroles ou en actes, de la part de la personne à qui l’affirmation est faite.

 

            3) Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action ou omission.

 

[...]

 

On dit parfois que la préclusion n’est pas recevable contre la Couronne. Cette affirmation n’est pas exacte et semble provenir d’une mauvaise application du terme préclusion. Le principe de la préclusion lie la Couronne, tout comme d’autres principes de droit. La préclusion du fait du comportement, telle qu’elle s'applique à la Couronne, comprend des déclarations de faits de fonctionnaires de la Couronne sur lesquelles le sujet s’est fondé et en fonction desquelles il a agi, à son détriment. La doctrine n’a aucune application lorsqu’une interprétation particulière d’une loi a été communiquée à un sujet par un fonctionnaire de l’État, que le sujet s’est fondé sur cette interprétation à son détriment et que le gouvernement a ensuite retiré ou modifié l’interprétation. Dans un tel cas, un contribuable cherche parfois à invoquer la doctrine de la préclusion. Ce n’est pas approprié, non pas parce que ces déclarations donnent lieu à une préclusion qui ne lie pas la Couronne, mais plutôt parce qu’aucune préclusion ne peut se poser lorsque de telles déclarations ne sont pas conformes au droit. Bien que la préclusion soit maintenant un principe de droit positif, elle prend son origine dans le droit de la preuve et, en tant que telle, se rapporte aux déclarations de faits. Elle n’a aucun rôle à jouer lorsque des questions d’interprétation du droit sont en cause, car la préclusion ne peut déroger au droit.

                                                                        [Non souligné dans l’original.]

 

[22]    La conclusion tirée en l’espèce peut sembler dénoter de l’insensibilité à l’égard de M. Connor, mais je ne peux lui accorder la conclusion qu’il recherche. L’appel est rejeté.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour de juin 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme,

ce 20e jour de juillet 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 319

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-3053(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Chris A. Connor et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 8 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 11 juin 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ian Theil

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                      Nom :                          

 

                  Cabinet :

 

         Pour l’intimée :                          John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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