Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2006-3682(IT)I

ENTRE :

MARILYN MCIVOR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus avec les appels

de Helen Greene, 2006-3687(IT)I; de Robert Maracle, 2006-3897(IT)I; de Denise Bolduc, 2006-3899(IT)I; de Julie Descarie, 2007-46(IT)I;

et de Leslie Bannon, 2007-1720(IT)I,

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario)

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Dossier : 2006-3687(IT)I

ENTRE :

HELEN GREENE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus avec les appels

de Marilyn McIvor, 2006-3682(IT)I; de Robert Maracle, 2006-3897(IT)I; de Denise Bolduc, 2006-3899(IT)I; de Julie Descarie, 2007-46(IT)I;

et de Leslie Bannon, 2007-1720(IT)I,

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario),

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Dossier : 2006-3897(IT)I

ENTRE :

ROBERT MARACLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu avec les appels

de Marilyn McIvor, 2006-3682(IT)I; de Helen Greene, 2006-3687(IT)I;

de Denise Bolduc, 2006-3899(IT)I; de Julie Descarie, 2007-46(IT)I;

et de Leslie Bannon, 2007-1720(IT)I

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario),

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Dossier : 2006-3899(IT)I

ENTRE :

DENISE BOLDUC,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus avec les appels

de Marilyn McIvor, 2006-3682(IT)I; de Helen Greene, 2006-3687(IT)I;

de Robert Maracle, 2006-3897(IT)I; de Julie Descarie, 2007-46(IT)I;

et de Leslie Bannon, 2007-1720(IT)I

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario),

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1995 et 1996 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Dossier : 2007-46(IT)I

ENTRE :

JULIE DESCARIE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus avec les appels

de Marilyn McIvor, 2006-3682(IT)I; de Helen Greene, 2006-3687(IT)I;

de Robert Maracle, 2006-3897(IT)I; de Denise Bolduc, 2006-3899(IT)I;

et de Leslie Bannon, 2007-1720(IT)I

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario),

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

Dossier : 2007-1720(IT)I

ENTRE :

LESLIE BANNON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus avec les appels

de Marilyn McIvor, 2006-3682(IT)I; de Helen Greene, 2006-3687(IT)I;

de Robert Maracle, 2006-3897(IT)I; de Denise Bolduc, 2006-3899(IT)I;

et de Julie Descarie, 2007-46(IT)I

les 28, 29, 30 et 31 octobre 2008, à Toronto (Ontario),

et le 6 novembre 2008, à Ottawa, Canada.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       La demande que l’intimée a faite en ce qui concerne les dépens est rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

Référence : 2009 CCI 469

Date : 20090917

Dossier : 2006-3682(IT)I

ENTRE :

MARILYN MCIVOR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

2006-3687(IT)I

HELEN GREENE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

2006-3897(IT)I

ROBERT MARACLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

2006-3899(IT)I

DENISE BOLDUC,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

2007-46(IT)I

JULIE DESCARIE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

2007-1720(IT)I

LESLIE BANNON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]   Dans chacun des présents appels, il s’agit de savoir si le revenu d’emploi des appelants est exempté d’impôt en application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[2]     Les appels ont été entendus ensemble, la preuve présentée par Roger Obonsawin et par Diane Wallace, de Native Leasing Services, s’appliquant à tous les appels. Un exposé conjoint des faits a été déposé pour chacun des appelants, mais Marilyn McIvor, Denise Bolduc et Leslie Bannon ont également témoigné à l’audience. L’avocat des appelants a demandé que la preuve présentée par Mmes McIvor, Bannon et Bolduc soit considérée comme étant commune à leurs appels, mais j’ai retenu l’objection de l’intimée en me fondant sur le fait que la preuve soumise par chaque appelante était uniquement pertinente aux fins de ses propres appels. Les témoignages de tous les témoins étaient crédibles.

 

[3]     Chacun des appelants est un « Indien » selon la définition figurant à l’article 2 de la Loi sur les Indiens et travaillait pour Native Leasing Services ou pour O.I. Employee Leasing Inc. Pour chacune des années d’imposition ici en cause, les appelants ont affirmé que leur revenu d’emploi était exempté d’impôt en application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui sont reproduits ci‑dessous :

 

            Loi sur les Indiens

 

87. (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de l’article 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

 

[...]

 

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

 

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

81. (1)  Sommes à exclure du revenu. Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a)         Exemptions prévues par une autre loi – une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu’un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d’une disposition d’une convention ou d’un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

 

[4]     En établissant les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé d’exempter de l’impôt le revenu d’emploi des appelants compte tenu du fait qu’il ne s’agissait pas d’un « bien meuble d’un Indien [...] situé sur une réserve » au sens de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

 

[5]     Selon la position prise par le ministre, le critère à appliquer, lorsqu’il s’agit de décider si le revenu d’emploi d’un Indien est un bien situé dans une réserve, est le « critère des facteurs de rattachement », établi dans l’arrêt Williams c. Canada[1], tel qu’il a été précisé et appliqué dans la jurisprudence; étant donné que les appelants ne peuvent pas répondre à ce critère, leurs appels doivent être rejetés. L’intimée demande également que les dépens soient à la charge des appelants, et ce, quelle que soit l’issue de la cause.

 

[6]     Les appelants font valoir que, de façon générale, selon l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 87 de la Loi sur les Indiens et à la jurisprudence applicable, ils ont droit à une exemption d’impôt. À l’audience, l’avocat des appelants a soutenu que la Cour devrait adopter une approche large et libérale à l’égard de l’interprétation de la législation et que le « critère du situs » établi dans l’arrêt R. c. Nowegijick[2] pourrait s’appliquer à la place du « critère des facteurs de rattachement » établi dans l’arrêt Williams. À titre subsidiaire, il a été soutenu que si la Cour était tenue d’appliquer le critère préconisé dans l’arrêt Williams, elle devrait le faire de façon qu’il soit tenu compte de l’accent qui est mis dans l’arrêt Williams sur le « choix »[3] qu’a un Indien de vivre et de travailler en dehors d’une réserve compte tenu du mode de vie existant dans les réserves au 21e siècle et, plus précisément, du fait que le manque de logements et d’emplois dans les réserves prive les Indiens de tout choix réel de vivre ou de travailler dans une réserve.

 

[7]     À l’appui de ce dernier point, l’avocat des appelants a cité deux décisions de la Cour suprême du Canada, Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord)[4] et McDiarmid Lumber Ltd. c. Première nation de God’s Lake (« God’s Lake »)[5].

 

[8]     Dans l’affaire Corbiere, certains membres hors réserve de bandes indiennes avaient contesté, en vertu de la Charte des droits et libertés, certaines dispositions de la Loi sur les indiens prévoyant que le droit de voter aux élections tenues au sein d’une bande était assujettie à la condition selon laquelle ils devaient résider dans une réserve. Dans ses motifs, la juge L’Heureux‑Dubé a fait les remarques suivantes :

 

[...] Du point de vue des membres hors réserve des bandes indiennes, la décision de vivre dans la réserve ou à l’extérieur de celle‑ci, si ce choix leur est ouvert, est importante pour leur identité et leur personnalité et revêt donc un caractère fondamental. Cette décision les oblige à choisir entre vivre avec les autres membres de la bande à laquelle ils appartiennent ou vivre à l’écart de ceux‑ci. Elle se rattache à une communauté et à un territoire qui ont une importance sociale et culturelle significative pour plusieurs ou la plupart des membres de la bande. Constitue également un facteur crucial, le fait que, comme nous le verrons ci‑après au cours de la troisième étape de l’analyse, les membres hors réserve des bandes indiennes ont généralement souffert de désavantages, stéréotypes et préjugés, et font partie d’une « minorité discrète et isolée », définie par la race et le lieu de résidence.  En outre, en raison du manque de débouchés et de logements qui sévit dans de nombreuses réserves et du fait que, auparavant, la Loi sur les Indiens retirait à diverses catégories de membres la qualité de membre d’une bande indienne, les personnes qui vivent à l’extérieur de la réserve n’ont bien souvent pas eu le choix à cet égard ou, si elles l’ont eu, elles n’ont pris leur décision qu’à contrecœur ou qu’à un prix très élevé sur le plan personnel.[6]

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[9]     L’arrêt God’s Lake portait sur l’interprétation des mots « situés sur une réserve » figurant à l’article 89 de la Loi sur les Indiens, qui, dans certaines circonstances, exempte les biens d’un Indien de la saisie. Au nom de la majorité, la juge en chef McLachlin s’est reportée à la notion de « choix » mentionnée dans l’arrêt Williams :

 

[...] en vertu de la Loi sur les Indiens, un Indien jouit d’un choix en ce qui concerne ses biens personnels. [...] Il appartient à l’Indien de décider s’il désire bénéficier du système de protection que constitue la réserve ou s’il veut s’intégrer davantage dans l’ensemble du monde des affaires.[7]

 

[10]    L’avocat des appelants a soutenu que l’effet combiné de ces décisions était de permettre à la Cour d’appliquer le critère des facteurs de rattachement de façon à reconnaître la nature restreinte de ce choix.

 

[11]    Toutefois, depuis que les présents appels ont été entendus, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’affaire Margaret Horn c. Sa Majesté la Reine et Sandra Williams c. Sa Majesté la Reine[8] (Horn et Williams); il s’agissait d’appels que deux autres employées de Native Leasing Services avaient interjetés en vue de contester le refus du ministre d’accorder l’exemption prévue à l’article 87. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a explicitement réaffirmé l’applicabilité du « critère des facteurs de rattachement » établi dans l’arrêt Williams, tel qu’il avait été précisé et appliqué dans la jurisprudence, à la détermination du droit d’un contribuable à une exemption en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens. Ce faisant, le juge Evans a rejeté l’argument selon lequel la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire McDiarmid Lumber Ltd. c. Première nation de God’s Lake (« God’s Lake ») avait implicitement infirmé l’arrêt Williams et approuvé un critère uniquement fondé sur l’emplacement du débiteur :

 

À notre avis, le passage de l’arrêt God’s Lake cité ci‑dessus, indique clairement que la Cour suprême n’a pas invité la Cour à reconsidérer sa jurisprudence. À ce jour, la Cour suprême a refusé l’autorisation d’interjeter appel des décisions de la Cour portant sur l’article 87 dans lesquelles celle‑ci a appliqué l’analyse des facteurs de rattachement pour déterminer le situs du revenu d’emploi aux fins d’imposition. Sans l’intervention du législateur, seule la Cour suprême du Canada peut examiner la validité du cadre analytique que la Cour a établi et a appliqué systématiquement à la question.[9]

 

[12]    Une autre faiblesse de l’argument que les appelants ont invoqué au sujet de l’absence de choix qu’a un Indien est qu’il s’agit essentiellement d’une nouvelle formulation de l’argument fondé sur la « nécessité », qui a déjà été examiné et rejeté par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Desnomie c. Canada :

 

En pratique dans les faits, l’argument fondé sur la nécessité veut que la résidence de l’employeur et de l’employé, comme le lieu d’emploi, seraient dans la réserve si cela était possible et que, par conséquent, le revenu d’emploi devrait être considéré comme étant situé dans la réserve. Le problème avec cet argument est qu’il n’est pas lié à la question en litige dans les circonstances de la présente affaire, soit celle de savoir si le revenu d’emploi de l’appelant est un bien situé dans une réserve. Il s’agit de déterminer un lieu, un situs , en se fondant sur le lieu des opérations pertinentes effectuées.[10]

 

[13]    L’année suivante, dans l’arrêt Monias c. Canada[11], le juge Evans a également rejeté l’argument fondé sur la nécessité, en donnant les explications suivantes :

 

[...] la nécessité ne peut situer dans une réserve des fonctions qui ont été clairement exécutées hors de la réserve, non plus que situer un revenu d’emploi sur une réserve lorsque les facteurs de rattachement indiquent un autre emplacement. Le fait que [le contribuable] travaille hors de la réserve est un facteur qui tendrait à rattacher son revenu d’emploi à un endroit situé hors de la réserve.[12]

 

Toutefois, la cour a ajouté que la preuve de la nécessité d’avoir à travailler ou à vivre à l’extérieur de la réserve pourrait être considérée comme faisant partie des « circonstances [...] afférentes » à l’emploi de l’Indien[13].

 

[14]    Si l’on revient à l’arrêt Horn et Williams, le juge Evans a fait remarquer que la conclusion selon laquelle un revenu d’emploi est gagné sur le « marché ordinaire »[14] dépend de l’examen des facteurs pertinents et « ne constitue pas en soi un élément déterminant pour établir que le revenu d’emploi n’est pas situé sur une réserve : Recalma c. Canada (1998), 158 D.L.R. (4th) 59 (C.A.F.), par. 9 »[15].

 

[15]    En résumé, l’examen de la jurisprudence montre que, pour décider si le revenu d’emploi des appelants est situé dans une réserve pour l’application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, il faut appliquer au revenu d’emploi le critère des facteurs de rattachement tel qu’il a évolué avec le temps.

 

 

Le critère des facteurs de rattachement et le revenu d’emploi

 

[16]    Lorsque le « bien » en question est un revenu d’emploi, les facteurs de rattachement pertinents sont : « [...] l’emplacement de l’employeur ou son lieu de résidence; la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli par l’employé, et notamment la nature de tout avantage qu’en tire la réserve; le lieu de résidence de l’employé. »[16]

 

[17]    En tenant compte de ces facteurs, le juge du fond doit se rappeler l’objet restreint de l’alinéa 87(1)b) tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis[17], et plus récemment par le juge Noël dans l’arrêt Akiwenzie c. Canada[18] :

 

[...] C’est le but de l’exemption, à savoir la préservation des biens mis à la disposition de l’Indien à titre d’Indien dans une réserve, qui a amené la présente cour à statuer, dans l’arrêt Monias, que pour que le revenu d’emploi d’un Indien soit visé par l’exemption, il doit exister un lien entre son acquisition et une réserve en tant que réalité physique ou en tant qu’unité économique.[19]

 

[18]    La Cour suprême du Canada a également fait remarquer que l’objet de l’article 87 n’est pas « de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens »[20]. Depuis que cette décision a été rendue, la Cour d’appel fédérale a dit que le fait de conclure que l’emploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à but non lucratif à d’autres Indiens[21], ou que la vie de l’employé qui est un Indien est axée sur « le maintien ou l’amélioration de la qualité de vie des Indiens en leur qualité d’Indiens dans les réserves »[22] ne veut pas pour autant dire que le revenu d’emploi est visé par l’exemption prévue à l’article 87. Encore une fois, comme il a été dit dans l’arrêt Akiwenzie :

 

11 [...] le fait que [M. Akiwenzie] exerçait des fonctions dont bénéficiaient les réserves et que ces fonctions « faisaient de fait partie intégrante de l’avenir des réserves », comme le juge de la Cour de l’impôt l’a conclu, ne peut faire en sorte que le revenu du défendeur était situé dans ces réserves. Comme la cour l’a dit dans l’arrêt Monias, précité :

 

[66] Le fait que le travail qui donne lieu au revenu d’emploi soit au bénéfice des Indiens dans les réserves et qu’il puisse être essentiel au maintien des réserves comme groupes sociaux viables, n’est pas en soi suffisant pour situer le revenu d’emploi dans les réserves. La politique qui sous‑tend l’alinéa 87(1)b) n’a pas pour but d’offrir une subvention fiscale aux services fournis aux réserves. Il s’agit plutôt de protéger la propriété que les Indiens peuvent acquérir, conserver et utiliser dans une réserve, de toute atteinte par le biais de l’impôt, bien que dans le cas d’un bien incorporel, comme le revenu d’emploi, c’est le situs de son acquisition qui est particulièrement important.

 

On ne saurait accorder plus d’importance à la qualité réelle [de M. Akiwenzie] à titre d’Indien ou à son « indiannité » si je puis m’exprimer ainsi, et ce, pour ce motif même.

 

[19]    C’est par rapport à ces paramètres juridiques qu’il faut juger du droit des appelants à une exemption d’impôt à l’égard de leur revenu d’emploi. Par conséquent, bien que les témoignages des appelants et de M. Obonsawin soient selon moi convaincants, ils portent en bonne partie sur des faits auxquels je suis tenue de n’accorder que peu de poids ou dont je ne dois faire aucun cas. La modification de l’interprétation de l’article 87 que les appelants préconisent peut uniquement être effectuée par le législateur.

 

 

Les faits

 

Native Leasing Services et O.I. Employee Leasing Inc.

 

[20]    L’employeur de tous les appelants, sauf Robert Maracle, était Native Leasing Services (« NLS »); M. Maracle travaillait pour O.I. Employee Leasing Inc. (« O.I. Inc. »). Rober Obonsawin est l’unique propriétaire de NLS et l’unique actionnaire d’O.I. Inc., une société qu’il a établie avec sa conjointe et associée, Ljuba Irwin.

 

[21]    Mme Irwin est non autochtone; cela étant, elle ne pouvait pas vivre dans une réserve et, au cours des années ici en cause, elle ne vivait pas dans une réserve. Sa résidence était située à Toronto. En sa qualité de directrice exécutive de NLS, Mme Irwin travaillait principalement au bureau principal, dans la réserve des Six Nations, mais comme un grand nombre d’entrepreneurs très occupés, elle travaillait également au besoin chez elle, à Toronto, ou dans sa résidence d’été.

 

[22]    M. Obonsawin est un Indien inscrit; il est membre de la bande d’Odanak, qui fait partie de la Nation Waban‑Aki, à l’est de Montréal (Québec), mais il n’a jamais vécu dans cette réserve ni dans aucune autre réserve. Dans sa jeunesse, il vivait près de Sudbury (Ontario), où son père, qui était à la recherche d’un emploi, avait réinstallé la famille. Après avoir terminé ses études secondaires et postsecondaires, M. Obonsawin s’est occupé, en diverses qualités, de centres d’amitié autochtones, et il est finalement devenu directeur exécutif de l’Association nationale des centres d’amitié, à Ottawa.

 

[23]    En 1981, M. Obonsawin et Mme Irwin ont constitué O.I. Inc. en personne morale afin d’offrir des services de consultation. À ce moment‑là, l’objectif principal était de créer un réseau de contacts et de ressources pour des groupes autochtones travaillant auprès d’agences gouvernementales s’occupant de questions autochtones. Ce travail a finalement mené à la création de NLS, l’orientation prise par l’entreprise étant désormais axée sur « le louage de services d’employés », soit une structure contractuelle par laquelle NLS et O.I. Inc. employaient des particuliers qui étaient des « Indiens » en vertu de la Loi sur les Indiens, ceux‑ci étant alors placés auprès de clients, soit habituellement des organisations autochtones à but non lucratif, mais aussi auprès d’agences gouvernementales et d’entreprises du secteur privé (appelées dans les présents motifs « organismes de placement »), qui louaient leurs services.

 

[24]    Un grand nombre des particuliers qui sont devenus des employés de NLS et d’O.I. Inc., avaient déjà travaillé pour l’entité qui allait devenir un organisme de placement. En pareil cas, il s’agissait simplement de signer les contrats nécessaires en vue de faire de l’employé de l’organisme de placement un employé de NLS et d’O.I. Inc. et de faire de l’ancien employeur un organisme de placement. Dans les présents appels, il n’est pas soutenu que les arrangements contractuels entre NLS et O.I. Inc. ou les appelants et leurs organismes de placement étaient de quelque façon irréguliers.

 

[25]    Pendant toute la période pertinente en l’espèce, les locaux des bureaux principaux de NLS et d’O.I. Inc. étaient situés dans la réserve des Six Nations, et ils étaient loués de la réserve. Mme Irwin, Mme Wallace (directrice des opérations, O.I. Inc.) et les quelque 15 employés administratifs de NLS et d’O.I. Inc. travaillaient depuis ces locaux. Certains de ces employés vivaient également dans la réserve des Six Nations. NLS et O.I. Inc. achetaient dans la mesure du possible les fournitures et les services qu’elles utilisaient dans le cadre de leurs activités d’entreprises situées dans la réserve. Il y avait deux exceptions importantes à cette pratique : les sociétés d’assurance offrant une assurance maladie et d’autres types d’avantages aux employés dont les services étaient loués (Great‑West, compagnie d’assurance‑vie et Rice Financial) et les entreprises de services de paye qui traitaient le paiement des salaires (CIBC et Comcheq).

 

[26]    M. Obonsawin travaillait rarement au bureau principal, dans la réserve des Six Nations. En sa qualité de propriétaire unique de NLS et de dirigeant d’O.I. Inc., il était responsable de la supervision générale de leurs activités commerciales, mais il passait la plupart de son temps, à voyager d’un bout à l’autre du pays pour trouver et recruter des employés et des organismes de placement éventuels, activités qu’il a décrites comme étant [traduction] « les relations publiques et les ventes ». Il s’occupait dans une certaine mesure de la formation des employés, mais il s’intéressait principalement à la [traduction] « formation des conseils » à l’intention des administrateurs des organismes de placement, en les aidant dans leurs fonctions de gouvernance, de ressources humaines et de gestion.

 

[27]    Dans son témoignage, M. Obonsawin a déclaré avec franchise que les bureaux principaux de NLS et d’O.I. Inc. étaient situés dans une réserve afin de respecter les critères juridiques permettant aux employés dont les services étaient loués qui vivaient ou qui travaillaient hors réserve de demander une exemption d’impôt en vertu de l’article 87.

 

[28]    M. Obonsawin a déclaré que le modèle du louage de services d’un employé offrait d’autres avantages aux organismes de placement ainsi qu’aux employés; un grand nombre d’organismes de placement ne pouvaient offrir que des salaires modestes; or, un grand nombre d’employés étaient des mères célibataires qui, en l’absence d’une exemption d’impôt, pouvaient difficilement se permettre de travailler à des salaires si peu élevés. Ce genre d’emploi leur donnait la possibilité d’acquérir des compétences en matière d’emploi, de perfectionner ces compétences et de faire partie d’un réseau plus étendu offrant des possibilités d’emploi.

 

[29]    Les particuliers qui décidaient de louer leurs services à titre d’employés versaient à NLS ou à O.I. Inc. des frais correspondant à environ 5 p. 100 de leur salaire brut, lesquels leur permettaient d’adhérer à des régimes d’assurance maladie supplémentaire et à d’autres régimes d’assurance ainsi que de se prévaloir de possibilités de formation et (selon ce à quoi on s’attendait) d’une exemption d’impôt fondée sur l’article 87.

 

[30]    Le revenu de NLS et d’O.I. Inc. provenait des frais de service exigés des employés. L’organisme de placement enregistrait les heures de travail des employés dont les services étaient loués ainsi que leur taux de rémunération et fournissait ces renseignements au personnel administratif de NLS et d’O.I. Inc. qui les transmettait ensuite au service de paye hors réserve aux fins de traitement des chèques de paye des employés.

 

[31]    NLS et O.I. Inc. facturaient aux organismes de placement les services fournis par les employés dont les services étaient loués. Les montants reçus des organismes de placement étaient habituellement déposés directement dans des comptes, dans la réserve, que NLS et O.I. Inc. avaient ouverts à cette fin. Étant donné qu’il n’y avait pas d’installations bancaires dans la réserve des Six Nations, NLS et O.I. Inc. avaient ouvert des comptes bancaires dans une réserve voisine, la bande des Mississaugas de New Credit.

 

 

Marilyn McIvor

 

[32]    Marilyn McIvor interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre pour ses années d’imposition 1999 à 2002.

 

[33]    Mme McIvor est née dans la réserve de Golden Lake, à l’ouest d’Ottawa, où elle a vécu jusqu’au décès de sa mère, lorsqu’elle avait elle‑même cinq ans. Au cours des années qui ont suivi, Mme McIvor passait uniquement ses fins de semaine et ses jours de congé dans la réserve. À l’âge de 16 ans, elle s’est installée à Ottawa, où elle a finalement occupé un emploi au sein de la fonction publique fédérale, emploi qu’elle a exercé jusqu’en 1991. Elle s’est mariée et, avec son mari, elle a élevé deux enfants. Comme son époux était non autochtone, elle a perdu son statut d’Indienne en vertu de la Loi sur les Indiens. En 1985, elle s’est prévalue des modifications apportées à cette loi en vue de rétablir son statut à titre de membre de la bande indienne Pikwakanagan. En 1991, Mme McIvor a pris un long congé de la fonction publique afin de passer l’été dans la réserve de Golden Lake et de renouer les liens avec sa famille et ses amis; il s’agissait d’une époque importante de sa vie, pleine d’émotions.

 

[34]    En 1998, Mme McIvor travaillait, à Ottawa, comme réceptionniste auprès de la Fondation autochtone de guérison (la « FAG »), une société privée à but non lucratif financée par le gouvernement du Canada. Les membres du conseil d’administration de la fondation étaient exclusivement Autochtones[23]. En fait, le financement de la fondation n’était accordé qu’à cette condition.

 

[35]    Mme McIvor a résumé ainsi les objectifs[24] de la FAG : [traduction] « [...] assurer le soutien des survivants des pensionnats indiens en vue de leur permettre de se remettre des répercussions des sévices [physiques et sexuels] qu’ils ont subis dans les pensionnats ainsi que composer avec les répercussions intergénérationnelles[25]. Le fait de travailler pour la FAG avait une importance particulière pour Mme McIvor qui, en sa qualité de fille et, par la suite, de fille adoptive de femmes indiennes qui avaient été placées dans des pensionnats indiens, était elle‑même une « survivante ».

 

[36]    Au mois d’octobre 1999, Mme McIvor est devenue une employée de NLS et elle a été placée auprès de la FAG à titre d’adjointe exécutive du directeur des communications. En cette qualité, elle fournissait du soutien administratif général au directeur et elle distribuait des documents d’information de la FAG et recevait les demandes; elle s’occupait de la saisie des données et de la tenue de livres; et elle assurait la coordination des ateliers sur les pensionnats indiens pour les communautés autochtones partout au Canada[26].

 

[37]    En sa qualité d’employée dont les services étaient loués, Mme McIvor versait à NLS des frais de service correspondant à 5 p. 100 de son salaire brut. Elle avait droit à une assurance maladie semblable à la garantie supplémentaire dont elle bénéficiait à titre de personne directement employée par la FAG. Elle a affirmé être devenue une employée de NLS en partie afin d’obtenir un revenu exempté d’impôt. Mme McIvor a reçu une certaine formation de NLS, mais elle a également continué à avoir accès aux programmes de formation de la FAG et à s’en prévaloir. Elle a cessé d’être employée par NLS en 2002 en raison d’une pénurie de travail à la FAG.

 

 

Leslie Bannon

 

[38]    Leslie Bannon interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre pour ses années d’imposition 2001 et 2002.

 

[39]    Mme Bannon est membre de la Première nation de Fort William, associée à la réserve no 52, ou elle a été élevée. Elle a fréquenté l’école secondaire, à Thunder Bay, et elle a effectué des études postsecondaires à Toronto et, par la suite, pendant un an, en Arizona. Après s’être mariée, elle a vécu pendant un certain temps en Colombie‑Britannique, avec son mari et sa famille. Pendant qu’elle vivait dans cette province, elle a travaillé auprès d’organisations autochtones et participé à des activités culturelles et sociales autochtones. Mme Bannon et sa famille sont en fin de compte retournées dans la région de Thunder Bay.

 

[40]    À cause de la pénurie de logements et d’emplois dans la réserve, en 2000, Mme Bannon s’est trouvée un logement hors réserve et s’est mise à travailler dans les bureaux de l’Ontario Native Women’s Association (Association des femmes autochtones de l’Ontario), à Thunder Bay (Ontario).

 

[41]    L’Association des femmes autochtones de l’Ontario est un organisme à but non lucratif. L’un de ses buts était [traduction] « de mettre en œuvre des programmes compatibles avec les programmes offerts par un organisme de bienfaisance pour l’avancement du niveau de scolarité, de la formation et des débouchés, et pour remédier à la pauvreté parmi les Autochtones de l’Ontario »[27]. Cet organisme est affilié à l’Association des femmes autochtones du Canada et représente les femmes « autochtones », terme qui, pour ses fins, comprend les Indiennes inscrites, les Indiennes non inscrites, les femmes inuites ou métisses ou quiconque déclare être Autochtone. Son mandat s’étend aux femmes autochtones dans les réserves et à l’extérieur des réserves.

 

[42]    À la date de l’audition des présents appels, l’Association des femmes autochtones de l’Ontario comptait environ 83 organismes bénévoles locaux, dont la plupart étaient situés hors réserve. Sous réserve des buts de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario, chaque organisme bénévole local décidait de ses propres priorités.

 

[43]    L’une des questions prioritaires, pour l’Association des femmes autochtones de l’Ontario, à Thunder Bay, était le Programme de sensibilisation au jeu compulsif, financé par le ministère de la Santé de l’Ontario et dont les résidents de l’Ontario en général pouvaient se prévaloir. L’Association des femmes autochtones de l’Ontario a adapté cette initiative provinciale en vue de répondre aux besoins de la communauté locale. Selon l’exposé conjoint des faits, l’objectif du programme était le suivant : [traduction] « information et soutien, éducation et prévention, services d’aiguillage et présentations communautaires. Ces services sont mis à la disposition des femmes autochtones qui font face à des problèmes liés au jeu ou qui sont préoccupées par les activités de jeu de quelqu’un, ainsi qu’à leurs familles »[28].

 

[44]    C’était dans le cadre de ce programme qu’au cours des années d’imposition ici en cause, Mme Bannon travaillait comme employée de NLS auprès de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario, dont les bureaux étaient situés à Thunder Bay, sur un terrain hors réserve.

 

[45]    Au mois de janvier 2001, Mme Bannon a accepté un poste auprès de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario à titre de coordonnatrice du programme d’aide pour le jeu compulsif. En cette qualité, elle était chargée d’effectuer des recherches en vue de l’élaboration de programmes appropriés sur le plan culturel; au cours de cette phase de cinq mois qu’a duré son travail, elle travaillait principalement dans les bureaux de l’Association, à Thunder Bay, mais elle se rendait également occasionnellement dans des réserves situées dans un rayon de 300 kilomètres de la ville. Étant donné que le bureau de Thunder Bay de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario n’avait aucun mandat en matière de consultation, au cours de la phase suivante de son travail, Mme Bannon devait établir des relations avec des agences locales qui étaient en mesure de fournir pareils services, et élaborer du matériel de formation et d’enseignement à l’usage des femmes autochtones et de leurs familles. La phase finale du travail de Mme Bannon consistait à organiser des ateliers sur le jeu compulsif à divers endroits en Ontario : quatre ateliers dans des réserves et un atelier à Hamilton.

 

[46]    Au mois de juin 2002, le programme d’aide au jeu compulsif faisait face à des difficultés sur le plan du financement, de sorte que Mme Bannon a accepté un autre emploi à court terme à titre de technicienne, systèmes de bases de données. Elle a reçu de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario une formation en matière de bases de données, financée par le gouvernement de l’Ontario ou par la bande. La tâche de Mme Bannon consistait à créer une base de données pour les programmes de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario. Mme Bannon a cessé d’être une employée de Native Leasing Services au mois de septembre 2002.

 

[47]    Certains membres du personnel de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario étaient employés directement par cet organisme; d’autres, comme Mme Bannon, étaient des employés de Native Leasing Services, selon ce qu’ils avaient choisi. Qu’ils soient employés par l’Association des femmes autochtones de l’Ontario ou par NLS, tous les employés bénéficiaient d’un régime d’assurance maladie et d’autres avantages offerts par la Great‑West, compagnie d’assurance‑vie. Mme Bannon a assisté à un atelier organisé par M. Obonsawin, à Thunder Bay, à l’intention des employés de NLS.

 

 

Denise Bolduc

 

[48]    Denise Bolduc interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre à l’égard de ses années d’imposition 1995 et 1996.

 

[49]    Mme Bolduc est née près de Sault Ste. Marie (Ontario), où elle a été élevée; sa mère était une Indienne inscrite et son père était d’origine canadienne‑française. Puisqu’elle avait épousé un non‑Indien, la mère de Mme Bolduc avait perdu son statut en vertu de la Loi sur les Indiens, statut qu’elle n’a rétabli qu’après que cette loi eut été modifiée, en 1985. Mme Bolduc elle‑même est maintenant membre de la bande de Batchewana, associée à la réserve de Rankin, près de Sault Ste. Marie. Elle n’a jamais vécu dans une réserve, mais au fil des ans, elle a passé certaines fins de semaine et certains congés avec la famille dans la réserve de Rankin.

 

[50]    Depuis 1985, Mme Bolduc vit et travaille à Toronto. Après avoir exercé divers emplois, elle a obtenu un emploi au Native Earth Theatre. C’est là qu’elle a trouvé une façon de combiner sa passion pour les arts et son désir de promouvoir le patrimoine et la culture autochtones.

 

[51]    En 1993, Mme Bolduc a commencé à s’intéresser aux activités de l’Association for Native Development in the Performing and Visual Arts (l’« ANDPVA »). Au mois de mai 1994, l’ANDPVA l’a embauchée sur une base contractuelle en vue de coordonner les événements musicaux autochtones, à Toronto. Au mois d’octobre 2004, Mme Bolduc a été embauchée par NLS afin de travailler comme coordonatrice de la musique, à l’ANDPVA.

 

[52]    Pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les présents appels, au mois de février 1996, une agence distincte connue sous le nom d’Aboriginal Music Project (l’« AMP ») est née des cendres de l’ANDPVA. À peu près à la même époque, Mme Bolduc, qui était encore une employée de NLS, a été placée auprès de l’AMP à titre de directrice artistique.

 

[53]    Le financement de l’ANDPVA et des activités de l’AMP provenait principalement de divers organes et agences des gouvernements fédéral et provincial, mais aussi de sociétés et d’autres commanditaires du secteur privé.

 

[54]    Mme Bolduc a témoigné que ce qui suit était une description juste des buts de l’AMP :

 

[traduction]

 

L’Aboriginal Music Project (l’« AMP ») cherche à établir un réseau complet de musique mis sur pied et contrôlé par les Autochtones ainsi qu’à fournir une base de perfectionnement professionnel dans l’industrie de la musique. L’AMP a pour mandat de promouvoir les musiciens autochtones et de leur fournir des possibilités de formation sur tous les plans, dans l’industrie de la musique, ainsi que d’assurer la protection des cultures, des langues et de la musique uniques en leur genre des peuples autochtones.[29]

 

[55]    Mme Bolduc a ensuite résumé l’un des objectifs de l’AMP comme étant de promouvoir le développement de la musique et des musiciens autochtones partout au monde, ce monde étant connu, par métaphore, dans la communauté autochtone sous le nom d’[traduction] « Île de la tortue »[30].

 

[56]    Dans la poursuite de ce but, Mme Bolduc travaillait dans son bureau, à Toronto, où elle exécutait des tâches administratives normalement associées à un poste de gestion. Elle devait également voyager partout au Canada afin de rencontrer des artistes dans les réserves et à l’extérieur des réserves et d’assister à des spectacles musicaux autochtones et non autochtones, à des ateliers de l’industrie et à des événements des médias. Un grand nombre de ces événements avaient lieu dans de grands centres urbains, mais Mme Bolduc avait de temps en temps des entrevues promotionnelles dans des stations de radio exploitées depuis une réserve. Elle passait également un certain temps dans la réserve des Six Nations, où la collectivité culturelle était relativement vigoureuse.

 

[57]    La plupart du temps, le travail de promotion de Mme Bolduc était effectué à Toronto à cause des possibilités qu’offraient de vastes audiences, le réseautage professionnel et les ressources de l’industrie. Mme Bolduc a témoigné avec franchise qu’aucune possibilité de ce genre n’existait dans la réserve de Rankin ou, de fait, dans les réserves auxquelles les artistes autochtones étaient associés. D’où la nécessité d’agences telles que l’AMP.

 

[58]    En sa qualité d’employée de NLS, Mme Bolduc devait payer des frais de service de 5 p. 100. L’avantage qu’offrait l’exemption d’impôt était la principale raison pour laquelle elle avait choisi d’être une employée de NLS.

 

 

Helen Greene

 

[59]    Helen Greene interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre à l’égard de ses années d’imposition 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005. Elle a comparu par l’entremise de son avocat. Elle n’a pas présenté de preuve, si ce n’est celle de M. Obonsawin et de Mme Wallace ainsi que son exposé conjoint des faits.

 

[60]    Mme Greene était membre de la bande de la Première nation indépendante d’Iskatewizaagegan no 39 tant qu’elle n’a pas été transférée au registre 1310044301 de la bande de la Première nation des Ojibways d’Onigaming, qui regroupe cinq établissements, à environ 280 kilomètres au sud‑est de Kenora (Ontario).

 

[61]    Au cours des années d’imposition ici en cause, Mme Greene vivait hors réserve, à Kenora (Ontario), où elle était employée par NLS, qui l’avait placée au Ne‑Chee Friendship Centre (Centre d’amitié Ne‑Chee).

 

[62]    Selon l’exposé conjoint des faits et la preuve soumise par M. Obonsawin, la notion de « centre d’amitié » a pris naissance au cours des années 1950 pour faire face à la migration accrue des Autochtones des réserves vers des régions urbaines. Les centres d’amitié offraient de l’aide aux Autochtones en matière d’emploi, de logement et de santé et assuraient la liaison avec d’autres organismes communautaires. La gamme de programmes, les sources de financement et la structure organisationnelle des centres d’amitié a pris de l’essor au fur et à mesure que leur nécessité se faisait sentir partout au pays. En 1983, le gouvernement canadien a formellement reconnu les centres d’amitié à titre d’institutions urbaines autochtones légitimes répondant aux besoins des Autochtones et a pris des mesures pour assurer le financement permanent des centres par le Secrétariat d’État.

 

[63]    Au cours des années ici en cause, le Centre d’amitié Ne‑Chee était situé à Kenora (Ontario) sur un terrain hors réserve. Le centre a été constitué en personne morale en 1976 à titre de société à but non lucratif. Ses objectifs sont énoncés dans ses lettres patentes et dans ses lettres patentes supplémentaires :

 

[traduction]

 

Centre d’amitié Ne‑Chee

 

1.         Le Centre d’amitié Ne‑Chee (« Ne‑Chee ») est une société à but non lucratif établie en 1976. Les objectifs de Ne‑Chee, décrits dans ses lettres patentes et dans ses lettres patentes supplémentaires [...] sont notamment les suivants :

 

a)         promouvoir le bien‑être des Autochtones;

 

b)         assurer la sécurité des Autochtones et leur offrir de l’aide en milieu urbain;

 

c)         promouvoir la prestation de services visant à satisfaire les besoins fondamentaux des Autochtones en milieu urbain, en offrant notamment des programmes répondant aux besoins des Autochtones en matière de logement, d’emploi, de culture et de loisirs.[31]

 

[64]    Lorsque Mme Greene est devenue une employée de NLS en 1998, elle travaillait au Centre d’amitié Ne‑Chee à titre de coordonatrice, guérison et bien‑être. Son contrat a duré moins d’un mois et aucun avantage social supplémentaire ne se rattachait au contrat.

 

[65]    Au mois de mai 2001, Mme Greene, qui était encore une employée de NLS, a encore une fois été placée au Centre d’amitié Ne‑Chee, à titre de travailleuse s’occupant de la santé des bébés dans le cadre du « Aboriginal Healthy Babies, Healthy Children Program » (programme autochtone des bébés en santé et des enfants en santé).

 

[66]    Le programme autochtone des bébés en santé et des enfants en santé faisait partie d’une initiative du gouvernement de l’Ontario, appelée Bébés en santé, enfants en santé. Ce programme à financement provincial visait à assurer que toutes les familles de l’Ontario dont les enfants (depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de six ans) sont exposés à des risques pouvant nuire à leur développement physique, cognitif ou psychosocial ou à leur développement sur le plan de la communication, aient accès à des services d’intervention précoce uniformes efficaces. La réalisation de ces objectifs et la prestation de services étaient assurées par l’agence appropriée au niveau communautaire local. Le Centre d’amitié Ne‑Chee, qui faisait partie de la Ontario Federation of Indian Friendship Centres (Fédération des centres d’amitié indiens de l’Ontario), a adopté ces objectifs et les adaptés aux besoins de la communauté autochtone locale.

 

[67]    Mme Greene accomplissait parfois ses tâches ailleurs que dans les locaux du Centre d’amitié Ne‑Chee, mais son mandat, en sa qualité de travailleuse s’occupant de la santé des bébés autochtones ne lui permettait pas de travailler dans une réserve.

 

[68]    Certains collègues de Mme Greene étaient des employés de NLS; d’autres ne l’étaient pas, selon le choix qu’ils avaient fait. Le Centre d’amitié Ne‑Chee s’occupait lui‑même de l’affichage des emplois ainsi que des entrevues avec les candidats et de la sélection des candidats; NLS n’intervenait que lorsque le candidat voulait être embauché par NLS et être placé au Centre d’amitié Ne‑Chee. Après avoir signé les contrats nécessaires, NLS suivait sa pratique habituelle qui consistait à facturer les services de l’employé qui venait d’être embauché à l’organisme de placement. Le Centre d’amitié Ne‑Chee payait ces factures en émettant un chèque et en le déposant dans un compte de NLS, à Kenora (Ontario).

 

 

Julie Descarie

 

[69]    Mme Descarie interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre à l’égard de ses années d’imposition 1999 à 2002. Elle a comparu par l’entremise de son avocat. Elle n’a pas présenté de preuve, si ce n’est celle de M. Obonsawin et de Mme Wallace ainsi que son exposé conjoint des faits.

 

[70]    Pendant toute la période pertinente dans les présents appels, Mme Descarie était membre de la bande de Kitigan Zibi Anishinabeg, située à l’extérieur de la municipalité de Maniwaki (Québec). Elle vivait hors réserve, à Ottawa.

 

[71]    En 1995, Mme Descarie a commencé à travailler à titre d’employée du Centre d’amitié autochtone Odawa, à Ottawa. Le Centre d’amitié autochtone Odawa a été établi à titre de société à but non lucratif en 1975. La notion de « centre d’amitié » a été examinée ci‑dessus avec les appels interjetés par Helen Greene; ces conclusions s’appliquent également dans les présents appels. Les objectifs du Centre d’amitié autochtone Odawa étaient les suivants :

 

[traduction]

 

1.         Le Centre d’amitié autochtone Odawa (« Odawa ») est une société à but non lucratif établie au mois d’août 1975. Les objectifs d’Odawa, décrits dans ses lettres patentes [...] sont notamment les suivants :

 

a)      promouvoir des services de consultation et d’aiguillage à l’intention des Indiens inscrits et des Indiens non inscrits, des Métis et des Inuits, ci‑après appelés les « Autochtones », à Ottawa et dans les environs;

 

b)      faciliter les possibilités de sensibilisation et de formation pour les personnes d’origine autochtone afin de les intégrer de façon efficace dans la structure sociale et économique de la collectivité;

 

c)      assurer la liaison entre les personnes d’origine autochtone et les agences gouvernementales, l’industrie et d’autres groupes;

 

d)      fournir des installations aux étudiants des universités et des écoles de formation professionnelle afin de leur donner la possibilité d’organiser des activités sociales, culturelles et récréatives;

 

e)      établir un centre où les non autochtones pourront se rendre et rencontrer des Autochtones;

 

f)        donner aux Autochtones de passage et aux résidents permanents autochtones la possibilité d’utiliser le centre pour des activités sociales et comme lieu de rassemblement où les Autochtones peuvent se rencontrer et nouer des amitiés avec des personnes ayant des intérêts et des antécédents similaires;

 

g)      mettre sur pied et exploiter une bibliothèque en mettant l’accent sur des sujets se rapportant aux Autochtones, tout en y intégrant des livres, des journaux et des publications d’intérêt général;

 

h)      veiller à ce que les activités, les programmes et les directives du centre soient non confessionnels et non partisans sur le plan politique.[32]

 

[72]    Au cours des années d’imposition ici en cause. Mme Descarie a été placée au Centre d’amitié autochtone Odawa à titre d’adjointe administrative du directeur de la Sweetgrass Home Child Care Agency (« Sweetgrass »). Sweetgrass était une agence de garde d’enfants à domicile dûment agréée par le gouvernement de l’Ontario. Elle était exploitée dans le cadre d’un effort conjoint auquel participaient Sweetgrass, le Centre d’amitié autochtone Odawa et la Ville d’Ottawa; Sweetgrass, qui était située dans les locaux du Centre d’amitié autochtone Odawa, avait conclu avec la ville d’Ottawa une entente d’achat de services aux termes de laquelle elle acceptait des demandes de fournisseurs de soins éventuels dans le domaine de la garde d’enfants et décidait de leur aptitude. Le Centre d’amitié autochtone Odawa s’occupait de conseiller les parents au sujet de la disponibilité de places subventionnées en garderie; les parents intéressés présentaient une demande à la ville d’Ottawa en vue d’obtenir une place. Sur approbation de la ville, ils remplissaient les formulaires nécessaires par l’intermédiaire du Centre d’amitié autochtone Odawa.

 

[73]    En sa qualité d’agence financée par l’État, Sweetgrass était obligée de mettre ses services à la disposition de tous les enfants admissibles, mais elle pouvait essayer d’accorder la priorité aux enfants autochtones, et c’est ce qu’elle faisait. Les services de garde d’enfants eux‑mêmes étaient fournis par des fournisseurs de soins agréés en matière de garde d’enfants, qui s’occupaient des enfants à domicile. Sweetgrass s’efforçait de placer les enfants dans des foyers autochtones, mais les fournisseurs de soins non autochtones étaient également acceptés dans le programme.

 

[74]    En 1999, Mme Descarie a choisi de devenir une employée de NLS; en cette qualité, elle a été placée au Centre d’amitié autochtone Odawa; elle occupait son ancien poste d’adjointe administrative du directeur de Sweetgrass. Ses tâches étaient notamment les suivantes :

 

                        [traduction]

 

a)                  envoyer les factures de fournisseurs de soins à domicile aux fins du traitement des paiements mensuels et vérifier les montants y afférents à l’aide d’une formule basée sur les heures de garde pour chaque enfant;

 

b)                  envoyer les factures vérifiées des fournisseurs de soins à domicile au service de la paye d’Odawa aux fins de paiement;

 

c)                  répondre aux appels téléphoniques;

 

d)                  s’occuper des travaux d’écriture et tenir les dossiers à jour;

 

e)                  assurer la mise à jour des divers formulaires devant être remplis par les fournisseurs de soins à domicile ou par les parents;

 

f)                    participer à la préparation d’ateliers et d’autres activités, à Odawa.[33]

 

 

[75]    NLS exigeait des frais de service de Mme Descarie, mais celle‑ci n’avait pas droit à des avantages sociaux en sus de ceux qui étaient prévus par la loi. Avant de devenir une employée de NLS et par la suite, Mme Descarie devait remettre des fiches de présence au directeur de Sweetgrass pour qu’il les approuve; après être devenue une employée de NLS, Sweetgrass envoyait ses fiches de présence à NLS aux fins de paiement. Le directeur de Sweetgrass procédait à des évaluations du rendement, mais ces évaluations n’influaient pas sur le salaire de Mme Descarie, lequel dépendait des augmentations du budget d’achat de services de la Ville d’Ottawa.

 

 

Robert Maracle

 

[76]    Robert Maracle interjette appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre à l’égard de son année d’imposition 2003. Il a comparu par l’entremise de son avocat. Il n’a pas présenté de preuve, si ce n’est celle de M. Obonsawin et de Mme Wallace ainsi que son exposé conjoint des faits.

 

[77]    M. Maracle est membre de la bande des Mohawks de la baie de Quinte, située près de Belleville (Ontario).

 

[78]    En 2002, M. Maracle travaillait pour G.D. Jewell Engineering Incorporated (« Jewell Engineering ») à titre d’inspecteur en construction et de technicien en arpentage.

 

[79]    Les bureaux de Jewell Engineering sont situés à Belleville, à Kingston et à Mississauga; aucun de ces bureaux n’est situé dans une réserve. Jewell Engineering fournit des services d’ingénierie au secteur public et au secteur privé : municipalités (80 p. 100); gouvernement de l’Ontario (10 p. 100); gouvernement fédéral ou secteur privé (10 p. 100). La société fournit toutes sortes de services d’ingénierie : planification et conception en matière de transport rural et urbain, construction et conception structurelles, renouvellement de l’infrastructure municipale, utilisation des terres et répercussions environnementales et questions connexes.

 

[80]    Au mois de juin 2003, M. Maracle a demandé à Jewell Engineering de recourir à services en tant qu’employé dont les services étaient loués par O.I. Inc., de façon qu’il puisse obtenir une exemption d’impôt. Jewell Engineering a accepté, et les documents nécessaires ont été rédigés en vue d’effectuer ce changement. M. Maracle versait des frais de service à O.I. Inc.; O.I. Inc. facturait les services de M. Maracle à Jewell Engineering. Ces arrangements mis à part, le fait de devenir un employé de NLS n’a rien changé aux tâches que M. Maracle accomplissait pour Jewell Engineering.

 

[81]    En 2003, Jewell Engineering comptait une quarantaine d’employés. M. Maracle était le seul employé indien. Vingt employés étaient, comme M. Maracle, inspecteurs en construction et techniciens en arpentage. M. Maracle et ses collègues accomplissaient les mêmes tâches et ils touchaient le même salaire.

 

[82]    En 2003, M. Maracle a travaillé à 50 projets, dont sept seulement étaient réalisés sur des terres de réserve. Selon l’exposé conjoint des faits, on n’avait pas demandé à M. Maracle de travailler aux projets réalisés dans des réserves à cause de son statut d’Indien. Sur les 1 855 heures que M. Maracle a effectuées en 2003, 426,5 heures ont été consacrées à des projets réalisés dans des réserves. Que ce soit dans une réserve ou hors réserve, la nature du travail exécuté était la même.

 

[83]    M. Maracle a reçu une formation de Jewell Engineering, dont le coût a par la suite été en partie remboursé par sa bande, la bande des Mohawks de la baie de Quinte. M. Maracle n’a reçu aucune formation d’O.I. Inc.

 

 

Analyse

 

1.       L’emplacement ou la résidence de l’employeur

 

[84]    Il est certain que les bureaux principaux de NLS et d’O.I. Inc. étaient situés dans la réserve des Six Nations. L’exploitation de NLS et d’O.I. Inc. offrait certains avantages à la réserve des Six Nations : les fournitures et les services étaient achetés de sources situées dans la réserve, les locaux à bureaux étaient loués de la bande et des emplois et de la formation étaient fournis au personnel administratif dans la réserve.

 

[85]    Toutefois, il faut soupeser cette conclusion en fonction des faits suivants, qui atténuent le poids à accorder à ce facteur de rattachement : premièrement, l’avantage financier accordé à la réserve des Six Nations représentait une fraction bien faible de l’ensemble des revenus de NLS et d’O.I. Inc. En outre, ces revenus provenaient des frais de service qui étaient déduits de la rémunération de chacun des employés dont les services étaient loués auprès de leurs organismes de placement respectifs, dont aucun n’était situé dans la réserve des Six Nations ou dans une autre réserve. Enfin, le personnel administratif de NLS et d’O.I. Inc. dans la réserve des Six Nations se contentait d’agir comme intermédiaire entre les organismes de placement hors réserve, qui enregistraient et déclaraient les heures de travail des employés dont les services étaient loués, et les services de paye hors réserve qui traitaient les chèques de paye.

 

[86]    Ni M. Obonsawin, le dirigeant de NLS et d’O.I. Inc., ni Mme Irwin et Mme Wallace, les deux personnes qui étaient responsables de la gestion de NLS et d’O.I. Inc. dans la réserve, ne résidaient dans la réserve des Six Nations ou dans une autre réserve.

 

[87]    NLS et O.I. Inc. avaient des comptes bancaires dans une réserve, mais il est habituellement accordé peu de poids à ce fait[34], comme le juge Evans l’a dit dans l’arrêt Monias : « [...] Là où les employés reçoivent leur revenu d’emploi n’a que peu de lien logique, sinon aucun, avec la politique qui sous‑tend l’article 87 »[35].

 

[88]    Par conséquent, bien que je sois convaincue que l’emplacement des bureaux principaux de NLS et d’O.I. Inc. dans la réserve des Six Nations établisse dans une certaine mesure un lien entre l’emploi des appelants et cette réserve, je ne puis accorder beaucoup de poids à ce facteur, et ce, pour les motifs énoncés ci-dessus. Cette conclusion s’applique à l’analyse de chacun des appels interjetés par les appelants qui est effectuée ci‑dessous.

 

2.       La nature et l’emplacement du travail, l’emplacement de la résidence de l’employé, les circonstances y afférentes, l’avantage pour une réserve

 

Marilyn McIvor

 

[89]    Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien suffisant entre le revenu d’emploi de Mme McIvor et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de son revenu d’emploi.

 

[90]    Mme McIvor n’a pas vécu dans sa réserve depuis qu’elle était jeune enfant. Au cours des années d’imposition ici en cause, elle vivait et travaillait hors réserve, à Ottawa. En sa qualité d’adjointe exécutive du directeur des communications, à la FAG, ses tâches administratives n’étaient pas différentes de celles de toute adjointe exécutive dans l’économie canadienne en général. Les documents que Mme McIvor préparait ou distribuait et les ateliers qu’elle aidait à organiser ne se limitaient pas à une réserve particulière ou à une clientèle résidant dans une réserve.

 

[91]    La contribution de Mme McIvor au programme des survivants des pensionnats indiens s’adressait aux Indiens dont la vie avait été touchée par ce régime, mais son travail à cet égard n’était pas effectué au profit d’une réserve particulière, au sens envisagé par la jurisprudence. Comme dans l’affaire Akiwenzie, la nature généralement bénéfique de son travail n’est pas suffisante pour faire de son emploi hors réserve un travail qui faisait partie intégrante de la vie dans une réserve. Il en va de même pour les efforts que Mme McIvor a déployés en vue de renouer et de maintenir des liens, sur le plan social, culturel et familial, avec son ancienne vie, dans la réserve de Golden Lake; ces efforts sont certes importants pour Mme McIvor personnellement, mais ils ne servent pas à établir un lien entre le revenu d’emploi tiré de NLS et cette réserve ou la réserve des Six Nations. Dans ces conditions, les appels interjetés par Mme McIvor doivent être rejetés.

 

 

Leslie Bannon

 

[92]    Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien suffisant entre le revenu d’emploi de Mme Bannon et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de son revenu d’emploi.

 

[93]    Mme Bannon a passé sa jeunesse dans une réserve, mais pendant presque toute sa vie d’adulte et, à coup sûr, pendant les années d’imposition ici en cause, elle n’a pas vécu ni travaillé dans une réserve. Son travail de coordonatrice du programme d’aide pour le jeu compulsif était axé sur les Indiens et sur d’autres Autochtones faisant face à des problèmes liés au jeu, mais ce programme faisait en soi partie d’une initiative provinciale plus étendue ciblant généralement tous les Ontariens faisant face à des problèmes liés au jeu. De même, dans le cadre de son mandat, l’Association des femmes autochtones de l’Ontario mettait ce programme à la disposition de la population autochtone en général : le programme n’était pas limité aux Indiens inscrits vivant dans les réserves. Malgré l’avantage qu’il offrait aux personnes concernées, l’emploi de Mme Bannon en sa qualité de coordonatrice du programme d’aide pour le jeu compulsif ne conférait pas d’avantage, directement ou indirectement, à sa réserve, à la réserve des Six Nations, ou à toute autre réserve.

 

[94]    Quant à ses tâches particulières, Mme Bannon accomplissait parfois du travail dans des réserves au cours des phases de son projet se rattachant aux recherches et aux ateliers, mais elle passait la plupart de son temps hors réserve, au bureau de l’Association des femmes autochtones de l’Ontario, à Thunder Bay. La nature de ses responsabilités, en sa qualité de coordonatrice du programme d’aide pour le jeu compulsif, n’était pas fondamentalement différente des responsabilités qui se rattachent à un poste similaire au sein d’un organisme à but non lucratif dont le mandat est d’aider les gens qui font face à des problèmes, c’est‑à‑dire chercher la façon la plus efficace de répondre aux besoins du groupe ciblé, préparer des outils d’information efficaces, et communiquer ces renseignements à la population pertinente. Dans ces conditions, l’emploi de Mme Bannon ne faisait pas partie intégrante de la vie d’une réserve.

 

[95]    Je retiens la preuve soumise par Mme Bannon, à savoir que parce qu’il y avait peu de logements et peu de possibilités d’emploi dans sa réserve, elle se voyait obligée de vivre et de travailler hors réserve. La nécessité d’avoir à accepter un emploi hors réserve est une circonstance pertinente qui montre pourquoi elle a accepté de travailler pour l’Association des femmes autochtones de l’Ontario, à Thunder Bay. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas en tant que telles à faire de son travail à Thunder Bay un emploi exercé dans une réserve. Pour ces motifs, les appels interjetés par Mme Banon doivent être rejetés.

 

 

Denise Bolduc

 

[96]    Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien suffisant entre le revenu d’emploi de Mme Bolduc et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de son revenu d’emploi.

 

[97]    Mme Bolduc n’a jamais vécu dans une réserve et, au cours des années d’imposition ici en cause, elle n’a exercé ses fonctions dans une réserve qu’occasionnellement et, elle ne les a certes jamais exercées dans la réserve de Rankin. Le fait qu’elle travaillait parfois avec des artistes, dans la réserve des Six Nations, où était situé le bureau principal de NLS n’est qu’une pure coïncidence. Lorsqu’elle n’était pas à Toronto ou dans la réserve des Six Nations, son emploi l’obligeait à être dans d’autres régions du pays, où elle travaillait presque toujours hors réserve.

 

[98]    Dans le cadre des tâches qu’elle exécutait à l’ANDPVA et à l’AMP, Mme Bolduc devait promouvoir la musique et les artistes autochtones dans l’ensemble du monde des affaires : comme elle l’a dit : [traduction] « [...] c’est le genre de, je ne veux pas dire un modèle [en parlant ici d’artistes autochtones connus à l’échelle internationale comme Buffy Sainte‑Marie et Robbie Roberston], mais c’est peut‑être ce résultat remarquable pour les artistes autochtones que l’on essaie d’encourager, ce sont des carrières aussi brillantes que celles‑là »[36]. Par leur nature même, les efforts promotionnels de Mme Bolduc étaient axés sur l’économie canadienne en général et au‑delà, sur la scène internationale. La clientèle que Mme Bolduc cherchait à aider n’était pas elle‑même située dans des réserves. Le fait que certains artistes indiens ou leurs réserves aient peut‑être bénéficié de l’emploi de Mme Bolduc ne suffit pas pour créer un lien entre le revenu d’emploi de cette dernière et « une réserve » pour l’application de l’article 87. La nature des tâches de Mme Bolduc, à l’ANDPVA et à l’AMP, n’était pas essentiellement différente de ce à quoi on s’attendrait d’une personne s’occupant de l’administration, de l’organisation ou de la promotion d’initiatives artistiques dans l’économie canadienne en général.

 

[99]    Dans l’ensemble, la preuve montre qu’il n’y avait pas de lien envisagé par la jurisprudence du genre de celui qu’il y a entre l’emploi de Mme Bolduc à l’ANDPVA et à l’AMP et une réserve. Par conséquent, les appels que Mme Bolduc a interjetés à l’égard des années d’imposition 1995 et 1996 doivent être rejetés.

 

 

Helen Greene

 

[100]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien suffisant entre le revenu d’emploi de Mme Greene et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de son revenu d’emploi.

 

[101]  La clientèle de l’organisme de placement de Mme Bolduc, le Centre d’amitié Ne‑Chee, était composée d’Autochtones qui, pour diverses raisons, avaient quitté leurs réserves pour vivre en milieu urbain. L’objectif du programme autochtone des bébés en santé et des enfants en santé était d’améliorer le sort des enfants autochtones à risque, mais ce programme faisait partie d’une initiative générale prise par le gouvernement de l’Ontario en matière de santé, laquelle ciblait tous les enfants à risque de la province. Les tâches de Mme Bolduc en sa qualité de travailleuse s’occupant du programme des bébés en santé étaient accomplies hors réserve, à Kenora, pour des clients qui vivaient eux‑mêmes hors réserve. Dans ces conditions, les appels que Mme Bolduc a interjetés à l’égard des années d’imposition 2001 à 2005 doivent être rejetés.

 

Julie Descarie

 

[102]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien suffisant entre le revenu d’emploi de Mme Descarie et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de son revenu d’emploi.

 

[103]  Au cours des années ici en cause, Mme Descarie ne vivait pas ou ne travaillait pas dans une réserve. Bien que le Centre d’amitié autochtone Odawa et Sweetgrass aient ciblé les Autochtones, les services fournis devaient, en vertu de la loi, être également mis à la disposition de toutes les familles, autochtones ou non. Puisque le Centre d’amitié autochtone Odawa est situé dans un centre urbain, sa clientèle était par définition principalement composée d’Autochtones hors réserve.

 

[104]  De même, les tâches de Mme Descarie à titre d’adjointe administrative du directeur du programme de Sweetgrass n’étaient pas d’une nature différente de celles qui sont habituellement associées à un poste équivalent dans l’économie canadienne en général. Le seul aspect du programme qui ciblait plus directement les Autochtones, soit le fait de mettre les enfants autochtones en rapport avec des fournisseurs de soins autochtones, ne faisait pas partie des tâches de Mme Descarie : elle n’était pas chargée d’évaluer l’aptitude des fournisseurs de soins qui présentaient leur candidature ni de visiter les fournisseurs de soins une fois que les enfants avaient été placés chez eux.

 

[105]  Dans ces conditions, le travail de Mme Descarie n’était pas lié à la vie dans une réserve. Par conséquent, les appels que Mme Descarie a interjetés à l’égard des années d’imposition 1999 à 2002 sont rejetés.

 

 

Robert Maracle

 

[106]  M. Maracle vivait dans une réserve, mais la prépondérance de la preuve milite fortement en faveur de la conclusion selon laquelle il gagnait son revenu d’emploi dans l’économie canadienne en général.

 

[107]  L’entreprise de l’organisme de placement de M. Maracle, Jewell Engineering, faisait sans conteste partie de l’économie canadienne en général. Les tâches de M. Maracle, qu’elles soient exécutées dans une réserve ou hors réserve, étaient les mêmes que celles de ses collègues non autochtones. Le fait que M. Maracle travaillait à des projets situés dans des réserves n’avait rien à voir avec son statut d’Indien; même si cela n’avait pas été le cas, M. Maracle avait passé sur des terres de réserve moins du quart des heures de travail qu’il avait effectuées en 2003.

 

[108]  Dans ces conditions, je ne suis pas convaincue de l’existence d’un lien entre le revenu d’emploi que M. Maracle gagnait chez Jewell Engineering et une réserve justifiant une exemption d’impôt à l’égard de ce revenu. L’appel interjeté par M. Maracle à l’égard de l’année d’imposition 2003 est rejeté.

 

 

Les dépens

 

[109]  En plus de demander le rejet des appels interjetés par les appelants sous le régime de la procédure informelle, l’intimée a également cherché à obtenir une ordonnance lui adjugeant les dépens, et ce, quelle que soit l’issue de la cause.

 

[110]  Le fondement de la demande du ministre figure au paragraphe 573 de l’exposé des faits et du droit de l’intimée :

 

[traduction]

 

[...] que la conduite de ces appelants, en confiant la conduite de leurs appels à Roger Obonsawin et à Native Leasing Services, et en suivant les instructions que ce dernier leur avait données de refuser de fournir des renseignements pertinents en ce qui concerne leurs nouvelles cotisations individuelles, dans la poursuite de quelque plan collectif, constitue un recours abusif à la Cour. Lorsque les appelants disent effectivement au ministre : « Nous ne vous dirons pas quels sont les faits tant que nous ne comparaîtrons pas devant la Cour », le système établi par le Parlement aux fins de l’administration efficace des différends en matière fiscale est renversé et la Cour est entraînée dans un processus inutile de communication de faits qui auraient dû être communiqués.

 

[111]  Des détails additionnels, au sujet des allégations du ministre, lesquels s’appliquent également à tous les appelants, sont donnés aux paragraphes 12 et 13 de la réponse modifiée à l’avis d’appel de Leslie Bannon :

 

[traduction]

 

12.       Dans le cadre de l’examen des avis d’opposition, le ministre a demandé à l’appelante d’indiquer si sa cause était comparable, sur le plan des faits, à l’une ou l’autre des quatre causes initialement avancées à titre de causes types : à savoir, les causes de Rachel Shilling, de Vicki Clarke, de Margaret Horn et de Sandra Williams. Le ministre a en outre demandé une preuve documentaire en vue de corroborer les facteurs de rattachement pertinents, notamment l’emplacement des fonctions de son emploi, l’emplacement de sa résidence principale, la nature de ses fonctions et d’autres circonstances y afférentes, l’avantage qu’offre l’entreprise de l’employeur à la réserve et tout autre facteur de rattachement pertinent. L’appelante a refusé nommer l’une ou l’autre des quatre causes initialement avancées à titre de causes types. L’appelante a également refusé de fournir toute preuve corroborante au sujet des facteurs de rattachement.

 

13.       Étant donné que l’appelante a refusé de nommer l’une ou l’autre des quatre causes ou de fournir une preuve documentaire à l’appui de sa demande, le ministre s’est fondé sur le fait que, aux fins de l’analyse des facteurs de rattachement, il n’était pas possible d’établir une distinction, sur le plan des faits, entre la cause de l’appelante et la cause type Shilling.

 

[112]  L’Agence du revenu du Canada a envoyé la même lettre à chacun des appelants; le passage pertinent de la lettre envoyée à Mme Bolduc[37] est libellé ainsi :

 

[traduction]

 

[...]

 

Si vous croyez que votre situation factuelle est la même que celle qui existait dans l’une ou l’autre des quatre causes susmentionnées, nous vous prions d’indiquer la cause qui s’applique à votre cas et de nous fournir une preuve documentaire corroborant les facteurs de rattachement suivants, tels qu’ils s’appliquent à votre cas pour chaque année visée par l’opposition.

 

[113]  Mme Bolduc, Mme Bannon et chacun des autres appelants ont répondu à cette demande en envoyant une lettre rédigée pour leur compte par NLS et O.I. Inc. :

 

[traduction]

 

La présente vise à informer l’Agence du revenu du Canada que je suis un Indien inscrit au sens de la Loi sur les Indiens et que le revenu des années de base mentionné dans votre lettre était tiré de mon emploi auprès de Native Leasing Services, dont le bureau principal est situé [...] dans la réserve des Six Nations de Grand River. Je suis rémunéré par le bureau principal de mon employeur.

 

La cotisation (ou les cotisations) dont j’ai fait l’objet inclut à tort un revenu qui est exempté de l’impôt conformément à l’article 87 de la Loi sur les Indiens et à l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. De plus, toute considération de la résidence dans une réserve ou hors réserve à titre de facteur de rattachement pertinent est contraire à l’article 15 de la Charte des droits et libertés.

 

J’attends le résultat des quatre causes types : Shilling, Clarke, Horn et Williams, conformément à l’entente concernant les causes types. En ce moment, aucune des quatre causes types n’est déterminante pour ce qui est de ma situation. La décision rendue par la cour dans ces affaires et, en particulier, la contestation constitutionnelle de l’article 87 de la Loi sur les Indiens fondée sur l’article 15 de la Charte sont fondamentales pour ce qui est de la question de l’exemption d’impôt à laquelle j’ai droit. Je crois comprendre que ces affaires doivent être entendues le 27 mars 2006.

 

Étant donné que les tribunaux sont maintenant saisis de la question, la demande que vous avez faite en vue d’obtenir des renseignements et des éléments de preuve se rattachant directement aux questions que l’on a demandé à la Cour de trancher est tout à fait irrégulière et nuit à une audition juste et équitable de ces affaires. Selon l’entente concernant les causes types, mes avis d’opposition sont tenus en suspens en attendant l’issue du litige en cours.[38]

 

[114]  Les appelants s’opposent à l’adjudication des dépens en faveur de l’intimée pour plusieurs motifs : premièrement, les présents appels ont été interjetés sous le régime de la procédure informelle qui, selon l’avocat, ne prévoit pas l’adjudication de dépens. De fait, dans les documents d’information[39] accompagnant les avis de ratification du ministre[40], il était expressément dit que si les appelants devaient interjeter appel sous le régime de la procédure informelle, aucune ordonnance ne serait rendue au sujet des dépens. L’avocat a également signalé que le présumé [traduction] « refus » des appelants a été exprimé au stade de l’opposition, bien avant que le processus judiciaire soit enclenché. Quoi qu’il en soit, l’avocat a soutenu que, même si les appelants avaient établi un rapport entre leurs situations factuelles et celles des autres contribuables mentionnés (dont les propres appels n’avaient pas encore été tranchés), cela n’aurait pas empêché l’introduction des présents appels.

 

[115]  L’argument de l’intimée selon lequel le comportement des appelants devant la présente cour ou indirectement, au stade de l’opposition, constitue un recours abusif à la Cour ne me convainc pas du tout.

 

[116]  L’avocat de l’intimée a cité l’arrêt Fournier c. Canada[41] et le fait que je m’étais fondée sur cet arrêt dans la décision Tuck c. Canada[42], à l’appui de la demande qui était faite au sujet des dépens. L’avocat des appelants se demandait si la Cour avait la compétence voulue pour adjuger des dépens dans des appels régis par la procédure informelle, mais dans l’arrêt Fournier, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :

 

 

            [...]

 

Le juge s’est dit sans compétence pour imposer des frais à un appelant qui retarde inutilement le déroulement d’un appel intenté dans le cadre de la procédure informelle. Je signale que la Cour canadienne de l’impôt possède le pouvoir inhérent de prévenir et de contrôler un abus de ses procédures : voir Yacyshyn c. Canada, [1999] A.C.F no 196 (C.A.F.).[43]

 

[117]  Dans l’affaire Fournier, l’appelant avait refusé de coopérer de quelque façon que ce soit avec les représentants de l’Agence du revenu du Canada au stade de la vérification et il s’était mal comporté devant la Cour canadienne de l’impôt et devant la Cour d’appel fédérale. Par suite de ce que la cour a par la suite qualifié, en appel, d’« entêtement outrancier et abusif », une audience qui devait durer un jour devant la Cour de l’impôt avait finalement exigé deux journées complètes de onze heures : l’appelant voulait notamment que le juge du fond examine environ 4 900 factures qu’il avait refusé de fournir au vérificateur.

 

[118]  Dans la décision Tuck, une affaire également régie par la procédure informelle, j’ai suivi l’arrêt Fournier afin d’imposer les dépens au contribuable, dont la conduite abusive a été décrite ainsi :

 

[...] Toutefois, plus l’appelant donnait de précisions sur ses opinions, moins j’étais convaincue de sa bonne foi. J’ai patiemment écouté ce qui est en fait devenu une diatribe contre le gouvernement du Canada, le premier ministre, le ministre du Revenu national, les représentants de l’Agence du revenu du Canada, les politiciens, les juges et le désagrément général causé par l’obligation de payer des impôts, et j’ai conclu que les appels visent à servir de forum à l’appelant pour ses théories anti‑impôt, plutôt qu’à lui permettre d’obtenir une décision sur le bien‑fondé des cotisations.[44]

 

[119]  Il n’y a rien dans le comportement des appelants qui ressemble, ne serait‑ce que de loin, à celui des contribuables dans les affaires Fournier et Tuck. Il se peut que les actions d’un contribuable, au stade de l’opposition, contribuent à ce qui est en fin de compte considéré comme un abus de procédure au stade de l’audition de l’appel, mais tel n’est pas ici le cas. Premièrement, la façon dont l’intimée a caractérisé la réponse des appelants à la lettre de demande du ministre ne me convainc pas. Loin d’exprimer un simple [traduction] « refus », les appelants énoncent, dans leur lettre, en des termes respectueux mais fermes, les faits essentiels, les dispositions législatives invoquées, leur interprétation de la jurisprudence et le fait qu’ils craignent d’adopter une position qui risque d’être préjudiciable avant qu’une décision judiciaire soit rendue dans les affaires mentionnées par le ministre. En outre, une réserve était formulée au début de la lettre de la demande du ministre : [traduction] « Si vous croyez que votre situation factuelle est la même que celle qui existait dans l’une ou l’autre des quatre causes susmentionnées [...] »[45] [Non souligné dans l’original.]. Les réponses des appelants indiquent clairement qu’ils ne croyaient pas que c’était le cas : [traduction] « Aucune des quatre causes types à elle seule n’est déterminante en ce moment, pour ce qui est de ma situation »[46].

 

[120]  Chaque appelant a légitimement[47] cherché à atténuer son obligation fiscale en travaillant au sein d’un organisme de placement à titre d’employé de Native Leasing Services ou d’O.I. Inc. Chacun d’eux, comme il avait parfaitement le droit de le faire, a choisi de se faire représenter par M. Obonsawin au stade de l’opposition. Chacun a signé sa lettre de réponse individuelle. Les appelants possédaient, en vertu de la loi, le droit de s’opposer à la nouvelle cotisation (ou aux nouvelles cotisations) établie par le ministre et, par la suite, d’interjeter appel. Lors de l’audition des appels, les appelants étaient représentés par un avocat qui s’est conduit d’une façon polie et aimable et qui était prêt à coopérer. De même, M. Obonsawin, Mme Wallace et les trois appelantes qui ont témoigné étaient sincères et respectueux dans la présentation de leur preuve. Une bonne partie de l’audience était fondée sur des exposés conjoints des faits et sur des recueils conjoints de documents et de jurisprudence.

 

[121]  Dans ces conditions, rien ne justifie l’adjudication des dépens contre les appelants. La demande que l’intimée a faite à l’égard des dépens est donc rejetée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2009.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 469

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-3682(IT)I; 2006-3687(IT)I;

                                                          2006-3897(IT)I; 2006-3899(IT)I;

                                                          2007-46(IT)I; 2007-1720(IT)I

 

INTITULÉS :                                     MARILYN MCIVOR, HELEN GREENE, ROBERT MARACLE, DENISE BOLDUC, JULIE DESCARIE ET LESLIE BANNON

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEUX DES AUDIENCES :               Toronto et Ottawa (Ontario)

 

DATE DES AUDIENCES :                Du 28 au 31 octobre 2008 et le 6 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Eric Lay

 

Avocats de l’intimée :

 

Mes Gordon Bourgard et John Shipley

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                             Eric Lay

                   Cabinet :                         Eric Lay Law

                                                          Ottawa (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] [1992] 1 R.C.S. 877 (C.S.C.).

 

[2] [1983] 1 R.C.S. 29 (C.S.C.).

 

[3] Williams, précité, paragraphe 18.

 

[4] [1999] 2 R.C.S. 203 (C.S.C.).

[5] [2006] 2 R.C.S. 846 (C.S.C.).

[6] Précité, paragraphe 62.

 

[7] Précité, paragraphe 18.

 

[8] 2008 CAF 352, [2009] 4 C.T.C. 110 (C.A.F.).

 

[9] Précité, paragraphe 5.

 

[10] [2000] A.C.F. no 528, paragraphe 21 (C.A.F.).

 

[11] 2001 CAF 239, [2001] A.C.F. no 1168 (C.A.F.).

 

[12] Précité, paragraphe 43.

 

[13] Précité, paragraphe 47.

 

[14] Quant à la question du « marché ordinaire », je doit réitérer que ces termes me mettent mal à l'aise, comme je l'ai dit dans Giguere c. Canada, [2005] A.C.I. no 186, paragraphe 22. C'est pourquoi, sauf en citant d'autres décisions, j'ai employé dans les présents motifs l'expression « l'ensemble du monde des affaires » (Williams, paragraphe 18), ou « l'économie canadienne en général » (Monias, paragraphe 68).

 

[15] Horn & Williams, précité, paragraphe 10 (C.A.F.).

 

[16] Shilling c. Canada, [2001] A.C.F. no 951, paragraphe 31 (C.A.F.).

 

[17] [1990] 2 R.C.S. 85, repris par la Cour d'appel fédérale dans Shilling, précité, paragraphes 27 et 28.

 

[18] 2003 CAF 469, [2003] A.C.F. no 1826 (C.A.F.).

 

[19] Précité, paragraphe 10.

 

[20] Mitchell, précité, page 131.

 

[21] Shilling, précité, paragraphe 52 (C.A.F.); Horn el al v. The Queen, 2007 DTC 5589, paragraphe 115 (C.F.).

 

[22] Akiwenzie, précité, paragraphe 5.

[23] Pièce R-2, onglet 6.

 

[24] Pièce R-2, onglet 5.

 

[25] Transcription, page 725, lignes 12 à 15 inclusivement.

 

[26] Pièce R-2, onglet 21.

[27] Exposé conjoint des faits, paragraphe 1.

 

[28] Précité, paragraphe 11.

[29] Pièce A-3, onglet 42.

 

[30] Transcription, page 595, lignes 9 à 11.

[31] Pièce A-8, Exposé conjoint des faits, paragraphe 1.

[32] Pièce A-10, Exposé conjoint des faits, paragraphe 1.

[33] Pièce A-10, Exposé conjoint des faits, paragraphe 39.

[34] Shilling, précité, paragraphe 66.

 

[35] Monias, précité, paragraphe 57.

[36] Transcription, page 635, lignes 10 à 14 inclusivement.

[37] Pièce A-3, onglet 61.

 

[38] Pièce A-3, onglet 62.

 

[39] Pièce A-13.

 

[40] Pièce A-3, onglet 70.

 

[41] 2005 CAF 131, [2005] A.C.F. no 606 (C.A.F.).

 

[42] 2007 CCI 418, [2007] A.C.I. no 272 (C.C.I.).

 

[43] Précité, paragraphe 11.

 

[44] Précité, paragraphe 16.

 

[45] Pièce A-3, onglet 61.

 

[46] Pièce A-3, onglet 62.

 

[47] Horn et al, précité, paragraphe 51 (C.F.).

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