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Dossier : 2008-1006(IT)I

 

ENTRE :

CHRISTOPHER BRACKSTONE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 7 juillet 2009, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Joanna Hill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine de nouveau et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a engagé des frais d’essence de 700 $.

 

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 2003 et 2004 sont rejetés.

 

          De plus, la Cour ordonne que l’appelant reçoive le remboursement de son droit de dépôt de 100 $.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juillet 2009.

 

« V. A. Miller »

V. A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d’août 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 361

Date : 20090710

Dossier : 2008-1006(IT)I

 

ENTRE :

CHRISTOPHER BRACKSTONE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Miller

[1]              Christopher Brackstone interjette appel des nouvelles cotisations établies à son égard pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004, pour lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de plusieurs montants à titre de dépenses, comme l’indique le tableau ci‑dessous :

 

[traduction]

 

Annexe « A »

 

2002

 

 

Tel que présenté

 

Montant autorisé

 

Montant contesté

Publicité

 

1 000 $

 

--

 

1 000 $

Carburant et huile

 

2 000 $

 

136 $

 

1 864 $

Intérêts

 

278 $

 

145 $

 

133 $

Véhicule à moteur

 

15 751 $

 

776 $

 

14 975 $

Frais juridiques et comptables

 

1 600 $

 

--

 

1 600 $

Téléphone et services publics

 

75 $

 

--

 

75 $

Coûts de démarrage

 

10 323 $

 

1 034 $

 

9 289 $

Solde restant

 

200 $

 

--

 

--

Déduction pour amortissement

 

--

 

245 $

 

--

Dépenses

 

31 227 $

 

2 336 $

 

28 936 $

 

 

 

 

 

 

 

 

2003

 

 

Tel que présenté

 

Autorisé

 

Contesté

Publicité

 

350 $

 

--

 

350 $

Taxe d’affaires, droits d’adhésion et cotisations

 

 

60 $

 

 

--

 

 

60 $

Carburant et huile

 

1 909 $

 

364 $

 

1 545 $

Assurances

 

1 316 $

 

--

 

1 316 $

Intérêts

 

807 $

 

807 $

 

--

Entretien et réparation

 

1 443 $

 

--

 

1 443 $

Frais de gestion et d’administration

 

1 636 $

 

--

 

1 636 $

Véhicule à moteur

 

15 751 $

 

747 $

 

15 004 $

Course au lac Elliot

 

325 $

 

--

 

325 $

Téléphone cellulaire

 

1 416 $

 

231 $

 

1 185 $

Autres dépenses

 

3 374 $

 

365 $

 

3 009 $

Déduction pour amortissement

 

--

 

441 $

 

--

Dépenses

 

28 387 $

 

2 955 $

 

25 873 $

 

 

 

 

 

 

 

 

2004

 

 

Tel que présenté

 

Autorisé

 

Contesté

Taxe d’affaires, droits d’adhésion et cotisations

 

 

148 $

 

 

88 $

 

 

60 $

Carburant et huile

 

374 $

 

374 $

 

--

Livraison et transport

 

111 $

 

111 $

 

--

Intérêts

 

543 $

 

543 $

 

--

Fournitures

 

13 289 $

 

--

 

13 289 $

Perte finale

 

31 200 $

 

31 427 $

 

--

Dépenses

 

45 665 $

 

32 543 $

 

13 349 $

 

[2]              En 2002, en 2003 et en 2004, l’appelant était employé à temps plein par Ford Motor Company of Canada Limited (« Ford »). Pendant cette période, il exploitait également une entreprise individuelle, Chris Brackstone Race Cars (l’« entreprise »). Il s’agissait d’une entreprise de construction de voitures de course et de vente de divers produits automobiles. L’appelant exploitait cette entreprise à partir d’un atelier situé dans sa résidence familiale.

 

[3]              L’appelant a déclaré qu’il participait à des courses de voiture depuis 13 ans. D’après la pièce R-1, l’appelant avait déjà construit une voiture de course en 1995, pendant son temps libre. L’appelant pensait que de nombreuses personnes souhaitaient prendre part à des courses automobiles, mais qu’elles ne savaient pas comment construire une voiture. Autrement dit, l’appelant pensait qu’il y avait une demande pour des voitures de course, mais une très faible offre; c’est ce qui l’a amené à lancer l’entreprise en 2002. Son intention, dans le cas où son entreprise s’avérait fructueuse, était d’exploiter celle-ci à temps plein.

 

[4]              L’appelant a déclaré qu’il se spécialisait dans le montage du châssis, du moteur et de la transmission. Il a engagé d’autres personnes pour la construction des autres parties de la voiture de course. La voiture a été terminée au printemps 2003. Toutefois, au cours de son premier tour de piste, la voiture a eu une défaillance mécanique qui a provoqué un accident dans lequel la carrosserie et le châssis ont été détruits.

 

[5]              Je note que la pièce R-1, qui comprend le rapport de la vérificatrice, indique que la voiture de course a été terminée au printemps 2004 et qu’elle a été détruite dans un accident en juillet 2004. Toutefois, à l’audience, l’appelant a affirmé que la voiture de course avait été terminée en 2003 et que l’accident était survenu en juillet 2003.

 

[6]              En 2004, l’appelant a pris la décision de fermer l’entreprise et de demander une déduction pour perte finale.

 

[7]              L’appelant n’a pas tenu la comptabilité de son entreprise. Il a conservé certaines factures pour justifier ses achats, mais il conservait ces factures en vrac dans une enveloppe, qui contenait également des reçus pour les marchandises qu’il avait vendues.

 

[8]              Lors de l’audition de l’appel, l’appelant s’est exprimé de la manière suivante au sujet de certaines catégories de dépenses dont la déduction lui a été refusée :

 

[traduction]

 

a)       Publicité

            L’appelant a déclaré qu’il faisait de la publicité pour trouver des clients. Il a fait imprimer des cartes de visite, il a mis de petites annonces dans la section spécialisée des magazines de courses automobiles et il a produit des prospectus qu’il distribuait dans les salons de l’automobile. À l’audience, l’appelant n’a présenté aucun document ou facture justifiant les montants qu’il avait déduits de son revenu à titre de frais de publicité.

 

b)                  Carburant et huile

            L’appelant a affirmé s’être rendu en Floride en voiture en mars 2002 afin de faire l’acquisition de la carrosserie d’un coupé Corvette 1967 (la « Corvette »), qu’il a rapportée en Ontario avec la camionnette de son père. Selon lui, il lui en aurait coûté 2 000 $ de faire expédier la Corvette au Canada, alors que cette manière de procéder ne lui avait coûté que 700 $ en frais de carburant pour la camionnette. Il n’a pas demandé la déduction des frais engagés pour ses repas.

 

            L’appelant a également déclaré s’être rendu en voiture à St. Louis en 2002, pour chercher des pièces détachées pour le châssis de sa voiture, et s’être rendu à de nombreuses reprises à Port Huron, au Michigan, pour chercher des pièces détachées.

 

Il n’a pas tenu de journal de ses déplacements, mais il a conservé certaines factures d’essence, lesquelles n’ont pas été déposées en preuve à l’audience.

 

c)        Intérêts

            En 2002, l’appelant a obtenu un prêt aux petites entreprises de la banque Toronto-Dominion d’un montant de 25 000 $. Il a présenté en preuve une pièce indiquant le montant des intérêts qu’il avait payés pour l’année d’imposition 2003. La vérificatrice a autorisé la déduction de ce montant en totalité.

 

d)                  Véhicules à moteur

            En avril 2002, l’appelant a acheté une camionnette, une F‑150. Il a réalisé que ce véhicule ne lui permettrait pas de transporter la voiture de course et en septembre 2002, il l’a échangé contre une F‑250. Comme il travaillait pour Ford, il a pu obtenir une réduction pour les deux véhicules. En juin 2003, l’appelant a compris qu’il ne pouvait se permettre la F‑250 et l’a échangé contre un Ford Escape. Au cours du contre‑interrogatoire, l’appelant a reconnu que le Ford Escape appartenait à sa femme.

 

e)        Frais juridiques et comptables – 2002

Frais de gestion et d’administration – 2003

            L’appelant a affirmé ignorer totalement comment ces montants avaient été calculés. Sur la foi de sa réponse et vu l’état de ses dossiers, je conclus que ces montants étaient fictifs et qu’il ne les a pas engagés.

 

f)          Téléphone et services publics – 2002

            Téléphone cellulaire – 2003

            L’appelant ne disposait d’aucun document prouvant l’existence des montants dont la déduction a été refusée.

 

g)Coûts de démarrage

            L’appelant a déclaré que le montant de 9 289 $ dont la déduction a été refusée incluait les coûts de plusieurs pièces détachées et outils qu’il avait achetés.

 

h)                  Entretien et réparation – 2003

            L’appelant a tenu pour acquis que le montant de 1 443 $ était associé aux vidanges d’huile et au remplacement des outils. Or, dans les faits, il n’avait aucune idée de la manière dont ce montant avait été calculé, ou de ce à quoi il correspondait.

 

i)                    Course au lac Elliott – 2003

            L’appelant a déclaré avoir participé à cette course afin de faire la promotion de son entreprise. Le montant de 325 $ a couvert les frais d’hôtel, de repas et d’inscription à la course. L’appelant avait l’intention d’utiliser la voiture de l’entreprise, mais une semaine avant la course, il avait eu des problèmes avec cette voiture et avait dû se résoudre à utiliser son propre véhicule.

 

j)                    Autres dépenses – 2003

            L’appelant ignorait totalement comment le montant de 3 009 $ avait été calculé ou quel était l’achat correspondant à un tel montant.

 

k)                  Fournitures – 2004

            L’appelant a déclaré qu’après l’accident de la voiture de course, il avait essayé d’en récupérer des pièces en vue de la construction d’une nouvelle voiture. Toutefois, cela n’était pas envisageable d’un point de vue financier et il a mis fin aux opérations de l’entreprise.

 

Je note que le montant de 13 289 $ a été dépensé pour acheter des fournitures après que l’appelant a mis fin aux opérations de l’entreprise.

 

[9]              Kim Donald, vérificatrice pour l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a déposé en faveur de l’intimée. Elle a déclaré que l’appelant avait fixé le montant de certaines dépenses en additionnant ses factures, mais qu’il ne les rangeait pas par catégories. Les « autres dépenses » que l’appelant a déduites de son revenu étaient des estimations, et non le fruit de ses calculs. Mme Donald a affirmé que les montants dont la déduction a été refusée au titre de la publicité, des intérêts, des frais juridiques et comptables, du téléphone, des assurances et des « autres dépenses » n’étaient pas documentés.

 

[10]         Mme Donald a expliqué que l’appelant avait déduit de son revenu un montant au titre des dépenses engagées pour acheter des outils et des pièces détachées. Par exemple, elle a déclaré que le montant de 10 323 $ qu’il avait déduit à titre de [traduction] « coûts de démarrage » avait trait, en majeure partie, à l’achat de pièces détachées. Elle a examiné toutes les factures et elle a établi que le total des achats effectués en 2002 s’élevait en fait à 21 092 $. Elle a ajouté ce montant au stock de clôture pour l’année d’imposition 2002. Elle a affirmé que le montant de 1 034 $ dont la déduction a été autorisée à titre de coûts de démarrage était justifié par des factures et se rapportait aux dépenses engagées pour les droits de douane, les repas, les hôtels, l’homologation du châssis, la publicité, les taxes et l’affranchissement.

 

[11]         Quand il a produit ses déclarations de revenu pour 2002 et 2003, l’appelant a déclaré que la totalité de l’utilisation de sa camionnette F‑250 était à des fins commerciales. Mme Donald a déclaré avoir étudié cette prétention à la lumière des documents dont elle disposait. Elle a ainsi établi le nombre de fois où l’appelant s’est rendu à Port Huron; elle a calculé le nombre de kilomètres parcourus à chaque fois et l’a multiplié par le nombre de voyages. Finalement, elle a comparé ce nombre avec le kilométrage de la camionnette pour la période où l’appelant en a été propriétaire, tel qu’il apparaît sur le document d’échange. En se fiant à ses calculs, Mme Donald a estimé que 15 % de l’utilisation du F‑250 était à des fins commerciales.

 

[12]         La preuve que l’appelant a présentée à l’audience ne m’a pas convaincue que l’utilisation qu’il a faite de la F‑250 aux fins de l’entreprise était supérieure à celle que la vérificatrice a déterminée. L’appelant a déclaré que 100 % ou 70 % de l’utilisation du véhicule était à des fins commerciales, mais il n’a présenté absolument aucun document susceptible d’étayer ses affirmations relatives à l’utilisation de la F‑250. Ses déclarations portant sur l’utilisation de la camionnette n’étaient pas suffisamment précises pour me permettre de modifier le pourcentage qui a été calculé à cet égard. Si l’appelant souhaite déduire de son revenu les dépenses afférentes à l’utilisation d’un véhicule, il se doit de les justifier avec diligence.

 

[13]         À la lumière de l’ensemble de la preuve, je conclus qu’en 2002, l’appelant a engagé des frais de carburant de 700 $ afin de se rendre en Floride. Je conclus également que ce montant mis à part, l’appelant n’est pas parvenu à démontrer qu’il avait engagé les autres sommes dont la déduction a été refusée.


 

[14]         L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2002 est accueilli. Les appels concernant les années 2003 et 2004 sont rejetés.

      

  Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juillet 2009.

 

« V. A. Miller »

V. A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d’août 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 361

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-1006(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Christopher Brackstone et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 7 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 juillet 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Joanna Hill

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                         

 

                   Cabinet :

 

          Pour l’intimée :                         John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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