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Dossier : 2004-3115(GST)G

ENTRE :

GMC DISTRIBUTION LTD.,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 27 avril 2009, à Toronto (Ontario).

 

 Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

 Comparutions :

 

Avocats de la requérante :

Me Donald R. Fiske

Me Sandev S. Purewal

 

Avocat de l’intimée :

Me Brandon Siegal

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

  La requête d’annulation de jugement est accueillie. La Cour ordonne l’annulation du jugement signé le 12 avril 2006 par le juge C. Miller, par lequel l’appel interjeté à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er avril 1998 au 30 septembre 2000 avait été rejeté.

 

  Les dépens relatifs à la requête sont adjugés à l’intimée et doivent être payés immédiatement par la requérante.

 

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de mai 2009.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 287

Date : 20090527

Dossier : 2004-3115(GST)G

ENTRE :

GMC DISTRIBUTION LTD.,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge Woods

 

[1]     La requérante, GMC Distribution Ltd. (« GMC ») a demandé à la Cour de rendre une ordonnance annulant un jugement de la Cour, par lequel l’appel que la requérante avait interjeté à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») avait été rejeté.

 

[2]     Les faits pertinents sont exposés ci‑dessous.

 

[3]     Au moyen d’un avis daté du 23 septembre 2002, une cotisation a été établie en vertu de la Loi à l’égard de GMC pour la période allant du 1er avril 1998 au 30 septembre 2000. Selon cette cotisation, GMC était tenue de payer 3 540 574 $ de taxe nette, 369 022 $ d’intérêts et une pénalité de 519 178 $.

 

[4]     Au nom de GMC, le principal actionnaire de celle‑ci, Brian Cherniak, a interjeté appel de la cotisation en cause devant la Cour. Dans son avis d’appel, qui avait été signifié le 26 juillet 2004, M. Cherniak avait choisi de faire instruire l’appel sous le régime de la procédure informelle, ce qui est permis pour un appel interjeté en vertu de la Loi. À ce que je sache, GMC n’avait pas engagé d’avocat pour la représenter dans cette affaire‑là.

 

[5]     Suite à une requête présentée par l’intimée, l’appel a été modifié pour être instruit sous le régime de la procédure générale de la Cour canadienne de l’impôt. GMC n’avait toujours pas engagé d’avocat, malgré l’exigence de la procédure générale en ce sens en l’absence de permission de la Cour.

 

[6]     Il semble que l’affaire n’ait pas vraiment avancé avant que la Cour ait ordonné aux parties de comparaître à une audience sur l’état de l’instance tenue le 7 mars 2006.

 

[7]     Personne n’a comparu pour GMC lors de cette audience‑là. Selon la transcription de l’audience, l’avocat de l’intimée a demandé qu’un court délai soit accordé à GMC pour que celle‑ci engage un avocat ou demande la permission d’être représentée autrement.

 

[8]     Le juge C. Miller a accepté la demande de l’avocat de l’intimée et a donné 30 jours à la requérante pour faire un choix. La requérante n’a rien fait, et l’appel a été rejeté par un jugement signé le 12 avril 2006. C’est ce jugement‑là qui fait l’objet de la présente requête.

 

[9]     Peu après que ce jugement ait été rendu, le ministre a pris des mesures à l’endroit de M. Cherniak pour recouvrer les sommes dues par GMC. Au moyen d’un avis daté du 3 août 2006, une cotisation a été établie à l’égard de M. Cherniak en vertu de la responsabilité des administrateurs.

 

[10]    La cotisation établie à l’égard de M. Cherniak n’aurait pas dû le surprendre. L’Agence du revenu du Canada l’avait averti de cette possibilité‑là dans une lettre datée du 7 janvier 2003, lettre à laquelle l’avocat de M. Cherniak avait répondu.

 

[11]    Le 18 janvier 2008, M. Cherniak a interjeté appel à l’égard de la cotisation établie à son égard en vertu de la responsabilité des administrateurs.

 

[12]    L’audition de l’appel de M. Cherniak avait d’abord été fixée au 28 août 2008. Peu avant cette date‑là, M. Cherniak a engagé un avocat, et l’audience a donc été reportée pour permettre à l’avocat de M. Cherniak de se préparer. L’audition de l’appel a été reportée péremptoirement au 27 avril 2009.

 

[13]    Quelques semaines avant cette deuxième date d’audience, l’avocat de M. Cherniak a présenté un avis de requête au nom de GMC. Cette requête visait à faire annuler le jugement par lequel l’appel de GMC avait été rejeté.

 

[14]    La requête devait être entendue le même jour que l’appel de M. Cherniak, et les deux affaires m’ont été présentées le 27 avril 2009. À cette date‑là, j’ai entendu la requête de GMC et j’ai suspendu l’audition de l’appel de M. Cherniak jusqu’à ce que la requête de GMC ait été tranchée.

 

Positions des parties

 

[15]    Pour appuyer la présente requête, l’avocat de GMC se fonde sur l’alinéa 171(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). Cette disposition permet à la Cour d’annuler un jugement lorsqu’une personne ne s’est pas présentée à l’audition d’une requête pour cause d’accident, d’erreur ou d’avis insuffisant.

 

[16]    Le paragraphe 171(3) des Règles prévoit qu’aucune requête ne peut être présentée en vertu de l’alinéa 171(1)b) des Règles sans l’autorisation de la Cour après l’expiration d’un délai raisonnable à compter de la date à laquelle la requérante a eu connaissance du jugement. À ma connaissance, la requérante n’a pas demandé une telle autorisation à la Cour, malgré le fait qu’elle avait connaissance du jugement.

 

[17]    GMC a soutenu que le jugement du juge C. Miller devrait être annulé parce que des problèmes de santé avaient rendu M. Cherniak incapable de s’occuper correctement de l’affaire avant août 2008.

 

[18]    L’avocat de l’intimée a soutenu que l’alinéa 171(1)b) des Règles ne s’applique pas à la présente affaire parce qu’il ne vise que les questions interlocutoires. Il a affirmé que la disposition pertinente est le paragraphe 140(2) des Règles. Cette disposition‑là prévoit qu’une partie peut demander à la Cour d’annuler un jugement dans les trente jours suivant son défaut de comparaître. L’avocat de l’intimée a reconnu que ce délai de trente jours peut être prorogé, mais il a dit qu’une telle prorogation n’était pas justifiée dans les circonstances.

 

Principes applicables

 

[19]    Les deux dispositions des Règles invoquées par les parties, l’alinéa 171(1)b) et le paragraphe 140(2), sont ainsi rédigées :

 

171(1) La personne :

 

            […]

 

            b) qui ne se présente pas à l’audition d’une requête pour cause d’accident, d’erreur ou d’avis insuffisant,

 

peut demander, par voie de requête, l’annulation ou la modification du jugement au moyen d’un avis de requête.

 

[…]

 

140(2) Pourvu que la demande soit faite dans les trente jours qui suivent le prononcé du jugement ou de l’ordonnance, la Cour peut infirmer ou modifier, aux conditions qui sont appropriées, un jugement ou une ordonnance obtenu contre une partie qui n’a pas comparu à l’audience, à l’audience sur l’état de l’instance ou à la conférence préparatoire à l’audience.

 

[20]    Habituellement, la demande d’annulation d’un jugement rendu par défaut est fondée sur le paragraphe 140(2) des Règles. Il n’y a aucun doute que le délai de trente jours imposé par cette disposition peut être prorogé (voir Tomas c. La Reine, 2007 CAF 86, 2007 DTC 5178).

 

[21]    Il semble donc inutile d’avoir recours à l’alinéa 171(1)b) pour faire annuler un jugement par défaut, car cette disposition‑là a une portée plus restreinte.

 

[22]    Mis à part les pouvoirs qui lui sont donnés par les Règles, la Cour a le pouvoir inhérent d’annuler un jugement par défaut; voir Farrow c. La Reine, 2003 CCI 885, 2004 DTC 2055. (La situation aurait peut‑être été différente si l’appel avait continué à être instruit sous le régime de la procédure informelle, car, dans un tel cas, il aurait fallu respecter certaines exigences légales; voir Webster c. La Reine, 2007 CAF 203, 2007 DTC 5399, et Dayan c. La Reine, 2004 CAF 75, 2004 DTC 6155.)

 

[23]    La décision rendue dans Farrow permet aussi d’établir les principes qui doivent guider la Cour dans sa décision d’annuler ou non un jugement. Au paragraphe 17 de cette décision, le juge en chef Bowman s’est exprimé de la sorte :

 

[17]      Les principes sur lesquels la présente Cour s’appuiera pour infirmer un jugement par défaut sont analysés plus à fond dans l’affaire Hamel, précitée. Aux pages 117 et 118, le juge en chef Culliton (Saskatchewan) déclare ceci :

 

[TRADUCTION]

 

Le juge d’appel Lamont, dans l’affaire Klein v. Schile [1921] 2 WWR 78, 14 Sask LR 220, énonce les principes sur lesquels une cour, à sa discrétion, s’appuiera pour infirmer un jugement légalement enregistré. Ainsi, à la page 79, il affirme ce qui suit :

 

Les circonstances dans lesquelles une cour exercera son pouvoir discrétionnaire en vue d’infirmer un jugement consigné en toute régularité sont assez bien établies. La demande devrait être déposée dès que possible, après que le défendeur aura pris connaissance du jugement. Toutefois, un simple délai ne fera pas obstacle à la demande, sauf si un dommage irréparable est causé au demandeur ou si le délai est délibéré (Tomlinson v. Kiddo (1914), 7 WWR 93, 29 WLR 325, 7 Sask LR 132; Mills v. Harris & Craske (1915), 8 WWR 428, 8 Sask LR 114). Par ailleurs, la demande devrait être appuyée par un affidavit qui doit énoncer les circonstances dans lesquelles le jugement par défaut a été prononcé et présenter une défense valable (Chitty’s Forms, 13e éd., p. 83).

 

Il ne suffit pas de déclarer simplement que le défendeur dispose d’une défense valable. Les affidavits doivent révéler la nature de la défense et exposer les faits qui permettront à la Cour ou au juge de déterminer s’il y a lieu de présenter une défense à l’égard de l’action en justice intentée (Stewart v. McMahon (1908), 7 WLR 643, 1 Sask LR 209).

 

Si la demande n’est pas déposée immédiatement après que le défendeur a pris connaissance du jugement qui a été consigné contre lui, les affidavits devraient aussi expliquer la raison du délai qui s’est écoulé avant de déposer la demande; de même, si le délai est de trop longue durée, la défense sur le fond doit être clairement établie (Sandhoff v. Metzer (1906), 4 WLR 18 (N.W.T.).

 

[24]    Je me suis aussi appuyée sur la décision plus récente rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans Marché D’Alimentation Denis Thériault Ltée v. Giant Tiger Stores Ltd., 2007 ONCA 695.

 

[25]    Dans son analyse des principes qui doivent être appliqués à la requête visant à reprendre une action qui avait été rejetée pour cause de retard, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné l’importance de ne pas appliquer une série de critères de façon rigide. Comme l’approche moderne qui est généralement appliquée aux questions procédurales, il faut utiliser une approche contextuelle pour décider de la meilleure façon de faire dans la présente affaire (voir le paragraphe 20 de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario).

 

Discussion

 

[26]    À mon avis, la considération primordiale qui doit guider ma décision dans la présente affaire est celle des effets relatifs de ma décision sur les personnes qui seront touchées.

 

[27]    Quoique la requête ait été présentée par GMC, cette dernière ne sera probablement pas touchée. Cependant, l’enjeu pécuniaire est considérable pour M. Cherniak.

 

[28]    Pour ce qui est de l’effet de ma décision sur l’intimée, l’avocat de celle‑ci a dit que l’intimée ne subirait pas un préjudice important si l’appel de GMC était repris.

 

[29]    On pourrait soutenir que l’audience portant sur l’appel de M. Cherniak serait un meilleur forum pour trancher la question de fond qui est en cause dans la présente requête. Toutefois, pour des raisons que je n’ai pas très bien comprises, l’avocat de la requérante a accepté de ne pas contester le bien‑fondé de la cotisation établie à l’égard de GMC lors de l’audition de l’appel de M. Cherniak. Compte tenu de cet accord, ma décision dans la présente affaire pourrait avoir des conséquences importantes pour M. Cherniak.

 

[30]    Je suis très réticente à l’idée de rendre une décision qui priverait M. Cherniak de la possibilité de contester le bien‑fondé de la cotisation établie à l’égard de GMC.

 

[31]    La preuve qui m’a été présentée n’a pas expliqué, du moins, pas autant que je l’aurai voulu, pourquoi GMC avait décidé de ne pas poursuivre son appel. Les éléments de preuve présentés au sujet des problèmes de santé de M. Cherniak ne m’ont pas convaincue qu’il s’agissait là du seul facteur, mais il peut toutefois s’agir d’un facteur contributif. Je note aussi que M. Cherniak avait dit à l’intimée qu’il n’avait pas les moyens d’engager un avocat. Ce manque de ressources financières peut lui aussi avoir été un facteur contributif.

 

[32]    De toute manière, la décision qu’a prise M. Cherniak en 2006 était de ne pas poursuivre l’appel de GMC.

 

[33]    À mon avis, le fait que M. Cherniak n’était pas conseillé par un avocat quand il a pris cette décision‑là en 2006 est significatif. Je ne suis pas convaincue que M. Cherniak comprenait bien toutes les conséquences que sa décision pouvait avoir pour lui.

 

[34]    Pour cette raison, j’ai conclu que la décision la plus appropriée est d’accueillir la requête de GMC et d’annuler le jugement du juge C. Miller.

 

[35]    Pour arriver à cette conclusion, j’ai aussi pris en considération les fondements de l’appel de GMC.

 

[36]    L’avocat de l’intimée a soutenu que l’appel de GMC n’avait aucun bien‑fondé. Selon lui, la question en litige dans cet appel‑là portait sur le droit à des crédits de taxe sur les intrants alors que les exigences documentaires de la Loi n’avaient pas été respectées. L’avocat de l’intimée a affirmé que la jurisprudence est claire à ce sujet, et que l’appel de GMC n’a aucune chance de réussir.

 

[37]    Pendant l’audience, l’avocat de la requérante ne s’est pas prononcé sur le bien‑fondé de l’appel de GMC.

 

[38]    Malgré que la requérante ne se soit pas prononcée convenablement sur la question, je ne suis pas convaincue, compte tenu des informations dont je dispose, que l’appel de GMC n’aurait aucune chance de réussir.

 

[39]    L’appel de GMC avait été interjeté sous le régime de la procédure informelle. L’avis d’appel n’avait pas été rédigé par un avocat, et les moyens d’appel n’y étaient pas exposés clairement.

 

[40]    Dans la réponse à l’avis d’appel de GMC, le ministre avait supposé que la seule question en litige était le droit à des crédits de taxe sur les intrants.

 

[41]    À la lumière des plaidoiries, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit là de la seule question qui était en litige dans l’appel de GMC. Par exemple, le ministre s’était fondé sur l’hypothèse voulant que GMC n’avait pas déclaré ou versé le bon montant de TPS à l’égard de ses ventes (voir l’alinéa 7x) de la réponse à l’avis d’appel). Dans son avis d’appel, GMC semble avoir contesté cette hypothèse‑là.

 

[42]    Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, y compris de l’importance de la somme en litige et de l’accord intervenu entre les parties pour que le bien‑fondé de la cotisation établie à l’égard de GMC ne soit pas contesté dans le cadre de l’appel de M. Cherniak, j’ai conclu qu’en l’espèce, la décision appropriée est d’annuler le jugement par lequel le juge C. Miller avait rejeté l’appel de GMC.

 

[43]    La requête est accueillie.

 

[44]    Pour ce qui est des dépens, la requérante a accepté d’assumer les frais liés à la présente requête. Ce résultat est raisonnable. Les dépens doivent être payés immédiatement.

 

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de mai 2009.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 287

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3115(GST)G

 

INTITULÉ :

GMC Distribution Ltd. et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge J. Woods

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 27 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de la requérante :

Me Donald R. Fiske

Me Sandev S. Purewal

 

Avocat de l’intimée :

Me Brandon Siegal

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour la requérante :

 

Nom :

Donald R. Fiske

 

Cabinet :

Pace Law Firm,

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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