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Dossier : 2007-131(IT)G

ENTRE :

COLLEGE PARK MOTORS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Joseph Alan Holdings Ltd. 2007-132(IT)G,

le 26 juin 2008, à Saskatoon (Saskatchewan)

 

Devant : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kurt G. Wintermute

Avocat de l’intimée :

Me Lyle Bouvier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est rejeté et un seul mémoire de dépens est adjugé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce dix-neuvième jour d’août 2009.

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’octobre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Dossier : 2007-132(IT)G

ENTRE :

JOSEPH ALAN HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

College Park Motors Ltd. 2007-131(IT)G,

le 26 juin 2008, à Saskatoon (Saskatchewan)

 

Devant : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kurt G. Wintermute

Avocat de l’intimée :

Me Lyle Bouvier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté et un seul mémoire de dépens est adjugé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce dix-neuvième jour d’août 2009.

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’octobre 2009

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 409

Date : 20090819

Dossier : 2007-131(IT)G

2007-132(IT)G

ENTRE :

COLLEGE PARK MOTORS LTD. et

JOSEPH ALAN HOLDINGS LTD.,

appelantes,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     College Park Motor Products Limited (CPMP) et Joseph Alan Holdings Limited (JAH) font partie du groupe de sociétés connu sous le nom de Ulmer Group (le « Groupe ») et qui est constitué de dix sociétés exploitant des concessions automobiles en Saskatchewan et en Alberta. JAH est une société de portefeuille à laquelle est dévolue la propriété de biens fonciers et qui loue ceux‑ci aux autres sociétés du groupe, et CPMP exploite une concession General Motors à Vermillion (Alberta). L’appel de CPMP concerne la nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu établie pour son année d’imposition 1999, et celui de JAH, la nouvelle cotisation établie pour son année d’imposition 2000. Les deux appels ont été entendus ensemble sur preuve commune.

 

[2]     Le ministre du Revenu national reconnaît que les nouvelles cotisations portées en appel ont été établies après l’expiration de la période normale définie au paragraphe 152(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1], mais il fait valoir qu’il était fondé à procéder ainsi en vertu du sous‑alinéa 152(4)a)(i), dont voici le texte :

 

152(4)  Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

(a)        le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)        []

 

[3]     Les appelantes ne contestent ni la justesse du montant des nouvelles cotisations ni le fait qu’elles auraient été bien fondées si elles avaient été établies dans le délai prescrit. Elles invoquent simplement l’absence de toute présentation erronée justifiant l’établissement de la cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[4]     M. Doug Ulmer est l’un des deux frères qui dirigent le Groupe et qui l’ont fait croître à partir de débuts relativement modestes. Son frère Ross et lui sont associés dans toutes leurs entreprises commerciales. À l’époque en cause, M. Doug Ulmer était président et administrateur de JAH, et il veillait de près à son exploitation. Il était également administrateur de CPMP et pratiquait une gestion interventionniste à l’égard de toutes les concessions du Groupe. Il a été l’un des deux témoins cités par les appelantes, l’autre étant Al Baert, C.A.

 

[5]     Al Baert est associé au sein du cabinet de comptables agréés Menssa Baert Cameron exerçant à North Battleford, en Saskatchewan. Il est le comptable du Groupe depuis 1981 environ. Son cabinet s’occupe de comptabilité, de vérification, de fiscalité et de planification d’entreprise. M. Baert n’est spécialisé ni en fiscalité ni dans un autre champ de la profession comptable. Au cours des ans, il a suivi de temps à autre des cours de perfectionnement dans différents domaines de sa profession. Chaque année, le cabinet prépare les déclarations de revenus d’environ 400 sociétés, et M. Baert effectue lui‑même à peu près 180 d’entre elles. Pendant de nombreuses années, c’est lui qui a préparé les états de fin d’exercice et les déclarations de revenus de toutes les sociétés du Groupe, et il appert du dossier de chacune d’elles que les déclarations sont exactes et produites à temps.

 

[6]     M. Ulmer a décrit dans son témoignage sa façon de procéder à l’égard de la production des déclarations de revenus des sociétés du Groupe. Il connaît bien la situation financière de chaque société puisqu’il effectue chaque mois sans faute un examen minutieux de leurs relevés. Entre la fin de l’exercice le 31 décembre et la date à laquelle les déclarations de revenus sont produites, il passe une journée à North Battleford avec M. Baert, à examiner les redressements de fin d’année, les états financiers annuels et les déclarations de revenus de chaque société que le comptable lui présente pour signature. Ils consacrent environ une demi-heure à chaque société et, à la fin de la journée, M. Ulmer signe les déclarations de revenus de chacune d’elles avant de retourner à Calgary, où il réside.

 

[7]     Les problèmes des appelantes découlent de leur obligation fiscale sous le régime de la partie I.3 de la Loi. Cette partie prévoit un impôt sur le capital des grandes sociétés. Les appelantes reconnaissant que les nouvelles cotisations en cause seraient exactes et bien fondées si elles avaient été établies dans la période normale prévue, il n’est pas nécessaire en l’espèce de s’attarder aux détails du calcul de l’impôt payable au titre de la partie I.3 ou à l’effet de cette partie sur le droit des appelantes aux déductions accordées aux petites entreprises. Pour les besoins des présents appels, il suffit de savoir que les sociétés appelantes n’auraient pas, individuellement, été assujetties à l’impôt prévu à la partie I.3 mais qu’en tant que membres d’un groupe de sociétés associées et en raison de l’importance du montant total des billets portant privilège souscrits par les sociétés du Groupe et grevant leurs stocks, l’effet combiné des articles 181, 181.1, 181.2, 181.3, 181.4, 181.5 et 181.6 de la partie I.3 et du paragraphe 125(5.1) de la partie I est le suivant :

 

a)     les appelantes devaient acquitter l’impôt au titre de la partie I.3 pour les années en cause;

  b)    elles devaient produire les déclarations de capital en remplissant l’annexe 33 du formulaire de déclaration de revenus T2;

c)     la déduction accordée aux petites entreprises à laquelle elles auraient autrement eu droit était éliminée.

 

[8]     Il appert que M. Ulmer a signé la déclaration de revenus T2 relative à l’année d’imposition 1999 de CPMP le 8 avril 2000 et celle de l’année d’imposition 2000 de JAH, le 31 mars 2001, dans le bureau de M. Baert. Les déclarations préparées par M. Baert et signées par M. Ulmer ne faisaient état d’aucun impôt à payer au titre de la partie I.3 de la Loi, et elles incluaient toutes deux la déduction accordée aux petites entreprises. Ce n’est que vers la fin de 2003 que M. Ulmer a appris, au cours d’une conversation avec un avocat-fiscaliste de Saskatoon, que des erreurs avaient été faites dans ces déclarations et qu’elles avaient été répétées dans celles des années subséquentes. M. Baert a été surpris lorsque M. Ulmer lui a signalé ces erreurs, et il a calculé l’obligation fiscale qui en résultait pour le Groupe. M. Ulmer a ensuite donné instruction à un avocat de Saskatoon de procéder à une divulgation volontaire des erreurs, ce qui a été fait au mois de juin 2004. Suivant le témoignage de M. Ulmer, ce retard était attribuable aux avocats et non à une quelconque hésitation de sa part. De nouvelles cotisations visant les années pour lesquelles il n’y avait pas prescription ont été établies par suite de cette divulgation, et les appelantes les ont acceptées, mais elles contestent, dans les présents appels, celles qui ont été établies pour les années où il y avait prescription.

 

[9]     Tant dans ses aspects plus généraux qu’à l’égard des déclarations en cause, le témoignage de M. Baert au sujet de la production des déclarations de revenus corrobore celui de M. Ulmer. Les témoins ont fait preuve de franchise et de cohérence, et j’accepte le témoignage de chacun dans sa totalité. J’ai la certitude qu’ils sont tous deux prudents et consciencieux, mais cela ne les met pas pour autant à l’abri de fautes momentanées d’inattention.

 

[10]    Selon l’avocat des appelantes, il ressort de la doctrine et de la jurisprudence que le contribuable qui a retenu les services d’un comptable pour préparer une déclaration de revenus ne pourra faire l’objet d’une nouvelle cotisation hors de la période normale à moins que les renseignements fournis au comptable aient été incomplets ou inexacts ou qu’il ait signé la déclaration sans bien en examiner le contenu ou en laissant passer des erreurs qui auraient dû être évidentes pour un contribuable avisé et prudent faisant preuve de diligence raisonnable. Les appelantes font valoir que, même si leur comptable ne les a pas informées qu’elles devaient acquitter l’impôt prévu à la partie I.3 et s’il n’a pas tenu compte de l’effet de cette partie sur leur droit à la déduction accordée aux petites entreprises, cette omission ne saurait leur être attribuée et entraîner l’application du sous‑alinéa 152(4)a)(i). Elles font valoir que M. Ulmer a agi avec le degré de diligence qu'une personne normalement avisée et prudente aurait exercé dans l’examen des déclarations et que les fautes commises par M. Baert n’autorisent pas le ministre à établir de nouvelles cotisations.

 

[11]    Les appelantes affirment qu’elles ont tenu une comptabilité complète et exacte et ont transmis tous ces documents à M. Baert et que M. Ulmer a examiné avec soin les états financiers et les déclarations de revenus préparés par M. Baert et a eu la possibilité de poser des questions à ce dernier lors de leur rencontre et d’obtenir des précisions au sujet desdits états et déclarations qui lui étaient présentés pour signature. Il n’a pas été allégué que la comptabilité des appelantes laissait le moindrement à désirer ou que M. Baert n’a pas eu un portrait complet et exact de leur situation financière.

 

[12]    L’avocat de l’intimée a soumis deux arguments. Concédant d’abord qu’un contribuable ordinaire aurait pu ignorer l’existence de l’impôt prévu à la partie I.3, il fait valoir que M. Ulmer n’était pas un contribuable ordinaire, mais un homme d’affaires chevronné et averti qui avait fait du groupe des sociétés associées Ulmer une entreprise d’importance et qui aurait dû être au courant des exigences en matière de déclaration que la Loi prévoit à l’égard des groupes de sociétés associées. Il a également soutenu qu’en tout état de cause, M. Baert aurait dû connaître les exigences de la partie I.3 et ce qu’entraînait le défaut de s’y conformer, ajoutant que, selon la doctrine et la jurisprudence, il n’est pas permis à un contribuable de se soustraire aux conséquences de la non‑observation de la Loi en en faisant porter la responsabilité au tiers qui a préparé les déclarations pour lui. Selon M. Bouvier, une déclaration erronée faite par suite de la négligence de M. Ulmer ou de M. Baert suffit pour justifier l’établissement d’une nouvelle cotisation hors de la période normale.

 

[13]    Dans l’examen de cette question, il importe de se rappeler que le sous‑alinéa 152(4)a)(i) vise simplement à préserver le droit du ministre d’établir une nouvelle cotisation lorsque le contribuable n’a pas divulgué tout ce qu’il aurait dû divulguer aussi exactement qu’il aurait dû le faire et qu’il a, ce faisant, privé le ministre de la possibilité d’établir avec précision l’obligation fiscale totale du contribuable lors du premier avis de cotisation. Elle n’a nullement pour objet d’établir une quelconque culpabilité de la part du contribuable. D’autres dispositions de la Loi sont en place pour cela[2]. M. Wintermute invoque le passage suivant d’une décision que j’ai rendue de vive voix[3] :

 

Il se peut bien qu'il y ait des circonstances où l'on présente des faits d'une manière déformée en se fiant à l'avis d'un comptable ou d'un autre spécialiste, où il était raisonnable de s'y fier et où la négligence de ce conseiller professionnel n'a pas pour effet d'établir qu'il y a eu présentation erronée des faits aux fins du paragraphe 152(4). Je suis toutefois convaincu que tel n'est pas le cas en l'espèce, []

 

Ce passage est clairement une remarque incidente. Qui plus est, cet énoncé n’est compatible ni avec la décision du juge Heald dans Nesbitt v. Canada[4] ni avec celle du juge Bowman (plus tard juge en chef) dans Snowball v. The Queen[5]. Dans cette dernière décision, le juge Bowman a expliqué l’importante différence qui existe relativement à l’effet de la négligence du comptable ou d’une autre personne ayant préparé la déclaration de revenus d’un contribuable entre les cas où une cotisation est établie passé l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation et les cas où le ministre impose une pénalité sous le régime du paragraphe 163(2) :

 

Quoi qu'il en soit, même si M. Cockburn a fait preuve de négligence, cela ne constitue pas une réponse en ce qui concerne une cotisation par ailleurs prescrite en application du sous-alinéa 152(4)a)(i). À vrai dire, la négligence d'un comptable peut constituer un moyen de défense lorsqu'une pénalité est imposée en application du paragraphe 163(2) : Udell v. M.N.R., 70 D.T.C. 6019 (C. de l'É.). Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) n'est pas une disposition pénale. Son but est tout à fait différent de celui du paragraphe 163(2). La négligence commise par la personne qui prépare une déclaration de revenu continue à avoir les mêmes conséquences aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i), qu'il s'agisse de la négligence du contribuable personnellement, ou de celle du comptable ou de toute autre personne qui a préparé la déclaration de revenu à titre de mandataire. Dans Nesbitt v. The Queen, 96 D.T.C. 6045, le juge Heald a statué que le contribuable ne peut pas se protéger contre l'effet du sous-alinéa 152(4)a)(i) en blâmant son comptable. Les mêmes considérations s'appliquent en l'espèce[6].

 

La décision du juge Heald dans Nesbitt[7] a été confirmée par la Cour d’appel fédérale, mais cette dernière n’a pas fait de commentaire sur ce point.

 

[14]    L’argument voulant qu’un examen minutieux des déclarations de tous les membres du Groupe aurait révélé les erreurs ne saurait non plus aider les appelantes. Il n’est pas nécessaire, pour que le sous‑alinéa 152(4)a)(i) puisse être invoqué, que le ministre ait été dans l’incapacité absolue d’établir une cotisation exacte avec les seuls renseignements fournis dans la déclaration. Dans Regina Shoppers Mall Ltd v. The Queen[8], la Cour d’appel fédérale a statué que le ministre ne pouvait se prévaloir du sous‑alinéa 152(4)a)(i) pour établir une nouvelle cotisation, car, non seulement était‑il au courant des faits fondant la nouvelle cotisation, mais ces faits étaient au cœur d’un litige en cours au sujet de cotisations établies à l’égard d’années antérieures. Toutefois, cette cour semble avoir adopté une position quelque peu différente récemment. Dans l’arrêt Nesbitt[9], elle a jugé que le ministre était fondé à établir une nouvelle cotisation hors de la période normale, même si la présentation erronée justifiant cette mesure se limitait à un chiffre inexact résultant d’une erreur de calcul que le ministre aurait pu relever en examinant le contenu de la déclaration dans son entier. La Cour a ajouté qu’elle serait parvenue à la même conclusion même s’il avait été démontré que le ministre avait pris connaissance de l’erreur au cours de la période normale de nouvelle cotisation. Le juge Strayer a indiqué ce qui suit dans les motifs unanimes du jugement de la Cour :

 

Même en supposant que l'on puisse considérer que la lettre du 6 août 1986 prouve que le ministre était au courant à cette date-là (deux mois avant l'expiration du délai de prescription de quatre ans) des faits véridiques et qu'il y avait eu présentation erronée de faits, je ne crois pas que cela soit utile à l'appelant. Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

Il importe donc peu que le ministre ait pu, malgré la représentation erronée de faits dans la déclaration, déterminer les faits véridiques avant l'expiration du délai de prescription. Au moment où elle a été produite, et par la suite, la déclaration fautive constituait une présentation erronée de faits au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.                            [Non souligné dans l’original.]

 

[15]    Le jugement du juge Rip (à présent juge en chef) dans Brent v. The Queen[10] tient une grande place dans l’argumentation de M. Wintermute, mais cette décision ne lui est d’aucun secours en l’espèce, car elle portait sur une situation tout à fait particulière. Les déclarations des contribuables en cause, deux sœurs, ne faisaient pas mention d’un revenu tiré d’une participation dans une société de personnes qu’elles avaient acquise à leur insu de la succession de leur mère, dans le cadre d’une réorganisation d’entreprise effectuée par les exécuteurs, leur père et le mari de l’une d’elles. Le juge Rip a formulé plusieurs conclusions de fait faisant en sorte que cette affaire se distingue de celle qui nous occupe. Aucune des sœurs ne savait qu’une participation dans une société de personne lui avait été transférée ou qu’un revenu y afférant lui avait été attribué. Seuls les exécuteurs étaient au courant de ces faits. Le juge a conclu aussi que les contribuables n’avaient aucune raison de poser auxdits exécuteurs les questions relatives aux affaires de la succession qui leur auraient révélé ces faits. En l’espèce, tous les faits se rapportant aux affaires des appelantes étaient connus de M. Ulmer. Le problème découle de ce qu’il n’a pas compris les conséquences juridiques de ces faits. S’il avait examiné les formulaires T2 avec plus de soin avant de les signer, il se serait rendu compte qu’il devait se renseigner au sujet de la partie I.3 de la Loi.

 

[16]    Les deux questions qu’il faut trancher dans toute affaire relevant du sous‑alinéa 152(4)a)(i) sont s’il y a eu présentation erronée et, le cas échéant, si cette présentation a été faite « par négligence, inattention ou omission volontaire, ou [en commettant] quelque fraude en produisant la déclaration ». Je suis d’avis qu’en l’espèce, il faut répondre par oui dans les deux cas.

 

[17]    La déclaration T2 de CPMP pour l’année d’imposition 1999 se trouve à l’onglet 2 de la pièce A-1, et celle de JAH pour l’année d’imposition 2000, à l’onglet 4. La deuxième page de chaque déclaration porte le titre [traduction] « Pièces jointes », lequel est suivi des mentions suivantes dans le formulaire de déclaration de CPMP pour l’année d’imposition 1999 :

 

[traduction]

États financiers – Ceux-ci comprennent un bilan, un état des résultats, les notes aux états financiers ou l'index général des renseignements financiers (IGRF).

 

Annexes – Répondez aux questions suivantes. Pour chaque réponse affirmative, joignez l'annexe indiquée.

 

Le libellé de la déclaration de JAH pour l’année d’imposition 2000 est essentiellement le même. Sous ces mentions figurent des questions auxquelles il faut répondre par « oui » ou « non ». À la gauche de chaque question est indiqué le numéro de la section pertinente du guide qui peut être consultée pour obtenir des explications sur le sujet et, à la droite, il y a une boîte où cocher la réponse « oui », suivie du numéro de l’annexe à joindre à la déclaration si cette réponse est cochée. Plus bas sur la page figurent les trois questions suivantes, qui portent toutes sur l’impôt de la partie I.3 :

 

[traduction]

Numéro du guide

 

Oui

Annexe

 

[]

 

 

 

115

La société est-elle assujettie à l'impôt brut de la partie I.3?

 

33/34/35

 

 

 

 

115

La société est-elle membre d'un groupe lié dont au moins un membre est assujetti à l'impôt brut de la partie I.3?

 

 

36

 

 

 

 

115

La société demande-t-elle un crédit d'impôt de la partie I.3 ou un crédit de surtaxe?

 

37

 

Dans la déclaration de CPMP, M. Baert a coché « oui » pour cinq des 46 questions. Dans la déclaration de JAH, le « oui » a été coché pour huit des 48 questions. Le « oui » n’a été coché dans aucune des questions relatives à la partie I.3, bien qu’il eût dû l’être pour au moins deux d’entre elles. Dans chaque déclaration, un montant de 32 000 $ a été inclus dans le calcul du revenu imposable au titre de la déduction accordée aux petites entreprises. Par conséquent, chaque déclaration comporte trois présentations erronées.

 

[18]    M. Bouvier ne prétend pas qu’il y ait eu omission volontaire ou fraude en l’espèce, mais il allègue que l’inattention ou la négligence ont entraîné les omissions ainsi que l’inclusion d’une déduction à laquelle les contribuables n’avaient pas droit. M. Wintermute soutient que, s’il y a eu négligence, elle a été le fait de M. Baert, non de M. Ulmer. Selon lui, tous deux ignoraient l’existence de la partie I.3, et on ne pouvait non plus s’attendre à ce qu’ils la connaissent; la partie I.3 avait été ajoutée à la Loi en 1989 et M. Baert n’avait pas eu à s’en occuper jusque‑là dans l’exercice de sa profession, et M. Ulmer étant un homme d’affaires et non un avocat ou un comptable, il n’y avait pas de raison qu’il soit au courant de l’impôt sur les grandes sociétés ni même qu’il considère que l’une des sociétés du Groupe soit une grande société. Toutefois, rien de cela n’excuse leur inertie devant les questions relatives à la partie I.3 figurant à la deuxième page du formulaire T2.

 

[19]    Si M. Ulmer avait porté à l’examen des projets de déclaration le soin qu’y aurait mis un contribuable avisé et prudent, il aurait lu les questions posées à la page 2, aurait remarqué celles qui concernaient l’impôt de la partie I.3 et, ne sachant pas ce qu’il en était, il aurait interrogé M. Baert à ce sujet et aurait vu que ce dernier ne le savait pas plus que lui. Ils auraient alors consulté la section 115 du guide ou auraient cherché ailleurs et ils auraient appris qu’il fallait répondre « oui » à deux des questions relatives à la partie I.3 et joindre les annexes applicables à cette partie au formulaire T2 et que les appelantes ne pouvaient se prévaloir de la déduction accordée aux petites entreprises. Il ne porte pas à conséquence que l’inattention procède du fait que les questions de la page 2 n’ont pas été lues ou du fait que les questions nécessaires pour savoir à quoi s’en tenir au sujet de la partie I.3 n’ont pas été posées. En tout état de cause, M. Ulmer n’a pas agi avec le soin nécessaire.

 

[20]    Au risque de me répéter, je tiens à souligner encore une fois que le sous‑alinéa 152(4)a)(i) est une disposition réparatrice, et non pénale. Elle concilie la nécessité, pour le contribuable, que son obligation fiscale afférente à une année d’imposition soit arrêtée de façon définitive, avec les exigences propres à un système autodéclaratif faisant en sorte que le fisc ne soit pas empêché d’établir une nouvelle cotisation lorsque, en raison de sa conduite, un contribuable a bénéficié d’une cotisation plus avantageuse que celle qui aurait dû être établie, au mieux, par manque de diligence ou d’attention ou, au pire, par fraude volontaire. La présente espèce, à bon droit, ne relève pas de l’ordre pénal. Il s’agit simplement d’un cas où le fisc ne devrait pas être désavantagé du seul fait du temps écoulé entre le moment où M. Ulmer a commis de bonne foi l’erreur en cause et celui où il a procédé à la divulgation volontaire après la découverte de l’erreur.

 

[21]    Les appels sont rejetés avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce dix-neuvième jour d’août 2009.

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’octobre 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 409

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-131(IT)G et 2007-132(IT)G

 

 

INTITULÉ :                                       COLLEGE PARK MOTORS LTD. et JOSEPH ALAN HOLDINGS LTD. et  

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 juin 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E. A. Bowie

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 août 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelantes :

Kurt G. Wintermute

Pour l’intimée :

Lyle Bouvier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelantes :

 

                            Nom :                    Kurt G. Wintermute

 

                        Cabinet :                    MacPherson, Leslie and Tyerman LLP

 

               Pour l’intimée :                    John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)



[1]           L.R.C. 1985 ch. 1 (5e suppl.), et ses modifications.

 

[2]           Voir, par exemple, les articles 162, 163, 238 et 239.

 

[3]           Isnor v. the Queen, [2000] 4 C.T.C. 2566, au par. 9.

 

[4]           [1996] 1 C.T.C. 2852.

 

[5]           [1996] 2 C.T.C. 2513.

 

[6]           Ibid., au par. 19.

 

[7]           96 DTC 6588.

 

[8]           [1991] 1 C.T.C. 297.

 

[9]           Précité.

 

[10]          [2001] 4 C.T.C. 2697.

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