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Dossier : 2007-3644(IT)G

ENTRE :

JACQUES J. GIASSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 25 mai 2009, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Louis Tassé

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

        L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2003 est accueilli en partie et ladite cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour que soit accordée une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un montant de 66 250 $. 

 

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies relativement aux années d’imposition 2000, 2001 et 2004 et de la cotisation établie relativement à l’année d’imposition 2002 sont rejetés.

 

          Le tout sans frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2009.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

Référence : 2009 CCI 504

Date : 20091007

Dossier : 2007-3644(IT)G

ENTRE :

JACQUES J. GIASSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              L’appelant interjette appel à l’encontre des cotisations et nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e Suppl.), telle que modifiée (la « Loi ») aux dates suivantes concernant les années d’imposition 2000 à 2004 (inclusivement) :

 

Année

 

Cotisation

Date

2000

nouvelle cotisation

11 octobre 2005

2001

nouvelle cotisation

11 octobre 2005

2002

cotisation

12 décembre 2005

2003

cotisation

12 décembre 2005

2004

nouvelle cotisation

19 juillet 2007

 

[2]              Dans ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 2000 à 2004, l’appelant a réclamé les pertes d’entreprise suivantes à l’égard des garanties qu’il a honorées pour des prêts consentis à la société Hôtel Le Chanteclerc Inc. (« HCI ») :

 

Année

 

Pertes d’entreprise

2000

                           20 000 $

2001

                      1 259 375 $

2002

                         127 500 $

2003

                         132 500 $

2004

                      1 040 625 $

 

[3]              En établissant les cotisations et nouvelles cotisations en litige, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les pertes d’entreprise réclamées par l’appelant et a plutôt considéré que les sommes payées au titre des garanties étaient des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise au sens de la Loi. Le ministre a accordé à l’appelant les pertes déductibles au titre d'un placement d’entreprise (« PDTPE ») suivantes :

 

 

Années d’imposition

 

2000

2001

2002

2003

2004

 

Revenu total =

475 999 $

491 434 $

429 508 $

614 990 $

231 143 $

PDTPE accordée =

 

 

10 000 $

 

629 688 $

 

63 750 $

 

66 250 $[1]

 

520 313 $

Revenu imposable =

 

32 295 $

 

0 $

 

170 590 $

 

432 997 $

 

 

0 $

 

 

[4]              Suite aux cotisations et nouvelles cotisations en litige, le revenu imposable de l’appelant a été abaissé à zéro pour les années d’imposition 2001 et 2004. L’avocate de l’intimée soutient que cette Cour n’a pas le pouvoir de statuer sur les appels pour les années d’imposition 2001 et 2004 en vertu du paragraphe 171(1) de la Loi au motif qu’aucun impôt, intérêt ou pénalité n’est payable pour ces années d’imposition.

 

[5]              Suite à une entente conclue en date du 12 septembre 2001, l’appelant a convenu de verser 2 500 000 $ à la Banque Nationale du Canada ("BNC") en règlement complet des garanties personnelles consenties lors de l’octroi de prêts à HCI totalisant 5 900 000 $ par la BNC et par Trust Général du Canada entre le 19 juillet 1989 et le 10 janvier 1992. De la somme convenue, la somme de 1 250 000 $ a été payée lors de la conclusion de l’entente et l’excédent de 1 250 000 $ a été payé par des versements mensuels échelonnés jusqu’au 10 avril 2005.

 

[6]              Une entente similaire a précédemment été conclue en décembre 1998 en vertu de laquelle l’appelant a convenu de payer une somme totale de 300 000 $ à la Société de développement industriel du Québec en règlement complet des obligations découlant des cautionnements consentis par l’appelant, 2723662 Canada Inc.[2] et Groulx-Robertson Ltée[3] lors de l’octroi d’un prêt à HCI totalisant 1 090 000 $ en 1988. De la somme convenue, la somme de 200 000 $ a été payée lors de la signature de la transaction et l’excédent de 100 000 $ a été payé en cinq (5) versements annuels, égaux et consécutifs de 20 000 $ chacun.

 

[7]              HCI a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes aux termes d’un certificat de constitution émis le 10 mai 1985. HCI a acquis le 30 octobre 1985 du syndic de faillite Richard J. Messier les actifs immobiliers et mobiliers de l’Hôtel Le Chanteclerc pour une contrepartie de 1 090 000 $. Les actifs de ce complexe récréo‑touristique comprenaient un hôtel, un centre de ski et environ 360 acres de terrain dont 340 acres étaient destinés au développement immobilier.

 

[8]              HCI a également fait l’acquisition en 1985 de plusieurs parcelles de terrain totalisant approximativement 98 acres pour le développement immobilier. Ces terrains avaient été précédemment acquis par l’appelant qui les a transférés à HCI dans le cadre d’un roulement fiscal.

 

[9]              En 1989, HCI a acquis 44 autres acres de terrain adjacents au complexe récréo‑touristique de sorte que HCI détenait alors quelques 502 acres de terrain.

 

[10]         La gestion de l’Hôtel Le Chanteclerc a été confiée à la firme Laventhol and Horwath de 1984 jusqu’en 1994 et à la firme Loews Hotel Quebec inc. à compter du 1er décembre 1994 jusqu’en 1995.

 

[11]         De 1985 à 1990, HCI a effectué des dépenses en immobilisation de l’ordre de 29 500 000 $ à ses installations hôtelières et à son centre de ski comprenant notamment la construction d'un parcours de golf exécutif de neuf trous éclairés. Au cours de cette période, HCI a de plus réalisé la construction et la vente de 70 appartements de type condo hôtel.

 

[12]         Au cours de l’année 1989, Groupe Giasson Inc., une société de gestion appartenant à l'appelant, a mandaté la firme Landbase, Inc., une société américaine localisée au Texas, pour qu'elle effectue une étude de marché et de faisabilité pour le développement résidentiel de quelques 153 acres de terrain adjacents à l’Hôtel Le Chanteclerc comprenant notamment un parcours de golf de 18 trous de calibre international, 110 maisons de type semi‑familial détaché et 254 maisons jumelées. Une recherche de financement de l'ordre de 11 000 000 $ a également été réalisée par Landbase, Inc. Le projet n’a pu être réalisé et les honoraires de Landbase, Inc. au montant de 52 000 dollars américains, qui ont été facturés à l’appelant, n’ont pas été remboursés à l’appelant par HCI.

 

[13]         Groupe Giasson Inc. a également confié, à l’automne 1990, à la firme Transact Hotel & Tourism Property Inc. le mandat exclusif de vendre l’Hôtel Le Chanteclerc et de trouver un partenaire pour exploiter en co‑entreprise la gestion du terrain de golf de niveau international à être construit et pour réaliser le développement immobilier entourant le golf. Quoique des négociations ont eu lieu avec des acheteurs potentiels dont Club Corporation of America, la vente d’actif et le projet de développement immobilier n’ont pu être réalisés.

 

Rappel des prêts

 

[14]         Les problèmes financiers de HCI se sont concrétisés lorsque la Banque Nationale de Paris (« BNP ») a demandé le 18 juillet 1994, le remboursement de ses prêts totalisant 7 238 892,75 $ qui étaient en défaut. La BNP ne détenait aucune garantie personnelle de l’appelant et ses garanties hypothécaires grevaient uniquement le complexe hôtelier.

 

[15]         Suite à l’échec des négociations avec la BNP pour renouveler ses prêts à HCI et suite à l’échec des recherches pour trouver un remplaçant pour les prêts de la BNP, la BNC a transmis le 13 décembre 1994, un avis en vertu de l’article 244 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité à HCI, exigeant à son tour le remboursement complet de ses prêts à HCI.

 

[16]         HCI a déposé une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité le 15 février 1995 et KPMG Inc. a été nommé syndic à la proposition et séquestre intérimaire aux biens de HCI. Le 7 mars 1995, les créanciers de HCI ont accepté de surseoir aux procédures de mise en faillite pour trouver un acheteur pour les actifs de HCI. Devant l’impossibilité du syndic à la proposition d’obtenir une offre d’achat suffisamment élevée pour permettre le versement d’un dividende aux créanciers non garantis, les créanciers de HCI ont rejeté la proposition à la reprise de l’assemblée le 11 mai 1998.

 

[17]         Le 17 décembre 1998, les actifs de HCI ont été vendus à Gouverco Inc. pour la somme de 5,6 millions de dollars, soit une somme bien inférieure aux sommes dues aux créanciers garantis.

 

[18]         L’appelant est un homme d’affaires expérimenté. Il a fait des études en génie civil et en administration des affaires. Il a, au cours de sa carrière, siégé sur de nombreux conseils d’administration de sociétés publiques et il a été impliqué dans plusieurs projets de développement immobilier.

 

[19]         L’appelant a toujours été un actionnaire de HCI depuis sa constitution en société en 1985. Sauf pour une période de six mois au cours des années 1985 et 1986, l’appelant a toujours détenu 99 % des actions émises et en cours de HCI alors que l’autre 1% desdites actions était détenu par son avocat Me Jean‑Yves Fortin. L’appelant n’a exigé aucun frais de garantie à HCI pour les garanties qu’il a dû fournir pour que HCI obtienne les prêts des institutions bancaires.

 

Positions des parties

 

[20]         Le principal argument invoqué par l'avocat de l’appelant est que les garanties personnelles consenties aux institutions financières ont été accordées dans le cadre d’un projet comportant un risque ou une affaire de nature commerciale au sens de la définition du terme « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi, que ce soit par la vente des terrains à titre personnel ou par l’intermédiaire de HCI.

 

[21]         Lors de son témoignage, l’appelant a indiqué qu’il n’était pas intéressé à acquérir l’hôtel et qu’il ne désirait acquérir que les terrains adjacents à l’hôtel pour les revendre à profit. L’appelant a dit avoir fait une première offre au syndic en 1985 qui ne comprenait pas l’hôtel. Cette offre a été refusée par le syndic parce que ce dernier ne voulait pas scinder l’hôtel des terrains adjacents. Selon l’appelant, l’acquisition de l’hôtel était accessoire à son projet de développement immobilier. C’est d’ailleurs pour cette raison que la gestion de l’hôtel a été confiée à des firmes spécialisées.

 

[22]         Selon l’appelant, son intention première était la réalisation d’un profit par la vente des terrains non développés pour la construction de 444 résidences de prestige et l'obtention de commissions versées par les constructeurs de ces résidences. L’intention de l’appelant s’est notamment concrétisée par l’étude de marché et de faisabilité économique produite par Landbase, Inc. et par le mandat exclusif confié à TransAct Hotel & Tourism Property Inc. pour la recherche de partenaires.

 

[23]         Selon l’appelant, c’est lui qui avait l’intention de réaliser le projet de développement immobilier et non pas HCI. Les mandats confiés à Landbase, Inc. et à TransAct Hotel & Tourism Property Inc. en sont la preuve. Les factures de Landbase, Inc. ont été adressées à l’appelant et n'ont pas été remboursées par HCI.

 

[24]         L’avocate de l'intimée soutient que HCI a une personnalité juridique distincte de celle de ses actionnaires et que, par conséquent, les entreprises exploitées par HCI n’appartiennent pas à l’appelant. HCI détenait la propriété de tous les biens immobiliers de l’Hôtel Le Chanteclerc.

 

[25]         Selon l'avocate de l’intimée, l’appelant n’a pas garanti les prêts de HCI dans le cadre d’une entreprise consistant à octroyer des garanties moyennant une contrepartie ou dans le cadre d'une entreprise de prêts d’argent.

 

[26]         L’avocate de l'intimée invoque également le fait que l’appelant ne possédait pas les actions de HCI comme un actif commercial, l’appelant n’étant pas un négociant en actions ou autres valeurs mobilières. L’appelant a détenu ses actions de HCI pendant plus de 10 ans.

 

Analyse

 

[27]         Les principes généraux applicables lorsqu’une société fait défaut de rembourser un actionnaire pour des garanties personnelles qu’il a octroyées pour lui permettre d’obtenir des prêts de la part d’institutions financières ont été élaborés dans l’arrêt Easton c. La Reine, 97 D.T.C. 5464 (C.A.F.). Le juge Robertson a formulé aux paragraphes 15, 16 et 17, le principe général applicable et les exceptions à ce principe général de la manière suivante :

 

[TRADUCTION]

 

En guise d'énoncé général, il est raisonnable de conclure qu'une avance faite par un actionnaire à une société ou une dépense faite par un actionnaire au nom d'une société sera considérée comme un prêt consenti dans l'intention de fournir un fonds de roulement à cette société. Dans le cas où le prêt n'est pas remboursé, la perte est réputée être une perte en capital pour l'une ou l'autre des deux raisons suivantes. Le contribuable a consenti le prêt soit pour en retirer un revenu continu, ce qui est typique d'un investissement, soit pour permettre à la société d'exploiter son entreprise de manière à procurer à l'actionnaire un avantage durable sous forme de dividendes ou grâce à une augmentation de la valeur des actions. Comme la loi présume que l'acquisition a été faite dans le but de faire un placement, il ne semble que trop raisonnable de supposer que la perte découlant d'une avance ou d'une dépense faite par un actionnaire est également une perte en capital. Les mêmes considérations s'appliquent aux garanties données par les actionnaires à l'occasion de prêts consentis à des sociétés. […] Il existe simplement une présomption réfutable à cet égard. […].

 

Il existe deux exceptions reconnues au principe général que des pertes semblables à celles dont il vient d'être question sont des pertes en capital. Premièrement, il se peut que le contribuable soit en mesure de démontrer que le prêt a été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise. L'exemple classique est celui du contribuable/actionnaire qui est dans l'entreprise de prêt d'argent ou d'octroi de garanties. […]

 

La deuxième exception est exposée dans l'arrêt Freud. Lorsqu'un contribuable possède des actions dans une société non pas comme un placement mais comme un actif commercial, la perte résultant d'une dépense accessoire, y compris un paiement effectué à l'occasion d'une garantie, sera imputable au compte de revenu. Cette exception s'applique aux personnes qui sont considérées comme des négociants en actions. Les personnes qui n'appartiennent pas à cette catégorie devront prouver qu'elles ont acquis les actions dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial. […]

 

[28]         L’avocat de l'appelant a soutenu que l'appelant rencontrait les conditions d’application des deux exceptions du fait que les garanties ont été octroyées dans le cadre d’une activité commerciale, soit le projet de développement immobilier. L’avocat de l'appelant a également soutenu que l'intention de l'appelant lors de l’octroi des garanties était de permettre la vente à profit des terrains adjacents à l’hôtel.

 

[29]         Selon la preuve, l’appelant n’exploitait pas une entreprise de prêt d’argent ou d’octroi de garanties. L’appelant a plutôt cherché à démontrer qu’il avait octroyé les garanties dans le cours normal de ses activités commerciales. Selon l’appelant, le projet de développement immobilier était le sien et non celui de HCI; HCI n’était que le véhicule choisi pour réaliser le projet. Autrement dit, l’acquisition de l’hôtel et des terrains adjacents à l’hôtel devait être considérée comme un tout, i.e. un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commerciale et non comme un projet d’investissement générant des revenus sur une longue période de temps.

 

[30]         Subsidiairement, l’avocat de l'appelant n’a pas cherché à démontrer que les actions que l'appelant possédait dans HCI étaient un actif commercial, de sorte que le gain ou la perte résultant de la vente de ces actions aurait été imputable au compte de revenu et non au compte de capital. De plus, l’appelant a reconnu, qu’au moment où les garanties ont été octroyées, il n’avait pas l’intention de vendre les actions de HCI.

 

[31]         Quelle qu’ait été l’intention de l’appelant lors de l’acquisition de l’Hôtel Le Chanteclerc, cette intention n’a pu être menée à terme. Le projet d’un parcours de golf de calibre international et le projet de développement immobilier sur les terrains adjacents n’ont jamais vu le jour.

 

[32]         L’intention d’origine de l’appelant a forcément évolué suite à certains événements dont l’incendie au pavillon Québec au mois d’octobre 1985, qui a dû être complètement rénové, et par les dépenses en immobilisation très importantes qui ont dû être effectuées pour l’exploitation du centre de ski, de l’Hôtel Le Chanteclerc et du parcours de golf de type Par 3 exécutif. De plus, la construction des 70 appartements de type condo/hôtel a été réalisée avec succès par HCI. Ce qui était possiblement à l’origine une affaire ou une activité de nature commerciale s’est peu-à-peu transformé en un investissement à long terme effectué dans le but de tirer un revenu sous forme de dividendes et d'augmenter la valeur des actions de HCI. La détention desdites actions par l'appelant pendant une période de 10 ans est un indice très révélateur que l'appelant les détenait en tant qu'investissement.

 

[33]         Les garanties personnelles ont été octroyées à l’égard d’emprunts contractés par HCI au cours de la période débutant en 1988 et se terminant en 1992, soit plus de trois ans après l’acquisition de l’Hôtel Le Chanteclerc par HCI. La preuve présentée est à l’effet que les emprunts à l’égard desquels l’appelant a fourni des garanties personnelles n’ont pas été contractés pour faire l’acquisition des terrains adjacents à l’hôtel. Lesdits emprunts ont plutôt servi à améliorer le fonds de roulement de HCI et à payer le coût de ses immobilisations.

 

[34]         Lors de l’octroi des garanties, l’intention de l’appelant n’était pas de vendre les actions de HCI, l’hôtel ou les terrains adjacents à l’hôtel. L’étude de marché et de faisabilité pour le développement immobilier a été confiée par la société de gestion de l’appelant à Landbase, Inc. en 1989 seulement. Le mandat confié à Transact Hotel & Tourism Property inc. à l’automne 1990 comportait deux volets. Le premier était la vente de l’hôtel. Dans ce contexte, le mandat de vente devait provenir de HCI en tant que propriétaire de l’hôtel. Le deuxième volet du mandat consistait à trouver un partenaire pour exploiter en co-entreprise la gestion du terrain de golf de calibre international et le développement du projet immobilier. Ce deuxième volet ne portait pas sur la vente d’un actif quelconque mais plutôt sur la recherche d’un partenaire financier pour mettre en valeur les actifs immobiliers appartenant à HCI.

 

[35]         Contrairement aux prétentions de l’appelant, je ne suis pas convaincu qu’il a rencontré les conditions d'application des deux exceptions énoncées dans l’arrêt Easton précité. En tant qu’homme d’affaires et contribuable averti, l’appelant savait très bien qu’il pouvait être très avantageux de réaliser le projet de développement immobilier dans HCI pour absorber les pertes d’opérations de HCI et réclamer les déductions pour amortissement accéléré générées par les dépenses en immobilisation de HCI. L’appelant n’a d’ailleurs fait aucune démarche pour extraire de HCI les terrains nécessaires à la réalisation du projet de développement immobilier en contrepartie des prêts et avances consentis à HCI par l’appelant. Selon le mode d’opérations habituel de l’appelant, les projets de développement immobilier étaient réalisés par l’intermédiaire de sociétés et non par lui personnellement. Ce fut notamment le cas pour les unités de condominiums du projet « Les Dauphins » acquises pendant la période de mai 1985 à décembre 1989 et vendues de 1990 à 1995 (paragraphes 51 et 52 de l’avis d’appel). À mon avis, la preuve soumise n'est pas suffisante pour réfuter la présomption à l'effet que les pertes réalisées par un actionnaire suite à l'octroi de garanties pour des prêts contractés par une société constituent des pertes en capital. Il n'a pas été démontré selon la prépondérance des probabilités que l'appelant exploitait une activité commerciale quelconque. Par conséquent, il ne peut y avoir de lien entre l'octroi des garanties et l'exploitation d'une entreprise par l'appelant.

 

[36]         Pour ce qui est des nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2001 et 1004, il est bien établi en jurisprudence qu’il n’y a pas de droit d’appel d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable (ou cotisation néant) Faucher c. Canada, 94 D.T.C. 1575 (C.C.I.), Interior Savings Credit Union c. Canada, 2007 D.T.C. 5342 (C.A.F.) et Okalta Oils Limited c. M.N.R., 55 D.T.C. 1176 (C.S.C.). Le juge Little a énoncé la règle générale applicable en ces termes dans l’arrêt Interior Savings Credit Union c. Canada, 2006 D.T.C. 3351, aux paragraphes 25 et 26 de ses motifs :

 

[TRADUCTION]

 

En vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, le ministre peut soit établir une « cotisation » à l'égard du contribuable, soit lui « donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable ». Cet avis est souvent appelé une « cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable ».

 

Le paragraphe 169(1) de la Loi permet à un contribuable d'interjeter appel d'une « cotisation ». Une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable n'est pas une « cotisation ». Donc, la règle générale est que le contribuable ne peut pas interjeter appel d'une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable.

 

[37]         Au fil des ans, le législateur a apporté des exceptions à la Loi pour permettre les oppositions et les appels dans le cas d’une détermination de pertes demandée par un contribuable (paragraphe 152(1.1) et dans le cas d’un remboursement d’impôt auquel un contribuable a droit (paragraphe 152(1.2)).

 

[38]         Cependant, aucune exception de ce genre n’a été créée relativement aux pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise d’un contribuable.

 

[39]         Par conséquent, aucun appel ne peut être interjeté par l’appelant à l’encontre des nouvelles cotisations établies relativement aux années d’imposition 2001 et 2004.

 

[40]         Pour ces raisons, l’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2003 est accueilli en partie et ladite cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour que soit accordée une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un montant de 66 250 $. Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies relativement aux années d’imposition 2000, 2001 et     

 

 

 

 

 

 

2004 et de la cotisation établie relativement à l’année d’imposition 2002 sont rejetés. Le tout sans frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2009.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 504

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3644(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jacques J. Giasson et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 25 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Louis Tassé

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Louis Tassé

                 Cabinet :                           Fasken Martineau DuMoulin

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]               N'a pas été accordée lors du traitement de la déclaration du revenu.

[2]               Société vraisemblablement contrôlée par l'appelant.

[3]               Société contrôlée par l'appelant.

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