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Dossier : 2007­3779(IT)G

ENTRE :

STAN WIRE APPLICATION LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l’appel de Stan Wire Application Ltd. (2007­4174(GST)I) le 30 mars 2009, à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Représentante de l’appelante :

Mme Agata Nowak

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Margaret M. McCabe

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          Les appels interjetés des cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2002, 2003 et 2004 sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement modifiés ci­joints.

 

          Il n’y aura aucune adjudication des dépens.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2009.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

Dossier : 2007­4174(GST)I

ENTRE :

STAN WIRE APPLICATION LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Stan Wire Application Ltd.

(2007­3779(IT)G) le 30 mars 2009, à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Représentante de l’appelante :

Mme Agata Nowak

Avocate de l’intimée :

Me Margaret M. McCabe

____________________________________________________________________

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro 10CT0600129 et est daté du 11 mai 2005, pour la période du 1er mars 2001 au 29 février 2004, est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement modifiés ci­joints.

 

          Il n’y aura aucune adjudication des dépens.

 

          Il est en outre ordonné que les droits de dépôt de 100 $ soient remboursés à l’appelante.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 425 

Date : 20091023

Dossiers : 2007­3779(IT)G

2007­4174(GST)I    

ENTRE :

 

STAN WIRE APPLICATION LTD.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

 

La juge Campbell

 

[1]     Les présents appels ont été entendus ensemble sur preuve commune et ils intéressent des questions relevant de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Les activités de l’appelante concernaient la construction de maisons destinées à la revente et certaines de ces opérations donnaient lieu à des transferts aux seuls actionnaires et âmes dirigeantes de la société appelante, Agata et Boguslaw Nowak (« M. et Mme Nowak » ou « monsieur et madame Nowak »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation sous le régime de la Loi sur le fondement que ces transferts entre l’appelante et M. et Mme Nowak n’ont pas été effectués selon le critère de la juste valeur marchande (« JVM »). Les questions en litige relevant de la LTA découlent en grande partie de l’imposition de revenu; la Cour est donc appelée à rechercher si l’appelante a correctement déclaré la TPS nette relative à plusieurs transferts, si des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») ont été demandés en trop et si l’appelante peut déduire, en sus du montant de ces déductions, le remboursement pour habitation neuve (« RHN ») au titre de plusieurs de ces transferts.

 

Faits

 

[2]     J’ai entendu les témoignages de M. et Mme Nowak ainsi que de David Jang, l’estimateur de biens de l’intimée en ce qui concerne l’une des propriétés.

 

[3]     L’appelante a été constituée en société en 1998 et sa principale activité consistait à poser des canalisations électriques dans le stuc. Quelques années plus tard, l’appelante a commencé à construire des maisons destinées à la revente. Les cotisations visent les années d’imposition se terminant en février 2002, en février 2003 et en février 2004. En l’espèce, sont en cause quatre propriétés, soit le 1169, rue Strathcona (le « 1169 », la « propriété 1169 »), le 3139, rue Signal Hill (le « 3139 », la « propriété 3139 »), le 3135, rue Signal Hill (le « 3135 », la « propriété 3135 »), et le 160, place Strathlea (le « 160 », la « propriété 160 »).

 

[4]     En 2001, M. et Mme Nowak ont acheté à titre personnel le lot situé au 1169, rue Strathcona. Selon l’offre d’achat (pièce A­34), c’est Mme Nowak qui a acheté ce lot. Une maison a été construite et M. et Mme Nowak y ont résidé de décembre 2001 à mai 2002. Dans son témoignage, Mme Nowak a déclaré qu’elle et son époux avaient personnellement construit cette demeure avec leurs propres fonds, qu’ils avaient eu recours à des entrepreneurs au prix du marché (transcription, page 18) et qu’ils l’avaient ensuite vendue en mai 2002. L’intimée a fait valoir qu’une partie des coûts liés à la construction du 1169 avait été engagée par l’appelante et portée au débit du compte de prêt des actionnaires, M. et Mme Nowak; que l’appelante était désignée comme la personne responsable de la construction de la maison au moment de l’inspection; et que c’est l’appelante qui avait fourni une garantie de constructeur d’un an sur le 1169 au moment de la vente à un tiers en mai 2002. L’intimée a également soutenu que l’appelante avait demandé des CTI au titre de la construction du 1169. Elle a en outre produit des chèques (pièce R­2) afin d’établir que M. et Mme Nowak avaient utilisé la société appelante comme intermédiaire pour obtenir certaines fournitures ayant servi à la construction du 1169.

 

[5]     L’appelante a affirmé qu’elle n’avait demandé aucun CTI au titre du 1169 parce que ces crédits se rapportaient en réalité à une autre construction élevée en même temps que celle située au 1169 (transcription, page 19). L’appelante avait apparemment pour pratique d’isoler les fonds relatifs à chacune de ses constructions et de conserver un numéro de TPS distinct pour chacune d’elles (transcription, page 43).

 

[6]     Selon M. et Mme Nowak, le 1169 devait leur servir de résidence, mais des circonstances imprévues, dont la construction de nouvelles maisons dans le secteur et l’installation devant la propriété d’un arrêt d’autobus qui avait occasionné des problèmes de bruit et une circulation accrue dans le secteur, les avaient forcés à en déménager.

 

[7]     En mars 2002, M. et Mme Nowak ont acheté le lot situé au 3139. Ils ont financé la construction et l’appelante a construit la maison sur ce lot. Les coûts leur ont été imputés au moyen d’écritures de journal dans les comptes de l’appelante. Cette dernière a déclaré que la contrepartie de la fourniture du 3139 à Mme Nowak se chiffrait à 234 453 $. En septembre ou en octobre 2002, M. et Mme Nowak ont déménagé au 3139 même si, selon leur témoignage, la construction de la maison n’était pas entièrement terminée.

 

[8]     Il ressort de la preuve qu’au moment d’acheter le 3139, M. et Mme Nowak destinaient cette maison à leur usage personnel. Pendant ses recherches de lots commerciaux, M. Nowak a découvert deux lots, soit le 3139 et le 3135, et a décidé que le 3139 était un endroit idéal pour bâtir une résidence personnelle. Toutefois, comme le promoteur immobilier ne voulait pas traiter directement avec des particuliers, mais uniquement avec des personnes morales, il a fallu faire intervenir la société appelante pour le compte de M. et Mme Nowak dans l’acquisition du 3139.

 

[9]     Le titre du 3139 a été transféré directement du promoteur immobilier à M. et Mme Nowak personnellement. Il s’agissait de ce qu’on appelle un [traduction] « transfert sans intermédiaire », une pratique courante en Alberta par laquelle on transfère le titre directement aux acquéreurs sans passer par le constructeur. Le paiement du lot 3139 a été effectué en juillet 2002 par le truchement du compte de prêt des actionnaires de l’appelante. Celle-ci a déclaré la somme de 234 453 $ comme revenu tiré du transfert du 3139 à Agata Nowak. Elle n’a pas versé de TPS. Conformément à une pratique couramment suivie dans le secteur immobilier, l’appelante et le promoteur immobilier ont plutôt échangé leur numéro de TPS, ce qui a vraisemblablement été fait en application des dispositions relatives à l’autocotisation au titre de l’acquisition d’un immeuble des paragraphes 221(2) et 228(4) de la LTA. L’appelante serait donc tenue de verser la TPS à payer, le cas échéant, directement plutôt que de la verser au promoteur.

 

[10]    Il convient de signaler que l’intimée fait valoir qu’en date du 7 juin 2002, soit antérieurement au déménagement de M. et Mme Nowak au 3139, l’appelante utilisait déjà le 160 à titre d’adresse postale avant même que la maison ne soit construite sur ce lot.

 

[11]    Le 3139 a été vendu en mai 2003 à un tiers pour la somme de 366 000 $ (comprenant 23 943,93 $ de taxe) après avoir été mis sur le marché en janvier 2003.

 

[12]    En conséquence, le ministre a établi à l’égard de l’appelante une cotisation relative au 3139 sur le fondement que la JVM au moment du transfert à M. et Mme Nowak s’élevait à 342 056 $ (366 000 $ – 23 944 $ pour la TPS). Une somme de 107 603 $ (342 056 $ – 234 453 $) a été incluse dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2003.

 

[13]    Dans le calcul de sa taxe nette, l’appelante a déduit la somme de 5 956,31 $ à titre de RHN relativement au 3139. Le ministre a refusé ce remboursement parce qu’il était d’avis que M. et Mme Nowak avaient acquis le 3139 dans l’intention sous­jacente de le revendre en vue de réaliser un profit.

 

[14]    En mars 2002, l’appelante avait également acheté le lot situé au 3135, lequel était adjacent au 3139. Elle a conclu avec Derek Selwent une convention d’achat­vente relative au 3135 pour la construction d’une maison suivant la méthode du coût majoré. M. Selwent est devenu le voisin de M. et Mme Nowak mais, selon leur témoignage et les rapports de police (pièce A­4), il s’est révélé être une présence menaçante, violente et malveillante dans leur vie et ils ont été victimes d’actes de vandalisme. M. et Mme Nowak ont affirmé qu’ils avaient voulu préserver leur sécurité et leur qualité de vie et qu’ils avaient donc de bonnes raisons de quitter le 3139 malgré la courte durée de leur résidence à cet endroit.

 

[15]    Quant à la propriété de M. Selwent, le 3135, l’appelante devait surveiller tous les aspects de la construction et fournir une garantie d’un an. Le fournisseur/promoteur du lot vacant a transféré le 3135 directement à M. Selwent, le propriétaire de la maison, malgré l’intervention de la société appelante (pièce A­7). Ce document stipule qu’un [traduction] « transfert sans intermédiaire » a eu lieu relativement au 3135.

 

[16]    La construction du 3135 était en grande partie achevée en novembre 2002 et l’acquéreur a cédé le RHN correspondant (pièce A­16) à l’appelante, laquelle a ensuite porté le montant du remboursement au crédit de M. Selwent en réduisant la somme définitive qu’il devait payer. À l’heure actuelle, M. Selwent n’a pas encore intégralement payé l’appelante (transcription, page 156). Dans le calcul de sa taxe nette, l’appelante a déduit un RHN de 5 743,54 $ relativement au 3135. Le ministre refuse ce remboursement parce que l’achat n’a pas été effectué auprès d’un constructeur au sens de la LTA. L’intimée soutient que l’appelante n’a pas fourni un immeuble d’habitation à M. Selwent, mais uniquement des services de construction.

 

[17]    En janvier 2002, l’appelante a acheté le 160 au moyen d’un prêt des actionnaires (transcription, page 59). La construction a débuté en septembre 2002. Dans son témoignage, Mme Nowak a affirmé que le 160 devait servir de « maison modèle » pour la revente. Cela ne s’est pas produit en raison des problèmes que leur causait leur voisin, M. Selwent, tandis qu’ils résidaient au 3139. M. et Mme Nowak allèguent qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter le 3139 pour déménager au 160 en mai 2003. Selon M. et Mme Nowak, ils ont déménagé au 160 avant que sa construction ne soit entièrement achevée parce qu’ils n’avaient nulle part ailleurs où aller et qu’ils voulaient à tout prix fuir leur voisin, M. Selwent.

 

[18]    Le bien, à savoir le 160, a été transféré par l’appelante à Mme Nowak le 29 avril 2003 pour un prix d’achat déclaré de 266 276 $, excluant la TPS. M. et Mme Nowak ont payé à l’appelante 11 929,18 $ à titre de TPS, soit une somme égale à la différence entre la TPS totale et le RHN de 6 710,17 $ (transcription, page 59).

 

[19]    Monsieur et madame Nowak ont fait évaluer le bien en juillet 2006 afin de faire déterminer sa valeur en date du mois de mai 2003. Celle-ci a été établie à 375 000 $, comprenant la TPS (pièce A­31). L’appelante n’a pas fait témoigner l’évaluateur. L’intimée allègue que la JVM du 160 en date du 6 juin 2003 s’élevait plutôt à 399 000 $, excluant la TPS, selon l’évaluation établie par M. Jang.

 

[20]    L’intimée avance donc que c’est à bon droit que le ministre a inclus la somme de 132 724 $ (399 000 $ – 266 276 $) dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2004 de manière afin que soit reflété un transfert à la JVM entre l’appelante et M. et Mme Nowak relativement au 160.

 

[21]    Dans le calcul de sa taxe nette, l’appelante a déduit la somme de 6 710,17 $ comme RHN au titre du 160.

 

Questions relatives à l’impôt sur le revenu

 

[22]    Est-ce à bon droit que le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de la société appelante en incluant dans le calcul de son revenu les sommes de 107 603 $ relativement au 3139 et de 132 724 $ relativement au 160 pour les années d’imposition se terminant en 2003 et en 2004, respectivement?

 

[23]    Le ministre a inclus ces sommes dans le revenu de l’appelante par suite du transfert du 3139 et du 160 par cette dernière à son actionnaire, Agata Nowak, parce que, selon lui, ces transferts ont été effectués en contrepartie d’une somme inférieure à la JVM.

 

[24]    La cotisation d’impôt sur le revenu visant 2003 comprend en outre la somme de 761,36 $ que l’appelante, selon l’intimée, a omis de déclarer relativement à la somme qu’elle a reçue (173 775,04 $) pour les services d’entrepreneur qu’elle a rendus à M. Selwent dans le cadre de la construction de la maison située au 3135.

 

Questions relatives à la TPS

 

[25]    Au chapitre de la TPS, il faut rechercher si le ministre a correctement établi la TPS nette à payer par l’appelante à la lumière des éléments suivants :

 

(1)              la JVM appropriée à attribuer au 3139 et au 160;

(2)              le refus du RHN au titre du 3139 et du 3135;

(3)              l’omission de déclarer la TPS découlant des CTI demandés en trop relativement au 1169;

(4)              le RHN demandé en trop relativement au 160 compte tenu de la différence entre la JVM et la valeur attribuée à ce bien au moment de son transfert.

 

[26]    Outre les points susmentionnés, on a imposé des pénalités de 6 pour 100 en application de l’article 280 de la LTA de même que des intérêts au taux prescrit.

 

Analyse

 

[27]    J’examinerai les questions relatives à l’impôt sur le revenu, et plus précisément en ce qui touche les propriétés 3139 et 160, parce que la résolution des questions se rapportant à la TPS est dans une grande mesure tributaire des réponses aux questions fiscales.

 

[28]    Il ressort de ses observations (transcription, page 319) que la thèse de l’intimée est que l’appelante n’a pratiquement tiré aucun profit du transfert, à M. et Mme Nowak, des maisons qu’elle a construites. Selon la preuve, l’appelante avait décidé qu’une somme d’environ 25 000 $ constituait un profit suffisant pour la construction de chacune des maisons. La thèse de l’intimée implique que, selon le ministre, la véritable source de profit pour les actionnaires de l’appelante, M. et Mme Nowak, a pris naissance au moment où ces derniers ont revendu ces propriétés peu de temps après avoir déménagé dans chacune d’elles. Il paraît donc étrange que le ministre n’ait pas choisi de directement mettre en cause la conduite de M. et Mme Nowak en ce qui a trait au commerce des maisons ou, à titre subsidiaire, d’invoquer le fait qu’un avantage avait été conféré aux actionnaires. Cependant, le ministre n’a pas suivi cette voie et il a plutôt choisi de poursuivre la société appelante au motif que ses actionnaires auraient attribué ses biens à leur usage moyennant une contrepartie inférieure à la JVM.

 

[29]    La plupart des observations de l’intimée se fondent sur la décision Happy Valley Farms Ltd. c. The Queen, 86 DTC 6421, et sur les critères qui y sont énoncés pour opérer une distinction entre l’activité exercée dans le cadre d’une entreprise et l’activité qui constitue un investissement. Je ne suis pas plus convaincue aujourd’hui de la pertinence de ces critères au regard des présents appels que je ne l’étais lorsque j’ai entendu ces observations. Premièrement, je n’ai aucun doute, à la lumière de la preuve produite, que les activités de la société appelante touchaient à la fois la construction et la vente de maisons. Les critères énoncés dans la décision Happy Valley Farms auraient peut­être été utiles si le produit de la revente des maisons par M. et Mme Nowak avait fait l’objet d’une cotisation à titre de revenu d’entreprise gagné par ceux­ci. Or, aucune cotisation n’a été établie à leur égard et seul le revenu réalisé par la société appelante a fait l’objet d’une cotisation.

 

[30]    Si je comprends bien les observations de l’intimée en ce qui concerne les questions d’imposition du revenu se rattachant aux propriétés 3139 et 160, on invoque l’article 69 de la Loi pour inclure dans le calcul du revenu de l’appelante le produit de disposition de ces deux biens selon la JVM établie par M. et Mme Nowak au moment de la revente. Je suppose que l’intimée soutient que le revenu non déclaré allégué doit être inclus dans le revenu de l’appelante en application du paragraphe 69(4) de la Loi au titre d’une attribution aux actionnaires ou en application du sous­alinéa 69(1)b)(i) de la Loi au titre d’une contrepartie insuffisante, tant pour le 3139 que pour le 160. Je formule cette supposition à la lumière des observations de l’intimée qui figurent aux pages 309 et 310 de la transcription :

 

[traduction]

 

[...] Et, dans la présente affaire, le ministre invoque cette disposition pour affirmer que l’appelante, lorsqu’elle a transféré les maisons aux actionnaires, les a transférées à des parties avec lesquelles elle avait un lien de dépendance. Le ministre fait valoir que l’appelante, en agissant ainsi – et ses activités consistent en la construction de maisons –, aurait dû transférer, et est réputée avoir transféré, les propriétés sises au 3139 et au 160 à leur juste valeur marchande. Pour plus de précision, le ministre fait valoir que la juste valeur marchande du 3139 s’élève à 366 000 $, soit la somme moyennant laquelle le 3139 a été vendu à des tiers non liés dans les six mois suivant la date où les actionnaires en ont pris possession. Cette vente a eu lieu en avril 2003. Le ministre invoque donc ce chiffre comme juste valeur marchande, soit la somme qui reflétait adéquatement la valeur de cette maison.

 

Quant à la maison sise au 160, le ministre, évidemment, s’appuie sur l’évaluation fournie par le spécialiste en évaluation de l’Agence du revenu du Canada, M. David Jang, et je voudrais juste signaler, Mme la juge, que, bien sûr, cette somme est différente de celle qui figure dans nos actes de procédure parce que, dans ceux­ci, l’évaluation que nous invoquions était celle de Tom Liu, qui se chiffrait à 400 000 $. Selon le rapport d’évaluation de M. Jang, la valeur de cette maison est de 399 000 $ de sorte que nous nous appuyons évidemment sur le rapport de M. Jang, le rapport d’évaluation actuel qui est devant la Cour, pour fixer la valeur de cette maison.

 

[31]    Bien que l’article 69 ait été mentionné de façon générale dans la réponse de l’intimée relative aux questions fiscales, cette disposition n’a pas été expressément invoquée lors des débats. J’en déduis néanmoins que l’intimée s’appuie sur le paragraphe 69(4) et le sous­alinéa 69(1)b)(i) pour étayer sa thèse en ce qui touche les questions fiscales visant le 3139 et le 160.

 

[32]    À titre subsidiaire, l’intimée tente peut­être de soutenir que le produit de disposition des maisons établi au moment de leur revente par les actionnaires, M. et Mme Nowak, devrait être imputé à la société. Ce qui pourrait constituer un revenu d’entreprise entre les mains des actionnaires devrait donc constituer un revenu d’entreprise entre les mains de la société appelante, laquelle appartient à ces mêmes actionnaires et est dirigée par eux. Si ma déduction quant à la thèse de l’intimée est fondée, je dois la rejeter parce que, manifestement, l’appelante et les actionnaires sont des entités juridiques distinctes. La situation est peut­être différente lorsqu’on allègue qu’il y a eu stratagème ou fraude, mais tel n’est pas le cas en l’espèce. À la page 316 de la transcription, l’intimée s’est exprimée en ces termes :

 

[traduction]

 

[...] Nous demandons à la Cour de rechercher s’il convient d’accorder davantage de poids à l’assertion de l’appelante voulant que ces maisons aient été principalement construites pour servir de résidences personnelles ou à ce que le ministre croit être la véritable intention des parties, soit de résider dans les maisons pendant une très brève période puis de les vendre en vue d’en tirer un profit.

 

La thèse de l’intimée n’est pas claire, mais si le ministre souhaitait reprocher à M. et Mme Nowak d’avoir procédé à un éventuel échange de maisons, il fallait alors établir une cotisation relative au produit tiré de la revente de ces maisons selon laquelle il s’agissait d’un revenu d’entreprise gagné personnellement par M. et Mme Nowak.

 

[33]    Il a fallu tirer les déductions et formuler les observations ci-dessus parce que les moyens de l’intimée relatifs à l’imposition du revenu se limitaient principalement aux critères énoncés dans la décision Happy Valley Farms; elle soutient que les activités de l’appelante consistent en la construction et en la vente de maisons. À la lumière des écritures et de la preuve produite, je suis d’avis que l’approche suivie par l’intimée en ce qui a trait aux questions en litige en l’espèce n’est pas la bonne.

 

Propriété sise au 160

 

[34]    L’intimée soutient que la différence entre la JVM et la valeur du transfert du 3139 et du 160 doit être incluse dans le calcul du revenu d’entreprise de l’appelante parce que celle-ci a transféré ces biens à M. et Mme Nowak pour un prix inférieur à la JVM au moment des transferts. Cette thèse fondée sur le paragraphe 69(4) et le sous­alinéa 69(1)b)(i). Voici le texte de ces dispositions :

 

69(1)b) le contribuable qui a disposé d’un bien en faveur :

 

(i) soit d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance sans contrepartie ou moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de la disposition,

 

[...]

 

69(4) Lorsque le bien d’une société est attribué de quelque manière que ce soit à un actionnaire de la société, ou à son profit, à titre gratuit ou pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande, et que la vente du bien à sa juste valeur marchande aurait augmenté le revenu de la société, ou réduit sa perte, la société est réputée avoir disposé du bien au moment de son attribution et en avoir reçu un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce moment.

 

[35]    Ces deux dispositions sont de nature déterminative et exigent que les propriétés, soit le 3139 et le 160, fassent partie des biens de la société appelante. Comme le sous­alinéa 69(1)b)(i) fait mention de la « disposition » d’un bien, l’auteur du transfert doit donc détenir un quelconque droit de propriété sur le bien au moment du transfert.

 

[36]    Dans la décision Boardman et al. c. The Queen, 85 DTC 5628, le tribunal a ordonné, dans le cadre d’une procédure en divorce, que deux maisons appartenant à une société dont le mari était le principal actionnaire soient dévolues à l’épouse. La société a fait l’objet d’une nouvelle cotisation afin que soit ajouté à son revenu un gain en capital imposable au titre de cette dévolution en fonction de la différence entre la JVM et le prix de base rajusté (« PBR ») des maisons. La Cour a conclu que le paragraphe 69(4) s’appliquait de sorte que la société était réputée avoir vendu le bien à sa JVM et avoir reçu le produit de cette disposition. À la page 5633, le tribunal formule les observations suivantes :

 

Même si je crois que la question de l’applicabilité du sous­alinéa 69(1)b)(i) en l’espèce pourrait donner lieu à un long débat, je n’ai pas à la trancher puisque je conclus que le paragraphe 69(4) est applicable. Ce paragraphe soulève deux points que les avocats ont débattus et qui n’ont pas encore été traités dans mes motifs. L’avocat de la société contribuable a prétendu que le bien n’avait pas été « attribué » et que même si tel était le cas, la transaction n’était pas une transaction de revenu, puisque la société ne s’occupait pas d’acheter et de vendre des maisons, et que par conséquent, on ne pouvait dire que la transaction avait augmenté le « revenu » de la société. À l’égard du premier point, l’avocat prétendait que le terme « attribuer » implique une action de la part du propriétaire du bien ou de la personne qui l’acquiert, et qu’en l’espèce, l’action de transfert de la propriété venait d’un tiers, soit la Cour du banc de la Reine. Même s’il s’agit d’acceptions valables du terme « attribuer » lorsque celui­ci est utilisé comme verbe actif, il existe d’autres acceptions, dans le Oxford English Dictionary cité par l’avocat, du terme anglais équivalent « appropriate », telles que : [traduction] « affecter, attribuer spécialement ou exclusivement à... » ou « faire, choisir, attribuer à... ». Ces acceptions comprendraient aussi l’action d’un tiers. Indépendamment de ce fait, il faut souligner que, dans le paragraphe 69(4), le verbe est employé à la voix passive puisqu’il y est question de biens qui « ont été attribués ». Le paragraphe ne stipule pas que le bien doit avoir été attribué par la société en faveur de l’actionnaire ou au profit de celui­ci, mais seulement que les biens ont été « attribués de quelque manière que ce soit à un actionnaire ou au profit de celui­ci ». Je pense par conséquent que la mesure prise par la Cour du banc de la Reine, soit le fait de choisir ce bien particulier pour satisfaire aux obligations personnelles de M. Boardman à l’égard de son épouse, peut être considérée comme une attribution au sens du paragraphe 69(4).

 

Je juge également que, s’il avait été vendu à sa juste valeur marchande, ce bien attribué aurait « augmenté le revenu de la corporation » pour cette année d’imposition. Je dois présumer que le terme « revenu » est employé dans le sens que lui donne la Loi de l’impôt sur le revenu. Il ressort clairement de l’article 3 de la Loi, par exemple, que les gains en capital imposables doivent être inclus dans le calcul du revenu aux fins de la Loi. Il me semble que toute lecture judicieuse du paragraphe 69(4) indiquerait qu’il s’applique aux transactions en capital si en cas de véritable vente (et réception) de la juste valeur marchande, l’effet aurait été l’augmentation du revenu de la société tel qu’il est calculé en vertu de la Loi. C’est sûrement ce qui aurait eu lieu en l’espèce.

 

[37]    Selon la jurisprudence Park Haven Designs Inc. et al. c. The Queen, 2007 DTC 350, il ne peut y avoir aucune disposition, réputée ou autre, à moins que le présumé auteur du transfert n’« ait eu » le bien pour en disposer. En l’espèce, il y a un [traduction] « transfert sans intermédiaire » qui a eu lieu en Alberta et dans le cadre duquel le bien a été transféré directement du promoteur immobilier au propriétaire, ce qui permettait d’éviter les frais liés à la passation d’un acte­titre avec le constructeur. L’appelante en l’espèce soutient qu’elle utilise cette méthode lorsqu’elle traite avec ses clients.

 

[38]    Les faits de l’affaire Park Haven Designs sont analogues à ceux qui touchent la propriété 160. Au paragraphe 31 de cette décision, M. le juge Miller a fait les observations suivantes :

 

[...] La résidence Patrick a été construite en tant qu’habitation sans commande. Elle n’a pas été construite sur demande pour les Jaques, même s’ils l’ont en fin de compte habitée. Les Jaques n’ont pas transféré de fonds en fiducie à Park Haven au prorata des travaux pour faire construire la résidence Patrick; ils ont plutôt prêté de l’argent à deux reprises, de façon que Park Haven puisse avoir les moyens de construire cette habitation. La preuve étaye la position selon laquelle Park Haven avait l’intention de construire une habitation sans commande, qu’elle vendrait en fin de compte à un client. Le revenu de Park Haven ne devait pas être tiré de frais de gestion, mais de la disposition finale du bien. Dans ces conditions, je conclus que les sommes que Park Haven a utilisées en vue d’acheter le bien­fonds n’étaient pas des sommes détenues en fiducie que les Jaques avaient versées il s’agissait de sommes qui avaient été empruntées. Il était prévu que Park Haven acquerrait le bien. Contrairement au transfert du bien­fonds de la résidence Slopes, qui indiquait qu’une contrepartie avait été reçue de M. Jaques, dans l’acte de transfert du bien­fonds relatif à la résidence Patrick, du promoteur, Patterson Hills Development Corp. à M. Jaques, il était déclaré ce qui suit :

 

En contrepartie de la somme de 76 000 $ que Park Haven Designs lui a versée, dont le paiement est par les présentes reconnu, un transfert est consenti en faveur de David Jaques.

Cela indique que le transfert a été effectué en tenant compte de la disposition permettant d’éviter le transfert à un intermédiaire et cela étaye la conclusion selon laquelle Park Haven avait le bien pour en disposer. Cela étant, le paragraphe 69(4) entre en ligne de compte.

 

Selon cette jurisprudence, le constructeur, même en l’absence d’un transfert à un intermédiaire, « a » toujours le bien pour en disposer, même si le titre ne passe pas entre ses mains et aboutit directement dans celles de l’acquéreur.

 

[39]    L’appelante a acheté le lot 160 en janvier 2002 du promoteur au moyen d’un prêt des actionnaires. La construction de la maison a débuté en septembre 2002. Selon les témoignages de M. et Mme Nowak, l’objectif initial était de construire une maison modèle et de la mettre en vente sur le marché, mais la situation a changé lorsque M. et Mme Nowak, qui résidaient au 3139, ont commencé à avoir des problèmes avec leur voisin, M. Selwent, alors qu’ils n’avaient pas nulle part ailleurs où aller. Afin d’échapper à ce voisin, ils ont déménagé au 160 en mai 2003 même si seules les commodités de base étaient déjà en place. L’offre d’achat signée visant le lot résidentiel 160 (pièce R­11) précise que l’appelante est l’[traduction] « acquéreur » de ce lot. À la clause 6, elle stipule que le promoteur cède le lot à l’appelante, sous réserve de certaines charges permises. Dans la pièce A­33, soit une lettre d’un avocat datée du 11 avril 2003, on qualifie le transfert du 160 de vente à l’appelante suivie d’une revente à M. et Mme Nowak. On y fait en outre mention d’un acte de transfert par le promoteur, United Inc./Hidden Valley Holdings Ltd. Cet acte daté du 11 avril 2003 fait partie de la pièce R­13, soit le rapport d’évaluation de l’ARC, et il précise que le promoteur reçoit une contrepartie de l’appelante pour le lot, mais que le transfert est fait en faveur de M. et Mme Nowak [traduction] « à titre de tenants conjoints, à la demande de Stan Wire Application Ltd. ».

 

[40]    Que cette opération puisse ou non être qualifiée de transfert sans intermédiaire, le résultat final est identique. Même si je suis d’avis qu’il s’agit d’un transfert sans intermédiaire, le facteur important tient au fait que l’appelante a demandé que le terrain soit transféré à M. et Mme Nowak. Pour que l’appelante fasse une telle demande, elle devait au préalable détenir un droit de propriété ou un pouvoir quelconque sur ce bien pour pouvoir en transférer le titre à M. et Mme Nowak. Il est raisonnable de conclure que l’appelante a disposé du 160 en faveur de M. et Mme Nowak. En outre, ce lot a été acheté avec les fonds de l’appelante, lesquels ont été obtenus au moyen d’un compte de prêt des actionnaires. Je suis confortée dans cette conclusion par la preuve indiquant que le 160 ait initialement été acheté par l’appelante pour que celle­ci puisse y construire une maison modèle. Cela ne s’est pas produit parce que le 160 a plutôt été transféré à M. et Mme Nowak. Tout ces éléments me permettent de conclure que l’appelante pouvait effectivement disposer du 160 ou que celui­ci pouvait être attribué, et le sous­alinéa 69(1)b)(i) et le paragraphe 69(4) peuvent donc jouer. L’application de ces dispositions déterminatives dans les présents appels repose sur la question de l’évaluation. En conséquence, pour savoir s’il y a lieu de procéder à l’inclusion d’un revenu réputé conformément à l’article 69, il faut établir la JVM du 160 au moment de son transfert de l’appelante à M. et Mme Nowak.

 

[41]    La valeur attribuée au 160 par l’appelante au moment du transfert en avril 2003 à M. et Mme Nowak s’élevait à 266 276 $, à l’exclusion de la TPS. L’intimée s’est appuyée sur l’évaluation du 9 novembre 2007 effectuée par David Jang (pièce R­13) pour soutenir que la JVM du 160 était de 399 000 $ à l’exclusion de la TPS, en date du 6 juin 2003. Cette évaluation se fondait sur la valeur de propriétés comparables (transcription, page 224), mais elle a été effectuée à la suite d’une inspection de l’extérieur seulement parce que l’immeuble avait été revendu à la date de l’évaluation.

 

[42]    Aux fins de l’article 69, la propriété 160 doit être évaluée à la date du transfert à M. et Mme Nowak. Si la maison n’était pas terminée, comme le soutiennent ces derniers, ce facteur doit être pris en compte dans le cadre de l’évaluation. Les observations du juge Miller dans la décision Park Haven Designs (paragraphe 34 des motifs) le confirment aussi. Il a conclu que la JVM de la propriété peut être obtenue « [...] en ajoutant un montant représentant 10 pour 100 des frais de construction [...] Les frais de gestion représentent ce qu’un tiers acheteur aurait eu à payer. » Cette méthode correspond pour l’essentiel à la pratique commerciale suivie par l’appelante.

 

[43]    Madame Nowak a fait les observations suivantes en ce qui concerne le degré d’achèvement des travaux du 160 (transcription, page 62) :

 

[traduction]

 

[...] la maison n’était pas terminée à ce moment, en particulier les travaux extérieurs n’étaient pas faits parce que la construction a eu lieu pendant l’hiver, de sorte que les travaux comme le stuc extérieur n’étaient pas faits, de même que la voie d’accès pour autos, les trottoirs, l’aménagement du paysage et la terrasse et, à l’intérieur, les moquettes, les carreaux et les rangements – ces travaux n’étaient pas faits à l’époque. L’aménagement du paysage n’a pas été fait avant 2005, et beaucoup de choses ont été terminées après le déménagement dans la maison, et elles ont été terminées par les Nowak, non par Stan Wire.

 

[44]    Je retiens le témoignage de Mme Nowak quant à l’état du 160 au moment où l’appelante leur a transféré ce bien. De grandes parties de la résidence n’étaient pas terminées et c’est M. et Mme Nowak qui ont achevé les travaux pour la maison subséquemment au transfert. Le rapport d’évaluation (pièce R­13) ne tient pas compte de ce facteur important. Je rejette donc l’évaluation de 399 000 $ qui est proposée dans le rapport. Comme la maison était en grande partie inachevée, je suis d’avis que l’évaluation de 266 276 $ proposée par l’appelante est plus raisonnable. En outre, la valeur fondée sur le coût majoré consiste en une marge de profit qui concorde avec ce que l’appelante demandait aux tiers clients (M. Selwent, par exemple), soit environ 25 000 $. Comme il s’agissait manifestement de la pratique commerciale habituelle de l’appelante, il me semble qu’il serait déraisonnable de permettre au ministre de substituer son appréciation commerciale à celle du contribuable.

 

[45]    En résumé, ni le sous­alinéa 69(1)b)(i) ni le paragraphe 69(4) de la Loi ne s’appliquent au transfert du 160 puisque l’appelante a, en réalité, transféré le bien à M. et Mme Nowak pour une somme égale à sa JVM. À ce titre, la valeur attribuée au 160 lorsque l’appelante l’a transféré à M. et Mme Nowak n’était pas inférieure à la JVM.

 

[46]    Vu ma conclusion touchant la JVM, cela donne lieu à un certain nombre de conséquences sur le plan de la TPS. Comme le RHN est calculé selon la JVM du bien (article 155 et alinéa 254(2)b) de la LTA), le montant du remboursement demandé par l’appelante est exact parce que le 160 a, dans les faits, été transféré à sa JVM. L’appelante a donc droit à un RHN calculé en fonction de la somme que M. et Mme Nowak ont payée à l’appelante et non sur le fondement de la JVM proposée par le ministre à l’égard du 160. En outre, je conclus que l’appelante n’a pas sous­estimé la TPS parce que la valeur sous­jacente qu’elle a utilisée dans ses calculs était exacte à la lumière de ma conclusion touchant la JVM.

 

Propriété sise au 3139

 

[47]    La propriété 3139 soulève la même question sur le plan de l’imposition du revenu que la propriété 160, c’est­à­dire que la Cour doit rechercher si l’article 69 de la Loi vise le transfert du 3139 par l’appelante à M. et Mme Nowak. Contrairement à la propriété 160, laquelle a été initialement achetée dans le cadre de l’entreprise de l’appelante, la propriété 3139 a dès le départ été acquise dans l’intention d’en faire la résidence personnelle de M. et Mme Nowak. Dans son témoignage, M. Nowak a affirmé que, lorsqu’il a vu ce lot, il a eu le coup de cœur pour son emplacement, mais qu’ultérieurement, selon M. et Mme Nowak, les problèmes causés par leur voisin les ont empêchés de continuer à résider dans cette propriété. Il ressort des témoignages de M. et Mme Nowak que l’appelante a participé à cette acquisition uniquement à titre de mandataire personnel de ceux-ci afin de faciliter l’opération.

 

[48]    Dans leur témoignage, M. et Mme Nowak ont déclaré que le promoteur avait pour pratique de traiter uniquement avec des personnes morales et qu’il avait donc refusé de traiter avec M. et Mme Nowak en leur qualité personnelle. Par conséquent, ils ont eu recours à la société appelante pour procéder à l’achat parallèlement à l’acquisition, par l’appelante, du lot adjacent 3135. La preuve tend à établir que l’appelante a uniquement servi d’intermédiaire pour permettre à M. et Mme Nowak de conclure le marché et d’obtenir le transfert du 3139 par le promoteur. M. et Mme Nowak agissaient en leur qualité personnelle dans cette acquisition et non à titre d’actionnaires pour le compte de l’appelante. Pour l’essentiel, l’appelante est intervenue au nom de M. et Mme Nowak en leur qualité personnelle et conformément aux instructions de ces derniers, ce qui est assimilable à une relation mandant­mandataire compte tenu de l’intention commune de toutes les parties. Malgré l’absence de documents tendant à établir que le promoteur a transféré le 3139 à M. et Mme Nowak en leur qualité personnelle et que la société appelante n’a servi que d’intermédiaire, je ne suis pas convaincue qu’il était nécessaire qu’un droit de propriété soit dévolu à celle­ci à des fins commerciales. Dans la décision Dixon c. M.N.R., 92 DTC 1456, on mentionne que l’examen de témoignages rendus de vive voix oblige le tribunal à prendre les mesures suivantes :

 

[...] La Cour, lorsqu’elle a à examiner des opérations avec lien de dépendance, doit comparer soigneusement le témoignage verbal avec la documentation écrite. Pour ce genre d’opérations, il incombe au contribuable d’avoir en mains des documents écrits parfaitement clairs qui corroborent ses déclarations orales. [...]

 

[49]    Cependant, même si je ne dispose d’aucune preuve documentaire à l’appui de l’allégation de l’appelante voulant que le 3139 ait été transféré directement à M. et Mme Nowak en leur qualité personnelle et même si cela jette bien sûr un doute sur l’entière opération, je conclus, après avoir examiné l’ensemble des témoignages de M. et Mme Nowak, n’avoir aucune raison de ne pas retenir leur témoignage sur ce point. Il s’agissait de parties qui se représentaient elles­mêmes et qui étaient bien préparées lorsqu’elles ont comparu à l’audience, et je conclus que leur témoignage était sincère et convaincant. Je n’ai aucune raison de retenir leur témoignage en général pour ensuite ne rejeter que ce qu’ils m’ont dit au sujet de la propriété 3139.

 

[50]    En conséquence, comme l’appelante n’a jamais acquis le 3139, elle ne pouvait ultérieurement en disposer pour une somme inférieure à la JVM et le bien ne pouvait être attribué aux actionnaires. Dans ces circonstances, l’article 69 ne peut jouer. La question relative à la JVM est donc de nature théorique aux fins de l’impôt sur le revenu.

 

[51]    Même si je devais déterminer la JVM du 3139, je conclurais que les hypothèses formulées par le ministre sur ce point ont été démolies de sorte qu’un chiffre se rapprochant plus de celui proposé par l’appelante aurait paru davantage raisonnable à la lumière de la preuve produite. L’intimée a évalué la valeur du 3139 à la somme de 366 000 $ en date de septembre/octobre 2002 non sur le fondement d’une évaluation, mais bien du prix de vente du bien en avril 2003. Je le répète, cette situation est analogue aux faits de l’affaire Park Haven Designs. En l’espèce, tout comme dans cette affaire, je dois apprécier la preuve non corroborée produite par l’intimée en regard des témoignages de M. et Mme Nowak touchant le degré d’achèvement du 3139. Bien que la preuve en matière d’évaluation présentée par M. et Mme Nowak soit sans conteste faible, elle demeure néanmoins plus convaincante que celle produite par l’intimée.

 

[52]    Je me penche maintenant sur les questions relatives à la TPS touchant le 3139. Selon la réponse déposée par l’intimée sur ce point, M. et Mme Nowak ont acheté le 3139 principalement en vue de la revente, afin d’en tirer un profit, et non comme leur résidence habituelle, ce qui les priverait du droit au RHN lequel, suivant l’article 234 de la LTA, avait été cédé à l’appelante. Il faut donc rechercher si M. et Mme Nowak ont acheté le 3139 à titre de lieu de résidence habituelle ou s’ils l’ont acheté principalement en vue de la revente afin de réaliser un profit. L’expression [traduction] « lieu de résidence habituelle » n’est pas définie dans la LTA, mais l’on ne peut avoir qu’un seul lieu de résidence habituelle, ce qui diffère de la notion de « lieu de résidence principal » aux fins de l’impôt sur le revenu. Le paragraphe 254(2) de la LTA dispose notamment :

 

Remboursement – habitation neuve

 

(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

 

[...]

 

b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui­ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

 

[...]

 

[53]    Dans la décision Seni c. The Queen, [2005] G.S.T.C. 15, on a examiné, au paragraphe 17, le sens de l’expression « utilisé principalement à titre résidentiel par le particulier » relativement à ce qui figure au paragraphe 254(2) :

 

17 Il ne m’est pas difficile de conclure que la propriété Glengarry n’était pas exempte de la taxe en vertu de l’annexe V – Fournitures exonérées, partie I – Immeubles. Comme il en a été fait mention, l’appelant est temporairement resté dans la maison lorsque le couple a fait face à des difficultés conjugales. L’expression « utilisé principalement à titre résidentiel par le particulier » a été analysée par le juge suppléant Heald, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Lacina c. Canada. Le juge Heald a dit que le critère énoncé par le juge O’Connor, qui avait présidé l’instruction devant la Cour canadienne de l’impôt, était valable; il a ajouté ce qui suit :

 

Il reste à déterminer si, en l’espèce, il a été satisfait aux critères b) et c). Le requérant prétend que le mot « principalement », tel qu’il est utilisé au par. 191(5), renvoie à l’espace servant de résidence et non à la qualité durable de la résidence établie dans un tel espace. Pour sa part, l’intimée soutient que l’utilisation du mot « principalement » dans le présent contexte renvoie à une intention personnelle de vivre en permanence dans l’immeuble et non de le considérer comme simple stock de marchandises ou, autrement dit, comme s’il s’agissait d’un actif à vendre.

 

Je souscris à l’interprétation qu’a proposée l’avocate de l’intimée. Les règles sur la fourniture à soi­même ont été conçues pour empêcher le constructeur de retirer un avantage de l’occupation d’un immeuble d’habitation, lequel fait partie de son inventaire pendant une courte période en précédant la vente.

 

Sur le fondement d’une telle interprétation du par. 191(5), je conclus que le juge de la Cour de l’impôt a décidé à bon droit, compte tenu du présent dossier, que le requérant n’a pas occupé les maisons nos 1 et 3 principalement à titre résidentiel. La famille a occupé la maison no 1 pendant une période d’environ deux à quatre mois, et la maison no 3, pendant une période d’environ quatre à sept mois. Il est ressorti des activités du requérant que celui­ci avait manifestement établi un système d’exploitation. De toute évidence, le requérant a construit et vendu les maisons en peu de temps, dans le cadre d’une entreprise commerciale. La résidence qu’il a établie dans ces deux maisons n’avait pas la qualité durable qui aurait permis de conclure qu’il a occupé l’une ou l’autre de ces maisons « principalement à titre résidentiel ».

 

[54]    Bien que ces observations aient visé les fournitures exonérées d’immeubles d’habitation – article 3 de la partie I de l’annexe V –, les principes d’interprétation législative n’en exigent pas moins que les termes identiques employés à plusieurs reprises dans un texte législatif reçoivent le même sens.

 

[55]    Lorsque l’on recherche si un particulier a acquis l’immeuble pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle, il faut examiner l’intention de l’acquéreur au moment de la conclusion de la convention d’achat­vente. Dans la décision Coburn Realty Ltd. c. The Queen, [2006] G.S.T.C. 54, le juge en chef Bowman a fait les observations suivantes au sujet de la difficulté qu’il y a à déterminer les buts et les intentions d’un contribuable à un moment précis :

 

10        Les énoncés que fait le contribuable de ses buts et de ses intentions ne sont pas nécessairement et toujours le fondement le plus fiable sur lequel une question de ce genre peut être tranchée. L’utilisation réelle du bien constitue souvent la meilleure preuve du but de l’acquisition. Dans la décision 510628 Ontario Limited c. The Queen, 2000 GTC 877, il est indiqué ce qui suit :

           

[11] Il y a lieu de noter que l’expression « en vue d’être utilisé [...] » nécessite la détermination de l’objet de l’acquisition, non de l’utilisation réelle. Néanmoins, je crois qu’en pratique, si un bien est utilisé en fait principalement à des fins commerciales, il est raisonnable d’inférer qu’il a été acquis à ces fins.

 

11     Je me penche donc sur l’utilisation réelle du bateau. M. Coburn a témoigné que le bateau était utilisé pour recevoir des clients et récompenser ses vendeurs. Il a fait savoir que l’appelante cherchait à étendre ses activités à l’exploitation du marché immobilier de la région du chalet. J’accepte le fait qu’il voulait étendre les activités commerciales de l’appelante, mais je ne suis pas convaincu que le bateau était utilisé ou qu’il avait été acquis en vue d’être utilisé principalement dans le cadre des activités commerciales de l’appelante. Bien que j’estime que le bateau avait probablement été utilisé à des fins commerciales de temps à autre, les éléments de preuve relatifs à l’utilisation réelle du bateau n’appuient pas la conclusion selon laquelle il a été acquis en vue d’être utilisé principalement dans le cadre des activités commerciales de l’appelante.

 

[56]    Dans cette affaire, la conduite subséquente du contribuable est l’un des facteurs qui a permis à la Cour de déterminer quelle était l’intention de celui-ci à un moment pertinent précis. En l’espèce, l’appelante a produit en preuve une police d’assurance de propriétaire occupant visant le 3139 (pièce A­3), laquelle stipulait que l’habitation n’était ni vacante ni inoccupée et qu’il s’agissait d’une habitation [traduction] « principale » aux fins de cette police. Celle­ci a eu effet du 31 octobre 2002 au 31 octobre 2003. L’Énoncé de politique P­228 de l’ARC, qui a été publié le 30 mars 1999 et qui a subséquemment été mentionné dans la décision Bérubé c. The Queen, [2001] G.S.T.C. 129, énumère certains critères qui permettent de savoir si l’habitation constitue un lieu de résidence habituelle et cette liste comprend l’achat d’une police d’assurance de propriétaire occupant.

 

[57]    En outre, les rapports de police (pièce A­4) concordent avec les témoignages de M. et Mme Nowak voulant qu’ils aient déménagé et quitté le 3139 à cause de circonstances imprévues liées à leur voisin du 3135 et non parce qu’ils voulaient revendre le 3139 en vue de réaliser un profit.

 

[58]    Cependant, je dois mettre en balance ces témoignages et la preuve contraire selon laquelle l’objectif visé par l’acquisition aurait été la revente, à profit. Dans les sept mois suivant leur déménagement au 3139, M. et Mme Nowak ont vendu la maison à un tiers pour la somme de 131 000 $, soit davantage que la somme payée au moment du transfert initial à l’automne 2002 (366 000 $ – 235 000 $). Il semble y avoir un mode opératoire : M. et Mme Nowak achètent des maisons pour ensuite les revendre à profit; cela jette un doute sur l’intention déclarée de M. et Mme Nowak d’avoir voulu acquérir le 3139 à titre de lieu de résidence habituelle. À tout le moins, cela donne à penser qu’ils avaient peut­être pour objectif de revendre les maisons en vue d’en tirer un profit. Certaines des assertions relatives à une adresse postale formulées par Mme Nowak pendant le contre­interrogatoire ont amplifié ce doute. Dans son témoignage, Mme Nowak a affirmé qu’elle avait choisi le 160 comme adresse postale avant même de déménager au 3139. Cela soulève une question très pertinente : M. et Mme Nowak avaient­ils l’intention de déménager au 160 avant leur déménagement au 3139, donnant ainsi l’impression que le 3139 n’était pas une véritable résidence personnelle? En l’absence d’une boule de cristal permettant de revenir en arrière et de découvrir le raisonnement suivi par M. et Mme Nowak à ce moment précis, il est très difficile de répondre à cette question. Sans cette boule de cristal, je dois me contenter d’apprécier l’ensemble de la preuve et de lui donner l’interprétation la plus raisonnable possible. Après réflexion, je retiens l’explication fournie par M. et Mme Nowak selon laquelle aucune adresse postale n’avait encore été attribuée au 3139, contrairement au 160, et que, pendant une certaine période, c’est la raison pour laquelle ils ont utilisé le 160 comme adresse postale.

 

[59]    Enfin, l’intimée a également invoqué la doctrine de l’« intention secondaire ». Dans la décision Nowoczin c. The Queen, 2007 DTC 949, la Cour a fait les observations suivantes au paragraphe 30 au sujet de l’intention secondaire :

 

[30] Il importe de se demander si les circonstances révélées par la preuve donnent lieu à l’application de la doctrine de l’intention secondaire. Pour que ce soit le cas, la perspective d’une revente avec bénéfice doit avoir été un motif déterminant d’achat qui existait au moment de l’acquisition. L’existence d’un pareil motif est dans chaque cas une question de fait qu’il faut établir depuis une étude raisonnable et objective de l’ensemble de la preuve [...]

 

[60]    Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je ne suis toujours pas convaincue que l’objectif poursuivi au moment de construire et de transférer le 3139 était, selon toute vraisemblance, la revente en vue de tirer un profit. Il se peut que la perspective de réaliser un profit leur soit venue à l’esprit au cours du processus, il s’agit probablement là d’une pensée courante chez de nombreuses personnes qui se livrent à une opération immobilière.

 

[61]    Bref, M. et Mme Nowak auront droit au RHN de 5 956,31 $, avec pour conséquence que la cession de ce remboursement en faveur de l’appelante a été faite en bonne et due forme. Chose curieuse, l’intimée n’a pas invoqué le moyen subsidiaire sur lequel elle s’est appuyée relativement au 3135, soit que l’appelante n’était pas un constructeur.

 

Propriété 3135

 

[62]    En l’occurrence, il faut rechercher si l’appelante était un « constructeur » au sens de la LTA, ce qui donnerait le droit à M. Selwent et, conséquemment, à l’appelante de demander le RHN.

 

[63]    Pour que le remboursement puisse être demandé, l’immeuble d’habitation doit être fourni par un « constructeur », conformément à l’alinéa 254(2)a) de la LTA, lequel dispose :

 

Remboursement – habitation neuve

 

(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

 

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

 

[...]

 

[64]    Les parties pertinentes du paragraphe 123(1) de la LTA définissent le terme « constructeur » de la façon suivante :

 

« constructeur »

 

« constructeur » Est constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples la personne qui, selon le cas :

 

a) réalise, elle­même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé :

 

[...]

 

(iii) dans les autres cas, la construction ou des rénovations majeures de l’immeuble d’habitation;

 

[...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Cette définition du terme « constructeur » est manifestement différente du sens qui lui est habituellement donné puisque, selon la disposition susmentionnée, le constructeur doit avoir un droit sur l’immeuble.

 

[65]    L’intimée avance la thèse que l’appelante ne soit pas un constructeur au sens du sous­alinéa 123(1)a)(iii) parce qu’elle n’était pas propriétaire du lot sur lequel la maison a été construite. Comme M. Selwent était propriétaire du lot et avait payé pour celui­ci, l’appelante n’était pas propriétaire du 3135 et elle n’était pas un constructeur (transcription, page 324). Cette thèse se fonde sur le fait que l’appelante, dans le cadre de l’opération visant le 3135, a fait en sorte que le transfert de propriété ait lieu directement entre le promoteur et M. Selwent, l’acquéreur final du 3135. Cette façon de procéder est exposée dans l’ [traduction] « Entente de service préliminaire » (pièce A­6) conclue entre l’appelante et M. Selwent. La clause 1 de cette entente, intitulée [traduction] « Acquisition du terrain », stipule que :

 

[traduction]

 

L’entrepreneur [la société appelante dans les présents appels] s’engage à acheter le lot pour le compte de l’acquéreur [M. Selwent].

 

Dont la description officielle est la suivante : [...]

 

L’acquéreur s’engage à payer pour le terrain susmentionné le prix fixé par le promoteur et à respecter les exigences énoncées dans la convention d’achat du promoteur. Le titre du terrain sera transféré directement à l’acquéreur lorsque le promoteur aura été payé en totalité.

 

[66]    De plus, selon la clause 2, intitulée [traduction] « Construction » :

 

[traduction]

 

a) L’entrepreneur s’engage à construire une habitation résidentielle conformément au Alberta Uniform Building Code, aux règlements de la cité de Calgary [...]

 

[67]    De toute évidence, cette entente de service n’est pas une convention d’achat­vente. Il s’agit, comme son titre l’indique, d’une entente visant la fourniture de services, y compris des services d’entrepreneur, de construction et d’autres services connexes, à M. Selwent. Le sous­alinéa 123(1)a)(iii) exige simplement qu’un constructeur acquière un droit sur le bien pendant la période pertinente, par opposition à un droit de propriété pur et simple. L’expression [traduction] « acquisition d’un droit » a, de par sa nature même, une portée plus large que le terme « propriété ». La disposition, lorsqu’elle fait mention d’un droit, ne précise pas qu’il doit s’agir d’un « droit de propriété ». La Cour doit donc se demander si l’appelante a acquis, pendant la période de construction, un droit à l’égard du lot 3135, sur lequel elle construisait une habitation pour M. Selwent.

 

[68]    Le paragraphe 6(1) de la Alberta Builders Lien Act prévoit la création d’un privilège relatif au travail effectué dans la mesure où la personne – terme qui, selon ce texte, englobe une personne morale – demeure impayée pour ce travail. L’appelante n’a pas été payée en totalité pour le travail qu’elle a accompli au 3135 et un privilège créé en sa faveur sous le régime de ce texte législatif aurait donc pu être établi en application du paragraphe 6(1). En conséquence, la création d’un privilège suivant ce texte pourrait­elle constituer un « droit sur l’immeuble » comme l’exige la définition du terme « constructeur »? Selon l’ancien juge en chef Bowman, dans la décision Superior Modular Homes Inc. c. The Queen, [1997] G.S.T.C. 107, un privilège de construction constitue un droit sur le terrain. Aux paragraphes 6 et 7, il fait les observations suivantes :

 

6     J’estime qu’un privilège de construction, qui, en vertu de la loi provinciale, naît lorsque le travail est entrepris ou que les matériaux sont fournis, correspond à un droit sur le terrain. Ainsi, le titulaire du privilège peut faire appliquer au terrain sa créance. Je n’ai aucune difficulté à conclure que le titulaire d’un tel privilège a un droit sur le terrain auquel se rattache le privilège jusqu’à l’extinction de sa créance.

 

7     [...]

 

Dans cette juridiction, la loi inclut dans le terme « terrain » un intérêt en equity sur le terrain. Une hypothèque et un privilège de construction sont inclus dans la notion de sûreté. Si un tel privilège ne constitue pas un intérêt en equity sur le terrain, il en est de même d’une hypothèque et d’une sûreté, bien que tous ces éléments soient assortis de droits et de recours légaux à l’égard du terrain que les tribunaux peuvent faire valoir et rendre disponibles pour le paiement de dettes. [...]

 

[69]    La preuve ne révèle pas si l’appelante a, à un quelconque moment, enregistré un privilège. Une longue poursuite judiciaire a opposé l’appelante à M. Selwent, mais il n’a jamais été entièrement établi que cette action découlait de l’enregistrement d’un privilège. Dans la décision Brial Holdings Ltd. c. M.N.R., [1993] G.S.T.C. 33 (TCCE), le Tribunal canadien du commerce extérieur, sans jamais mentionner la doctrine du privilège de construction, a conclu que le contribuable avait acquis un droit sur une résidence en cours de construction parce qu’il avait fourni la totalité des matériaux et de la main­d’œuvre. Cependant, la jurisprudence en la matière est contradictoire et, dans la décision Tugwell c. M.N.R., [1994] G.S.T.C. 31 (TCCE), le RHN a été refusé même si le Tribunal était saisi de faits analogues à ceux de l’affaire Brial Holdings. La distinction entre l’entrepreneur et le constructeur a été examinée dans la décision 494743 BC Ltd. c. The Queen, [2007] G.S.T.C. 4, aux paragraphes 25 à 28 :

 

25     L’article 254 de la Loi permet à l’acquéreur de recouvrer le remboursement de la TPS pour une habitation directement du constructeur au moyen du versement du remboursement par le constructeur ou d’un crédit sur la TPS payable au moment de la vente. Toutefois, selon l’avocat de l’intimée, l’appelante est un entrepreneur général et non un constructeur. Le mot « constructeur » est défini au paragraphe 123(1) de la Loi.

 

26     La définition du mot « constructeur » figurant dans la Loi est différente du sens ordinaire attribué à ce mot. Pour être un constructeur en vertu de la Loi, il faut avoir un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé ou un droit sur l’immeuble d’habitation doit avoir été acquis.

 

27     En l’espèce, le fonds appartenait aux acquéreurs et non à l’appelante. Cela étant, l’appelante n’avait aucun droit sur le fonds comme elle devait en avoir un pour être un constructeur.

 

28     Dans ce cas­ci, les acquéreurs ont embauché l’appelante comme entrepreneur général pour construire leurs habitations. Cela étant, l’appelante ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 123(1) de la Loi et n’est pas un constructeur pour l’application de la Loi. J’ai donc conclu que les dispositions de l’article 254 ne s’appliquent pas à l’appelante et que celle­ci n’a pas droit au remboursement pour habitation neuve.

 

[70]    Il est impossible de concilier ces contradictions évidentes dans la jurisprudence. Toutefois, comme la LTA exige uniquement que le constructeur ait un droit sur l’immeuble, je suis d’avis que l’appelante détenait un tel droit; la preuve documentaire va d’ailleurs en ce sens. La pièce A­6, soit l’entente de service préliminaire – laquelle, selon Mme Nowak, constituait l’unique entente de service –, précise que l’appelante s’engage à acheter le lot pour le compte de M. Selwent de même qu’à surveiller toutes les étapes du processus de construction et à y participer. Cela désigne clairement l’appelante de constructeur de l’immeuble d’habitation même si, aux fins de l’entente de service, l’appelante est désignée comme entrepreneur. Selon les diverses lettres produites sous la cote A­7, l’appelante était tenue d’autoriser le transfert direct à M. Selwent du titre relatif au 3135. Dans la lettre qu’il adresse à Me David Block, le promoteur immobilier joint le document constatant le transfert sans intermédiaire du titre et il mentionne l’autorisation écrite donnée par l’appelante pour que ce transfert ait lieu. Le promoteur assujetti en outre le transfert à M. Selwent à plusieurs clauses fiduciaires, dont le fait que le document de transfert ne pouvait être utilisé tant que [traduction] « [...] la part de Stan Wire dans les taxes foncières dues à la cité de Calgary pour 2002 [...] » ne serait pas acquittée. Tout cela donne à penser que, aux yeux de chacune des parties intéressées par ce transfert, l’appelante avait, sur 3135, un « droit » qui exigeait qu’elle donne son consentement écrit avant que le titre puisse être transféré.

 

[71]    En résumé, l’appelante était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la LTA et elle a donc droit, relativement au 3135, au RHN que lui a cédé l’acquéreur, M. Selwent. De plus, je retiens la preuve produite par l’appelante en ce qui concerne la somme de 761,36 $ que, selon l’intimée, elle aurait omis de déclarer. Pendant le contre­interrogatoire, Mme Nowak a affirmé qu’elle déclarait toujours la TPS réellement payée et non la taxe en général parce que, pour diverses raisons, certaines petits entrepreneurs et fournisseurs n’exigeaient pas la TPS.

 

Propriété sise au 1169

 

[72]    Même si le ministre n’a pas établi de cotisation relativement à la différence de JVM touchant le 1169, l’intimée soutient que l’appelante a fourni ses services pour construire cet immeuble et que M. et Mme Nowak ont reçu des biens et des services à l’égard desquels il aurait fallu payer de la TPS. L’appelante a donc fait l’objet d’une cotisation pour la TPS non versée. Comme il existe un lien de dépendance entre l’appelante et M. et Mme Nowak, l’article 155 de la LTA joue de sorte que les fournitures effectuées par l’appelante à M. et Mme Nowak sont réputées l’avoir été selon leur JVM, pour laquelle aucune taxe n’a été versée.

 

[73]    Monsieur et madame Nowak avancent que l’appelante n’a pas participé au processus de construction du 1169 et qu’elle n’a pas demandé de CTI à cet égard.

 

[74]    Il ressort de la preuve que M. et Mme Nowak ont utilisé l’appelante comme intermédiaire pour traiter avec les fournisseurs. Cela ressort sans équivoque de la pièce R­2. En particulier, les chèques 0159, 0169 et 0174 joints à cette pièce établissent que l’appelante a effectivement participé au processus de construction du 1169. Il incombe donc à la Cour de rechercher si la participation de l’appelante constituait une « fourniture » au sens de la LTA et, plus particulièrement, si l’appelante a rendu un service à M. et Mme Nowak.

 

[75]    L’appelante a servi de lien entre M. et Mme Nowak et les fournisseurs et elle a conclu les opérations en leur nom. La participation de l’appelante pourrait être comparée au service rendu par un bureau de placement, qui met ses clients en rapport avec d’éventuels employeurs. Compte tenu de la vaste portée de la définition du terme « service » figurant au paragraphe 123(1), je suis d’avis que cette participation constitue un service et qu’il s’agit donc d’une fourniture taxable.

 

[76]    Quant à l’évaluation de ce service, la seule preuve produite au chapitre de la participation de l’appelante tient aux chèques joints à la pièce R­2. Il paraît raisonnable de procéder à cette évaluation à l’aide du montant des frais de gestion habituels de l’appelante, soit entre 10 et 15 pour 100, en proportion du montant de ces chèques. De plus, l’appelante n’a produit aucune preuve réfutant l’hypothèse du ministre voulant qu’elle ait offert une garantie à titre de constructeur relativement au 1169. Il s’agit aussi d’un service que l’appelante a rendu et à l’égard duquel elle aurait dû exiger et percevoir la taxe. Cependant, je ne suis saisie d’aucun élément de preuve me permettant d’attribuer une valeur à ce service.

 

Pénalités prévues à l’article 280 de la LTA

 

[77]    Des pénalités pour faute lourde ont été imposées en application de l’ancienne disposition en la matière, soit l’article 280 de la LTA. Le présent appel porte en grande partie sur une question d’évaluation, et il est donc possible qu’il existe des opinions divergentes sans qu’aucune solution précise ne ressorte. Dans la décision Marall Homes Ltd. c. Canada, [1995] G.S.T.C. 70, M. le juge Bell s’est exprimé en ces termes :

 

[...] Il s’agit d’une affaire d’évaluation, dans laquelle on s’attend à une divergence d’opinions. Imposer une pénalité dans une affaire d’évaluation est selon moi impropre, à moins qu’il ne soit démontré que la déclaration initiale du contribuable était fausse et avait été faite sans aucune tentative pour déterminer la valeur marchande. [...]

 

[78]    Il ressort de la preuve que l’appelante a effectué des vérifications au sujet de la JVM des biens. L’appelante a en outre facturé à elle­même des sommes qui étaient semblables à celles qu’elle facturait aux tiers clients. Dans les circonstances, je suis d’avis que des pénalités ne sont pas justifiées.

 

[79]    Les appels sont donc accueillis selon les modalités suivantes :

 

Questions relatives à l’impôt sur le revenu

 

(1)     La propriété 160 a été transférée par l’appelante à M. et Mme Nowak à sa JVM, qui a été fixée par l’appelante, soit 266 276 $. En conséquence, aucune somme supplémentaire ne doit être ajoutée au revenu de l’appelante.

 

(2)     Comme elle n’a jamais acquis la propriété 3139, l’appelante ne pouvait en disposer, ce qui rend la question de la JVM théorique.

 

(3)     Dans leur témoignage concernant la somme de 761,36 $ qui, selon l’intimée, n’a pas été déclarée par l’appelante, M. et Mme Nowak ont offert une explication satisfaisante pour justifier cette différence.

 

Questions relatives à la TPS

 

(1)     Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la propriété 160 a été transférée à sa JVM, l’appelante aura droit au RHN, que M. et Mme Nowak lui ont cédé.

 

(2)     L’appelante n’a pas omis de déclarer une partie de la TPS puisque la valeur sous­jacente du 160 qu’elle a utilisée dans ses calculs était exacte.

 

(3)     La propriété 3139 a été achetée à titre de lieu de résidence habituelle au sens de la LTA et M. et Mme Nowak auront donc droit au RHN, avec pour conséquence que la cession en faveur de l’appelante a été faite en bonne et due forme.

 

(4)     Quant à la propriété 3135, vu que j’ai conclus que l’appelante est un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la LTA, l’appelante aura droit au RHN que l’acquéreur lui a cédé.

 

(5)          Quant à la propriété 1169, l’appelante a rendu un service lorsqu’elle a aidé M. et Mme Nowak dans le cadre de la construction de cet immeuble et la valeur de ce service correspondra donc aux frais de gestion habituels demandés par l’appelante, soit 15 pour 100, en proportion du montant des chèques produits sous la cote R­2 : 294 $, 1 401,05 $ et 2 461,76 $.

 

Pénalités

 

(1)     Les pénalités seront supprimées.

 

[80]    Il n’y aura aucune adjudication des dépens.

 

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2009 CCI 425

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2007­3779(IT)G et

2007­4174(GST)I

 

INTITULÉ :

Stan Wire Application Ltd. et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 septembre 2009

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 23 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Mme Agata Nowak

 

Avocate de l’intimée :

Me Margaret M. McCabe

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous­procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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