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Dossier : 2008-1137(EI)

ENTRE :

FRANCES HONSINGER et MARIANNE COLLINS,

appelantes,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Frances Honsinger et Marianne Collins (2008‑1138(CPP)),

à Nanaimo (Colombie-Britannique), le 24 mars 2009.

 

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

 

Représentante des appelantes :

Frances Honsinger

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Whitney Dunn

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli, sans frais, et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.


 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour de mai 2009.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur


 

 

 

 

Dossier : 2008-1138(CPP)

ENTRE :

FRANCES HONSINGER et MARIANNE COLLINS,

appelantes,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Frances Honsinger et de Marianne Collins (2008‑1137(EI)),

à Nanaimo (Colombie-Britannique), le 24 mars 2009.

 

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

 

Représentante des appelantes :

Frances Honsinger

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Whitney Dunn

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli, sans dépens, et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.


 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour de mai 2009.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 252

Date : 20090508

Dossiers : 2008-1137(EI)

2008-1138(CPP)

 

ENTRE :

 

FRANCES HONSINGER et MARIANNE COLLINS,

appelantes,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A.      FAITS

 

[1]     Les appelantes étaient propriétaires d’une entreprise qu’elles exploitaient sous la dénomination de Sunrise Learning Centre (« Sunrise ») et qui avait des bureaux à Courtenay et à Campbell River, en Colombie‑Britannique.

 

[2]     Les élèves qui fréquentaient Sunrise bénéficiaient des services d’enseignants‑tuteurs dans des matières scolaires comme la lecture, l’écriture et les mathématiques.

 

[3]     Sara Kerr (la « travailleuse ») était enseignante‑tutrice chez Sunrise pendant la période du 21 août 2006 au 7 juillet 2007 (la « période »).

 

[4]     La question en litige dans les présents appels est de savoir si la travailleuse était engagée par Sunrise à titre d’employée ou d’entrepreneuse indépendante au cours de la période.

 

[5]     En 2007, la travailleuse a présenté une demande de prestations sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »).

 

[6]     Le 14 septembre 2007, un fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a envoyé une lettre aux appelantes. Cette lettre contenait le passage suivant :

 

[TRADUCTION]

 

À la lumière de notre analyse, nous avons décidé de ce qui suit :

 

Pour la période du 21 août 2006 au 7 juillet 2007, Sara Kerr était une employée, et son emploi était assurable en application de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et ouvrait droit à pension aux termes de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada.

 

Thèse des appelantes

 

[7]     Les appelantes soutiennent que, depuis qu’elles ont commencé à exploiter Sunrise en 1999, l’entreprise a eu recours à 22 enseignants‑tuteurs, lesquels travaillaient comme entrepreneurs indépendants. Les appelantes ont affirmé qu’elles avaient fait valoir que tous les enseignants‑tuteurs étaient des entrepreneurs indépendants et que l’ARC avait accepté cette position. Toutefois, dans un cas particulier, l’ARC avait initialement considéré qu’une enseignante‑tutrice, Pamela Merritt (« Mme Merritt »), était une employée de Sunrise. Après avoir examiné l’entente intervenue entre Sunrise et Mme Merritt, l’ARC a décidé que cette dernière était une entrepreneuse indépendante travaillant à son propre compte. Une lettre de l’ARC datée du 3 mars 2006 est en partie rédigée comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Il a été décidé que l’emploi de Pamela Merritt n’était pas un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension pour les raisons suivantes : Pamela Merritt était engagée aux termes d’un contrat d’entreprise et elle n’était donc pas une employée du Sunrise Learning Centre pendant la période susmentionnée.

 

Thèse de l’intimé quant à la travailleuse (Sara Kerr)

 

[8]     Dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») énonce ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Lorsqu’il a pris sa décision, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         pendant la période, l’appelante exploitait un centre d’apprentissage qui offrait aux élèves de l’enseignement et du tutorat;

 

b)         le centre d’apprentissage de l’appelante offrait des services de tutorat principalement après les classes et les samedis;

 

c)         l’appelante faisait de la publicité pour attirer d’éventuels élèves;

 

d)         l’appelante évaluait les besoins en apprentissage de chaque élève;

 

e)         l’appelante établissait un programme pédagogique pour chaque élève en fonction des besoins de celui‑ci;

 

f)          l’appelante engageait un enseignant‑tuteur pour chacun de ses élèves;

 

g)         l’appelante fournissait les locaux d’enseignement, y compris les bureaux et le matériel didactique, dont les enseignants‑tuteurs se servaient pour aider les élèves;

 

h)         l’appelante exigeait que chaque enseignant soit titulaire d’un brevet d’enseignement de la Colombie‑Britannique;

 

i)          l’appelante a engagé Mme Kerr pour enseigner à ses élèves;

 

j)          l’appelante exigeait que Mme Kerr établisse des rapports et des comptes rendus pour chaque élève dont elle avait la charge;

 

k)         l’appelante a dispensé à Mme Kerr une formation relative aux comptes rendus qu’elle devait établir;

 

l)          l’appelante confiait chaque élève à l’enseignant qui, selon elle, répondrait le mieux à ses besoins en apprentissage;

 

m)        l’appelante fixait le rapport enseignant–élèves, le nombre maximal d’élèves confiés à un enseignement étant de deux pour chaque heure de séance pédagogique;

 

n)         l’appelante établissait le taux de salaire et payait à Mme Kerr 10 $ l’heure pour un seul élève et 20 $ l’heure pour une séance pédagogique avec deux élèves;

 

o)         outre le taux horaire applicable aux fonctions pédagogiques, Mme Kerr recevait 15 $ pour chaque rapport d’élève qu’elle était tenue de rédiger;

 

p)         Mme Kerr devait respecter le programme individuel établi par l’appelante à l’intention de chaque élève;

 

q)         l’appelante obligeait Mme Kerr à fournir elle‑même les services;

 

r)          si elle ne pouvait être présente pour une séance pédagogique déjà fixée, Mme Kerr devait trouver un remplaçant à partir de la liste d’enseignants de l’appelante;

 

s)                 c’est l’appelante, et non Mme Kerr, qui payait l’enseignant remplaçant;

 

t)          Mme Kerr n’avait pas la possibilité de réaliser un profit et n’était pas tenue d’engager des dépenses dans l’exécution de ses fonctions pédagogiques.

 

(Note : Les appelantes s’inscrivent en faux contre certaines de ces hypothèses.)

 

 

B.      QUESTION EN LITIGE

 

[9]     Il s’agit de savoir si les appelantes ont engagé Mme Kerr au titre d’un contrat de louage de services dans le cadre d’un emploi ouvrant droit à pension pendant la période au sens de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime »).

 

C.      ANALYSE ET DÉCISIONS

 

[10]    La question de savoir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant a été soumise aux tribunaux canadiens à de nombreuses occasions. On compte parmi les décisions de principe en la matière les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, 87 DTC 5025 (CAF), 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. no 61, et Royal Winnipeg Ballet c. Canada, [2006] CAF 87. Les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door pour décider si une personne agit à titre d’employé ou d’entrepreneur indépendant sont les suivants :

 

          a)       le contrôle;

          b)      la propriété des instruments de travail;

          c)       la possibilité de profit;

          d)      le risque de perte;

          e)       l’intégration.

 

[11]    Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet (précité), la Cour d’appel fédérale a estimé que l’intention des parties constituait un facteur important.

 

I.       Contrôle

 

[12]    Lorsqu’elle a examiné le contrôle qu’exerçait Sunrise à l’égard de Mme Kerr, l’appelante, Francis Honsinger, a affirmé que Sunrise n’exerçait qu’un faible degré de contrôle sur la travailleuse. Mme Honsinger a renvoyé avec approbation à l’extrait suivant tiré du paragraphe 24 de la décision Learning Loft Ltd. c. M.R.N., [2001] A.C.I. no 380 :

 

[…] c’est la tutrice qui déterminait (avec l’élève à qui elle allait offrir l’enseignement) quelle matière allait être enseignée, comment et à quel moment et à quel endroit l’enseignement allait être dispensé. Ces décisions n’étaient pas celles de l’appelante. Il n’y avait pas de relation employeur‑employé entre la travailleuse et l’appelante. Cette dernière n’exerçait aucun contrôle réel sur la travailleuse, et ne souhaitait pas le faire non plus. La travailleuse pouvait toujours avoir sa propre entreprise de tutorat sans utiliser l’appelante comme intermédiaire.

 

          (Transcription, page 23, lignes 4 à 16.)

 

[13]    Madame Honsinger a renvoyé à ces observations en précisant ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Lesquelles sont applicables dans notre cas. (Transcription, page 23, ligne 17.)

 

[14]    L’appelante a également renvoyé au paragraphe 26 de la décision Learning Loft Ltd. (précitée) :

 

[…] L’entreprise de l’appelante consiste à trouver des élèves qui ont besoin d’aide, à les assortir à des tuteurs et à établir et à favoriser une relation entre les tuteurs et les élèves. L’entreprise de l’appelante ne consiste pas à offrir un enseignement à l’élève; cette entreprise est celle du tuteur.

 

            (Transcription, page 23, lignes 19 à 24.)

 

[15]    Lorsqu’elle a fait mention de la responsabilité indépendante de la travailleuse, Mme Honsinger s’est exprimée en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

             Les tuteurs assumaient un certain nombre de tâches de gestion dont ils devaient s’acquitter dans le cadre de l’exploitation de leur propre entreprise. Ils devaient nous envoyer des factures. Ils devaient trouver les enseignants les remplaçant. Ils devaient remanier les horaires au besoin. Ils communiquaient avec les parents lorsqu’il était nécessaire d’offrir à un élève une leçon particulière plutôt qu’une leçon s’adressant à deux élèves, auquel cas le tarif du tuteur doublait.

 

             Ils discutaient avec les parents des questions touchant le comportement des élèves et ils évaluaient avec eux les différentes solutions possibles. Ils établissaient leurs comptes rendus quotidiens. Ils envoyaient les comptes rendus. Ils communiquaient avec les parents au sujet de modifications apportées au programme éducatif et ils les informaient lorsque les objectifs pédagogiques étaient atteints. (Transcription, page 24, lignes 2 à 15.)

 

[16]    Mme Kerr a été appelée à témoigner par l’avocat du ministre. Ce dernier a demandé à Mme Kerr dans quelle mesure elle était étroitement surveillée par l’appelante. Mme Kerr a répondu : [TRADUCTION] « Nous ne faisions l’objet d’aucune surveillance. »

 

[17]    Tant les appelantes que l’avocat du ministre ont invoqué l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc. (précité) de la Cour suprême du Canada. Au paragraphe 44 de cet arrêt, le juge Major renvoie à la décision rendue par le juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door et tient les propos suivants :

 

Selon le juge MacGuigan, c’est le juge Cooke qui a fait la meilleure synthèse du problème dans la décision Market Investigations, Ltd. c. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 […]

 

[traduction] Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême […] est celui‑ci : « La personne qui s’est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne travaillant à son compte? » Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s’agit d’un contrat d’entreprise. Si la réponse est négative, alors il s’agit d’un contrat de service personnel […]

 

[18]    J’appliquerai le critère énoncé par le juge Major à la lumière des observations suivantes que les appelantes ont faites en contre‑preuve auprès de la Cour. Les appelantes y énumèrent les activités des tuteurs et font ensuite une affirmation :

 

[TRADUCTION]

 

J.          Tuteurs

 

a.        Ils facturaient Sunrise;

b.        Ils veillaient à trouver des enseignants pour les remplacer;

c.        Ils remaniaient les horaires lorsque l’emploi du temps de l’élève ou du tuteur changeait ou en cas d’absence de l’élève ou du tuteur;

d.        Ils communiquaient avec les parents lorsqu’il était nécessaire d’offrir à un élève une leçon particulière plutôt qu’une leçon s’adressant à deux élèves;

e.        Ils discutaient avec les parents des questions touchant le comportement des élèves et ils évaluaient avec eux les différentes solutions possibles;

f.         Ils établissaient des comptes rendus quotidiens des progrès réalisés par l’élève;

g.        Ils envoyaient des comptes rendus aux parents à intervalles réguliers;

h.        Ils communiquaient avec les parents au sujet des modifications apportées au programme éducatif;

i.         Ils informaient les parents lorsque les objectifs pédagogiques étaient atteints ou lorsque ceux‑ci ne pouvaient être réalisés.

 

Il s’agit de différents aspects liés à la gestion de leur propre entreprise. [Non souligné dans l’original.]

 

[19]    Lorsqu’il a présenté ses arguments, l’avocat du ministre a fait mention du cahier que Sunrise a fourni à Mme Kerr et il a affirmé :

 

[TRADUCTION]

 

[…] Vous l’avez entendue dire qu’elle avait le cahier, qu’il s’agissait d’un programme d’apprentissage individualisé élaboré par Frances Honsinger et Marianne Collins, et qu’elle n’estimait pas pouvoir s’en écarter de façon importante.

 

(Transcription, page 12, lignes 6 à 9.)

 

[20]    En réponse à l’observation formulée par l’avocat du ministre au sujet du cahier fourni par Sunrise à la travailleuse, Mme Honsinger a mentionné ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[…] chaque élève a son propre cahier, dans lequel se trouvent les résultats de l’évaluation formative […] C’est justement ce que montrait l’évaluation formative, conjuguée à ce sur quoi les parents disaient vouloir travailler.

 

(Transcription, page 3, lignes 1 à 7.)

 

[…]

 

JUGE :     Et cela prenait combien de pages dans un cahier?

 

MME HONSINGER :      Oh, en nombre de – une feuille.

 

JUGE :     Une page, deux pages?

 

MME HONSINGER :     Une page du résumé de l’évaluation formative.

 

(Transcription, page 3, lignes 15 à 21.)

 

[21]    Mme Honsinger a mentionné ce qui suit au sujet du cahier :

 

[TRADUCTION]

 

[…] principalement, il s’agissait des notes que l’enseignante prenait au sujet de l’élève, parce qu’elle – elle formulait des observations sur l’évolution de l’enfant, de sorte qu’à la fin des 12 leçons, elle pouvait retourner en arrière et relire ses notes. Il s’agit là d’une pratique professionnelle courante pour les enseignants.

 

(Transcription, page 5, lignes 22 à 25, et page 6, lignes 1 à 2.)

 

[22]    À mon avis, le fait que Sunrise fournissait un cahier à la travailleuse ne donne pas à penser que Sunrise exerçait un « contrôle » sur cette dernière. Selon moi, la preuve montre plutôt que le « cahier » constituait davantage un « rapport d’évolution » établi par le tuteur qu’une recommandation faite par les appelantes sur la façon dont il convenait d’enseigner à l’élève.

 

[23]    À la lumière des éléments de preuve susmentionnés, il est évident, à mon sens, que les tuteurs fournissaient leurs services comme le feraient des personnes exploitant une entreprise.

 

II.      Instruments de travail

 

[24]    Mme Honsinger s’est exprimée comme suit au sujet de ce critère :

 

[TRADUCTION]

 

            Quant aux instruments et au matériel de travail, nous recommandions vivement aux tuteurs d’apporter de nombreuses ressources, et il ne nous appartenait pas de choisir lesquelles. C’était à eux de décider. (Transcription, page 25, lignes 14 à 17.)

 

[25]    Mme Honsinger a également affirmé :

 

[TRADUCTION]

 

            Ils (c.‑à‑d., les tuteurs) devaient investir beaucoup de temps et d’argent dans leur formation. Ils devaient être titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme en éducation. Cela constitue un placement d’argent considérable juste pour pouvoir faire le travail. (Transcription, page 26, lignes 9 à 13.)

 

[26]    Dans un document qu’elles ont produit en contre‑preuve à la Cour, les appelantes ont déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Fourniture des instruments de travail

 

Nous recommandions vivement aux tuteurs de se munir de nombreuses ressources. Il leur appartient de répondre aux besoins des élèves avec le matériel qu’ils estiment approprié. Nous ne suggérions pas aux tuteurs d’utiliser des ressources particulières; cette décision relevait de leur appréciation professionnelle et de leurs connaissances spécialisées. Nous avons constaté que les tuteurs apportaient beaucoup de matériel, mais nous ne contrôlions pas la quantité de matériel fournie par chaque tuteur particulier. Les tuteurs n’avaient pas à acheter tout le matériel qu’ils utilisaient puisqu’ils pouvaient se le partager entre eux. De plus, les élèves apportaient souvent leur propre matériel, comme des exercices de mathématique, des romans, de la poésie, des travaux d’écriture et d’autres devoirs.

 

[27]    Je crois que la preuve à cet égard laisse davantage penser que la travailleuse se trouvait dans la situation d’entrepreneuse indépendante que dans celle d’employée.

 

III.     Possibilité de profit et risque de perte

 

[28]    Mme Honsinger a affirmé :

 

[TRADUCTION]

 

Si un enseignant n’était pas compétent et qu’un parent s’en plaignait, l’enseignant était alors tenu de reprendre cette heure de cours à ses propres frais. […] Et si un élève annulait son inscription, le contrat de l’enseignante était résilié. (Transcription, page 29, lignes 12 à 17.)

 

[29]    À mon avis, la preuve sur ce point milite en faveur de la situation d’entrepreneuse indépendante de la travailleuse.

 

IV.     Intention

 

[30]    Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet (précité), la juge Sharlow de la Cour d’appel fédéral a déclaré ce qui suit aux paragraphes 63 et 64 :

 

[63] […] La preuve révèle que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et qu’ils avaient agi en conséquence.

 

[…]

 

[64] Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant.

 

La juge Sharlow ajoute au paragraphe 67 :

 

[…] la façon dont les parties interprétaient la nature de leur relation juridique est étayée par les clauses contractuelles et les autres faits pertinents.

 

[31]    Il importe de signaler que la juge Sharlow met beaucoup l’accent sur l’intention en raison de la manière dont les parties interprétaient leur relation.

 

[32]    Dans la présente affaire, on a demandé à Mme Kerr s’il y avait eu de quelconques discussions relatives à la situation d’entrepreneurs indépendants ou d’employés des tuteurs, et elle a répondu : [TRADUCTION] « Je ne m’en souviens pas ».

 

[33]    Mme Kerr a toutefois mentionné que, selon elle, les tuteurs ne faisaient l’objet d’aucune retenue d’impôt, et qu’elle ne recevrait ni de relevé d’emploi, ni de prestations, comme une paye de vacances ou une rente de retraite.

 

[34]    Comme l’intention de Mme Kerr n’était pas claire et qu’il était de l’intention de l’appelante que la travailleuse soit une entrepreneuse indépendante, il est impossible d’appliquer le critère de l’intention en l’espèce.

 

[35]    J’ai en outre examiné les décisions en matière fiscale suivantes :

 

1.                 Kids Count Consultants Corporation Ltd. s/n Sylvan Learning Centre Brampton c. M.R.N., 2005 CCI 99.

 

Le juge McArthur a conclu qu’un tuteur travaillant au centre d’apprentissage était un entrepreneur indépendant.

 

2.                 Preddie c. La Reine, 2004 CCI 181.

 

Le juge McArthur a conclu qu’un tuteur travaillant dans un centre d’apprentissage (Sylvan Learning Centre) était un entrepreneur indépendant.

 

3.                 Décision Learning Loft Ltd. (précitée).

 

Le juge Rip (maintenant le juge en chef Rip) a conclu qu’une tutrice travaillant dans un centre d’apprentissage était une entrepreneuse indépendante.

 

Je suis d’accord avec les décisions rendues dans les trois appels ci‑dessus.

 

[36]    Après avoir analysé la preuve dont je suis saisi, les affirmations faites par les appelantes et les décisions de la Cour mentionnées plus haut, j’arrive à la conclusion que, pendant la période en cause, Sara Kerr agissait comme une entrepreneuse indépendante et non comme une employée des appelantes pour l’application de la LAE et du Régime.

 

[37]    Les appels sont accueillis sans frais.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour de mai 2009.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :

2009 CCI 252

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2008-1137(EI) et

2008-1138(CPP)

 

INTITULÉ :

Frances Honsinger et

Marianne Collins et

Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 8 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante des appelantes :

Frances Honsinger

 

Avocat de l’intimé :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelantes :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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