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Dossier : 2009-1013(IT)I

ENTRE :

GUY-NOËL CHAUMONT,

appelant,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 septembre 2009, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») est accueilli; ainsi, la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2004 est annulée; par contre, la nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 2005 est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2009.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 493

Date : 20091002

Dossier : 2009-1013(IT)I

ENTRE :

GUY-NOËL CHAUMONT,

appelant,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit d’un appel relatif aux années d’imposition 2004 et 2005. L’appel soulève trois questions, formulées par l’intimée comme suit :

 

a)                  Pour l’année d’imposition 2004, le Ministre était autorisé à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation;

 

b)                  Pour les années d’imposition 2004 et 2005, le Ministre était justifié d’ajouter aux revenus de l’appelant, les montants respectifs de 1 259 $ et 2 188 $ à titre de revenus d’intérêt;

 

c)                  Pour les années d’imposition 2004 et 2005, le Ministre était justifié d’accorder à l’appelant, les montants respectifs de 21,30 $ et 57,34 $ à titre de crédit fédéral pour impôt étranger.

 

[2]              Seul l’appelant a témoigné, se référant à un mémoire bien étoffé, qu’il avait lui-même préparé dans la continuité, mais aussi en conformité avec le contenu de son avis d’appel rédigé comme suit :

 

Messieurs,

 

La présente fait suite à mon opposition pour les années d’imposition 2004 et 2005 que j’estimes [sic] ne pas être en conformité avec l’Avenant signé le 30 novembre 1996 à Ottawa entre la France et le Canada, et qui se lit comme suit :

 

Article 24

 

Non-discrimination

 

(1)   Les personnes physiques possédant la nationalité d’un Etat [sic] contractant ne sont soumises dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujetties les personnes physiques possédant la nationalité de cet autre Etat qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence. La présente disposition s’applique aux personnes physiques qu’elles soient ou non des résidents d’un des Etats contractants.

 

Ainsi, l’Avenant ci-haut mentionné, ne s’adresse qu’aux contribuables des deux Etats contractants qui se trouvent dans la même situation, les autres catégories ne sont pas concernées et ne peuvent en aucun cas servir d’exemples comparatifs pour établir une tarification d’impôt commune. Nous sommes donc en présence d’une entente de réciprocité fonctionnant dans les deux direction [sic] et non pas à sens unique.

 

Qu’elle [sic] est ma situation.…?

 

Réponse :

                        Je suis né en France et j’habite en permanence au Canada.

                        Je possède la double nationalité et je paie mes impôts au Canada.

Je possède une partie de revenue [sic] d’intérêt de placement en France.

 

Donc, l’exemple comparatif de ma situation, Est :

 

                        Un contribuable né au Canada qui habite en permanence en France.

Qui possède la double nationalité, paie ses impôts en France.

Et qui possède une partie de son revenu de placement au Canada.

 

 

 

 

Question :

 

                        Est-ce que ce contribuable Canado-Français va payer un montant d’impôt plus lourd ou autre, sur son revenu d’origine canadienne sous prétexte que la tarification canadienne est plus lourde que le montant exigé par la France ….?

 

La réponse est non : Il va payer les sommes de $ 85,59 pour l’année 2004 et $ 230,93 pour l’année 2005, ce dont je me suis acquitté [sic] le 7 août 2008.

 

De plus, peut-on additionner la portion du revenu français à celle du revenu canadien pour réduire le tout au dénominateur commun de la tarification canadienne ce qui a pour effet d’en majorer la redevance, et sans pour cela contrevenir à l’esprit et à la lettre de l’article 24 de l’Avenant du 30 novembre 1996 qui impose clairement le règlement le plus avantageux...?

 

Et peut-on traiter différemment Guy-N. Chaumont canadien de Guy-N. Chaumont canadien sans qu’il y ai [sic] discrimination…?

 

C’est à la Cour canadienne de l’impôt à qui j’adresse mes respects, de répondre à mes questions par le biais de la procédure informelle.

 

Guy-Noël Chaumont

 

[3]              Les montants indiqués à la réponse à l’avis d’appel ne sont pas en cause. L’appelant, ingénieur de formation, a bien expliqué le cheminement de son dossier; il s’est référé à plusieurs reprises à l’article 24 relativement à la non-discrimination, qui se lit comme suit :

 

(1)   Les personnes physiques possédant la nationalité d’un État contractant ne sont soumises dans l’autre État contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujetties les personnes physiques possédant la nationalité de cet autre État qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence. La présente disposition s’applique aux personnes physiques qu’elles soient ou non des résidents d’un des États contractants.

 

[4]              Il a affirmé et répété que cet article de la convention entre le Canada et la France faisait en sorte que le traitement fiscal accordé à certains revenus provenant d’un des pays signataires de la convention devait être le même; il a affirmé que les revenus gagnés en France à l’origine des deux nouvelles cotisations étaient exempts d’impôt d’où les mêmes revenus devaient être aussi exemptés au Canada. En d’autres termes, les revenus d’intérêts non cotisés en France ne devaient pas l’être au Canada.

 

[5]              Dans un premier temps, il y a lieu de décider si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[6]              À cet effet, l’alinéa 152(4)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« Loi »), permet ou confère une telle autorité à la condition que la preuve permette de conclure que la personne concernée ait fait une présentation erronée des faits par omission volontaire, ou du moins, par négligence ou inattention lors de la production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au-delà de la période statutaire.

 

[7]              D’entrée de jeu, il m’apparaît important d’indiquer que le fardeau de la preuve est substantiellement moins exigeant que celui requis et prévu par la Loi pour justifier l’imposition d’une pénalité.

 

[8]              Par contre, il s’agit d’un fardeau de preuve réel et non pas d’une simple formalité à l’effet que la déclaration ne rencontre tout simplement pas les dispositions de la Loi auxquels cas l’alinéa 152(4)a) n’aurait aucune justification puisque la simple preuve qu’une déclaration ne respecte pas toutes les dispositions auxquelles elle était assujettie permettrait alors au ministre de retourner dans le temps sans contrainte.

 

[9]              Le législateur a expressément prévu une barrière, un obstacle, obligeant le ministre à faire une preuve particulière dans les dossiers qui remonte à une période plus lointaine que la période statutaire.

 

[10]         Bien que le niveau de gravité ne soit pas comparable à celui requis pour l’imposition d’une pénalité, il doit s’agir d’une erreur, d’une omission volontaire, une sorte d’aveuglement volontaire, une sorte d’indifférence ou même d’une absence de vigilance voire même une imprudence un peu téméraire.

 

[11]         En l’espèce, le ministre a voulu faire ressortir l’expérience, les connaissances et le niveau d’éducation de l’appelant pour établir la preuve d’une erreur ou omission volontaire. Or, la preuve a plutôt démontré et établi exactement le contraire. Ingénieur de formation et soucieux de ses obligations, l’appelant a utilisé son savoir et ses qualités pour faire valoir le bien-fondé de ses prétentions et non pas pour éviter ou fuir ses obligations fiscales. Il a d’ailleurs à cet effet initié plusieurs démarches et obtenu des informations qui selon lui, validaient son interprétation.

 

[12]         Tenant pour acquis que le Canada et la France avaient signé une entente qui prévoyait la non-discrimination faisait en sorte que le pays qui acceptait que certains revenus gagnés sur le territoire soient exemptés d’impôt faisant en sorte qu’ils devaient être aussi exempts d’impôt dans le pays signataire où résidait le bénéficiaire du revenu en question; sur la base de cette interprétation, l’appelant concluait que les nouvelles cotisations étaient sans fondement d’où il en demandait l’annulation.

 

[13]         Détenteur de la citoyenneté canadienne et française, l’appelant soutient qu’il s’agit là d’une situation particulière justifiant l’existence d’un tel traitement fiscal.

 

[14]         Pour valider ses prétentions, l’appelant a aussi fait valoir qu’il existait des revenus spécifiques que les deux pays n’imposaient pas de manière réciproque à savoir spécifiquement les montants reçus au titre de pension de l’État.

 

[15]         Bien que particulière, voire surprenante, les représentations soumises par l’appelant n’étaient ni loufoques, ni farfelues, au point de conclure qu’il ait fait une omission ou erreur volontaire dans le but manifeste de se soustraire à sa charge fiscale canadienne.

 

[16]         Il a, dans un premier temps, exprimé sa contestation et, dans un second temps, pris des initiatives pour démontrer le bien-fondé de ses prétentions en prenant également en considération qu’il existait des revenus qui n’étaient pas imposés, à savoir notamment, les revenus de pensions versés à un citoyen vivant dans un autre pays autre que celui qui payait la pension.

 

[17]         Le contre-interrogatoire a fait ressortir que l’appelant n’avait pas de connaissance particulière en fiscalité; il a d’ailleurs affirmé qu’il s’en remettait à une entreprise œuvrant en cette matière. Il a aussi indiqué avoir fourni la totalité des renseignements et documents relatifs à ses revenus d’intérêts provenant de la France.

 

[18]         Conclure que le comportement de l’appelant constitue une omission volontaire ou une erreur suffisante pour permettre au ministre de cotiser au-delà de la période normale aurait pour effet, d’une part, d’affecter le droit de tout contribuable de contester le bien-fondé d’une cotisation et d’autre part, de faire en sorte que la limite de temps imposée par le législateur est essentiellement théorique.

 

[19]         Certes, il est sage et prudent de payer le montant découlant d’une cotisation dans un premier temps et de faire valoir sa contestation par la suite. Mais je ne crois pas, en l’espèce, qu’il soit possible de conclure que la façon de faire de l’appelant équivaut à une erreur ou à une omission volontaire.

 

[20]         Les montants en cause sont peu importants. Une omission volontaire nécessite une certaine indifférence, une certaine insouciance dont le degré est évidemment moins prononcé que dans le cas d’une pénalité, mais il m’apparaît toutefois essentiel que la preuve permette de constater un tel grief dans une dimension réelle.

 

[21]         La preuve doit également permettre de conclure que l’omission n’est pas une question de caprice ou d’entêtement auquel cas le ministre est justifié d’établir une nouvelle cotisation pour une période qui est au-delà de la période statutaire.

 

[22]         En l’espèce, il ne s’agissait pas d’un entêtement, d’un caprice, il s’agissait plutôt d’une question légitime, d’une préoccupation de principe ayant un minimum d’assises. D’autre part, l’appelant n’est pas limité à exprimer sa contestation. Il a pris plusieurs initiatives sérieuses auprès d’entités tout aussi sérieuses pour valider sa position, et ce, alors qu’il s’agissait de montants de peu d’importance.

 

[23]         La preuve ne permet pas de conclure que l’appelant a fait une erreur ou omission volontaire d’où je conclus que le ministre ne pouvait pas établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2004; conséquemment, l’appel pour l’année d’imposition est accueilli et la cotisation pour cette année d’imposition est annulée.

 

[24]         Quant à l’année d’imposition 2005, elle est confirmée; d’une part, le contenu de l’article 24, intitulé non-discrimination, auquel se réfère l’appelant, ne s’applique pas et d’autre part, les dispositions légales pertinentes, soit les articles 2, 3, 4, 9, 12, 18, 20, 126, 152 et le paragraphe 248(1) de la Loi sont clairs et non équivoques, à savoir que les revenus d’intérêts litigieux étaient bel et bien imposables sujet à certains crédits, d’ailleurs accordés à l’appelant.

 

[25]         Puisque le fondement des prétentions de l’appelant repose sur la convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République française [tel que modifiée par les Avenants du 16 janvier 1987 et du 30 novembre 1995] je crois utile de reproduire l’extrait pertinent suivant :

 

Article XI

Intérêts

 

1. Les intérêts provenant d’un État contractant et payés à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

 

2. Toutefois, ces intérêts sont aussi imposables dans l’État contractant d’où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les intérêts en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 10 pour cent du montant brut des intérêts.

 

[26]         Ce texte est très clair et valide totalement le bien-fondé de la cotisation.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 493

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-1013(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GUY-NOËL CHAUMONT ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 9 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 2 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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